A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 10 sur l’équipe masculine, c’est par ici !
Liste des épisodes précédents :
- Episode 1 : Les pionnières du basket (1893-1928)
- Episode 2 : Championnes avant l’heure (1929-1939)
- Episode 3 :La patte Busnel (1945-1957)
- Episode 4 : Survivre dans le basket soviétique (1957-1963)
- Episode 5 : Génération Clermont (1963-1980)
- Episode 6 : Les légendes d’Horizon 80 (1980-1990)
- Episode 7 : Premières étincelles (1990-1995)
- Episode 8 : Entrez dans l’âge des championnes (1995-2001)
- Episode 9 : Opération reconquête (2002-2010)
Episode 10 : Pour tout l’argent du monde (2011-2021)
Le regard porté vers la décennie 2010
Championnes d’Europe, encore ! Et mieux que ça, doubles championne d’Europe alors que la bande à Tony Parker n’a pas encore réussi son exploit de 2013. Oui, au lendemain de cet Eurobasket 2009, les lignes d’or du basketball français appartiennent aux femmes en bleu, elles qui, déjà dans les années 30, avaient réussi à remporter une sorte de compétition mondiale, en battant les américaines en finale. Et maintenant ? Maintenant l’avenir s’annonce radieux avec cette génération de joueuses qui portent cet héritage mais qui ont quelque chose de spécial. Pourtant, la méthode reste la même, les deux compères jouent à Ekaterinenbourg, en Russie, où elle engrangent expérience européenne et internationale. Et Dumerc est particulièrement attentive à ce phénomène qui se passe : en 2012, elle sera à l’initiative des premiers Etats-généraux du sport féminin en équipe, durant lesquels sa coéquipière Emeline N’Dongue résumera : « les États généraux sont venus d’un constat : le sport féminin collectif ramène des médailles, fait des résultats, mais on n’en parle pas. On a du mal à avoir une page dans L’Équipe qui est le grand journal sportif de référence. Tout simplement parce qu’on est des femmes, on s’en cogne de nous. On a voulu mettre en place ces États généraux pour que l’on puisse discuter de cela, voir ce que l’on peut faire et comment changer la donne ». Cependant, avec l’avènement des réseaux sociaux, des vidéos en lignes, des pages Facebook dédiées qui explosent à l’époque, des smartphones qui arrivent de partout, cette équipe de France féminine n’est plus dépendante des bons vouloirs de la programmation médiatique et peut exister d’elle-même, rendant son quotidien plus accessible à tous. Gruda et Dumerc notamment, commencent à voir leur popularité grandir très rapidement.
Et sur le terrain ? Sur le terrain, les bleues s’apprêtent à défendre leur couronne en 2011 en Pologne, après un mondial en République Tchèque durant lequel les bleues n’ont pas chômé, mais ont fait face à l’absurdité du calendrier: une première phase de poule de trois matchs en trois jours, dont un contre les amércaines, puis une seconde phase de poule à nouveau en trois jours, avec trois matchs, dont un contre les australiennes, championnes en titre, puis un quart de finale contre l’Espagne, perdu de peu, deux jours plus tard. Malgré ce rythme infernal, qui évidemment s’impose à toutes les autres équipes, les françaises n’ont pas déjoué, avec Pierre Vincent qui a du faire face à de nombreux forfaits et absences : Cathy Melain qui a pris une retraite bien méritées, Emmanuelle Hermouet et Pauline Krawczyk blessées, Diandra Tchatchouang est diminuée, Isabelle Yacoubou aussi, et surtout, Sandrine Gruda, ayant enchaîné sur une saison WNBA, finit par déclarer forfait, tout comme Emilie Gomis. C’est donc une Céline Dumerc en position de leader totale qui doit emmener cette équipe de France, avec quand même de très bons éléments: Emmeline N’Dongue, Endy Miyem, Florence Lepron, mais aussi avec les nouvelles arrivées comme Johanne Gomis ou Jennifer Digbeu. Et comme on l’a dit, les françaises n’auront pas démérité en écrasant le Sénégal d’entrée (83-45), puis la Grèce (69-55) avant de tomber contre les futurs championnes américaines (60-81). Au second tour, les bleues passent le Bélarus avec une Céline Dumerc en feu à 23pts (58-48) puis tombent contre les australiennes (52-62) avant de s’en sortir de justesse contre le Canada (49-47). Epuisées et n’ayant que Dumerc en leader offensif…qui ne l’est pas réellement puisque c’est en fait Endy Miyem qui culmine à 11pts par match, les bleues chutent en quart contre les espagnoles, non sans avoir livré bataille (71-74). Seule récompense de ce quart de finale perdu, deux matchs supplémentaires en deux jours, pour finir 6e. Après neuf matchs en dix jours, Céline Dumerc fulmine, “un combat physique un peu injuste, quand on se fait taper dessus et que ça n’est pas sifflé…le basket à un moment donné, ce n’est pas un terrain de combat, on peut jouer propre en étant très dur. Ni la France ni l’Australie ne sont à leur niveau.”
