Le mois de septembre s’apparente normalement à une douce remise en marche des machines NBA. La folie de l’été, sa draft, sa free agency, et les échanges de superstars sont déjà loin. L’actualité est plutôt aux camps d’entrainement et aux vidéos de tirs extérieurs de Ben Simmons.
Mais les Knicks de Leon Rose sont différents. La première nouvelle de la semaine fut la convalescence de Mitchell Robinson. Plus longue que programmée, elle forçait le désormais pivot titulaire indiscutable des Knicks, après le départ d’Hartenstein, à manquer le début de la saison.
Puis, quelques jours plus tard, Shams Sharania, le désormais plus gros insider NBA, après le départ d’Adrian Wojnarowski, annonce le trade de Karl Anthony Towns aux Knicks. Avant de plonger dans les implications tactiques de ce trade, faisons un rapide détour sur la transaction elle-même.
La contrepartie pour les Wolves : Julius Randle, ou bien Donte DeVicenzo ?
En contrepartie, les Knicks envoient à Minnesota Julius Randle, dont l’intégration tactique avec le trio Brunson-Anunoby-Bridges posait question. Mais, le trade de KAT aux Knicks n’est-il pas davantage celui de Donte DiVicenzo ?
Sa saison a sûrement été éclipsée par l’explosion (la troisième) de Jalen Brunson, mais l’arrière a effectué une saison bien au-dessus de ses standards habituels. Dans le plus gros rôle de sa carrière (81 matchs débutés, plus gros minutage (30), plus gros taux d’usage (21%), DiVicenzo a été un de tous meilleurs tireurs de la ligue. Il affiche le plus gros volume de la ligue sur catch-and-shoot (7,3 par match) à 40% de réussite, mais aussi 38% sur un peu plus d’un pull-up par match.
Dans une équipe de Minnesota qui a parfois manqué de réussite à trois-points sur un grand volume, Donte DiVicenzo apporte une plus-value immédiate. En tout cas, son intégration tactique dans l’effectif est bien plus évidente que celle de Julius Randle.
A quoi ressemblent les Knicks avec Karl Anthony Towns ?
Si l’échange parait d’un côté, pour les Timberwolves, comme une pièce d’une restructuration financière plus globale, il est, pour les Knicks, purement sportif et court-termiste.
Une urgence au poste 5 ?
La première grille de lecture, la plus évidente, est celle de l’urgence au poste de pivot. Mitchell Robinson devant manquer le début de saison, Hartenstein parti, les Knicks cherchaient une solution viable. Un quinzième retour de Taj Gibson sous les ordres de Tom Thibodeau n’étant apparemment pas au goût du jour, et ni Precious Achiuwa ni Julius Randle ne donnant satisfaction, la solution devait être extérieure.
Évidemment, Karl Anthony Towns comblera davantage que ces seuls besoins au seul poste 5. Ses deux saisons partagées avec Gobert ne doivent pas faire oublier qu’il a traditionnellement évolué exclusivement au poste 5. Non sans difficulté, notamment en défense.
Quelle défense avec KAT ?
A quoi peut ressembler la défense des Knicks après y avoir intégré KAT ?
Une perte de valeur en protection de cercle
Depuis l’arrivée de Tom Thibodeau, les défenses des Knicks ont varié en efficacité (4ème en 2021, 11ème en 2022, 19ème en 2023 et 9ème en 2024) mais ont globalement gardé le même système. Les piliers défensifs ont presque toujours été des pivots protecteur d’arceau, principalement utilisés en drop sur pick and roll : Mitchell Robinson, Nerlens Noel et surtout Isaiah Hartenstein.
L’arrivée de KAT, au profil défensif différent de ses prédécesseurs, va forcément impliquer un changement schématique défensif. Ses deux dernières années passées avec Rudy Gobert, et donc son utilisation défensive davantage sur le poste 4, ont pu faire oublier à quel point KAT n’est pas un bon protecteur de cercle. Sur les quatre dernières saisons, il inflige en moyenne une perte d’efficacité de 2% aux adversaires lorsqu’il défend leur tir au panier. Pour référence, Isaiah Hartenstein est sur cette même période à 8% de perte, Mitchell Robinson autour de 5%.
