Cela fait bien longtemps que je n’ai plus pris la peine de dresser le portrait d’un joueur mésestimé. Bien longtemps, même, que je n’avais plus rien écrit du tout, en réalité. Le décès de l’un des plus grands pivots de tous les temps, souvent bien oublié dans ce débat, me contraint à poser les doigts sur le clavier afin de lui rendre un dernier hommage. Dikembe Mutombo Mpolondo Mukamba Jean-Jacques wa Mutombo – allez savoir pourquoi, on l’appelait plutôt Dikembe Mutombo – s’est éteint à l’âge de 58 ans, le 30 septembre 2024. Avec un peu de retard et sans sortir les mouchoirs, retraçons la carrière du Mount Mutombo, dont le passage dans la Grande Ligue a laissé un souvenir impérissable à tous les observateurs… Et à tous ceux qui se sont un jour risqués dans sa raquette.
À la vue des circonstances, permettez-nous de déroger à notre format habituel.
Sachez également que suite à une réunion de crise, la rédaction a décidé de terminer cette belle série qu’est le Magnéto, au rythme de deux articles par mois !
Il est des personnalités dont on se souvient en raison de leur talent. Il en est d’autres dont la tronche et le charisme les rendent inoubliable. Il y a ceux, enfin, qui marquent à jamais l’histoire de leur discipline, quelle qu’elle soit. Dikembe Mutombo entre les pieds joints dans ces trois catégories.
Né en 1966 dans la capitale congolaise, Kinshasa, Mutombo a passé l’ensemble de sa jeunesse dans son Afrique natale. Fils d’un directeur d’école, il développe une capacité peu commune pour les langues, puisqu’il en parle couramment… 9, à l’heure d’entrer au lycée. Prends ça, Nelson Monfort. Au cours de son adolescence, il pratique surtout les arts martiaux et le football. Le basketball ? Le basket-quoi ? Bien que déjà bien plus grand que l’ensemble des jeunes de sa catégorie d’âge, Dikembe ne s’intéresse guère à la grosse balle orange.
Ses frères et son père le poussent toutefois, vers l’âge de 16 ans, à se familiariser avec ce sport qui fait la part belle aux grands. Enfin, “faisait”, puisque de l’autre côté de l’Atlantique, le début des années 1980 n’est pas dominé par les pivots, mais par un meneur nommé Magic Johnson et un ailier répondant au nom de Larry Bird. Certes les deux mesuraient 2m06, mais il ne possèdent pas les proportions éléphantesques des pivots qui marchaient encore sur la Ligue quelques années auparavant. Peu importe, Dikembe se prend petit à petit – si l’on peut s’exprimer ainsi – au jeu. Cependant, lorsqu’il quitte son pays et son continent, à l’âge de 21 ans, direction Washington DC, ce n’est pas dans l’optique de devenir basketteur professionnel ; le jeune homme nourrit en effet l’ambition d’y suivre des études de médecine.
Sans le savoir, le condor s’apprêtait à prendre son envol.
L’apprentissage à Georgetown
“Dikembe s’apprête à devenir un excellent joueur“.
Tels étaient les mots de John Thompson, le légendaire coach des Hoyas de Georgetown au début des années 1990, à propos de son poulain. Le bonhomme en avait pourtant vu d’autres, lui qui a entraîné l’université entre 1972 et 1999. Patrick Ewing, par exemple, est passé sous ses ordres. Alonzo Mourning, également. Autant dire que les pivots dominants, Thompson les connait bien. Et, lorsqu’il parlait, il était de bon ton de l’écouter.
Pourtant, nous l’avons dit, lorsqu’il est arrivé sur le campus de la capitale dans l’optique de devenir toubib, Mutombo n’avait pas spécialement dans l’idée d’intégrer le roster de l’équipe de basketball. C’est en effet le vénérable coach de l’équipe qui le persuade de venir faire un essai. Comment a-t-il remarqué ce jeune joueur, dont les capacités basketballistiques étaient encore très brutes ?
Et bien c’est qu’à 21 ans, il était difficile de rater Dikembe Mutombo, qui culminait à 2m18 de hauteur pour quelques 110 kilogrammes. Le genre de bonhomme à qui on prend bien soin de dire bonjour lorsqu’on le croise. Le genre de bonhomme qui ne passe pas inaperçu dans un campus étudiant. Le genre de bonhomme qui peut éventuellement devenir un pivot dominant dans la meilleure Ligue du monde.
