28%. Les audiences NBA aux Etats-Unis ont baissé de 28% par rapport à l’année dernière, à la même époque. Si l’on dézoome encore, les audiences ont même amorcé une baisse lente mais significative année après année depuis 2012 (-48 %). Pourquoi ? Et quelles seraient les solutions concrètes pour enrayer ce phénomène ?
Cet article est numéro d’équilibriste, puisque personne ne détient véritablement les clés pour expliquer les raisons derrière ces chiffres que vous avez tous lu ces dernières semaines. Ni le board de la NBA. Ni les franchises. Ni les fans. Ni vous. Ni moi, du coup.
Tout le monde en parle, mais il n’y a pas de réponse universelle ou d’éléments objectifs de mesure. Oui, les audiences baissent. C’est indéniable. Pour quelle(s) raison(s) ? On n’en sait rien. Par contre, je peux vous proposer des pistes de réflexion et les argumenter.
Les causes potentielles du problème
Gros ventre mou en mi-saison
Je crois que j’ai compris le problème. Au moins, mon problème. 82 matchs de saison régulière, c’est trop long. Vous allez me dire, « mais Théo, ça fait plus de soixante-quinze ans qu’il y a 82 matchs de saison régulière, pourquoi ça lasserait les gens maintenant et pas avant ? ». Selon moi, la réponse tient en trois mots : la conférence Est.
Si l’on regarde le classement actuel à l’Est, on peut se demander : à quoi ça sert de jouer les 45 matchs qui restent ? Sauf longues blessures, tout le monde sait que les cinq premiers seront, dans le désordre : Cavs, Celtics, Bucks, Knicks et Magic. Puis le Heat se battra avec les Pacers et les Hawks pour les places 6 à 8. Puis, un grand écart de niveau avec le tiers du dessous. En effet, les Bulls et les Pistons devraient se retrouver en play-in sans même forcément le vouloir, mais ce juge de paix du play-in sera vraisemblablement trop élevé. Enfin, les dernières équipes. Soit elles tankent ouvertement, soit elles sont trop limitées pour gagner des matchs. Dans tous les cas, ça revient au même. La seule inconnue de toute la conférence, ce sont les Sixers. Leur éventuelle remontée décalera ainsi toutes les équipes d’un rang vers le bas.
Les différents tiers entre les équipes sont ultra marqués, près de la moitié des franchises se battent pour avoir un bilan moins bon que leur concurrent. Les joueurs eux-mêmes ont l’air parfaitement conscient de l’existence de ces tiers. Bilan : les fans s’emmerdent et les observateurs neutres se désintéressent majoritairement des équipes de l’Est. Du coup, si l’on connait déjà le scénario, pourquoi s’embêter à regarder le film ? Surtout si ce film s’étire sur plus de quarante, cinquante ou soixante rencontres.
Depuis que le fossé Est-Ouest s’est accentué, les audiences ont chuté. Ce n’est pas anodin. L’inconvénient majeur de la conférence Est, c’est le statuquo des places et des dynamiques des équipes une fois que l’on a passé la phase de rodage et d’ajustements de 20 à 30 matchs joués. Plus rien ne bouge jusqu’au mois d’avril, sauf des petits changements à la marge. Le ventre mou de la saison régulière dure désormais plus de la moitié du temps, et il donne l’impression grignoter du terrain d’année en année.
La conférence Ouest, c’est différent. Les classements sont ultra serrés depuis l’introduction du play-in, et le niveau entre les onze ou douze meilleures équipes de la conférence est très homogène. Je ne dirais pas que chaque match compte à la fin, mais une série de cinq victoires ou de quatre défaites d’affilée n’a pas le même impact qu’à l’Est. En fait, il a un impact tout court. Il y a un intérêt à regarder les matchs. Les notions de performances et de dynamiques individuelles comme collectives gardent de l’importance. Cela se voit dans les palmarès depuis 2012 : 8 MVP à l’Ouest contre 4 à l’Est, 7 champions à l’Ouest contre 5 à l’Est.
