Le Thunder s’est arrogé la première place de la conférence Ouest la saison passée. Une performance de haute volée pour une équipe qu’on attendait comme un solide prétendant aux Playoffs, mais pas une tête d’affiche d’une conférence très relevée. Tout du moins, pas si vite.
Désormais, l’avenir semble appartenir aux hommes de Mark Daigneault. Possédant un effectif solide, jeune, des stars montantes et une multitude d’assets, ils pourraient dès maintenant apparaître comme un absolu favori pour le titre.
Et pourtant, une chose semble différencier le Thunder de ses concurrents : ils sont en position pour être là pour très, très longtemps.
Une stratégie qui paye
Il y a quelques années, j’avais écrit un article expliquant comment les franchises NBA utilisaient les tours de drafts comme un actif en bourse. Échanger ses stars contre une multitude de tours de draft, aux dépens de la contrepartie court terme était devenu la norme. Évidemment, prolonger cette stratégie sur ses meilleurs role players et les joueurs récupérés dans le cadre des échanges lui donnait un aspect exponentiel.
La stratégie de fond était en résumé la suivante : renforcer des franchises prétendantes avec une fenêtre de titre immédiate et récupérer des tours de draft lointains pour profiter de leur potentielle chute à venir. L’article reposait sur les exemples récents de l’époque : l’échange de Jrue Holiday aux Bucks par les Pelicans, l’échange d’Anthony Davis aux Lakers par ces mêmes Pelicans et le début de la reconstruction du Thunder, avec les échanges de Paul George (aux Clippers) et Westbrook (aux Rockets).
L’idée était simple : dans un premier temps, les picks permettent de former un groupe de jeune joueurs extrêmement profond. Cela offre une large génération dans la même timeline et la flexibilité de tester, tester, tester pendant plusieurs saisons.
Cette stratégie peut évidemment être un échec, mais elle maximise vos chances de réussite, surtout quand comme le Thunder, vous possédez un general manager connu pour son flair à la draft en la personne de Sam Presti. Ainsi, pendant plusieurs années, OKC a drafté de nombreux jeunes joueurs et pouvait même se permettre de tenter des paris sur des joueurs undrafted.
Pour se donner une idée entre 2021 et 2023, le Thunder draftait :
- En 6, en 18, en 32 et en 55 (+ un 1er TDD échangé) ;
- En 2, en 12, en 30 et en 34 ;
- En 12, en 37 et en 50.
En 2025, le Thunder pourrait monter jusqu’à cinq 1ers tours de draft, après avoir conservé le leur et récupérer ceux de Miami, Utah, Philly et un entre Houston/Clippers. Le tout en étant devenu entre temps, un prétendant au titre.
Désormais, le Thunder est dans la 2ème phase de reconstruction, et peut se permettre d’utiliser ses picks comme bon lui semble : il peut autant se dire qu’il veut continuer à accumuler des jeunes prospects et transférer des joueurs lorsqu’ils sortiront de leur contrat rookie, ou utiliser la valeur de ces tours de draft à venir pour aller acquérir via un transfert ce qui pourrait sembler leur manquer de façon immédiate.
Cet été, le Thunder était dans une situation salariale encore si idyllique, dûe à la quantité de très jeunes joueurs dans l’effectif, qu’ils ont pu se permettre de monter un échange pour Alex Caruso (sacrifiant le seul Josh Giddey, qui ne faisait plus sens dans le projet) et d’aller signer Isaiah Hartenstein, pour s’offrir une option de choix supplémentaire à l’intérieur.
Avec deux jeunes stars en puissance possédant encore 2 années de contrat rookie (Chet Holmgren, Jalen Williams), des role players clés possédant également encore plusieurs années en contrat rookie (Cason Wallace, Ousmane Dieng, Nikola Topic) et une multitude de contrats très malléables (Luguentz Dort, Aaron Wiggins, Isaiah Joe, Kenrich Williams), ils ont une flexibilité totale pour remanier leur effectif à souhait.
Autrement dit, des contrats qui peuvent tous faire partie d’un échange car aucun ne semble surpayé, mais tous possèdent des montants suffisamment élevés pour permettre d’équilibrer des salaires dans un éventuel mouvement.
Un coup de pouce du destin
Alors que l’avenir semblait déjà sourire à l’équipe de Sam Presti, la mise en place du nouveau CBA pourrait bien rendre la construction de cette équipe encore plus compétitive.