Non éligible au cours de sa première année, le futur Mount endosse le maillot des Hoyas pour la première fois en 1988. Il n’est cependant pas resté totalement inactif au cours de cette première année, évoluant au sein d’une équipe secondaire. Ses grands débuts – aux côtés de Mourning, imaginez la terreur que pouvait diffuser cette raquette ! – sont remarqués. Avec un temps de jeu très limités (11,5 minutes par rencontre, 33 matchs disputés), Mutombo fait d’ores et déjà étalage de tout ce qu’il sait faire… et de ce qu’il ne sait pas faire.
Évoluant très près du cercle et plus grand que ses adversaires directs, il convertit 70 % de ses tentatives de tirs, principalement des dunks ou des secondes chances après avoir capté le rebond offensif. Il inscrit ainsi 4 points par rencontre et capte quasiment autant de rebonds. Une fois toutes les morts de pape, il effectue une passe décisive. Il se distingue également avec son affreuse réussite dans l’exercice des lancers : 47% ! Ce n’est toutefois pas l’aspect offensif de son jeu qui intéresse, mais bel et bien sa capacité à défendre son cercle. Et pour cause, il affiche une moyenne de 2,3 contres par rencontre. Sur le papier, cela ne suffit pas à vous faire lever de votre chaise. N’oubliez pas, néanmoins, qu’il a atteint ce total en 11,5 minutes par soir !
Son temps de jeu double en 1989-90 et ses statistiques opèrent un bond notable. Voilà le gus en double-double (10,7 points à 71 % de précision au tir, 10,5 rebonds), auquel il ajoute la bagatelle de 4,1 contres par match. Ce total de block monte même à 4,7 au cour de sa dernière année universitaire, au cours de laquelle il a également tourné en 15 / 12.
Le diamant a été poli. Pourtant, dans une interview accordée au Los Angeles Times, le jeune joueur déclarait en 1991 :
“Si vous me l’aviez demandé, je vous aurais répondu que jamais je n’aurais pu être bon au basketball. J’aurais certainement rigolé“
Au-delà de son bagage sportif, sa mentalité et sa fraicheur sont louées par ses coéquipiers et son entraîneur. C’est donc une pépite – le terme est choisi, vous allez le comprendre – qui se présente à la draft NBA 1991, dont, a posteriori, il sera le joueur le plus emblématique.
A star is born
Au cours de cette cérémonie, qui s’est déroulée à New York, David Stern – alors commissionnaire de la Grande Ligue – a commencé par appeler Larry Johnson, pour lui donner une casquette des Hornets à enfiler. Kenny Anderson s’est ensuite envolé chez les Nets du New Jersey, avant que Billy Owens ne rejoigne Sacramento. Les Nuggets de Denver, eux, disposaient du 4ème pick. Et si cela peut sembler étrange à dire aujourd’hui, alors que la franchise possède le meilleur pivot depuis Shaquille O’Neal, il était une époque où la raquette de Denver était catastrophique.
Elle ne l’est pas restée longtemps, puisque Paul Westhead – qui portait vachement bien son nom, pour le coup – jette son dévolu sur Mutombo avec son choix de draft.
Son impact dans l’équipe du Colorado est immédiat. En 1990-91, la franchise possédait la plus mauvaise défense de la Ligue (27ème/27). L’avantage, c’est qu’elle ne pouvait guère faire pire. La saison suivante, elle présente… la plus mauvaise attaque ! Par contre, la défense est soudainement devenue correcte, puisque les Nuggets affichent le 13ème defensive rating. Pourtant, hormis Dikembe Mutombo, les recrues se sont faites rares. L’influence du congolais est ainsi flagrante.
Tellement, d’ailleurs, qu’en dépit d’un bilan collectif digne d’un top 5 de draft (24 victoires, 58 défaites), le rookie qu’est Mutombo est sélectionné pour participer au All Star Game ! La chose n’est certes pas unique, loin s’en faut, mais demeure notable. Depuis 1947, cela ne s’est produit qu’à 45 reprises. Plus encore, depuis 1980, on ne compte que 17 occurrences, parmi lesquelles Magic Johnson, Larry Bird, Hakeem Olajuwon, Michael Jordan, Patrick Ewing, David Robinson, Shaquille O’Neal ou Tim Duncan. Et donc, Dikembe Mutombo, qui fracasse d’entrée la porte des légendes.