Pourtant, le niveau réel entre les meilleures franchises de l’Est et les meilleures franchises de l’Ouest est similaire. Le problème est toutefois ailleurs : déjà, c’est une question globale de perception et d’impressions, bien davantage que de réalité, et surtout le niveau à l’Ouest est tiré par le haut, puisque les 4/5ème des équipes se battent pour obtenir le meilleur classement possible ; alors qu’à l’Est, le niveau est tiré vers le bas par les cancres qui caractérisent près de la moitié de la conférence. Cela entretient un narratif comme quoi « L’Est est nul », à tort comme à raison, ce qui coupe l’envie de regarder les dizaines de rencontres situées entre l’introduction de la saison et le sprint final de la régulière.
Le recul de niveau de la conférence Est me semble être la cause la plus importante qui puisse expliquer la baisse significative d’audiences. Pour autant, comme évoqué en introduction, difficile de se montrer catégorique puisqu’il n’existe pas de raisons officielles ni d’études à proprement parler qui puissent nous éclairer. Nous pouvons seulement conjecturer.
D’ailleurs, en parlant de conjecture …
Le déclin des superstars américaines des années 2010 …
Eh oui. Déjà, il convient de scinder en deux les monstres sacrés et les « simples » superstars des années 2010. Il n’y a que trois monstres sacrés (LeBron James, Kevin Durant et Stephen Curry). Il y a un paquet de superstars américaines (Westbrook, Harden, Paul George, Kawhi Leonard, etc.) Tous ont décliné.
Les joueurs sont plus attirants que le produit qui les abrite : même si la NBA est une marque forte, des noms comme LeBron James ou Stephen Curry le sont davantage. La ligue survivra à leur retraite, mais ces joueurs emporteront avec eux des dizaines de milliers de fans déçus, qui étaient/sont/seront davantage passionnés par des joueurs que par le sport en lui-même. Leur déclin prononcé, amorcé depuis 2021 environ, a planté de nouveaux coups dans le cercueil des audiences NBA.
Malheureusement, cette baisse de niveau à un impact important sur l’ensemble de la ligue. Le joueur américain n’est plus le plus dominant, il n’est plus la terreur qu’il était autrefois. Le spectateur moyen américain est déçu et se tourne ainsi vers d’autres sports, comme le baseball ou le football américain, dans les lesquels les joueurs Américains sont toujours au sommet. Même si ça peut paraitre stupide, c’est toujours de cette façon que les audiences nationales fonctionnent. Par exemple, pour prendre un exemple français, les audiences de France Télévisions sont toujours meilleures à Roland-Garros et au Tour de France lorsque les Français performent bien. L’effet « domicile » couplé à des bonnes performances boostent les audiences. Les Américains n’ont plus vu un MVP depuis 2018 par exemple. Par lassitude, ils délaissent le basket.
…et la prise de pouvoir de superstars étrangères, au détriment d’autres américaines
Si les superstars américaines des années 2010 ont décliné, elles n’ont pas été remplacées par d’autres, qui auraient dû être les visages de la ligue dans les années 2020. Je vois cinq noms, cinq franchise player américain nés entre 1996 et 2000 qui n’ont, pour des raisons diverses, pas su ou pas pu se mettre au niveau de leurs ainés d’un point de vue du terrain et/ou du hors terrain.
- Devin Booker : Giannis et Luka l’ont assassiné. Si l’on dézoome, si les séries contre les Bucks en 2021 puis celle contre les Mavs en 2022 tournent en sa faveur, on parle sans doute différemment de leader des Suns. Depuis, quelque chose s’est cassé. Leadership, appréciation du public et des médias, impression de domination, etc. Booker a sombré et amené l’ensemble de l’Arizona avec lui.
- Jayson Tatum : On ne peut même pas dire qu’il est mauvais individuellement ou que son équipe sous-performe collectivement, mais ce n’est vraisemblablement pas suffisant. Peut-être trop smooth, on ne décèle pas dans son jeu ou dans son attitude les qualités pour être le visage de la ligue ou le meilleur joueur américain un jour. Tatum est une superstar, et c’est pour l’instant déjà très bien. À lui de faire mentir tout le monde. Probabilité de devenir un jour le visage de la ligue : 15%.
