On dit souvent que la NBA est un spectacle permanent. Tous les ans, elle répète un cycle infernal qui se veut rempli de surprises : Draft, free agency, saison régulière, trade deadline, Playin & Playoffs.
La grande ligue sait créer des RDV car elle aurait une chose en horreur : tomber dans la routine. La NBA c’est une série à l’américaine, Dieu la garde de nous imiter et prendre le risque de tomber dans un train-train quotidien. Puisque rien ne serait plus terrible que de donner l’impression que chaque saison est une inlassable répétition de la précédente, l’an dernier, elle avait surpris son monde avec le In Season Tournament et ses odieux parquets.
Pourtant, au milieu de ce capharnaüm permanent, une irréductible franchise basée dans les montages semble résister à l’effervescence qui l’entoure. Aussi, lors de la reprise de la saison, on avait l’impression que la routine des Nuggets était à son zénith.
Comme chaque année, Nikola Jokic voulait être partout sauf micro en main face au caméra, comme chaque année, Mike Malone se trouvait sur le banc de la franchise, comme chaque année, au constatait que le quatuor des Nuggets (Murray-MPJ-Gordon-Jokic) assurait à cette équipe de faire partie du gratin de la conférence Ouest, et comme chaque année, on déplorait le manque d’ambition des dirigeants pour offrir à Nikola Jokic un effectif suffisamment profond.
En somme, tout semblait en place pour finir une saison régulière solide, pour attendre beaucoup (trop) de son pivot, pour blâmer le banc de son manque de productivité et voir les Nuggets jouer comme une équipe de vétérans qui gère son effort.
En dépit de cette routine, les Nuggets semblait tout de même désirer offrir un peu de conformisme à Adam Silver. Alors ils nous ont offert quelques retouches de changements. Et c’est de ça que nous allons parler aujourd’hui.
Des changements mineurs durant l’été
Vous l’aurez compris, les Denver Nuggets ne nous ont pas réservé un été très actif.
Le feuilleton principal était centré autour de Kentavious Cadwell Pope. Arrière titulaire des Nuggets, il sortait d’une campagne de Playoffs délicate, mais représentait un rouage clé de l’effectif.
Dans une équipe qui manquait de shooters à 3pts d’élite et se montrait très sélective (30eme au volume de 3pts pris par match en 2024), KCP représentait une des principales menaces à longue distance aux côtés de Jamal Murray & Michael Porter Jr.
Dès lors, il semblait indispensable pour la franchise de satisfaire ce dernier et le conserver. Incapables d’arriver à un accord, l’équipe perdait un maillon essentiel qui n’était pas réellement remplacé. Un manque pointé du doigt par Mike Malone avant la saison, puis, par Nikola Jokic quelques jours après le début de saison.
Pourtant, imperturbable, Calvin Booth ne s’agitait pas et renouvelait sa confiance en son young score, pourtant largement délaissé en post-saison. Naturellement pour Denver, cela signifiait que Christian Braun allait intégrer le 5 des Nuggets, et cela posait des questions.
Loin de résoudre les problèmes de Denver, Braun semble ajouter à certaines forces (taille, finition au cercle) et creuser la faiblesse au tir de l’équipe (certes, 38,4% d’adresse sur 82 matchs, mais seulement 2 tirs pris par match). Braun débarquait au moment du training cap avec une casquette de shooters potentiels, mais à la respectabilité très discutable.
Autre changement, notable, les Nuggets laissaient Reggie Jackson faire ses valises (malgré quelques bonnes performances, il n’avait pas réellement semblé embrasser le jeu proposé par les Nuggets pour en profiter pleinement),et la franchise se tournait vers Russell Westbrook, piètre shooter devant l’éternel.
A l’orée de la saison, la situation était donc la suivante :
- KCP n’était pas remplacé
- Reggie Jackson cédait sa place à bien meilleur défenseur et playmaker, mais un bien moindre shooter
- La franchise pariait donc gros sur la prise de pouvoir de Christian Braun et l’éclosion de Julian Strawther, qui avait montré des velléités de shooters de haut volume, sans la réussite durant sa saison rookie
Un changement de rythme inattendu
Après seulement 10 matchs joués cette saison, difficile de dire si les paris pris par Calvin Booth seront payants. Christian Braun va-t-il réussir à accroître le volume et maintenir l’adresse ? Malgré un début de saison tonitruant (16,6pts par match, 50% à 3pts pour 3,6 tirs pris par rencontre), l’échantillon est beaucoup trop faible pour en tirer des conclusions et il faudra bien reposer les pieds sur terrain pour le nouvel arrière titulaire. Julian Strawther confirme avoir la détente facile, mais trouvera-t-il une respectabilité en convertissant ses tirs ?
Toutefois, ce qui nous importe ici, c’est la certitude nouvelle s’est insérée dans le jeu des Nuggets : ils jouent beaucoup plus vite.
