Juste avant Noël 2023, nous nous étions penchés sur une bien vaste question : quel est le profil type du franchise player du champion NBA ? En étudiant la Ligue et son évolution depuis 1947, nous sommes parvenus à la conclusion selon laquelle ce joueur était le plus souvent un pivot, âgé autour de 28 ans et présent en NBA depuis un peu moins de 8 années. Pour rappel, nous avons considéré comme étant le “franchise player” le meilleur joueur de l’équipe sacrée championne au cours des playoffs de l’année considérée.
Si ce profil-type est évidemment évolutif, en raison des fluctuations inhérentes à la Ligue et au jeu qui y est déployé, force est de constater que notre recherche n’était pas tout à fait complète. Et pour cause, nous n’avions pas abordé la thématique des statistiques de ces 77 athlètes, qui sont devenus 78 entre temps, avec le sacre des Celtics 2024, version Jayson Tatum et Jaylen Brown. Ce manque, tâchons de le combler aujourd’hui, près d’une année civile plus tard, en nous concentrant majoritairement sur les statistiques brutes. Qui sait, peut-être que dans un an, un article sur les statistiques avancées d’un franchise player pourrait voir le jour !
Le scoring du franchise player
Le nombre de points du franchise player
Les statistiques brutes ne sont évidemment pas une fin en soi et se révèlent même parfois être peu parlantes. Difficile, toutefois, de dresser le portrait statistique du franchise player historique sans les évoquer. Opérons dans l’ordre le plus classique, en commençant par l’aspect le plus fondamental de notre sport : marquer des points.
Aujourd’hui, il nous paraît impensable que le meilleur joueur du champion NBA ne soit pas un scoreur boulimique. Nul n’imagine qu’une équipe construite autour d’un pivot défensif et antivax puisse remporter le titre NBA en 2025. Et pour cause, depuis le passage au XXIème siècle, le franchise player, au cours de la campagne de playoffs qui l’a vu soulever le Larry O’Brien Trophy, inscrit en moyenne 26,78 points par match.
Attention, il n’en a pas toujours été ainsi, loin de là ! Les premiers balbutiements de la Grande Ligue faisaient en effet la part belle à ces intérieurs avant tout défensifs et cela se ressent naturellement sur la moyenne au scoring. Si George Mikan était, au tournant des années 1950, un attaquant extraordinaire (30,3 points sur sa campagne victorieuse en 1949, 31,3 l’année suivante), il est le seul joueur a avoir dépassé la barre symbolique des 30 points jusqu’à… Kareem Abdul-Jabbar en 1980 ! Soit 3 occurrences sur les 34 premières années de la Ligue. À titre de comparaison, trois joueurs affichent a minima une telle moyenne de points depuis… 2019 (Kawhi Leonard en 2019, Giannis Antetokounmpo en 2021 et Nikola Jokic en 2023). La tendance est donc à l’inflation offensive.
Revenons au noir et blanc. En cette époque, il était même fréquent que le franchise player n’inscrive pas 20 points par rencontre. Ceci est arrivé à 18 reprises depuis 1947 et une seule fois depuis 1990. En réalité, cela arrivait la moitié du temps au cours des 25 premières années de la NBA. Bien entendu, Bill Russel en est le principal responsable, lui qui a été considéré comme le franchise player des Celtics à 9 reprises. Or, il n’a marqué 20 points de moyenne sur une campagne complète que deux fois : 22,4 en 1962 et 20,3 en 1963.
Il n’est toutefois pas le seul. Parmi ces grands joueurs peu adeptes du scoring à outrance, l’on trouve également Connie Simmons (17,1 points en 1948), Arnie Risen (19,5 points en 1951), Bill Walton (18,2 points en 1977), Magic Johnson (17,4 points en 1982, 17,5 en 1985 et 19,9 en 1988), Isiah Thomas (18,2 points en 1989) ou Tony Parker (17,4 points en 2014).
