Gamin, Jean de La Fontaine s’est chargé de nous éduquer, avec des fables et des maximes que l’on retrouve toujours, intactes malgré les années, planquées dans un coin de nos têtes. L’une des plus célèbres, se terminait ainsi : “Rien ne sert de courir, il faut partir à point”.
Cette saison, peu d’équipes ne semblent aussi bien incarner cette leçon que les Minnesota Timberwolves.
Bouleversés à la fin de l’été par le départ d’une de leurs stars, Karl-Anthony Towns, ils perdaient un rouage essentiel dans l’équilibre de leur attaque.
Shooteur d’élite, joueur dynamique sans ballon, KAT permettait, même sans toujours justifier son statut de designated player lui ayant permis d’obtenir un contrat en or massif (220M/4 ans), d’ouvrir des espaces pour ses coéquipiers et de poser des problèmes de mismatchs permanents sur le terrain.
En le remplaçant poste pour poste par Julius Randle, il semblait évident que les choses risquaient de se compliquer pour les coéquipiers d’Anthony Edwards. Le début de saison confirma nos craintes.
Pourtant, là où des équipes sortant d’une saison aussi satisfaisante dans leur histoire auraient pu se frustrer et exploser en plein vol après des mois sans trouver leur balance, les Wolves ont visiblement su traverser la crise.
Depuis la fin février, ils apparaissent comme transformés et sont potentiellement une menace sous-estimée à l’approche des Playoffs.
Comme quoi, il suffit de partir à point.
Des Wolves qui ne font plus rire
Sur les 18 derniers matchs*, les Wolves ne ressemblent plus à l’équipe qu’ils ont été durant une bonne partie de la saison. Fini l’attaque qui peine à se trouver, (presque) fini les plantages contre les équipes de bas de tableaux : les victoires s’enchaînent.
Dans ce laps de temps, ils ont gagné 13 de leurs 18 rencontres, possèdent le 3eme net rating derrière l’inusable Thunder et une autre équipe en forme (les Clippers) avec +9,6.
Pour cause, leur défense reste parmi les meilleurs de la ligue (6eme defensive rating), mais surtout, ils sont élite offensivement avec le 3eme offensive rating.
C’est donc offensivement qu’ils opèrent un changement de visage : 12eme avant la série de 18 matchs, c’est un delta de 7pts de plus pour 100 possessions qu’ils marqueront donc ensuite.
Et, pour les hommes de Chris Finch, cela change tout : ils ne peuvent plus être pris à la légère.
Julius Randle est finalement une force
L’arrivée de Julius Randle au sein des Wolves ne s’annonçait pas facile.
Towns était exactement ce dont Minnesota avait besoin pour ouvrir des intervalles en attaque.
Randle en revanche, posait un problème évident de spacing. Shooteur non respecté, zones de prédilection beaucoup plus proches du cercle dans une équipe possédant déjà Rudy Gobert, profil d’efficacité global inquiétant dans une équipe déjà à la peine offensivement l’an passé (17eme offensive rating en 2024), on pouvait pressentir que le coaching staff risquait de se triturer l’esprit pour trouver une formule.
Durant sa carrière, KAT a souvent tourné autour du 75eme percentile à son poste, en termes d’efficacité au tir. Soit parmi le quart le plus efficace. Randle, l’a lui atteint une seule fois, et a très souvent oscillé entre le 6eme (!!!) et le 48eme. Soit dans la moyenne basse de la ligue.
Son régime de tir n’est pas le genre qu’on est supposé encourager. Randle aime attaquer le cercle face au panier en partant de la ligne des 3 pts ou en recevant la balle en mouvement. Et se contente souvent d’un tir difficile à mi-distance.
S’il pouvait donner à l’équipe de l’autonomie dans le scoring, il risquait aussi de créer un certain immobilisme offensif dans un spacing bancal.
Finalement, il a su être un élément clé offensif grâce à des aspects très utiles de son jeu.
Intérieur mobile, adepte du tir à mi-distance, très puissant, il adore martyriser des joueurs plus petits ou des vis-à-vis plus légers en profitant d’un physique de taureau. Bon passeur, il utilise sa puissance poste bas pour déclencher des aides et servir ses coéquipiers.
Il existait donc 2 challenges pour les coachs. Réussir à globalement transformer Randle en un puissant contributeur pour Minnesota. Mais aussi : réussir à l’associer en attaque avec l’ancre défensive de l’équipe : Rudy Gobert.
Un retour fracassant
Absent tout le mois de février, la grosse série des Timberwolves coïncide avec le retour de Randle.
A ce moment, Gobert est absent, et l’intérieur va bénéficier d’un spacing bien plus évident pour lui. Évoluant tantôt dans du small ball, tantôt avec un intérieur-shooteur comme (l’excellent) Naz Reid, il a bénéficié de tout l’espace du monde pour jouer son jeu.
Associé à Anthony Edwards, il devait sanctionner soit par le shoot, soit en 2eme maillon de chaîne (sanctionner à la réception de balle ou par du mouvement sans ballon).
Quand il possède plus de responsabilités balle en main, Randle peut alors apporter quelque chose qui a fait défaut aux Wolves : de la création. Sa capacité à accéder au poste bas et ouvrir des tirs à ses coéquipiers était une des véritable plus-value annoncée de ce dernier.
