Si comme moi vous découvrez la WNBA, vous êtes en droit de vous demander si le début de saison du Connecticut Sun est si impressionnant que ça. Et bien, sachez que dans l’histoire, c’est seulement la 7e fois qu’une équipe commence par 9 victoires de suite. Mais au-delà des résultats, qui peuvent parfois ne pas être un reflet de la réalité, l’équipe d’Alyssa Thomas dégage un sentiment de domination.
La preuve par les chiffres
Avant d’aller dans le détail des chiffres et d’analyser la tactique utilisée par Stéphanie White, regardons les deux indicateurs classiques pour comprendre si une équipe est effectivement dominante ou non : l’Offensive Rating et le Defensive Rating. Avec un Offensive Rating de 101,8, le Sun est classé 4e de WNBA. Une attaque assez peu conventionnelle de ce qui m’a été permis de voir au basket, mais très agréable à analyser tactiquement. On y reviendra plus tard dans l’article, mais le Sun arrive à optimiser Alyssa Thomas grâce à des écrans off-ball variés et à l’utilisation de Horns Set. L’attaque du Sun est avant tout collective et avoir quatre joueuses avec plus de 20% d’Usage le prouve.
De l’autre côté du terrain, le Sun affiche un Defensive Rating de 89,7 et possède ainsi la meilleure défense de WNBA. Cette efficacité défensive est permise par la capacité de l’équipe de Stéphanie White à limiter la fréquence et l’efficacité des équipes adverses au cercle et dans la peinture. En plus de cela, c’est aussi la meilleure équipe pour provoquer des pertes de balles. Une joueuse symbolise d’ailleurs parfaitement cette agressivité sur les porteuses de balle : DiJonai Carrington.
Clark vs Carrington 🍿 pic.twitter.com/xMeBRyxNcQ
— azmatlanba (@azmatlanba) May 21, 2024
Cette efficacité offensive et la domination défensive permettent au Sun d’afficher le deuxième meilleur Net Rating de WNBA avec +12. Dès lors, quelles tactiques peut-on identifier dans cette équipe ? Et qui sont ces femmes qui font briller cette équipe du Nord Est Américain ?
The Usual Suspects
Avant de s’intéresser au playbook de Stéphanie White, je vous propose de découvrir ces joueuses qui font briller son système. En tête de gondole, Alyssa Thomas, la plaque tournante de cette équipe. Bien qu’elle domine en défense, elle crève également l’écran en attaque. Sa gravité au scoring et sa lecture de jeu sont sublimées par son passing. Avec ces trois qualités essentielles, elle est devenue en 2022 la première joueuse à réaliser quatre Triple Double en une saison (soit sur un match sur dix).
L’autre moteur offensif de cette équipe n’est autre que la femme qui partage la vie d’Alyssa Thomas, DeWanna Bonner. L’ancienne triple 6e femme de l’année est devenue une joueuse offensive complète. Ses sélections en All-WNBA Team en témoignent. Son volume et son efficacité aussi : cette saison, elle a le plus gros pourcentage d’utilisation (24% d’Usage) chez l’équipe du Sun, avec un TS% de 57,6%. C’est la 2e meilleure efficacité chez les joueuses avec un tel volume en WNBA. Toutefois, ce n’est pas l’arme la plus efficace du Sun.
Ici encore, ça peut ressembler à un Horns Set avec deux joueuses dans les corners, deux en tête de raquette, et une joueuse derrière la ligne à 3 points.
Cette fois, c’est un Split Action depuis le post haut, avec un back screen pour un cut vers le cercle ! pic.twitter.com/rbbmblDst6
— azmatlanba (@azmatlanba) May 23, 2024
Laissez moi vous présenter Brionna Jones, seule joueuse WNBA avec +20% d’Usage et +65% de TS%. L’intérieure du Sun est la partenaire idéale d’Alyssa Thomas dans la raquette. Sur les deux dernières saisons, quand Thomas et Jones sont sur le terrain, le Sun affichent un Net Rating de +15,6. Thomas, Bonner et Jones étaient déjà les têtes d’affiche du Sun l’année dernière avec plus de 30 minutes par match. Cette saison, deux autres joueuses ont dépassé les 30 minutes par match de moyenne chez le Sun, preuve d’une progression organique au sein de la franchise.
La première, Tyasha Harris, permet d’apporter le spacing qui manquait au Sun. Avec une réussite à 3 points de plus de 40%, Harris offre à Thomas une option au large lorsque les défenses se contractent autour d’elle. De plus, son passing et son handle lui permettent de punir les mauvais close-outs. Dans ce flow collectif, elle peut profiter de beaucoup de décalages et finir à 3 points ou au cercle.
