Cette année, QiBasket ne s’est pas prêté au grand jeu des previews.
Dans cet exercice d’anticipation que j’apprécie généralement, il s’agit de deviner comment les changements de l’intersaison vont impacter une équipe. Si j’avais du choisir cette saison, j’aurai probablement aimé tenter de tenter d’imaginer à quoi ressembleraient les Sacramento Kings avec l’arrivée de DeMar DeRozan.
Après 3 semaines de compétition, on peut néanmoins commencer à se pencher sur cette implémentation. Alors, DeRonzan, aux Kings, ça change quoi ?
DeRozan, un profil unique
Pour commencer, il faut préciser que l’arrivée de DeRozan n’est pas une arrivée neutre pour une équipe. On parle d’un ailier qui va, à première vue, à total contre-courant des tendances actuelles.
Dans une NBA qui cherche la rentabilité, donc des tirs dans la raquette ou à 3pts en priorité, la shot chart de DeRozan ressemble soit à une aberration, soit à une ouvert provocation.
Si on doit définir le nouvel arrivant de Sacramento, on parle d’un ailier à très fort usage, qui prend la quasi-totalité de ses tirs à mi-distance, qui réussit néanmoins à être relativement plus efficace que la moyenne et s’avère être, un véritable assassin dans les fins de rencontres.
Ci-dessous, les zones de tirs favorites de DeRozan en carrière, et où son volume se situe en comparaison au reste de la ligue :
De la même manière qu’il vit dans un entre deux dans sa sélection de tir, il me paraît l’être par son statut. Il a un régime de Star NBA, n’appartient pas au club des Superstars, mais réussit tout de même, en mon sens, à être un vrai plus dans un collectif.
Son tir à mi-distance est létal au point de rester un joueur efficace, et s’il ne fait pas partie de l’élite, j’étais plutôt de la tranche de population qui l’attendait comme un élément bénéfique pour les Kings.
Reste que c’est un shooteur à 3pts honnête, mais qui prend trop peu de volume pour être complètement respecté, qu’il ne met pas une énorme pression sur la raquette adverse, d’autant qu’il n’a jamais excellé dans la finition au cercle, même à son peak athlétique et qu’en cela, il ne vient pas sans compromis ou nécessité de s’adapter.
Les Kings avaient pour moi 2 éléments majeurs :
- Comment intégrer un gros joueur d’isolation sans drastiquement dénaturer son fond de jeu collectif, ni DeRozan ?
- Comment modifier l’utilisation de Sabonis (joueur de poste haut) pour ouvrir à DeRozan sa zone de tir favorite ?
DeRozan chez les Kings
On entretient souvent l’illusion, lors d’une signature, qu’un joueur va changer une fois dans un nouveau collectif. Assez naïvement, on pense qu’il existe des éléments cachés d’un joueur que l’on va découvrir ou qu’il va devoir développer.
Souvent, c’est la version fantasmée d’un joueur que l’on tend à transposer dans ces anticipations.
Si quelques exemples existent, comme Aaron Gordon aux Nuggets, la réalité, c’est que la plupart du temps, ce n’est pas le cas.
Enjeux
En l’occurrence, DeRozan a 35 ans et il aurait été particulièrement étonnant de l’avoir signé en imaginant changé la nature de son jeu ou son régime de tir, n’est-ce pas ?
Néanmoins, les Kings possèdent un jeu fait de balles reçues de préférence en mouvement, avec une activité off-ball qui vise tant à proposer une rampe de lancement aux porteurs de ballons qu’à libérer les shooters. Beaucoup de zooms actions, beaucoup de pindowns, beaucoup de handoffs, etc.
Problème avec DeRozan il shoote peu à longue distance, joue une quantité importante d’isolation (15,3% de ses possessions l’an passé) et aime poster ses adversaires (10,5% de ses possessions l’an passé), ce qui gèle forcément la circulation de balle.
Il s’agit donc de trouver un équilibre entre le fond de jeu collectif de Sacramento et l’identité de DeMar.
A quoi ça ressemble ?
La recette jusqu’ici à été plutôt simple pour les Kings.
La force de DeRozan, c’est qu’il n’a pas besoin de grand chose pour obtenir des tirs qui lui conviennent. Joueur extrêmement technique, il ne ressent pas le besoin de créer un écart important pour obtenir un tir qui lui est favorable. En l’occurence, ce tir “favorable”, ne l’est pas pour la quasi-totalité des joueurs NBA.
La difficulté en revanche, c’est de trouver l’équilibre entre l’alimenter et continuer d’impliquer De’Aaron Fox et Malik Monk à haut volume (surtout dans les fins de rencontres où il est très facile de s’en remettre à DeMar à répétition).
Libérer DeRozan
Les actions terminées par DeRozan sont soit des ballons obtenus en milieu de chaîne, soit des tirs créés pour lui-même où un ou plusieurs joueurs ont proposé des écrans. Le plus souvenant, DeRozan part côté gauche et cherche à finir dans cette zone (espace en vert), de préférence sur la droite :
Me concentrer sur ce sujet m’a fait remarquer à quel point, le sésame pour DeRozan est d’obtenir un tir exactement ici. A savoir sur l’elbow droit.