Une polyvalence sur défense des écrans
Le positionnement au poste 5 de KAT vient défensivement avec des risques (moins bonne protection de cercle), mais également des opportunités. Il a tout d’abord montré, notamment lors de la dernière campagne de Playoffs, qu’il était toujours totalement viable de l’utiliser en drop en pick and roll. Il y a globalement bien contenu le pick and roll/pop Murray/Jokic, certes aidé par la présence en deuxième rideau de Rudy Gobert.
L’intérêt de Karl Anthony Towns réside davantage dans la polyvalence défensive qu’il offre. Contre Dallas, lorsqu’il ne partageait pas le terrain avec Gobert, Towns a été utilisé en drop, mais aussi au niveau de l’écran (soft hedge, première vidéo), et même parfois en « blitz » (deuxième vidéo) sur Irving et Doncic.
KAT offre donc des possibilités de variation par rapport au drop classique. Assez pour faire oublier la saison défensive historique d’Isaiah Hartenstein ?
Une faiblesse défensive comblée par ses coéquipiers ?
A la lumière de ce bilan contrasté de l’efficacité défensive de Towns, il serait aisé d’oublier qu’il faisait partie l’an dernier de la meilleure défense, et de loin, de la ligue. Évidemment, l’excellence défensive de Minnesota était le fait de Gobert, et à moindre mesure des autres playmakers défensifs (McDaniels, Alexander-Walker, Reid).
Towns retrouvera à New York un écosystème assez similaire, avec notamment Josh Hart et OG Anunoby qui peuvent apporter de la protection d’arceau secondaire et défendre au point d’attaque. Mikal Bridges, aussi, peut apporter une présence en deuxième rideau vue à Phoenix, et disparue à Brooklyn. En fonction des oppositions, il ne serait pas surprenant de voir Anunoby défendre le poste 5. Il l’a notamment fait par séquences face à Joel Embiid, avec le même succès relatif que l’ensemble de la ligue. KAT pourra lors, par séquence, retrouver le rôle qu’il occupait son rôle de défenseur du poste 4, moins ciblé en défense. Ce sera notamment le cas au retour de Mitchell Robinson, avec qu’il pourrait partager le terrain par séquences.
Par séquences seulement, car l’intérêt du trade pour Karl Anthony Towns est surtout en attaque, au poste 5.
Offensivement : est-ce qu’il offre une alternative au Brunson ball ?
L’attrait du trade parait surtout offensif, l’espoir étant que l’apport offensif comble le risque défensif. A quoi cela peut-il ressembler ?
Un « Brunson ball » amélioré avec KAT ?
Il est avant toute chose nécessaire de rappeler ce qu’est l’attaque des Knicks depuis 2 ans : une attaque héliocentrique autour de Jalen Brunson. 8ème taux d’usage de la ligue, 1er au temps avec le ballon dans les mains par possession, premier au nombre de dribble par touche de balle…l’attaque des Knicks commence et termine souvent par Jalen Brunson.
Largement efficace (60% d’efficacité, mieux que 74% de la ligue) sur un volume qui va toujours en augmentant, Jalen Brunson le fait dans un spacing non optimal. En plus des pivots Robinson et Hartenstein, Randle, Hart et Anunoby étaient peu respectés par les défenses adverses. Une stat est particulièrement notable ici : les Knicks étaient en moyenne l’équipe dont le pivot adverse était le plus proche du cercle en défense.
Last season, the Celtics did a better job than any other offense of pulling rim protectors away from the basket. pic.twitter.com/mpCuGvbAua
— Todd Whitehead (@CrumpledJumper) August 19, 2024
Autrement dit, les Knicks étaient la pire équipe de la ligue lorsqu’il s’agissait d’éloigner le protecteur de cercle adverse de la raquette. Jalen Brunson a donc fait exploser, presque par défaut, son volume de tirs à mi-distance et de floater, avec une efficacité remarquable (50% à mi-distance, mieux que 89% de la ligue).