Puis, viens mon premier coup de cœur WNBA. À l’instar de Marcus Smart en NBA, DiJonai Carrington a ce petit truc en plus qui me touche et me fait même apprécier ses limites et ses erreurs. Après plusieurs saisons en sortie de banc, la voilà titulaire dans la meilleure équipe WNBA. Malgré des problèmes évidents, comme la réussite à 3 points (11% sur 2 tentatives par match), elle apporte beaucoup au Sun. Offensivement, elle sublime les lectures de jeu d’Alyssa Thomas grâce à un très bon timing sur les cuts. En défense, on-ball ou off-ball, elle fait vivre un enfer à chacun de ses matchups.
Maintenant qu’on a les actrices, comment se mettent elles en action ?
Scénario bien ficelé, improvisation autorisée
Le socle de l’attaque du Connecticut Sun prend souvent la forme d’un A majuscule. En tout cas, c’est qui transparaît sur mon écran lorsque j’en regarde les matchs. Cette structure d’attaque s’appelle le Horns Set (aussi parfois appelée « A-Set ») et se présente de la façon suivante : une joueuse, souvent avec le ballon, se présente au milieu du terrain face au cercle. Deux autres joueuses sont en tête de raquette et les deux dernières dans les corners.
Cette approche tactique est utilisée tant au niveau départemental en France, qu’en WNBA. Sur le papier, elle n’a donc rien de révolutionnaire. Néanmoins, de cette approche peuvent ressortir des systèmes qui, eux, améliorent l’attaque d’une équipe. Avec cette configuration en “A” sur le demi-terrain, le Sun arrive à multiplier les menaces. Le ballon est souvent porté par la joueuse eu haut du “A”, avec des écrans et une des deux joueuses en tête de raquette. Ou les deux d’ailleurs.
C’est là ou Stéphanie White intervient et change la position du ballon dans son système. Au lieu de laisser le ballon à la joueuse en haut du “A”, elle le fait porter par l’une des deux joueuses en tête de raquette (souvent Alyssa Thomas). Cette modification au début du système est subtile, mais change tout.
Comme le ballon est maintenant dans les mains d’Alyssa Thomas en tête de raquette, la défense se contracte un peu plus autour d’elle et du ballon. Aussi, les angles des écrans sont différents. La joueuse en haut du A peut maintenant entrer dans un Get Action avec Alyssa Thomas. Elle peut aussi profiter d’un back screen de la part de l’autre joueuse en tête de raquette, et couper au cercle. Avec l’attraction de la planète Alyssa Thomas en tête de raquette, les joueuses dans les corners peuvent avoir plus d’espace de mouvement. Soit pour un Handoff avec Thomas, soit pour un Cut Backdoor.
Avec deux intérieurs en tête de raquette, Alyssa Thomas, deux joueuses dans les corners, et une arrière en mouvement, les menaces sont multiples.
Il y a d’abord celle des écrans, ou comme ici, celle des backdoor cut car la raquette est grande ouverte. pic.twitter.com/BCD6xRoLbL
— azmatlanba (@azmatlanba) May 23, 2024
Néanmoins, on peut se demander si le rayonnement d’Alyssa Thomas sera suffisant pour faire monter le Sun sur la plus haute marche.
Des raisons d’y croire ?
Malgré un niveau de performance impressionnant, des limites structurelles semblent mettre un plafond de verre sur les ambitions du Sun. Surtout offensivement puisque la défense de l’équipe du Connecticut est la meilleure de WNBA. C’est une constante depuis plusieurs années et cela leur permettra d’assurer un niveau de performance en saison régulière.
Constat : c’est de l’autre côté du terrain que le bât blesse. Le Sun a beau être l’équipe qui va le plus au cercle de WNBA, elle possède également la pire réussite dans cette zone (55%). Le manque de shooting a un double effet négatif sur l’attaque de Stéphanie White. Le premier est forcément le manque de volume à 3 points, tout comme celui de la réussite. Il est – de fait – plus facile pour les adversaires d’anticiper les routes que le Sun va prendre pour faire tourner l’attaque.
Le deuxième problème est structurel : le spacing. La réussite au cercle est la claire conséquence de cette lacune identifiée. Si le Sun arrivait à maintenir cette fréquence au cercle, avec un meilleur spacing, l’équipe pourrait – à mon avos – prétendre à jouer le titre WNBA. La défense gagne des titres oui, mais l’attaque doit être aussi fonctionnelle. Alors, espérons que le Front Office du Sun s’active pour corriger ses problèmes structurels. Les changements semblent déjà en marche, comme nous le démontre la signature de Veronica Burton, une Guard qui tournait à 33% à 3pts en NCAA.
Le Sun est face à son destin, avec des stars bientôt en déclin. En pleine connaissance de ses forces et ses faiblesses, l’équipe du Connecticut devra activer des leviers pour trouver le spacing qui leur ouvrira les portes de la réussite.
ROSTER UPDATE: Connecticut Sun Signs Veronica Burton
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— Connecticut Sun PR (@CTSunPR) June 5, 2024