Il faut dire qu’individuellement parlant, cette première saison est une franche réussite. Le colosse joue 71 rencontres avec un temps de jeu de 38 minutes, qu’il n’atteindra plus jamais en carrière. Il fait fructifier son temps de présence sur le parquet avec 16,6 points (49,3% au tir, 64,2% aux lancers), 12,3 rebonds, 2,2 passes décisives et 3 contres de moyenne. Il termine d’ailleurs second dans la course au Rookie de l’Année, derrière Larry Big Mama Johnson.
Dans une équipe toujours moribonde, notamment offensivement, il confirme son statut de défenseur et d’intimidateur extraordinaire. S’il score légèrement moins, Mutombo gobe un peu plus de rebonds et claque un peu plus de contres, alors même que son temps de jeu s’est réduit. Absent du match des étoiles, il réalise tout de même quelques performances notables, comme celle du 18 avril 1993, à domicile contre les Clippers : 16 points (5/15 au tir), 21 rebonds (dont 9 offensifs), 2 passes décisives, 1 interceptions et 12 contres. Malgré tout cela, il ne figure pas encore dans le classement des défenseurs de l’année. On se demande pourtant ce qu’il pouvait faire de plus.
Il est déjà âgé de 27 ans lorsqu’il entame sa troisième saison professionnelle. Il y dispute les playoffs pour la toute première fois, se payant même le luxe de passer un tour face aux Supersonics (3-2, en humiliant le pauvre Shawn Kemp) avant d’échouer de peu face au Jazz de Stockton et Malone (3-4). La perf’ du premier tour est notable, puisque les Nuggets, 8e de la saison régulière, étaient menés 2-0 face au leader de l’ouest, avant de réaliser une remontada que les footballeurs catalans ne renieraient pas.
C’est au cours de ces 12 rencontres printanières qu’il se forge définitivement un nom. Évidemment, tout le monde le connaissait déjà. Toutefois, ses 6 contres de moyenne sur l’ensemble de la campagne de postseason le font passer dans une toute nouvelle dimension : celle des potentiels DPOY.
Et pourquoi attendre ? En 1994-95, Denver réalise une saison désormais habituelle, avec un bilan tout juste équilibré. Michael Jordan jouant au golf, David Robinson en profite pour glaner son unique titre de MVP de la saison régulière. Grant Hill et Jason Kidd sont nommés co-rookies de l’année. Plusieurs joueurs se disputent farouchement celui qu’on appelle aujourd’hui le Hakeem Olajuwon Trophy, à savoir le titre de Défenseur de l’année : Scottie Pippen, Hakeem Olajuwon – justement – Dennis Rodman, Alonzo Mourning, Gary Payton ou, évidemment, Dikembe Mutombo.
The Mount va écraser la concurrence, en remportant 45 des 105 votes pour la première place. Meilleur contreur de l’exercice (3,9 par match), il ne célèbre pas encore son geste fétiche par le désormais si célèbre finger wag, dont il faudra encore patienter quelque peu pour assister à la genèse. Peu importe. S’il remporte son premier – pas son dernier, nous y reviendrons – trophée de meilleur défenseur de la Ligue, en plus d’être à nouveau All-star, Mutombo poursuit également en 1995 une série qui marque encore aujourd’hui la NBA ; jusqu’en 2001, le colosse de Kinshasa va squatter le podium du DPOY sans jamais le quitter ne serait-ce qu’une année. Souvenez-vous qu’il ne joue au basketball que depuis une toute petite dizaine d’années !
Le wagon Denver ne suit toutefois pas le rythme de sa locomotive Mutombo. La franchise des Rocheuses subit la loi des Spurs au premier tour des playoffs (3-0), sans pouvoir contenir la force offensive d’un Amiral au sommet de son art.
L’heure de la séparation s’apprête toutefois à sonner. Aux termes d’une saison individuelle à nouveau sublime (11 points, 12 rebonds, 4,5 contres, All-star et 3ème à la course au DPOY) et collectivement très décevante (35 victoires, 47 défaites, pas de playoffs), Mutombo devient agent libre. Désireux de rester au bercail de Denver, il sollicite un contrat d’une durée inhabituelle : 10 années. De quoi assurer sa fin de carrière du côté des Nuggets. Bernie Bickerstaff, alors GM de la franchise, l’envoie bouler. Voici donc le meilleur défenseur de la Ligue sur le marché des transferts. Bien des années plus tard, ce brave Bernie est revenu sur cette période de sa vie, en déclarant :
“My only regret as a GM is not re-signing Mutombo“
Libre de tout engagement contractuel, le pivot fonce du côté de la conférence Est, pour endosser le mythique maillot frappé du faucon : celui des Hawks d’Atlanta. Il y découvre quelque chose au goût somme toute savoureux : l’ambition collective.