Mais autant pour Dumerc que Pierre Vincent, ce mondial n’est qu’une étape pour le véritable objectif : les Jeux Olympiques de Londres en 2012. Pour cela, il faudra un Eurobasket 2011 réussi, avec au moins une cinquième place.
Un titre à défendre et les JO presque dans la poche
Terminer 5e ? Plus que faisable pour cette équipe de France. Mais soyons gourmands, visons le doublé et un troisième titre européen ! Surtout qu’après un stage à Bourges et une préparation plus que réussie, avec des victoires contres les tchèques, vice-championnes du monde, le Canada ou la Russie, on sent que cette équipe de France ne baisse pas de niveau, et peut compter sur les retour de Gruda, Gomis, Lepron, Yacoubou. Et comme en 2009, Pierre Vincent rappelle une vétéran pour apporter de l’expérience des grands tournois et de la gagne : Edwige Wade-Lawson, championne d’Europe en 2001, comme Cathy Melain. Et ça marche, car pour le premier tour, les françaises refont comme un an plus tôt : un départ tonitruant contre la Croatie (86-40) et Lawson-Wade top scorer. Mais contre les lettonnes, les françaises calent en prolongation (56-59). Qu’importe, la France termine le travail avec bien évidemment Sandrine Gruda qui nous offre un 19pts-8reb. Bien que seconde de son groupe, la France assure son billet pour les quarts de finales en battant l’Espagne avec une impressionnante sérénité : 79-55, en écrasant les ibérique dans le dernier quart : 33-7 ! Mais après une défaite contre le Monténégro (68-73), la France soit sécuriser son positionnement pour la phase finale contre les polonaises. C’est chose faite, dans la douleur : 78-74, les deux équipes dominant largement chaque quart-temps l’une après l’autre.
Et voici la France de retour en quart de finale. Ce sera la Lituanie qui se dresse face aux championnes d’Europe en titre. Il faudra attendre le 3e quart-temps pour voir les bleues filer (20-8) emmenées par un duo Gomis-Gruda mais aussi Dumerc et Yacoubou, toutes au dessus des 13pts. Cela suffira (66-58) et surtout, le ticket pour le tournoi qualificatif olympique de Londres est désormais assuré ! Ce sera donc avec le coeur léger que les Françaises abordent la Turquie en demi-finale, mais TQO ou pas, il y a un titre à défendre. Après un round d’observation (15-16), les turques posent de plus en plus de soucis aux françaises, en mettant Isil Alben, alors à Galatasaray, sur la meneuse tricolor. Duel de petite taille sur le papier, mais les deux meneuses se livrent un combat intense. Les turques restent devant, mais les françaises sont en embuscade et reprennent enfin l’avantage, à 3min de la fin du match, avec Emilie Gomis au sommet de son art avec déjà plus de 20pts et 9reb. Les championnes d’Europe intensifient leur défense, ça sent la finale ! Surtout quand Digbeu met le panier à trois point à 60sec de la fin : +2. Mais la Turquie égalise sur un mini hook de Vardarli : 60-60. It’s Dumerc time ! Céline se défait d’Alben, collée comme un chewing gum et s’échappe vers la raquette…avant que la petite main d’Alben ne lui revienne dans le dos et lui enlève la balle : prolongation. Mais cette prolongation, les bleues la vivent difficilement sur le plan physique, avec les turques qui ne baissent pas leur intensité. L’adresse n’est plus là…et la Turquie prend l’avantage définitivement: 62-68, malgré une Emilie Gomis à 26pts. La déception est là, mais la France a obtenu ce qu’elle était venue chercher : un potentiel ticket pour Londres. Les bleues finissent le travail pour grapiller une médaille de bronze contre les tchèques : 63-56.