- Trae Young : joueur d’éclat dans un collectif sans éclat. Voilà son résumé depuis sa draft. Le fait d’être sans cesse comparé à un joueur meilleur que lui le dessert (Luka Doncic). On a du mal à prendre Trae Young et son équipe au sérieux. Au mieux, ils sont des poils à gratter de la plus faible des deux conférences. Sa petite taille le dessert aussi dans l’inconscient collectif. Il a prouvé des choses individuellement, mais ses accomplissements sont très loin du compte et très loin des autres superstars actuelles. Ce n’est peut-être pas ce joueur.
- Zion Williamson : il avait toute la hype du monde à son arrivée en 2019. « Nouveau LeBron », il n’a jamais su confirmer car trop souvent blessé, des problèmes de poids et d’attitude. Zion n’a d’ailleurs jamais joué les play-offs. Sa franchise et lui ne sont plus du tout au cœur de l’actualité. C’est sans doute le plus grand gâchis des cinq, puisqu’il avait simplement besoin d’être très bon et régulier pour que tout le monde s’enflamme. Même ça, il n’a pas réussi à le faire. Alors l’exceptionnel, n’en parlons pas.
- Ja Morant : le suicide inattendu. Ekko disait de Jinx, «I used to have a crush until you started talking to the gun ». On pourrait faire un constat similaire ici. Ja avait volé l’ensemble de la hype de Zion, ses Grizzlies progressaient furieusement bien, mais il a déconné. Le genre de boulette qui peut enterrer des carrières. Le train de la hype est resté à quai plus d’un an finalement, et il ne redémarre que depuis quelques semaines. Ses affaires extra-sportives l’ont fait passer pour un demeuré (désolé du terme), à des années lumières d’un potentiel visage du basket américain et de la NBA.
Ces cinq joueurs sont excellents, ne l’oublions pas, mais il y a meilleurs qu’eux. Tout simplement. Les extraterrestres s’appellent Jokic et Giannis. Les autres superstars comme Embiid, Doncic ou Shai sont juste plus dominantes. Pour les Américains, il n’y a actuellement pas grand-chose à faire pour espérer remporter des awards individuels majeurs. Ce qui n’est pas un problème en soi le devient en termes d’audiences américaines, puisque la NBA est une ligue américaine, créée à l’origine pour les basketteurs américains. L’internationalisation était le sens de l’Histoire, mais elle a éloigné la cible première de la NBA (les consommateurs américains) du produit.
En effet, c’est peut-être une question culturelle (les audiences footballistiques anglaises par exemple ne baissent pas malgré la très internationale Premier League), mais les Américains sont moins captivés par le fait qu’une ligue dominée dont son top 1% est composée des Slovènes, Serbes, Camerounais, Grecs, etc, qu’uniquement par des Américains comme jusqu’à il y a dix ans.
Disparition des rivalités
Du haut de mes 27 ans, je ne vais pas faire l’OG. Je n’ai pas connu les rivalités mythiques Celtics-Lakers, Pistons-Bulls, Cavs-Warriors ou encore Knicks-Pacers. En revanche, je déplore le manque de rivalités entre les joueurs et entre les équipes. Tous les joueurs, hormis de rares exceptions comme Giannis ou Doncic, ont tous l’air copains-copains et d’appartenir à une immense fraternité. Dites-moi, lorsque le calendrier NBA est dévoilé, en dehors des matchs de votre franchise, combien de rencontres de saison régulière vous encerclez au marqueur rouge ? De moins en moins. Le constat est terrible. Plus aucun match de saison régulière ne provoque ne serait-ce qu’un frémissement rien qu’en y pensant. Sixers-Nuggets ? Embiid sera sans doute absent. Lakers-Celtics ? Sans plus de saveur. Clippers-Lakers ? La hype est partie depuis 2-3 ans. Celtics-Bucks ? Gros match, mais pas un must-see non plus. Knicks-Nets ? On n’est plus en 2021. Thunder-Nuggets ? « Match de puristes » qu’on vous répondra. Etc.