Évoquons désormais les franchise player qui ont, comme Mikan ou Abdul-Jabbar, claqué au moins 30 points de moyenne pour mener leur équipe au titre. Il s’avère que c’est arrivé 17 fois et que les regards doivent se tourner vers la période de 11 années qui sépare 1991 et 2001. En cette période, Michael Jordan a longtemps fait sa loi (jamais en dessous de 30,7 points sur ses 6 campagnes victorieuses) et a été suppléé par Hakeem Olajuwon (33 points en 1995) et Shaquille O’Neal (30,7 points en 2000 et 30,4 en 2001). Sur ces 11 années, la barre des 30 points a sauté à 8 reprises, soit 72,7 % du temps. Le pourcentage pour les 67 autres années ? Seulement 13,4 % !
En raison de ces fluctuations, le franchise player inscrit en moyenne la bagatelle de 24,66 points par match, sur l’ensemble de la campagne victorieuse de Playoffs. En guise de comparaison, sachez qu’à l’heure de la rédaction de ces lignes, ce total est dépassé par 14 joueurs au cours de la saison régulière 2024-25.
Terminons le focus sur le nombre de points inscrits en parlant des records en la matière, qui ne cachent aucune surprise si vous avez lu ce qui précède. La plus faible moyenne de points sur une postseason est l’œuvre du Bill Russel de 1964, qui n’inscrivait “que” 13,1 points par soir. À l’inverse, la plus haute moyenne revient au Michael Jordan de 1993 et ses 35,1 points par rencontre. Sa campagne de l’année précédente occupe la seconde position (34,5 points / match) tandis qu’Olajuwon 1995 grimpe sur la dernière marche du podium.
L’efficacité au tir du franchise player
Dans le microcosme NBA, qu’il soit français ou américain, l’efficacité au tir est aujourd’hui présentée comme une variable fondamentale. Et pour cause, il est toujours préférable d’inscrire 20 points en prenant 10 tirs qu’en dégainant à 18 reprises. Ainsi, au-delà d’être un scoreur de volume, le franchise player se doit souvent d’être un scoreur efficace. Pour traiter de cette thématique, nous allons recourir à une statistique avancée désormais bien connue, le true shooting percentage.
Il s’agit d’une statistique, issue d’un calcul plus ou moins alambiqué, qui permet d’avoir une vue d’ensemble de l’efficacité d’un joueur, tout en tenant compte du type de tir tenté. En somme, par le truchement du TS%, le mid range, le trois points et le lancer-franc, qui ne présentent pas le même degré de difficulté, ne sont pas placés sur un pied d’égalité, comme c’est le cas avec le field goal percentage, par exemple.
Pour que cela soit plus parlant, indiquons immédiatement le TS% moyen des 78 franchises player analysés. Il s’élève à 54,23 %. Il s’agit peu ou prou de celui de Jayson Tatum en 2024 (54,9 de TS%), de Kevin Garnett en 2008 (54,2 de TS%) ou de Michael Jordan en 1998 (54,5 de TS%). Pour être tout à fait basique, un TS% supérieur à 60 témoigne le plus souvent d’une excellente réussite au tir.
Le constat est celui d’une inflation notable de l’efficacité des franchises player. Il faut ainsi attendre 1954 (George Mikan, encore lui !) et la 8ème saison de la Grande Ligue pour que le meilleur joueur du champion NBA atteigne la barre des 54,23% de true shooting, qui constitue aujourd’hui la moyenne. La seconde fois ? Wilt Chamberlain en 1967. Soit 2 occurrences au sein des 21 premières années de la Grande Ligue (9,52 % du temps). En guise de comparaison, sachez que sur les 21 dernières années, cette efficacité est dépassée à 17 reprises (81 % du temps). L’inexistence du tir à trois-points avant la fin des seventies explique en partie ce constat, car ce génotype de tir est valorisé au sein du calcul de la statistique. La poutre dans l’œil des tireurs l’explique également.
Illustrons cela avec un exemple concret. En 1947, Joe Fulks mène les Warriors à la victoire finale et inscrit 22,2 points de moyenne. Pour atteindre ce total, il a eu besoin de 25,7 tirs à deux points et 9,4 lancers-francs. Tim Duncan, en 2007, a lui aussi inscrit 22,2 points par match lors de la quatrième campagne victorieuse des Spurs. Le hasard fait qu’il n’a pas pris le moindre tir à trois points de l’ensemble des playoffs. Il lui a donc fallu 16,7 tirs à deux points et 7,5 lancers-francs pour y parvenir, soit un TS% de 55,6%. Pour Joe Fulks ? Le TS% s’élève à un dramatique 37,2%, ce qui fait de l’ailier-fort le pire joueur en la matière sur notre échantillon, juste devant Bill Russel en 1964 (40,6%) et Bob Cousy en 1957 (40,9%).