London 2012 : inspire a generation
Alors, ok, c’est du bronze, pas de l’Or, mais c’est quand même une médaille, et en 2011, le basket français ne peut pas se permettre de cracher dessus. Il faut désormais avoir la tête à Londres, en sachant que la meilleure médaille possible, ce sera l’argent. L’argent Olympique ? Pas de l’Or, mais tout comme, car les américaines arrivent avec deux Dream Team. Les garçons auront Kobe, Lebron, Durant, Harden, les filles auront Sue Bird, Candace Parker, Diana Taurasi, Maya Moore. Comment espérer aller le plus loin possible avant qu’inévitablement cette armada monstrueuse ne tombe sur la tête des bleues ? Pierre Vincent ne change pas ses habitudes : on commence par un stage avec un groupe élargi en terre de basket, à Bourges. Vincent alterne entre les vétérans et les nouvelles tête : Clémence Beikes, Emilie Gomis, Pauline Krawczyk, Florence Lepron, Diandra Tchatchouang et Edwige Lawson-Wade pour les vétérans, Ana-Maria Cata-Chitiga, Fabienne Constant, Naura El-Gargati, Laetitia Kamba, Marion Laborde, Anaël Lardy, Guiday Mendy, Hadydia Minte, Alexia Plagnard, Charlotte Preiss, Paoline Salagnac, Ingrid Tanqueray et une certaine Héléna Ciak. Mais ou sont Dumerc, Gruda et autre ? Là encore, en ce mois de mai, tout le monde n’a pas encore fini sa saison… Finalement, Pierre Vincent choisit son groupe, après une préparation de 7 matchs…pour 7 victoires. Place au TQO désormais, avec le groupe final. Les heureuses élues sont : Yacoubou, Miyem, Beikes, Gruda, Lawson-Wade (la seule à faire sa 2e olympiade), Dumerc, Lepron, Gomis, Laborde, Godin, N’Dongue et Digbeu. Et ce groupe se montre à la hauteur des attentes : 3/3 dans le TQO dont deux blow-out contre le Canada et le Mali avant de sortir la Corée du Sud. Direction Londres, cette fois pour de bon. A l’échelle française, cet effectif est monstrueux et il ne le sait pas encore, mais il va inspirer une génération, comme l’encourage le slogan de ces jeux à Londres (Inspire a generation).
“Pour exister, il faut gagner”
A Londres, Edwige Lawson-Wade appelle son groupe à se mettre dans le bain, notamment à prendre part à la cérémonie d’ouverture. Les françaises arrivent avec l’enthousiasme de touristes, prenant des photos avec Usain Bolt et autres superstars. Pierre Vincent confirme : “j’ai pris des vidéos d’elles, elles étaient comme des gamines !”. Mais quand elles rentrent dans le stade Olympique flambant neuf de Londres, dans ce qui est encore une cérémonie d’ouverture légendaire, les émotions sont fortes, Endy Myiem marche à côté de Kobe Bryant, Céline ne résiste pas à une photo. Bref, Lawson-Wade a eu du flair. Ces bleues sont désormais remplies d’énergie. Pierre Vincent l’assure: “ça a eu un impact”. Il est donc temps de montrer le meilleur de la France au monde entier.