Grand condor devient grand faucon
En 1996, les Hawks, pourtant, sont orphelins depuis 1 an et demi de l’un des plus grands joueurs de leur Histoire, Dominique Wilkins. Pour autant, l’équipe coachée par Lenny Wilkens n’est pas dépourvue de talent. La gonfle est confiée entre les mains sûres de Mookie Blaylock, qui évolue sur le back-court aux côtés de Steve Smith. Dans la raquette, Mutombo doit faire une petite place à Christian Laettner, l’ancienne grande gloire universitaire de Duke et membre de la Dream Team de 1992.
Atlanta venait d’ailleurs, avec son total de 46 victoires, de se hisser jusqu’en demi-finale de conférence, où la franchise s’est inclinée face au bulldozer Shaquille O’Neal, alors joueur du Magic d’Orlando. L’apport numérique de Dikembe est immédiat, puisque les Hawks remportent 56 victoires en 1996-97. Le pivot réalise à cette occasion l’unique incursion de sa carrière dans le classement du meilleur joueur de la saison, où il termine à la 13ème position, devant – s’il-vous-plaît – John Stockton, Allen Iverson ou le vieillissant Charles Barkley.
Il remporte également son second titre de meilleur Défenseur de l’année et renforce sa légende un soir d’avril 1997, à l’occasion de la 77ème rencontre de saison régulière disputée sur le parquet de Philadelphia. Dans une victoire tranquille des siens, Mutombo inscrit 6 points (1 / 6 au tir), capte 11 rebonds et claque 6 contres. La routine, en somme. Ni plus ni moins qu’un mardi au bureau, pourriez-vous vous dire. Ce serait pourtant faire une immense erreur de jugement.
C’est en effet au cours de cette rencontre qu’il réalise pour la première fois son finger wag. Alors que le pauvre Clarence Weatherspoon est venu s’encastrer sur la montagne congolaise à trois reprises au cours de la même possession (!), Mutombo agite son index de gauche à droite, de droite à gauche. En cette période où les instances de la NBA surveillait de près le trashtalking, le geste n’est pas passé inaperçu. Il a été accompagné d’une série de “No ! No ! No !” prononcée de la si puissante voix du pivot, qui s’est fendu de luxe de contrer une dernière fois Clarence Météo-Cuillère par la suite.
L’action, aujourd’hui encore, est édifiante. Âmes sensibles, abstenez-vous.
Le geste ne plaît pas. Mais alors pas du tout. Au point d’être interdit par David Stern himself, dont l’autorité a été saisie par Rick Pitino, le coach des Celtics. Chaque fois que Mutombo agite son doigt après un block, la Ligue lui inflige une amende. Le grand bonhomme disait lui-même que “ce geste du doigt [lui] a coûté beaucoup d’argent“.
Qu’à cela ne tienne. Interdit de bouger le petit doigt – littéralement – Mutombo trouve une autre manière de rappeler à celui qui s’infiltre dans sa raquette qu’il n’y est pas le bienvenu. Au courant de la saison 1997-98, il commence à brailler son mythique “Not in my house !” à chaque contre.
Dans l’art du contre, Mutombo est devenu un maître. À tel point que les meilleurs joueurs de son temps tentaient de lui grimper dessus. Et ce n’est pas qu’une manière de parler. Au All Star Game 1997, Mutombo, Patrick Ewing et Michael Jordan discutent de dunk dans les vestiaires. Le congolais affirme que sa majestée Michael ne lui a jamais dunker sur la tronche. Cela ne saurait tarder…
D’ailleurs, au cours de cette saison, Atlanta est stoppée en demi-finale de conférence par les Bulls de ce même Jordan,parti pour réaliser un back-to-back.
La saison suivante (1997-98) est une copie quasi-conforme que celle qui lui a précédé. Mutombo, toujours aussi effrayant de son côté de terrain, est à nouveau nommé meilleur défenseur de l’année, participe au All-star game et s’invite même dans la 3ème meilleur équipe de la saison régulière. Pourtant, son équipe d’Atlanta s’incline sans beaucoup lutter au premier tour des playoffs face aux Hornets.