Pour faire écho à nos explications ci-dessus, l’on constate que le TS% connaît une hausse sensible à partie de 1980. Ce n’est pas un hasard : le premier panier à trois-points a été inscrit en NBA le 12 octobre 1979. L’introduction de la ligne primée a ainsi accru le chiffre. Néanmoins, nous le savons, le tir lointain n’était longtemps guère popularisé. Son existence n’explique donc pas, à elle seule, l’accroissement de l’efficacité des franchises player.
Force est néanmoins de constater que depuis 1980, seul le Isiah Thomas de 1989 affiche un TS% inférieur à 50. Cela représente donc un cas sur 45 saisons, soit 2,22 % du temps. On retrouve 15 occurrences d’un tel TS% avant 1980, en 33 saisons, soit 45,5 % des campagnes de playoffs. La réciproque est également vraie. Avant 1980 et le sacre des Lakers de baby Magic, il fallait se lever tôt pour trouver un true shooting supérieur à 60. Et pour cause, ce n’est jamais arrivé. Depuis lors ? On en trouve trace à 15 reprises, dont 8 depuis 2011.
Effectivement, si une telle efficacité se constate dans les eighties (Abdul-Jabbar 1980, Magic 1982, 1987, 1988, Bird 1984, 1986), l’explosion des analytics et du tir primé a entraîné un accroissement inédit du TS% depuis une grosse dizaine d’années. Avec Stephen Curry, Nikola Jokic ou LeBron James comme moteur, la statistique s’est envolée vers des sommets jusqu’alors inexplorés : 65,9% pour le meneur des Warriors en 2017, 64,9% pour l’ailier des Lakers de la bulle, 63,1% pour le pivot des Nuggets en 2023 et même 61,9% pour le Kawhi Leonard version Raptors en 2019. Ce sont les 4 marques les plus hautes de l’Histoire pour un franchise player en Playoffs.
Ainsi, hormis l’exception des années 1980 et de ses différentes superstars à l’efficacité remarquable, le TS% a augmenté chaque décennie depuis la naissance de la Grande Ligue, passant de 47,66% pour la première décennie de l’Histoire à 60,64% depuis 2020. Cette augmentation se constate encore aujourd’hui, puisqu’après 25 matchs de saison régulière, le true shooting percentage moyen, selon basketball-reference, est de 57,4%. En somme, à l’instar des franchises player, l’ensemble de la Ligue devient de plus en plus efficace.
Le franchise player type inscrit ainsi 24,66 points par match, avec un TS% de 54,23%, qui sera amené à augmenter à l’avenir.
Les rebonds du franchise player
La tendance, en matière de rebonds, est inversée par rapport à celle des points. Pour rappel, nous avions démontré que le profil type du franchise player, depuis 1947, est un pivot. Fort logiquement, des rebonds ont été gobés. Attention toutefois ; si les statistiques liées au scoring sont comptabilisées depuis 1947, celles des rebonds ne datent “que” de 1951. Notez d’ailleurs pour la suite, en ce qui concerne les interceptions et les contres, que ces statistiques ne dateront que de 1974.
En moyenne, le franchise player attrape quasiment 12 rebonds de moyenne sur l’ensemble de sa campagne de playoffs. 11,81 par match, pour être tout à fait exact. Des différences notables peuvent être mises au jour en fonction des décennies. En réalité, la moyenne que nous venons de présenter est particulièrement accrue par la présence de deux joueurs : Bill Russel et Wilt Chamberlain.
Ainsi, au sein des fifties, le meilleur joueur du champion NBA prenait 15,6 rebonds par match. Ce total est pourtant plombé par la présence de Paul Arizin (1956, 8,4 rebonds par match) et Bob Cousy (1957, 6,1). Il est surtout augmenté, presque artificiellement, par Bill Russel, véritable aspirateur dès que la balle fuyait la ficelle du panier. Sur les 9 titres des Celtics où le pivot peut être considéré comme franchise player, il n’a jamais attrapé moins de 22,8 rebonds par match sur l’ensemble de la campagne de post-season. Ajoutez à cela les… 29,1 rebonds de Wilt Chamberlain lors de la saison 1967 et vous obtenez une moyenne, au cours des années 1960, de 23,5 rebonds par soir.