Trashtalk, qui commence à entrer dans notre quotidien à l’époque, titre alors : “Les bleues ont traversé la manche pour déconner”. France, Australie, Brésil, Canada, Royaume-Uni, Russie, Australie. Voilà le groupe duquel il faudra sortir au moins quatrième, pas le temps de déconner en effet. Pour lancer ce tournois contre le Brésil, il faut que tout le monde soit prêt. Et il y en a une qui est prête : la capitaine Céline Dumerc. “T’es la pour te faire plaisir, c’est les Jeux Olympiques” explique Céline. Se faire plaisir ? C’est 23pts et 7 passes décisives…Sur twitter, ça s’affolle, on commence à parler d’une “Mini-Mamba”. Victoire 73-58, croyez-le, ce n’est pas fini.
L’Australie : gros morceau, emmené par Suzy Batkovic, une vieille connaissance de Dumerc et Gruda, passée par Valenciennes et Ekaterinbourg qui va taper un joli chantier (22prs-10reb). Le problème pour les australiennes, c’est qu’Emilie Gomis a également décidé que ça serait sa soirée : 22pts. La victoire est à portée de main, mais à 65-62, voilà que Belinda Snell, du Seattle Storm, envoie un tir de la ligne médiane et égalise au buzzer ! Mais les françaises tiennent le choc et c’est une victoire en prolongations (74-70) avec…encore Emilie Gomis bien sur. Emeline N’Dongue raconte “quand on bat l’Australie, on se dit que ça allait être quelque chose d’extraordinaire”. Mais Pierre Vincent, voyant son groupe un peu trop s’amuser, sonne le rassemblement et impose une consigne : “pour exister, il faut gagner”. Face au Canada, la bataille est âpre, mais ça passe encore : 64-60, et les joueuses commencent à comprendre l’importance des mots de Pierre Vincent. Adversaire suivant, la Grande-Bretagne, pas particulièrement un adversaire redoutable, mais contre lesquelles les françaises buttent devant un public très hostile…64-67 à 10 secondes de la fin. Il est temps de ressortir de hashtag “Mini-Mamba”. Dumerc demande à son banc “deux points rapide ou trois points ?” le staff lui répond. Elle exécute : égalisation au buzzer et prolongation. Et quelques minutes plus tard, alors qu’elle n’a que 7 secondes pour la balle de match à 77-77, elle redemande la consigne, même réponse, même position, même shoot, le reste se trouve dans vos livres d’histoire de basket. Toujours emmenées par Cap’ la France est sous le choc de voir les bleues finir le travail contre la Russie 65-54, la France termine première de son groupe, avec un bilan historique : 5-0.
Les braqueuses sont de retour
Dans le couloir avant d’aborder la suite du tournois, les Parker, Batum, Diaw, viennent féliciter les filles. Les garçons dont le parcours va s’arrêter contre les espagnols, vont avoir de quoi se consoler : les braqueuses sont de retour pour les venger. Sauf que la France déjoue, déjoue beaucoup. Après une première mi-temps fade durant laquelle les deux équipes restent au coude à coude, la défense française prend l’eau dans le troisième quart-temps: 13-23. Pierre Vincent pique une crise : “on fait que des conneries partout !”. C’est l’heure de la révolte, et elle est menée par la capitaine. Derrière la petite numéro 9, les françaises mettent TRENTE points aux tchèques dans le dernier quart-temps. Dumerc culmine à 23pts et 7 passes, Miyem fait le travail en raquette, Gruda aussi. A une minute de la fin du match, it’s Dumerc time: Capsule plante le panier qui refait enfin passer devant. Digbeu prend ensuite le rebond offensif pour sécuriser le match : 71-68. Les braqueuses ont encore frappé. La France est en demi-finale des Jeux Olympiques. Isabelle Yacoubou explose de joie, puis tombe au sol, en larmes, voyant que son petit ami en tribune brandit une pancarte “Will U Marry Me ?”.