Vous pouvez me traiter d’aigri, c’est pourtant la triste réalité. La NBA en tant que produit ne parvient plus à marketer correctement les grosses affiches et à susciter une attente chez le fan neutre. La dernière vraie rivalité, c’est entre les Suns et les Mavs, et plus particulièrement entre Booker et Doncic. Pour autant, est-ce un affrontement immanquable ? Non.
Les joueurs ont désacralisé la saison régulière, au point que plus grand-chose n’a d’importance. Victoire, défaite, au fond, peu importe. Pour une franchise, un bilan de 44-38, de 46-36 ou de 48-34 est moins marquant qu’un joueur de la même franchise qui passe de 30 à 35 points par match en moyenne ou qu’un joueur qui finit la saison à 45% de réussite à 3 points sur un beau volume. Les statistiques individuelles ont finalement remplacé les rivalités entre les équipes et, si les chiffres sont une formidable porte d’entrée pour les néophytes et un sujet d’analyse presque infinie pour les « experts », ils laissent les fans intermédiaires un peu sur le carreau.
Ces fans ne veulent pas qu’on leur vende le match suivant comme une bataille entre deux gros shooters ou deux grands scoreurs, mais comme un affrontement entre deux équipes qui ont toutes les deux un intérêt à remporter la rencontre. L’enjeu palpable se dilue au travers de statistiques individuelles. Et cela peut expliquer en partie certaines baisses des audiences.
Manque de moments marquants en play-offs
Le dernier point. Le clou final du cercueil. Attention, je ne dis pas qu’on n’a pas vu de grandes séries de play-offs sur les cinq dernières années. Cependant, si vous pensez séries vraiment marquantes, qu’est-ce qui vous vient spontanément en tête ? Nets-Bucks 2021, sans conteste la meilleure série des cinq dernières années ; Celtics-Bucks 2022 ; Nuggets-Wolves 2024 ; Celtics-Heat 2023 ; Suns-Mavs 2022. Je pourrais vous en citer une ou deux en plus en mesure de faire le cut, mais c’est bien tout. C’est trop peu.
Je ne dis pas que le niveau global a baissé, mais plutôt qu’à l’ère de l’ultra numérique et du fameux League Pass où toutes les possessions de toutes les rencontres sont accessibles, nous devenons tous plus exigeants. Notre curseur d’exigence a augmenté. Nous ne sommes plus facilement impressionnés. Ce qui était auparavant considéré comme une bonne série de play-offs dans les années 90 ou 2000 est désormais oublié dans la semaine qui suit, au profit d’une autre actualité plus chaude. Qui sera elle-même oubliée la semaine d’après. Le fan NBA est devenu un consommateur, et comme tous les consommateurs, il n’a envie que de la crème de la crème. En régulière et surtout en play-offs. Sinon, il zappe. Et ce ne sont pas les scores des dernières finales NBA qui me feront mentir.
Un produit haché et déséquilibré
Cela n’entre peut-être pas directement dans les causes, donc c’est pour ça que je ne l’aborde que maintenant, mais clairement ça a un impact négatif sur l’UI de ce produit qu’est la NBA : la publicité à outrage et les matchs à rallonge. Une pub ou une énième review d’une action litigieuse, c’est une occasion supplémentaire pour le fan NBA de quitter ESPN, TNT ou que sais-je, de zapper…et de ne jamais revenir sur le match.
Enfin, le penchant très clair pour le jeu offensif au détriment de la défense peut en lasser plus d’un. Ce n’est pas seulement la faute du « 3 points », c’est un problème bien plus large que ça. Les fans NBA ont de moins en moins envie de regarder des parodies de rencontres, des All-star game sans un parquet rempli de stars, plusieurs soirs d’affilée. Comme dans tout jeu, s’il y a un déséquilibre clair, c’est moins intéressant à jouer et à regarder.