La mise en place de deux seuils d’Apron, qui vient d’être instaurée, a pour but de sanctionner les équipes vivant trop longtemps et trop nettement au-dessus du salary cap. Les exemples récents des Warriors et des Clippers, aux contrats pléthoriques, semblaient crisper le reste des propriétaires NBA. Résultat, ces Apron ont pour but de sanctionner les flambeurs, avec diverses mesures.
Premier Apron
Lorsqu’une équipe franchit le premier apron, fixé à environ 178 millions de dollars, elle subit les sanctions suivantes :
- Impossibilité d’acquérir un joueur par un sign-and-trade si cela les maintient au-dessus de ce seuil ;
- Restriction sur l’utilisation des exceptions, pour monter des échanges ;
- Interdiction de signer des joueurs qui ont été libérés par d’autres équipes et qui gagnaient plus de 12.9 millions de dollars sur le marché des buyouts.
Second Apron
Le second apron, établi à environ 189 millions de dollars au-dessus de la taxe de luxe, entraîne des pénalités plus sévères :
- Perte de l’accès à l’exception intermédiaire (MLE) ;
- Restriction sur les échanges de choix de draft : les équipes ne peuvent pas échanger leur premier choix de draft sept ans à l’avance, et si elles restent au-dessus de cet apron pendant 2 des 5 prochaines saisons, ce choix sera repoussé en fin de premier tour.
- Interdiction de signer des joueurs disponibles sur le marché des buyouts ;
- Impossibilité de verser de l’argent dans des échanges ;
- Et enfin, elles ne peuvent plus combiner des salaires pour monter des échanges.
Ces mesures qui rendent les équipes qui naviguent dans ces eaux troubles beaucoup plus rigides, vont donc conférer une valeur encore plus élevée… aux tours de draft. En effet, c’est là que vous pouvez obtenir des joueurs tout à fait viables à très bas coût.
L’effet est double pour le Thunder qui possèdera donc la flexibilité de choisir entre renouveler ses role players via les tours de draft acquis durant sa reconstruction ou les utiliser pour répondre à des besoins spécifiques en les utilisant pour augmenter la valeur des joueurs échangés (couplage joueur / TDD).
Pour vous aider, à vous situer, cette saison, le salary cap est fixé à 140,5M, le seuil de luxury tax à 170M, le 1er apron a 178M et le 2nd apron à 189M. Le Thunder est cette saison à 160M de contrat, confortablement installé sous la luxury tax pour au moins 2 ans.
Si certaines franchises ont déjà pâti du nouveau CBA (on a vu beaucoup d’équipes s’affaiblir durant l’intersaison en raison de ce changement de règles), OKC pourrait bien faire partie des seules équipes bénéficiaires, et contender.
Une manne pas encore épuisée
S’il fallait une dernière illustration de cette inépuisable ressource de tours de draft, voici une idée de ce que possède encore OKC jusqu’à 2030. Évidemment, certains tours de drafts étant protégés, je vous propose un meilleur / pire scénario :
Scénario idéal
Dans le meilleur des cas, le Thunder pourrait obtenir un total de :
- 16 choix de 1er tour : cela inclut des choix non protégés et des protections qui n’opèrent pas (vous récupérez le pick d’une franchise mais il est protégé 1-5 : si le pick est finalement 6, vous le conserver, sinon il bénéficie à la franchise initiale, ou est décalé à une phase ultérieure qui peut également être soumise à protection jusqu’à annulation). Scénario envisageable si les équipes dont le Thunder possède les TDD protégés performent suffisamment pour ne pas être tout en bas du classement, et donc font échec aux protections, souvent placées en début de loterie.
- 20 choix de 2e tour : ces choix viendraient de divers échanges, avec des scénarios optimaux où toutes les protections des seconds tours n’interfèrent pas avec les acquisitions d’OKC.
Pire scénario
Dans le pire scénario, le Thunder pourrait être limité à :
- 10 choix de 1er tour : c’est le cas où la majorité des protections prévues s’appliquent et où les choix protégés entre 2 positions dans la loterie s’appliquaient systématiquement ;
- 15 choix de 2e tour : si certaines protections conduisent à des transferts décalés ou à l’annulation des choix de 2e tour, le total des sélections dans cette catégorie serait réduit.
En résumé, la fourchette de résultats pour OKC sur la période 2025-2030 varie de 25 à 36 choix, sur les 5 prochaines années.
Autrement dit, le Thunder est déjà là, et il est parti pour être là pour un très long moment. Dans une NBA dont les cycles sont estimés en moyenne à 4 ans et qui se voit contrarier par l’insertion de ce second seuil d‘apron, cela pourrait en faire un cycle particulièrement long pour leurs adversaires…