Une histoire de plus en plus belle va-t-elle s’arrêter ici ? Ce seront les russes en demi-finale, dont la rumeur circulent qu’elles auraient préféré tomber sur la France. Un affront qui va mal passer. Contrairement aux précédentes rencontres, les françaises dominent le match et livrent même leur meilleure prestation du tournoi, avec six joueuses au dessus des 10pts et Edwige Lawson-Wade qui monte à 18pts. Aucun débat, c’est fini : la France de Céline Dumerc, de Pierre Vincent, est au sommet de son art et elle est en finale des Jeux Olympiques, historique. Au micro de France TV, Isabelle Yacoubou ne cache pas que l’argent sera l’équivalent de l’Or en annonçant “contre les américaines, on sait qu’on a aucune chance”. Alors voilà, on pourra nous aussi s’arrêter là, et mentionner simplement la supériorité américaine dans cette finale : 86-50 avec une Candace Parker en double-double et un 19-0 infligé sur la moitié du 3e quart. Isabelle avait raison, au final, cette médaille d’argent, ça vaut tout. Merci mesdames.
Une équipe de France de basket sur les Champs Elysées
“C’est magique, c’est un truc de malade” s’exclame Dumerc sur le bus. La moisson londonienne 2012 de la France reste un très bon cru. Nos équipes de handball ont brillé, au judo, en escrime…et c’est donc sur les Champs Elysées, sur des bus de champions, que les athlètes médaillés français paradent et montrent leurs médailles au public. Pour la première et seule fois dans l’histoire, une équipe de France de basket descends l’Avenue, triomphante, sur un bus, acclamée par la foule. En 2012, Dumerc, Yacoubou, avaient influé sur les Etats Généraux du sport féminin en équipe, pour demander plus de visibilité. Pendant les Jeux, les matchs des féminines auront été tous en clair, avec des parts d’audience jamais vues et provoquant un afflux de nouvelles licences en féminine. “Inspire a generation” disant le slogan des Jeux, l’équipe de France l’a fait, et nous la remercions encore aujourd’hui.
Les cinq péchés capitaux
Avec trois médailles, or, argent et bronze en quatre ans, il ne fait plus aucun doute sur le fait que cette équipe de France est la meilleure de tous les temps. Elle est attendue, elle est espérée même. Son public est né avec elle, avec Londres. Dumerc est devenue une superstar, Yacoubou, Miyem, Gruda, sont devenues les modèles de jeunes joueuses et joueurs dans tous le pays. On ne manquerait certainement pas leur prochain sacre, pour tout l’Or du monde. Mais ces bleues, tout en restant performantes, ne vont rapporter que l’argent, beaucoup d’argent…beaucoup trop d’argent ! En cinq Eurobasket, l’équipe de France va échouer à cinq reprises en finale. Même si l’armoire à médaille est donc remplie comme jamais, la décennie 2010-2020 devait être celle de la domination française, elle sera cette de la frustration du “presque”. Cinq finales, cinq pêchés capitaux, car les scénarios vont se répéter…
2013 : si prêt…
Un Eurobasket chez nous, douze ans après 2001 et le sacre à la maison ? On prend ! De Lille à Vannes, où Trélazé, les françaises arrivent chez elles pour tenter de rafler le titre européen une troisième fois, à quelques semaine de l’Eurobasket 2013 masculin qui va voir les garçons enfin trouver la délivrance. Le groupe est presque le même que Londres, avec les retour de Tchatchouang et l’arrivée de Valériane Vukosavljevic (que vous connaissez sous le nom d’Ayayi aujourd’hui). La France domine outrageusement ce tournoi : 62-39 contre la Lettonie, 76-32 contre la Serbie, 79-47 contre la Grande-Bretagne, puis au second tour, 78-70 contre la Croatie, 64-49 contre la République Tchèque, et 58-50 contre le Bélarus, avant de sortir la Suède puis la Turquie en demi-finale. Et voilà les Françaises prêtes à reprendre leur place en haut du podium…mais il faudra battre l’Espagne, et sa génération dorée, et Alba Torrens…
A Orchie, la salle est pleine à craquer et acquise aux françaises, mais les espagnoles sont légèrement devant à deux minutes du terme du match. Vous connaissez la routine, it’s Dumerc-time : la capitaine permet aux françaises de recoller à 67-68 à 20 secondes de la fin. Mais bien servie proche du cercle, Sancho Lyttle crucifie les bleues à mi-distance. -3, il reste 7 secondes. La balle arrive dans les mains d’Edwige-Lawson, qui est contrée, laissant la balle dans les mains de Gruda pour un panier anecdotique : 70-69. La clim. Une clim’ qui sera la dernière de Pierre Vincent. Le technicien décide de s’en aller. Gagner cette finale lui aurait permis de partir avec sa 100e victoire en tant qu’entraîneur de l’équipe de France…
2015, première médaille avec Valérie Garnier
Valérie Garnier prend le relais de Pierre Vincent. Elle était son assistante coach, ce sera donc la continuité. Surtout que Garnier est aussi de la maison Alain Jardel, passée par Mirande, et coach de Bourges lors de sa prise de fonction. Sa première compétition laisse entrevoir de belles choses, avec un mondial en Turquie où les bleues semblent en bonne route pour un bon résultat…mais tombent sur les américaines en quart de finale…L’Eurobasket 2015 est donc l’occasion pour Garnier, qui ne change pas fondamentalement l’effectif, de se relancer dans la course au titre. Trois nouveaux cadres intègrent le groupe de Garnier : Olivia Epoupa, Sarah Michel et Héléna Ciak.