Karl Anthony Towns permet de débloquer de l’espace précieux pour les pénétrations au cercle de Brunson. C’est son apport le plus évident, d’autant plus si on prend en considération les spots qu’il aime occuper sur le terrain. KAT aime tirer à trois points « above the break », au-dessus de la ligne des lancers-francs, quand les autres titulaires des Knicks préfèrent les corners (Anunoby, Hart) et à 45 degrés (Bridges). Une situation idéale pour créer une 5-out optimal, qui avait beaucoup profité à Jalen Brunson lors des playoffs 2022 à Dallas, moment de sa première grosse explosion offensive.
Quid du pick and roll ?
Au-delà de l’isolation (5ème fréquence de la Ligue), les Knicks sont également une équipe qui utilisent beaucoup le pick and roll (4ème fréquence de la Ligue), notamment pour débloquer le jeu de pull up de Jalen Brunson. Ici aussi, Karl Anthony Towns peut rentrer dans ce schéma, mais différemment. Finie la pression verticale au cercle à la Mitchell Robinson et le jeu sur short roll d’Isaiah Hartenstein, mais bienvenue au pick and pop de Karl Anthony Towns.
Un pick and pop Brunson – Towns peut forcer les défenses à des décisions difficiles, et permet de débloquer les meilleurs aspects de leur attaque : le drive and kick pour Jalen Brunson, et le catch and shoot de KAT (43% à 3 points sur pick and pop la saison passée).
Le jeu posté : une véritable alternative ?
Au-delà du simple spacing et du tir à trois-points, Karl Anthony Towns apporte également avec de lui de la création de tir. Sur drive déjà, parfois à partir du poste haut, où il a montré qu’il pouvait accéder au cercle et y provoquer des fautes (5,3 lancers provoqués par 75 possessions, mieux que 90% de la ligue).
Mais surtout, un aspect de création pour lui-même qu’il pourrait apporter aux Knicks, c’est sur le jeu poste bas. La saison passée, il était dans le top 15 des joueurs avec le plus de possessions au poste bas (3 par match), pour une réussite respectable (1,07 point par possession, mieux que 72% de la Ligue).
Cette capacité à punir les mismatchs sera d’autant plus intéressante pour les Knicks, vu les aspects du « Brunson ball » décrits au-dessus.
- Pour limiter l’apport de spacing de Karl Anthony Towns, qui forcerait le poste 5 adverse à sortir de la raquette, les défenses pourraient mettre sur lui un défenseur plus petit, et mettre leur protecteur de cercle sur un moins bon tireur comme Josh Hart. Dans cette hypothèse, Karl-Anthony Towns devrait pouvoir punir ce mismatch au poste bas.
- Une option défensive face au pick and pop Brunson-KAT serait de changer sur l’écran pour limiter les décalages, créant un mismatch. Encore une fois, le jeu au poste de Towns est un atout pour limiter l’efficacité de cette stratégie.
Des ajustements structurels nécessaires
Il apparait au final que Karl-Anthony Towns devrait facilement s’insérer dans l’effectif des Knicks. Tant défensivement qu’offensivement, son utilisation va forcer des ajustements mais devrait débloquer des flexibilités et une variété, dans un profil que n’avaient pas les Knicks et Thibodeau. Son arrivée, conjointement à celle de Mikal Bridges, offre une possibilité de s’éloigner, par séquence du moins, du tout Brunson qui a montré ses limites (physiques) en playoffs. La santé de Towns sera évidemment un point d’interrogation, mais les Knicks ont jusqu’au mois d’avril pour trouver des automatismes et arriver prêts pour les playoffs. Ce sera ensuite à Towns (et Bridges) de montrer que Leon Rose avait raison de faire un all-in.