Depuis lors ? Jamais plus, sur une décennie civile, la barre des 10 rebonds de moyenne n’a été atteinte. La moyenne se stabilise d’ailleurs, entre 7,66 au minimum (la décennie 2010) et 9,95 au maximum (la décennie 2000). La tendance n’est donc pas, en réalité, à la baisse. Elle est depuis longtemps à la stabilisation, après s’être écroulée au début des années 1970, lorsque le jeu a arrêté de tourner intégralement – ou presque – autour de pivots gargantuesques.
Pour bien comprendre à quel point Russel et Chamberlain ont biaisé ce total, tentons de les enlever de notre calcul. Si l’on supprime les 10 années au cours desquelles ils ont été franchise player des Celtics ou des 76ers, la moyenne retombe à 9,53 rebonds par match. Ainsi, lorsqu’on supprime 10 et 78 années analysées, la moyenne chute de 2,4 rebonds par match !
En la matière, sans surprise véritable, c’est Russel qui possède – probablement à jamais – la meilleure moyenne de l’Histoire, avec ses 29,9 prises par soir en 1961. Le grand Bill monte également sur la troisième marche du podium avec sa saison 1958-59, au cours de laquelle il attrapait 27,7 balles par soir en playoffs. Sur la seconde marche, son rival de toujours, Wilt Chamberlain et ses 29,1 rebonds en 1967. Il fallait au moins cela pour faire tomber les hégémoniques Celtics.
Le chiffre le plus bas, à l’inverse, revient à Tony Parker et son mètre 88, qui a gobé 2 rebonds par match lors de la saison 2013-2014 du beautiful basketball des Spurs. Remarquons, sans jugement aucun, que ce chiffre est particulièrement faible même pour un meneur / arrière. Le second total le plus bas est détenu par Gus Williams, meneur des Supersonics de Seattle de 1979, avec 4,1 rebonds par match. Un peu plus de deux fois plus que Parker, donc.
24,66 points (54,23 de TS%), 11,81 rebonds. Ces moyennes doivent désormais être complétées par un total de passes décisives.
Les passes décisives du franchise player
Pendant longtemps, le basketball a été quelque peu binaire. Le meneur était ainsi souvent l’unique joueur à remonter la balle et à distribuer le jeu. Certes, dès 1967, Chamberlain a terminé une saison régulière en tant que passeur le plus prolifique. Il s’agit cependant de l’exception chargée de confirmer la règle en vigueur, alors que le jeu demeurait encore manichéen.
La statistique de la passe décisive nous permet de mettre en lumière un élément intéressant. Si l’on veut bien passer sous silence l’existence de rares joueurs, aucun franchise player n’a été un véritable passeur. Il est ainsi surprenant de constater que les meneurs qui ont mené leur équipe sur le toit de la Ligue n’étaient pas forcément des passeurs. Ils sont le plus souvent scoreurs, puis, éventuellement, passeurs. Cela a été le cas de Walt Frazier (New York en 1973, 6,2 passes décisives), Jo Jo White (Boston en 1976; 5,4 passes décisives), Gus Williams (Seattle en 1979, 3,7 passes décisives) ou, plus récemment, Tony Parker (San Antonio en 2014, 4,8 passes décisives) et Stephen Curry (Golden State en 2015, 2017 et 2022, 6,4, 6,7 et 5,9 passes décisives).
Tout ceci contribue à expliquer pourquoi le rédacteur a été surpris de la moyenne globale de passe décisive pour un franchise player depuis 1947 : 5,16 par match. Car si de nombreux meneurs n’ont été que moyen dans l’exercice, rares ont été les joueurs – peu importe leur poste – qui ont avant tout fait jouer leurs copains. D’ailleurs, la barre des 8 passes décisives sur l’ensemble d’une campagne n’a été dépassée qu’en 13 occurrences, soit 16,67 % du temps. Plus troublant encore, 8 de ces 13 occurrences se trouvent être concentrées entre 1982 et 1990 ! En cette période, Magic Johnson (1982, 1985, 1987 et 1988), Isiah Thomas (1989, 1990) et Larry Bird (1986) affichent tous a minima 8 passes décisives de moyenne en playoffs. Dis autrement, en enlevant cette période 8 années, les franchises player atteignent les 8 passes décisives de moyenne que 7,04 % du temps !