La encore, les bleues déroulent, battant les ukrainiennes, les tchèques, les roumaines, les monténégrines, les grecques et les biélorusses, pour ensuite passer les russes et même se payer le luxe d’une revanche sur l’Espagne en demi-finale ! L’obstacle espagnol passé, le titre en vue ? C’est sans compter sur une autre génération dorée qui arrive : la Serbie.
Et dans cette rencontre, les bleues ne déméritent pas, mais font face à une équipe serbe qui va garder le contrôle du match, notamment avec Ana Dabovic, la joueuse d’Ankara et ses 25pts. Dabovic, qui est celle qui va relancer les serbes lorsque les françaises tentent de revenir à trois longueurs seulement à trois minutes de la fin. Score final, 76-68. Mais là encore, il est difficile de ne pas être satisfait de voir que Valérie Garnier est capable de ramener la France au sommet.
Une parenthèse Rio…et l’arrivée de Marine Johannes
2016 arrive et la France reste une place forte du basket féminin mondial. Et alors que l’ambiance est très mauvaise côté garçon, les filles, elles, peuvent tout à fait prétendre à une médaille dans ces premiers JO au Brésil. Oui, les médailles d’argent s’accumulent, mais l’effet Londres 2012 est toujours là et le public veut suivre ces bleues. D’ailleurs, à l’occasion des Jeux, Garnier décide de garder son groupe, certes, avec Yacoubou, Miyem, Gruda, Dumerc, Michel, Vukosavjlevic, Skrela, Ciak, Epoupa, ainsi que Marielle Amant et Laëtitia Kamba, mais elle décide aussi de lancer une nouvelle superstar du public : Marine Johannes. Pas forcément votre joueuse que vous citeriez pour les fondamentaux, l’athlétisme…mais son sens du jeu et son instinct du shoot sont incroyables et surtout, elle est spectaculaire. Johannes devra faire un peu ses preuves dans ces Jeux, elle qui vient de quitter son club normand de Mondeville pour rejoindre Bourges. Les bleues passeront d’ailleurs par Mondeville pendant leur préparation, qui sera assez positive dans l’ensemble, avant de finir le travail au TQO à Nantes : 3 matchs, 3 victoires.