26eme attaque en nombre de possessions jouées l’an passé, ils courraient peu et aimaient découper les défenses adverses sur demi-terrain. Ils étaient 22eme en fréquence de transitions jouées et 20eme en points par possession sur ces dernières. Un mauvais élève en somme.
L’arrivée de Russell Westbrook durant l’été et l’insertion de Christian Braun dans le 5 de départ changent ici considérablement la donne.
Du côté du MVP 2017, la donne est simple. Il a toujours été un joueur qui aime pousser la gonfle en transition. Excellent pour remonter la balle sur ces séquences, il permet aux Nuggets qui manquaient d’un profil semblable de débouler très vite une fois un rebond sécurisé ou un ballon volé. En cela, Denver est beaucoup moins dépendant des longues passes de Nikola Jokic ou de joueurs qui sortent de leur zone de confort pour générer des transitions (manque d’explosivité de Jamal Murray, manque d’autonomie balle en main de KCP & MPJ). Si Westbrook n’a plus le même coup de rein que dans ses jeunes années, la transition représentait encore 1 quart de ses possessions l’an passé, ce qui reste dans les hautes sphères en NBA.
Autre point notable, l’arrivée du meneur génère beaucoup plus d’actions où Jokic lui-même part en transition et peut être trouvé par son/ses coéquipiers, d’autant que Westbrook est performant sur les entry-pass vers les intérieurs (exemple face au Heat) :
Sa présence offre une nouvelle option autonome pour libérer la balle, ce qui libère ses coéquipiers et leur permet de se projeter plus vite dans le camp adverse. L’enjeu pour lui sera en revanche retrouver de l’efficacité dans cette phase de jeu.
Pourtant, le plus gros accélérateur de tempo pour les Nuggets s’appelle indéniablement Christian Braun. Si vous êtes fans des Nuggets, vous savez que les doutes concernant sa faculté à remplacer KCP étaient les suivants : faculté à exister autrement que par ses coupes sur demi-terrain et viabilité à 3pts. Car en termes de dynamisme en transition et de capacités défensives, le jeune arrière n’est pas en reste.
Athlète accompli, excellent QI Basket, Braun brillait déjà sur les séquences de transition pour les Nuggets. En ce début de saison, c’est quasiment 1/3 de ses tirs qui sont pris sur des contre-attaques (32% de fréquence !!) et à ce stade de la saison, l’efficacité est phénoménale (1,33 points par possession). Toujours le premier lancé dès que la balle est récupérée, Braun possède un énorme moteur dont il profite pour inlassablement attaquer l’adversaire. Contrairement à son prédécesseur, il a un dribble suffisamment fonctionnel pour mener des transition par et pour lui même. De fait, dans une NBA en pleine inflation du jeu rapide, il est leader dans une tendance que les Nuggets veulent définitivement embrasser.
Dans ce contexte, les autres jeunes joueurs ne sont pas en reste (Julian Strawther & Peyton Watson). Strawther sort également très rapidement sur le rebond, et s’il ne possède pas l’explosivité de Braun, il n’hésite pas à arriver en second couteau et à dégainer de loin sur ces séquences. Quant à Watson, il est long, extrêmement athlétique et est naturellement devenu un excellent réceptacle pour de longues passes.
Conclusion
Les Nuggets bloqués par l’intronisation du 1er & 2nd Apron n’ont pas pris le risque de continuer à dépenser autant que la saison précédente. Les règles ayant changé, ils se sont confortés dans leur volonté de parier sur les joueurs draftés.
On ne sait pas à quel point ces jeunes seront d’assez bons shooters pour éviter un manque de spacing fatal, tout comme on ne sait pas comment Christian Braun, Julian Strawther et Peyton Watson assumeront leurs nouvelles responsabilités sur l’ensemble d’une saison.
Toujours est-il, que s’ils se stabilisaient dans ces eaux-là en transition, les Nuggets deviendraient une équipe capable de sanctionner les défenses avant qu’elles soient en place. A l’heure où j’écris, une équipe qui avait la 26eme PACE la saison passée a fait un bond à la 7eme place. Et les vertus sont certaines :
- Plus de points “faciles”
- Efficace pour débloquer l’efficacité de certains shooters limités sur attaque placée (Russell Westbrook, Christian Braun)
- Clé pour mettre en rythme des joueurs qui auront besoin de confiance
Cela ne solutionnera pas tout, mais au moins, les troupes de Mike Malone ont trouvé de quoi casser la routine. Ce qui ne sera pas de trop pour relever le défi d’une conférence Ouest toujours mieux armée, et compenser des cadres (Jamal Murray en tête) qui peinent à épauler au mieux un Nikola Jokic qui semble encore et toujours porter le Colorado sur ses épaules.