La responsabilité, en la matière, revient avant tout à certains intérieurs, pour qui la passe était un concept apparemment abstrait. Connie Simmons, par exemple (Baltimore, 1948), en réalisait 1 par match. Bob Pettit de 1958 ? 1,8 par rencontre, sous la tunique des Hawks. Le chiffre ne varie que très peu quand on apprécie la campagne 1983 de Moses Malone avec les 76ers (1,5), celles de Shaquille O’Neal (notamment 2001, 2,8 passes décisives, avec les Lakers) ou de Dirk Nowitzki (2011, 2,5 passes décisives avec les Mavericks). La palme, probablement imbattable, revient à Joe Fulks, le premier Lucky Luke de l’Histoire, qui daignait distribuer une passe décisive à ses camarades une fois… tous les trois matchs (0,3 passe décisive de moyenne en 1947, avec les Warriors de Philly) !
Bien évidemment, les altruistes ont également existé de tout temps. Vous l’aurez compris, ils ont pourtant été rares. Bob Cousy semble avoir été le premier, avec 9,3 offrandes par soir en 1957, pour le premier titre de Boston. Wilt Chamberlain a fait tout aussi bien en 1967, avec 9 passes décisives par soir. Seuls deux joueurs ont d’ailleurs fait mieux depuis lors. En effet, Jerry West (1972, avec les Lakers) s’est arrêté à 8,9 passes de moyenne, contre 8,2 pour Larry Bird et le même total pour les deux saison d’Isiah Thomas au sommet. La seconde position est occupée par un autre pivot, titré en 2023 : Nikola Jokic et ses 9,5 passes décisives par match. Il est d’ailleurs quelque peu ironique de voir deux pivots, à des époques nettement distinctes, sur le podium des meilleurs franchises player passeurs.
La médaille d’or revient toutefois à un meneur, souvent considéré comme le meilleur passeur de l’Histoire : Magic Johnson. Titré à cinq reprises, le meneur des Lakers du showtime était avant tout passeur, pour trouver James Worthy ou Kareem Abdul-Jabbar. Il envoyait ainsi 12,2 caviars à ses coéquipiers lors des Playoffs 1987 et 12,6 l’année suivante. Il détient également un record absolu et loin d’être égalé, avec sa campagne de 1985, au cours de laquelle il a envoyé 289 passes décisives en 19 rencontres, soit 15,2 par soir ! Il égale d’ailleurs presque son total de points, lui qui en inscrivait alors 17,5 par match !
Nous pouvons ainsi complété notre ligne statistique du franchise player du champion NBA : 24,66 points (54,23 de TS%), 11,81 rebonds, 5,16 passes décisives. Intéressons-nous désormais aux interceptions.
Les interceptions du franchise player
L’interception est l’art de s’octroyer une possession qui aboutit souvent à une transition et à un panier facile. Historiquement, les meilleurs intercepteurs sont les extérieurs, qui peuvent plus facilement que les grands se trouver sur les lignes de passe adverse. Les statistiques confirment l’impression, puisque parmi les 25 joueurs qui ont réalisé le plus d’interception en Playoffs, on ne retrouve que 4 intérieurs : Robert Horry (13ème, et encore il a parfois joué ailier), Karl Malone (17ème), Hakeem Olajuwon (20ème) et Draymond Green (21ème). Et parmi ceux-là, seul le pivot des Rockets doit sa place dans le classement à sa moyenne d’interception / match et non pas au nombre stratosphérique de rencontres disputées en playoffs.
Cette tendance historique n’est pas démentie lorsque l’on ne s’intéresse qu’aux franchises player des équipes championnes. Ceux-ci réalisent en moyenne, depuis 1974, 1,49 interception par match. Une fois n’est pas coutume, nos stars actuelles ne relèvent pas cette moyenne, qui n’a plus été atteinte depuis 2016 et le sacre des Cavaliers. Comme si la charge offensive des franchises player, ces dernières années, les poussaient à délaisser quelque peu l’aspect défensif du basketball. Ce peut être une explication. Difficile en effet de considérer les récentes superstars baguées comme de piètres défenseurs, car Jayson Tatum, Giannis Antetokounmpo, Kawhi Leonard sont excellents de leur côté du terrain, tandis que LeBron James (Lakers 2020) ou Nikola Jokic ne sont pas tout à fait inactifs.