Entre la préparation pour le TQO, le TQO lui-même, il y a déjà eu 8 matchs, auxquels vont se rajouter trois de plus, contre les USA, l’Australie et le Canada qui se tiendra…au Madison Square Garden ! Dans l’antre mythique New-Yorkaise, les bleues essuient cependant une troisième défaite en trois matchs. Les organismes sont fatigués, trop fatigués, et les conséquences finissent par être terribles : Céline Dumerc se tord la cheville à l’entraînement. C’est une entorse : la capitaine iconique des françaises doit déclarer forfait pour Rio, la tuile. Ce seront donc des jeux pour lancer de nouvelles joueuses à l’arrière : Sarah Michel et Marine Johannes. Michel, qui va répondre présente dès le premier match contre les turques (14pts). La France s’en sortira pour la suite : 3 victoires (contre la Turquie, le Bélarus et le Brésil) et 2 défaites (contre l’Australie et le Japon). En quart de finale, la France se défait également du Canada (68-63) avec une Sandrine Gruda au top (15pts). Alors que les garçons ont vu Tony Parker terminer sa carrière en bleu dans une humiliation en quart de finale, la présence potentielle des féminines sur le podium mettrait du baume au coeur. Mais en demi-finale…ce sont les américaines. Sauf que les françaises sont venues avec l’idée de jouer sans complexe, et Johannes “JoJo” a décidé de se révéler au monde entier. Alors que la partie est équilibrée, bien loin du scénario de 2012, les bleues collent aux américaines et font circuler la balle : Miyem, Gruda, Michel, Johannes, tout le monde score. Alors oui, les américaines gardent l’avantage et finissent par le garder…mais le score, tout le monde l’oublie lorsque Johannes décide de faire le show :
En un cross sur la pauvre victime du jour, Maya Moore, le public français, mais aussi américain, tombe amoureux de celle qui va petit à petit devenir l’image de cette équipe, qui ne fera pas de miracle face aux américaines : défaite 67-86, la tête haute. Mais dans la petite finale face à la Serbie, là encore, c’est trop court (63-70) et avec une Céline Dumerc qui rage sur twitter : “C’est horrible …d’être devant sa télé, la boule au ventre et être incapable d’encourager ma team” poste-t-elle. La France repart de Rio sans médaille, mais avec le sourire, car la jeune garde a été au niveau et surtout, comme le titre le journal Le Monde, en un cross, Marine Johannes s’est révélée au public français. Le quotidien, qui estime également que les bleues repartent “sans médaille, mais pleine d’espoir”.
2017 puis 2019 retour dans l’enfer des finales perdues…
Oui, après Rio, de l’espoir il y en aura. Beaucoup. Mais ce qui suivra deviendra un cauchemar sans fin. Car aux deux finales consécutives perdues en Eurobasket, vont s’ajouter trois autres supplémentaires, et entre lesquelles les bleues vont faire face à un plafond de verre pendant la coupe du monde 2018 où la France se fait sortir en quart de finale par une Belgique qui devient l’étoile montante du basket européen. Ce tournoi permet de montrer que Johannes, mais aussi Michel, Ciak, Vukosavljevic, sont en train de prendre la relève. Les highlights de Johannes dans ce tournoi sont à déguster dans modération.
Mais hormis ces jolies actions, le quotidien des bleues va se résumer à se relever après chaque finale perdue. Pour l’Eurobasket 2017 en République Tchèque, la France fait le parcours parfait, défaisant la Grèce en demie-finale et retrouvant une Céline Dumerc au top. Les bleues retrouvent les espagnoles en finale mais elles sont rapidement distancée par la bande d’Alba Torrens. Encore une finale perdue et encore une médaille d’argent, la quatrième en six ans. Pire, c’est sur cette frustration que Céline Dumerc, qui ne voulait pas finir en bleu sur une blessure à Rio, termine son aventure légendaire avec l’équipe de France.
Deux ans plus tard, dans un Eurobasket en Lettonie et en Serbie, rebelotte : les bleues déroulent en poules, défont les belges en prolongation avec une Sandrine Gruda en mode machine : 33pts-13reb. Puis les françaises sortent les britanniques en demie-finale. Cette fois-ci c’est la bonne ? Non. Encore ces espagnoles, encore ce match à sens unique : les françaises prennent un 32-21 dès le premier quart-temps. Même sans Torrens, la domination de la Roja est sans équivoque. Seul mérite de cette nouvelle finale, l’installation définitive de la nouvelle génération autour de Johannes et l’arrivée continue de jeunes talents : Ilana Rupert, Alexia Chartereau, Marine Fauthoux, Bria Hartley.