Entre sa capacité à recevoir la balle et vite la transmettre et sa gravité dès qu’il s’approche de la raquette, sa présence fait très bon ménage associée à de nombreux tireurs à longue distance. C’est basique, mais ça fonctionne.
Pour réussir à contribuer plus, Randle a dû accepter d’évoluer très souvent derrière la ligne à 3pts. Initialement, c’est un problème pour les Wolves puisque Randle est un shooteur plutôt médiocre en catch & shoot (<34% sur les 3 dernières saisons), permettant aux défenses de l’ignorer pour mieux protéger la raquette.
Bien que l’adresse ne soit pas bien meilleure en ce moment (35,1% sur la période ciblée), son activité globale sans ballon est probablement à son niveau le plus élevée en carrière. Ses initiatives à couper vers le cercle, à prendre la défense à défaut en stagnant sur la ligne de fond sont plutôt nouvelles dans la carrière de Randle. Permettant ainsi, aux Wolves, d’améliorer leur spacing et de lui trouver des opportunités de tir.
L’association avec Gobert
Les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là.
Avec cette nouvelle année 2025, Chris Finch semblait tenir le bon bout et était enfin en mesure de commencer à associer Randle & Gobert en trouvant un équilibre offensif régulier.
La solution n’a rien de révolutionnaire en réalité. D’autres équipes ont réussi à associer un non-shooteur et un shooteur moyennement respecté sans trop pénaliser leur attaque. L’exemple le plus documenté étant Aaron Gordon & Nikola Jokic.
Les joueurs ayant néanmoins des jeux différents, voici comment les Wolves procèdent.
Lorsque Randle est responsabilisé balle en main :
- Ils le font partir à 45 degrés, donc pas face au panier (de préférence côté gauche)
- Ils vont vider le côté duquel il reçoit la balle
- Rudy Gobert va de préférence évoluer ligne de fond (donc côté opposé)
Cela permet lorsque Randle attaque son vis-à-vis de créer un dilemme :
- Soit laisser le défenseur primaire se débrouiller, ce qui pose souvent un problème de match-up : il est plus costaud que la plupart des ailiers et plus mobile que la plupart des intérieurs.
- Soit faire venir une aide du pivot, mais prendre le risque qu’une ligne de passe soit trouvée vers Gobert très proche du cercle.
- Ou encore faire venir une aide du pivot mais laisser un shooteur ouvert pour venir couper la passe vers Gobert : donc prendre le risque qu’un tir ouvert ou une coupe soit trouvé.
Prenons l’exemple ici. Les Wolves génèrent un mismatch en associant Edwards et Randle. Edwards a permis à Randle de se trouver face à Christian Braun, beaucoup plus petit. Il peut alors partir de la ligne à 3pts et l’attaquer.
Denver a alors le choix entre :
- Laisser Braun défendre sur Randle sans l’aider (ce qu’ils vont faire)
- Faire venir Jokic en aide en espérant qu’il arrive à couper la ligne de passe pour Gobert (c’est une option car Jokic a de bonnes mains)
- Faire venir Jokic en aide et utiliser un joueur en périphérie (probablement Westbrook ici) pour surcharger la passe vers Gobert (mais de fait, laisser McDaniels ouvert à 3pts : choix risqué)
Au final, Jokic ne va pas vraiment aider et Randle obtient un lay-up facile.
L’autre possibilité, est de servir Randle durant l’action, comme un second maillon de chaîne, souvent à mi-distance. Dans ces configurations, les 2 joueurs ont finalement réussi à trouver une alchimie depuis le début d’année. Randle est devenu excellent pour trouver Rudy lorsqu’il entre en mouvement, rappelant d’ailleurs, celle que Towns avait avec le pivot français.
Résultat, sur 659 minutes partagées en 2024, la paire Randle – Gobert avait un offensive rating de 110,5.
Depuis le début d’année 2025 et 502 minutes en commun, leur offensive rating est passé à 118,7.
Et l’ensemble de ces évolutions se ressent sur l’efficacité de l’ex-Knick passé de 57,8% de True Shooting à 62,5.
Conclusion
Les Wolves ont réalisé un changement contraint l’été dernier, et non sans risque : évacuer l’énorme contrat de Towns.
Les Knicks furent les plus offrants et Minnesota a accepté malgré les difficultés apparentes d’une association Randle – Gobert.
Il était naturel d’imaginer que les débuts seraient difficiles et, sans réelle surprise, nous avons vu Minnesota reculer dans la hiérarchie de la conférence Ouest.
Pour autant, le rebond qu’ils opèrent est spectaculaire car ils n’ont réalisé aucun changement à la trade deadline qui aurait permis d’afficher un autre visage à la façon des Warriors avec Jimmy Butler.
Si bien sûr, cette bonne marche globale ne peut se résumer à un Julius Randle mieux utilisé, il est assez certainement le principal déclencheur de cette nouvelle fraîcheur des Timberwolves.
On aurait aussi pu parler du long travail d’Anthony Edwards pour changer son régime de tir et ouvrir le jeu, de l’intégration de Donte DiVicenzo (autre transfuge de l’éte dernier) qui lui aussi se montre sous son meilleur jour à l’approche des Playoffs.
Mais ces autres points clés, nous aurons sans doute le temps d’en parler durant la post-saison.
*article rédigé et statistiques arrêtées le 05/04/2025