Une autre source d’explication pourrait venir de l’espace que les défenses doivent aujourd’hui couvrir. Le sacro-saint spacing élargit en effet les défenses et les joueurs, même dotés de longs bras, doivent ainsi s’occuper – individuellement parlant – d’une surface bien plus importante qu’elle ne l’était il y a 40 ans.
Nous constatons d’ailleurs une légère baisse du nombre d’interception depuis le passage à l’an 2000. Sur les 25 dernières années, le meilleur joueur du champion NBA subtilise 1,2 ballon par match à l’adverse, contre 1,77 au siècle précédent. Il est d’ailleurs étonnant de remarquer que le premier franchise player qui a intercepté moins d’un ballon en moyenne est Tim Duncan, en 1999 (0,8 par match). Au cours des 25 premières années de mesure de cette statistique, tous les joueurs qui ont mené leur franchise au titre NBA volaient ainsi au moins 1,2 ballon en moyenne.
Les plus hautes moyennes ne datent donc pas d’hier. Remontons d’abord en 1975, année où Rick Barry, génial sur un parquet et génialement chiant pour toutes les personnes qui l’entouraient, a mené les Warriors de Golden State à leur troisième bague. L’ailier longiligne, qui tirait les lancers-francs à la cuillère, a intercepté 50 ballons au cours de la campane de playoffs, en 17 rencontres disputées, soit 2,9 de moyenne. Il faut dire que le bonhomme a chipé 8 balles dans les mains des Supersonics lors du match d’ouverture de la postseason (en plus de 39 points, 5 rebonds et 11 passes décisives !), histoire de se mettre en jambe.
Barry ne détient toutefois pas seul le plus haut total d’interception pour un franchise player, puisque Magic Johnson s’est, lui aussi, payé le luxe d’intercepter 2,9 balles par match en 1982. C’est d’ailleurs au cours des années 1980 que la gonfle a été le plus souvent été volée, puisqu’au delà du meneur Angelenos, Larry Bird et Isiah Thomas étaient également actifs sur les lignes de passe (2,3 interceptions / match pour l’ailier de Boston en 1981 et 1984, 2,1 en 1986, tandis que le meneur des Pistons en subtilisait 2,2 et 2,4 par soir en 1989 et 1990).
Au rang des “mauvais élèves”, nous retrouvons le plus souvent des intérieurs soit peu mobiles, comme Dirk Nowitzki soit dont le rôle sur le terrain était ailleurs, comme Tim Duncan ou Shaquille O’Neal. C’est d’ailleurs le Big Shaq qui détient la moyenne la plus basse, avec 0,4 interception par match en 2001.
Avant de nous intéresser à la dernière catégorie de statistique brute, à savoir le contre, rappelons le portrait statistique type du franchise player jusqu’alors : 24,66 points (54,23 de TS%), 11,81 rebonds, 5,16 passes décisives, 1,49 interception.
Les contres du franchise player
Nous entrons ici dans le domaine de la statistique la plus biaisée par le temps. En effet, à l’instar de l’interception, le contre n’est comptabilisé que depuis 1974. Partant, les titres remportés par Mikan, Russel ou Chamberlain, où des brouettes de contres ont été distribués, ne figureront pas dans notre analyse. Pire encore : au même moment ou presque, le jeu s’est petit à petit décalé vers les postes du back-court, avec Magic Johnson, Michael Jordan ou Stephen Curry, qui n’ont pas le profil type du contreur émérite.