Quelles sont les solutions possibles ?
Une fois encore, impossible de se montrer ferme et définitif. Aucune des trois solutions que je m’apprête à proposer ne garantit à coup sûr une remontée des audiences américaines. Personne ne détient la boule de cristal. En revanche, ces solutions pourraient y participer.
La réforme profonde du calendrier
Ce que je vais dire ne va pas plaire à tout le monde, mais c’est la vie. Adam Silver s’est toujours voulu précurseur pour initier des changements majeurs. Je pense qu’il est temps. Temps de quoi ? De supprimer le format des deux conférences et de réduire drastiquement le nombre de matchs. Pourquoi ?
Déjà, point mineur, la nouveauté attire l’œil et intéresse les suiveurs. Le play-in et le final four de la NBA cup ont été davantage suivis que des matchs de saison régulière lambda. Parce qu’ils avaient un enjeu réel et qu’il y avait ce frisson de la nouveauté.
Ensuite, réduire le nombre de matchs, par exemple au simple format aller-retour, c’est-à-dire 58 matchs dans un schéma avec 30 franchises, rendrait chaque rencontre excitante. Il n’y aurait plus de ventre mou, ou alors il serait bien plus court. La saison régulière ne connaitrait plus de temps mort. Un début de saison raté ? Il faudra cravacher dès aujourd’hui pour remonter. Il n’y aura plus de marge pour personne. Paradoxalement, moins de matchs NBA rendrait le produit plus attractif pour les fans. Même si, bien sûr, ce serait difficile à mettre en place pour des histoires de contrats télévisés.
Puis, supprimer les conférences et les divisions annulerait l’avantage compétitif d’être à l’Est. Toutes les franchises seraient sur un même pied d’égalité. La poule unique possède des défauts, mais ceux-ci sont atténués si toutes les équipes se rencontrent et le même nombre de fois. Nous l’avons observé cette année avec le nouveau format de la ligue des champions de football, une poule unique augmente le drama et l’enjeu.
Dans cette optique, il faudrait logiquement passer dans un format 1-16 pour les play-offs, ce qui donnerait des séries inédites à tous les niveaux, et une plus grande chance de retrouver les deux meilleures équipes en finales NBA. Non pas la meilleure équipe de l’Est contre le survivant de l’Ouest.
Le play-in pourrait lui aussi être conservé. Ce n’est pas incompatible. Comment ? En qualifiant par exemple les quatorze premiers en play-offs, et en faisant le play-in entre les places 15 à 18. Instaurer un tel format ferait remonter directement les audiences.
La montée en puissance de superstars américaines
Vous en conviendrez, il s’agit d’un point beaucoup plus aléatoire puisqu’une nouvelle fois personne n’est devin. Mais des noms comme Cooper Flagg, Paolo Banchero ou surtout Anthony Edwards sont en mesure de devenir un jour des visages de la grande ligue et d’incarner la bannière étoilée dans le cœur des Américains. Bien sûr, comme on l’a vu avec les stars américaines de la génération précédente, rien ne sera facile, mais ils représentent un espoir. Imaginer une finale NBA dans deux ou trois ans entre le Magic et les Wolves ne relève pas de l’improbable.
Les fans américains resteront quoi qu’il arrive majoritaires à suivre la NBA. D’ailleurs, lorsqu’il est question d’une baisse ou d’une hausse d’audiences, c’est sur le territoire national. Pas ailleurs. Ces fans américains ne demandent qu’à s’enflammer, mais pour cela ils doivent avoir face à eux des joueurs représentent leurs standards d’excellence : audace, aura, hype, talent, narrative, classe, des résultats collectifs comme des grosses performances individuelles, etc.