Ce sera une constante lors de son bail en Georgie, au cours duquel les finales de conférence ne seront jamais atteintes. De là à dire que Mutombo doit être accompagné d’un franchise player offensive pour passer un cap, il n’y a qu’un pas que les Philadelphia 76ers ont souhaité passer au tournant du siècle. Après quatre saisons et demie à briller individuellement, Mutombo change à nouveau de crémerie, pour retrouver Allen Iverson en Pennsylvanie. Ce transfert, réalisé au courant de la saison, va nettement influer sur les résultats de sa nouvelle équipe.
Le dernier baroud d’honneur à Philadelphia
Il n’est ici guère question d’affirmer qu’avant la venue de Mutombo à Philly, le roster de la ville de l’amour fraternel était uniquement composé de peintres en bâtiment. Force est néanmoins de constater qu’aux côtés d’Iverson, le talent n’est certes pas totalement absent, mais il se fait rare. Théo Ratliff et Toni Kukoc, dont les qualités basketballistiques sont évidemment avérées, sont envoyés à Atlanta en échange du pivot africain. Aaron McKie, futur meilleur sixième homme de l’exercice, est l’un des rares à surnager quelque peu.
Pourtant, l’équipe tourne bien avant même le trade du 22 février 2001 : 41 victoires, 14 défaites. Mieux, même, qu’après l’arrivée du pivot dominant. Cependant, Ratliff vient de se blesser et Philly souhaite gagner immédiatement. Avant le All-star game 2001, épique et à voir absolument, des rumeurs envoient Mutombo aux 76ers. Ce sera donc chose faite quelques jours plus tard, Philadelphia jouant son va-tout pour soulever son premier titre depuis 1983.
La franchise, sans le savoir, attire dans ses filets un… quadruple DPOY. En effet, en fin de saison 2000-01, Mutombo soulève son dernier trophée de meilleur défenseur de la Ligue. En cette époque, l’exploit est inédit. Aujourd’hui, seul Ben Wallace (en attendant Rudy Gobert ?) est parvenu à rééditer l’exploit.
Avec 56 victoires en fin d’exercice, la franchise domine largement la conférence Est. Pour autant, Indiana, 8ème de conférence, s’impose d’un petit point lors de l’ouverture des playoffs, malgré les 12 points, 22 rebonds et 5 contres de Mutombo. La théorie de l’accident peut être retenue, car Philly remporte ensuite à trois reprises pour rallier le second tour, disputé face à Toronto.
La série reste en mémoire pour être celle qui a donné lieu au duel homérique opposant Iverson et Vince Carter. Les deux arrières flambent. Carter plante 50 pions au game 3 et termine sa série de sept rencontres avec 30,5 points, 6 rebonds, 5,6 passes, 2 interceptions et 2 contres (47 / 42 / 84 au tir, rien que cela !). Ses efforts seront pourtant vains. En face, Iverson avait réponse (haha) à tout. Plus brouillon au tir, le tout frais MVP claque 34 points par match (54 au game 2, 52 au game 4), accompagnés de 7 passes décisives et 3 interceptions (40 / 43 / 79 au tir). Mutombo et ses 11 points, 12,5 rebonds et 3,5 contres fait presque figure d’enfant de coeur, à côté.
Pourtant, sa présence est fondamentale à la défense des Sixers, qui s’en vont rencontrer les Bucks de Milwaukee en finale de conférence. Pour sa première série à ce niveau, The Mount va répondre présent. Son game 7 l’illustre topiquement : 23 points, 19 rebonds (dont 8 offensifs), 7 contres et une large victoire. Alors qu’il a désormais 35 ans, il passe 44,5 minutes de moyenne sur le parquet pour atomiser la raquette des daims, tandis qu’Iverson inscrit… 44 points pour clore la série.
On dit que les montagnes ne se rencontrent jamais. En finale NBA, c’est faux. En face des Hawks et de Mutombo ? Les Lakers de Los Angeles, tenants du titre et possédant dans leur rang Shaquille O’Neal et Kobe Bryant.
La suite, vous la connaissez. Face au joueur le plus dominant de son ère, Mutombo ne sera pas ridicule. Cela ne l’empêchera pas de se faire marcher dessus par un gros Shaq, de sept an son cadet et en plein dans son prime. Si les 76ers remportent le premier match, ils s’inclinent au cours des 4 rencontres suivantes, sans jamais pouvoir véritablement espérer soulever le titre sacré. Avec 17 points, 12 rebonds et 2 contres de moyenne, Deke n’a pas fait ses 35 balais. Mais pas le poids non plus, malheureusement.