Tout ceci nous mène à constater qu’en moyenne, le franchise player est un contreur moyen, qui colle 1,21 crêpe par match. C’est autant que Luke Kornet en ce début de saison régulière. La tendance mise en lumière au sujet des interceptions se retrouve ici : nos stars contemporaines ne sont pas des cadors dans l’art du block. Depuis Tim Duncan version 2007 (pour rappel, nous avons considéré que le franchise player des Spurs de 2014 est Tony Parker), seuls LeBron James (2016), Kevin Durant (2018) et Giannis Antetokounmpo (2021) ont dépassé la moyenne que nous venons de présenter, et jamais de beaucoup : 1,3 contre / match au maximum. Pourtant, notamment grâce à Duncan et O’Neal, la moyenne des deux siècles est quasi identique. Attention, le graphique écrase la réalité des chiffres :
Ceci peut néanmoins être expliqué par le rôle des franchises player récents, qui ne se trouvent que rarement sous leur propre cercle. Tatum, Curry ou Leonard s’occupent parfois, voire souvent, de défendre le point d’attaque. Jokic, s’il est grand et gros, n’est pas le plus à l’aise dans l’exercice (1 contre de moyenne, tout de même). Parker et Rip Hamilton (2004, Pistons), eux, étaient souvent cachés en défense. Le “cas” d’Hamilton est d’ailleurs cocasse, puisque sur l’ensemble des statistiques répertoriées (6 statistiques différentes, 410 en tout), c’est la seule qui est nulle… ou presque ! Sur la campagne de playoffs 2004, Detroit a disputé 23 rencontres et son franchise player a claqué… 1 contre en tout, dans une victoire face à Indiana. 1 contre en 23 rencontres, cela fait une moyenne de 0,04 contre par match. La performance est notable.
Pour retrouver les contreurs les plus prolifiques, il faut revenir au temps où les superstars étaient des intérieurs. On ne retrouve que 4 campagnes terminées avec a minima 3 contres de moyenne. Les noms ne sont guère étonnants. On retrouve d’abord le contreur le plus prolifique de l’Histoire des playoffs, et plutôt deux fois qu’une : Tim Duncan, en 2007, avec 3,1 blocks de moyenne et sa version rajeunie de 2003 (3,3). Cette année-là, il a officiellement plié le dernier match de la finale face aux Nets avec 21 points, 20 rebonds, 10 passes décisives et 8 contres. Officieusement, il se raconte qu’il aurait en réalité claqué 2 blocks supplémentaires, qui n’ont pas été comptés, ce qui lui aurait permis de réaliser un inédit quadruple-double en Playoffs.
Trois joueurs ont toutefois fait mieux que Duncan. Le premier s’avère être Bill Walton, champion NBA en 1977 avec les Trail Blazers. Homme à tout faire, doté d’une polyvalence anachronique, le rouquin flamboyant a contré 3,4 balles par match, en plus de ses 18,2 points, 15,2 rebonds et 5,5 passes décisives. Hakeem Olajuwon, probablement le meilleur contreur de tous les temps, a quant à lui terminé sa première campagne victorieuse, en 1994, avec 3,6 contres par soir.
La palme revient, en la matière, à Kareem Abdul-Jabbar, dont on a tendance à oublier qu’il mesurait 2m18 et qu’il savait s’en servir pour empêcher l’accès à son cercle (3,9 blocks de moyenne en 1980). Si l’on voulait être cynique, on ferait remarquer qu’il réalisait ainsi 3,86 contres de plus par match que Richard Hamilton en 2004 !
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Nous avions commencé, l’an passé, par faire le portrait “physique” du franchise player : un pivot, âgé de 28 ans tout pile et présent dans la Ligue depuis 7,68 ans. Nous pouvons aujourd’hui compléter notre portrait type par les statistiques brutes du meilleur joueur d’une équipe championne. Il présente un profil plutôt scoreur (24,66 points), doté et d’une efficacité croissante (54,23% de TS%). Il s’avère également être un solide rebondeur (11,81 rebonds) et un passeur honnête, sans toutefois crever les plafonds (5,16 passes décisives). Enfin, en ce qui concerne les éléments défensifs, notre franchise player affiche des statistiques solides (1,49 interception et 1,21 contre) qui sont toutefois à la baisse.
Pour l’anecdote finale, deux joueurs présentent des statistiques à peu près similaires à celle de notre portrait robot : John Havlicek en 1969, tout d’abord, avec ses 25,4 points, 9,9 rebonds et 5,6 passes décisives. Sur l’ensemble des chiffres, il semblerait que le joueur type soit LeBron James en 2013 : 25,9 points (58,5% de true shooting), 8,4 rebonds, 6,6 passes décisives, 1,8 interception et 0,8 contre. C’est donc enfantin, de mener sa franchise au titre NBA : soyez tout simplement aussi fort que The King en 2013 !