Pour ce faire, les Kings font généralement partir DeMar du côté fort vers le côté faible, le libère via un écran comme celui de Malik Monk ici et lui permette de récupérer la balle par un intérieur (Domantas Sabonis souvent, Alex Len sinon) sur du main à main (handoff) :
Comme susdit, les Kings jouent très simple avec DeRozan et des Zoom Actions assez basiques permettent de libérer DeRozan. Encore une fois, l’objectif est de lui laisser un maximum de place pour s’exprimer et retrouver sa zone préférentielle.
Ici, la balle part du côté opposé et transite vers Sabonis, Kevin Huerter vient proposer un écran à DeRozan qui obtient la balle de Sabonis via handoff. Hachimura réussit à suivre DeRozan en passant sous les écrans, donc Sabonis vient reposer un écran que DeRozan refuse pour se diriger… vous vous doutez où maintenant :
DeRozan balle en main
Toutefois, DeRozan est aussi et surtout un porteur de balle. Les Kings, en le faisant venir, réduisent donc la pression sur Fox & Monk. Si DeMar a tendance à laisser venir le jeu à lui, il passe en porteur de ballon principal dans certaines portions du match.
Quand Fox sort, il a tendance à porter la balle, quand la fin du match s’approche, il tend aussi à être beaucoup plus responsabilisé balle en main. En raison de sa réputation de joueur très sûr dans le clutch (5 dernières minutes d’une rencontre où l’écart est de 5pts ou moins), il devient même l’option principale, formant une paire particulièrement inquiétante avec De’Aaron Fox, d’ailleurs premier lauréat du “Clutch Player of the Year” l’an passé.
Là encore, la recette est très simple. Cela passe souvent par des écrans venus des arrières sur pick & roll. L’idée est de mettre DeRozan face au moins bon extérieur adverse. Grâce à un point de relâche très haut, il est très dur de le contester, encore plus avec un déficit de taille.
Face aux Suns, Sacramento a cherché à abuser de Tyus Jones tout le 4eme QT et la prolongation. A tel point que comme ici, les Suns sont forcés de faire du hedge avec Jones (Tyus sort agressivement sur DeRozan, permettant à Beal de coulisser pour reprendre DeRozan).
Sauf que DeRozan a plus d’espace que nécessaire, et Beal n’est pas assez long pour réellement contester son tir :
Évidemment, la même chose est réalisée avec ses intérieurs, puisque cela met DeRozan en position d’attaquer des joueurs moins mobiles.
Autre variante que vous verrez : les double drags. Cette fois, l’idée est de lui fournir encore plus d’espace avec 2 poseurs d’écran.
Dans cette situation, Keegan Murray & Sabonis posent respectivement des écrans. Face à une défense des Wolves sans réel maillon faible défensif, cela permet de prendre de l’avance sur la défense adverse et offre des opportunités de playmaking (ressortir vers Murray à 3pts par exemple) ou servir Sabonis si son défenseur se focalise sur le porteur de ballon (pas le cas ici).
Là encore, les formules sont extrêmement simples, mais c’est l’atout majeur en attirant DeMar DeRozan, obtenir un joueur qui n’a pas besoin de grand chose pour obtenir des tirs préférentiels et efficaces (même s’ils sont pris à mi-distance). Son profil de shooter est assez unique et à la manière d’un Kevin Durant, un bon tir pour lui est un tir très discutable pour la plupart des autres joueurs NBA.
Les ajustements de Sabonis
Domantas Sabonis est la plaque tournante des Sacramento Kings depuis son arrivée en Californie. 2eme joueur qui touche le plus de ballon en NBA derrière Nikola Jokic, il réplique ce modèle d’attaque où l’intérieur est au cœur de tout et doit prendre des décisions très rapides pour fluidifier l’attaque.
Néanmoins, la zone préférentielle de Sabonis pour créer du jeu se trouve poste haut, entre la ligne à 3pts et la tête de raquette. De fait, faire évoluer les deux ensemble de manière optimale nécessite quelques ajustements afin que le créateur (Sabonis) n’empiète pas sur la zone de finition de son coéquipier.
Dans une NBA qui cherche à optimiser son spacing, la solution est simple, mais mérite d’être notée : il faut étirer la défense. Autrement dit, Domantas pose des écrans beaucoup plus haut, n’hésite pas à réaliser ses handoffs derrière la ligne à 3pts dès qu’il est en interaction directe avec son nouveau coéquipier.
Exemple :
En somme, DeRozan ne révolutionne pas le jeu des Kings, tout comme il ne demande pas une quantité énorme d’ajustements.
On peut y trouver le défaut d’arrêter la circulation de balle, mais son efficacité sur isolation n’est plus à prouver et son début de saison semble confirmer la tendance.
En revanche, il sera intéressant de voir si son arrivée fait vraiment progresser Sacramento. En effet, s’il offre une très grosse option balle en main supplémentaire (qui tombait à pic avec un Fox gêné par une blessure à la main), qu’il renforce les Kings dans les fins de matchs, il ne comble pas les errances défensives de l’équipe et n’améliore pas le régime de tir global.
Autrement dit, l’arrivée de DeMar peut autant être un succès à Sacramento, qu’une ne simple option de confort qui ne fera pas passer un réel palier aux siens.