Le cinquième péché capital
Deux ans plus tard, en 2021 et à quelques semaines des Jeux Olympiques de Tokyo, repoussés d’un an, les françaises jouent à nouveau l’Eurobasket chez elles repartent à l’assault de l’Europe avec une véritable armada : Epoupa, Miyem, Chartereau, Gruda, Ciak, Michel, Vukosavljevic, Rupert, Johannes, Duchet, Tchatchouang et la petite dernière, talent franco-américain, naturalisée : Gabby Williams. Dans la Rhénus arena de Strasbourg, cette équipe roule sur tout ce qui bouge : en phase de poule, les croates (105-63), les tchèques (70-51) et les russes (85-69) subissent la loi de ce cinq majeur injouable avec Miyem-Gruda à l’intérieur, Vukosavljevic, Johannes et Duchet à l’extérieur. En quarts de finale, les bleues déroulent en sortant la Bosnie (80-67) puis en peinant un peu, mais en passant le Bélarus (73-61). La force de cette équipe, c’est avant tout le rythme qu’elle impose. Les bleues on cette habitude de prendre le large au troisième quart-temps. En finale, ce sera encore la Serbie…et ce sera encore un échec cuisant, les bleues se faisant très largement distancées. Le journal “20 minutes” résume : “Jamais dans le coup. Les Françaises ont laissé beaucoup d’énergie en courant après le score après avoir encaissé un 13-0 en début de deuxième quart-temps (31-18). Le vent de révolte initié par Valériane Vukosavljevic en fin de deuxième quart-temps, et l’écart de cinq points à la pause (31-26) n’étaient qu’un trompe-l’œil, car les Serbes ont dominé tous les secteurs du jeu, profitant des errements de l’équipe de France”. S’il y avait bien une finale à oublier, c’était celle-là.
L’argent brillant et l’impact de deux générations dorées
Six médailles d’argent en dix ans, et une en bronze. Voilà ce qui reste de l’héritage de la décennie 2011-2021. Le paradoxe étant que deux générations magnifiques, celle de Dumerc, Miyem, Yacoubou, Lawson-Wade, Gruda, Gomisn Lepron et celle de Johannes, Williams, Ciak, Epoupa, Vukosavljevic. D’un côté, on peut se féliciter des exploits légendaires comme à Londres en 2012 et au tournois réussi à Rio malgré l’absence de Dumerc. D’un autre côté, on ressent une immense frustration lorsque l’on pense aux finales, perdues de peu, ou carrément expédiées par les bleues. Celle de 2021 par exemple, n’était qu’un match à sens unique. A la fin de cette décennie, Valérie Garnier est de plus en plus constestée, mais c’est aussi avec Pierre Vincent et elle, que la France fait sa troisième olympiade d’affilée, du jamais vu. Oui, la France a performé, mais elle a aussi raté son rendez-vous, là où les serbes, les espagnoles, et après elles, les belges, ne vont pas rater l’occasion d’inscrire leurs noms en lignes d’or. Les françaises, elles, achèvent la plus belle décennie du basket féminin tricolore en échouant cinq fois d’affilée sur la dernière marche.
Mais oui, on peut aussi se dire, que cet argent a une valeur certaines. Car comme nous l’avons raconté dans les premiers épisodes de cette série, avec Alice Milliat, comme nous l’avons expliqué à travers les aventures des demoiselles de Clermont, comme nous l’ont rappelé Paoline Ekambi, puis Isabelle Fijalkowski dans les interviews qu’elles nous ont offertes pour les épisodes suivants, l’équipe de France féminine a toujours eu des batailles au-delà des parquets, pour se faire non pas connaître, mais reconnaître. Ces deux générations Dumers-Johannes ne font pas exception et ont apporté, même avec seulement de l’argent autour du cou, un souffle nouveau pour le sport féminin et le basketball féminin. Le public français répond présent à chaque match. Les communautés de fans sur les réseaux sociaux sont nombreuses et ceux qui couvrent l’actualité du basket dans notre quotidien, de Trashtalk à First Team, de Swich Swich à Bask’Elle Ball, suivent désormais fidèlement les compétitions des féminines.
Oui, ce n’est que de l’argent, ce n’est toujours que la 2e place, mais ce qu’on fait ces femmes pendant dix ans, a probablement lancé le basket féminin français sur 10, 20, 30 ans de futurs succès. Oui ce n’est que de l’argent, mais croyez-nous, demain, ce sera l’Or. Et pour cela, il faudra marcher dans leur pas.