Attention, je ne dis pas que les audiences resteront en baisse si des superstars non-américaines continuent de régner sur la ligue. Il n’y aura pas nécessairement un Messie qui va arriver et tout régler. Ce n’est pas ça. Ce que je dis, c’est que les Wembanyama, Doncic, Jokic, Giannis, etc., ne recevront pas autant d’engouement de la part du fan américain lambda, par rapport à n’importe quelle superstar américaine pour des exploits similaires. Repensez à la hype stellaire de Zion Williamson en 2019, son premier match face aux Spurs, etc. Son ultra médiatisation semblait être une bonne chose pour le produit qu’est la NBA. Sa non-ascension a l’air d’avoir eu un impact bien plus global que sa seule personne et sa franchise.
Si l’on prend du recul, on a l’impression persistante que ce trône de “nouveau visage américain” est vacant. Que la nature a horreur du vide et que ça a un impact (certes difficilement quantifiable) sur les audiences américaines.
Un marketing inspiré
On le sait, la NBA est très forte en marketing…quand elle le décide. Ces dernières années, les têtes pensantes de la NBA se sont un peu endormies : création de coupe un peu inutile avec des parquets flashy douteux, final four ennuyeux à Vegas, perte d’importance de certains moments clés de la saison (MLK day, match de Noël), affiche sans saveur pour les rares matchs délocalisés à Paris ou à Mexico, tâtonnement de format au niveau du All-star game, etc. Il n’y a plus de bonnes idées ou des coups malins pour faire parler d’eux de manière positive. Il est temps d’y remédier.
Déjà, le plus simple, en remettant les rivalités au goût du jour. Il y a match entre les Knicks et les Nets demain ? Tout New York et toute la ligue doivent le savoir. Comment ? Affiches promotionnelles décalées, interviews de fans et de légendes, vidéos inside pour faire monter la pression, un parquet spécial, un maillot spécial, un ballon spécial, etc. Je ne sais pas. Tout faire en tout cas pour montrer que c’est plus qu’un match, et non juste une énième rencontre de saison régulière sans importance. Faites pareil avec les Celtics et les Lakers ou entre les Bulls et les Pistons par exemple.
Les meilleurs ambassadeurs de la NBA, ce sont les fans. C’est aux franchises et à la ligue d’initier des choses dans leur sens. On peut par exemple noter la très bonne idée des Detroit Pistons, lors du #WorldBasketballDay, le 21 décembre dernier. La franchise a désigné des maillots spéciaux aux couleurs de ses fans à travers le monde. Il y a eu des maillots spéciaux aux couleurs de la Corée du Sud, du Ghana, de la France, de l’Inde, du Pakistan, de la Belgique, du Nigéria, du Brésil ou encore du Kenya. Une initiative qui a ravi les fans de la franchise et fait plaisir plus globalement à tous les fans NBA du monde entier.
lnstagram des Detroit Pistons
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La NBA est très loin de mourir, sa santé financière reste excellente (un deal colossal de 76 milliards de dollars sur 11 ans pour ses nouveaux droits TV vient d’ailleurs d’être signé), mais ces chiffres en baisse traduisent quand même d’un certain ras-le-bol de la part des fans américains. Un ras-le-bol indéniable mais difficile à expliquer par des raisons précises. Ce dont nous avons je crois tous conscience, c’est qu’il y a définitivement des choses à changer et à faire évoluer. Certaines sont faciles à faire (marketing, rendre le produit moins haché, encore moins de load management), d’autres sont plus aléatoires (évolution du jeu, émergence de stars américaines), tandis qu’une réforme du calendrier serait un véritable séisme. Si les causes réelles sont dures à identifier, y répondre l’est tout autant.
Enfin, il ne faut pas oublier que nos façons de consommer de la NBA sont très différentes d’il y a dix ans ou d’il y a vingt ans. Nous ne sommes plus obligés de tout regarder à la télévision. Certains fans américains restent des adeptes du médium, mais beaucoup d’autres consomment de la NBA à travers des highlights YouTube par exemple ou surtout grâce au très complet League Pass. Ces moyens de streaming qui se sont développés et perfectionnés dans la décennie 2010 fractionnent les audiences télévisées, ce qui accentue à tort la crise d’audience que traverse la NBA.