Cette déception aurait pu signer la fin de sa carrière. Détrompez-vous. Nous sommes en 2001, Mutombo va fouler les parquets de la Grande Ligue encore… huit ans, pour 436 matchs de saison régulière.
Papy fait de la résistance
Pour autant, il ne lui reste qu’une seule saison de très haut niveau dans la besace. Toujours présent plus de 36 minutes sur le terrain, l’intérieur occupe la dernière place du podium du DPOY en 2002 pour la dernière fois de sa carrière. Il monte à cette occasion sur la boîte pour la 9ème année consécutive. Il signe également son dernier double-double de moyenne sur une saison et dispute son 8ème et dernier All-star game. Collectivement, néanmoins, Philadelphia ne rééditera pas l’exploit de l’année précédente, s’inclinant au premier tour des playoffs face aux Celtics.
À l’été 2002, Mutombo est envoyé aux Nets du New Jersey. Son corps surdimensionné commence toutefois à lui faire des misères et, pour la première fois, il se blesse sérieusement. Cela ne l’empêche pas de revenir disputer sa deuxième finale NBA, bien mené par Jason Kidd. Malheureusement, même si O’Neal n’est plus là, il doit se coltiner Tim Duncan et le résultat est sensiblement identique. C’est désormais acté : Dikembe Mutombo ne remportera jamais de bague et fait partie de cette caste peu enviable des monstres sans titre NBA.
Il est coupé par les Nets en 2003 et traverse le pont de Brooklyn pour signer chez le voisin des Knicks. Il y dispute tout de même 65 matchs, dont 56 en tant que titulaire. Il s’envole enfin en fin de saison à Houston, où il passera tout de même cinq saisons complètes, alors même qu’il a déjà 38 ans. Malgré un temps de jeu très réduit, il continue de grapiller quelques rebonds et de claquer quelques bâches. Nul ne doute qu’à 40 berges passées, il continuait de défendre le perron de sa maison.
Dans le livre des records, pour l’Éternité
Alors même qu’il a débarqué en NBA à l’âge de 25 ans, Mutombo y a évolué pendant 18 saisons et 1 196 matchs de saison régulière (et 101 en playoffs). Sa longévité extraordinaire fait aujourd’hui de lui le 48ème joueur ayant le plus disputé de rencontres de l’Histoire.
S’il n’a évidemment jamais brillé dans l’art de scorer (11 729 points en carrière, 9,8 de moyenne par match), il a marqué à l’encre indélébile deux catégories statistiques. Le rebond, d’abord. Dans son prime, The Mount avalait toujours entre 12 et 14 rebonds par soir. Il a d’ailleurs terminé deux saisons en tant que meilleur rebondeur du pays, à l’âge de 33 et 34 ans. En saison régulière, ses 12 359 prises font de lui le 20ème rebondeur all-time et sa place n’est actuellement guère menacée.
Le contre, ensuite. En la matière, il est une Institution. Aux côtés d’Elmore Smith, Mark Eaton ou Hakeem Olajuwon, il peut être considéré comme le meilleur contreur de tous les temps. Si l’on ajoute la gestuelle et son Not in my house aux chiffres, il est probablement le contreur le plus iconique de l’Histoire de la NBA. Rien que cela. En saison régulière, il a collé la bagatelle de 3 289 contres (2ème). Il figure à la 11ème place de ce classement en playoffs, mais affiche la 3ème moyenne : 2,49 par match, alors même qu’il a joué jusqu’à 42 ans. Si l’on se contente de son prime, il possède de très loin la meilleure moyenne de contre / match en playoffs, avec 3,3.
S’il n’a étrangement pas eu les honneurs du top 75 all-time, Dikembe Mutombo est aussi, nous l’avons dit, l’un des deux joueurs à avoir décroché à quatre reprises le graal que convoitent tous les défenseurs. Un record qui, gageons-le, n’est pas prêt d’être battu.
Dikembe Mutombo est mort. Peut-être que là où il est, certains grands dunkeurs tentent obstinément de le postériser. À chaque contre, il peut aujourd’hui agiter son index de gauche à droite, de droite à gauche, sans que David Stern ne lui colle une amende. Kobe Bryant ou Bill Russell n’ont qu’à bien se tenir.