Une semaine, c’est insuffisant pour effacer le goût amer d’une défaite.
C’est pourtant le temps que je me suis accordé avant de gratter sur cette élimination des Denver Nuggets aux mains des Wolves. A l’issue d’un Game 7 qui partait de la meilleure des manières, Nikola Jokic et Jamal Murray se sont retrouvés esseulés face à la défense de Minnesota, et en l’espace d’une mi-temps, les espoirs de repeat balayés.
Sur l’ensemble de la campagne, les flamboyants Nuggets de 2023 ne se sont pas pointés. Moins en formes, moins adroits, ils n’ont pas ressemblé au problème insoluble qu’ils étaient l’an passé.
Symboliquement, ils n’ont pas été capables de tuer leur(s) père(s). Opposés à une équipe de Minnesota dirigée par Tim Connelly (ex-GM de Denver), ils ont trouvé la défense parfaite pour les contenir.
Capacité à utiliser Rudy Gobert en roamer grâce à la présence d’autres intérieurs (KAT, Naz Reid), défenseurs extérieurs capables de se relayer sur Jamal Murray sans pour autant être en retard sur les rotations, ces Wolves avaient toutes les armes pour étouffer l’attaque si spécifique de Denver.
Une attaque qui a vu le jour, il y a 8 ans, lorsque Denver, se décidait à donner les clés du camion à Nikola Jokic, sur l’intuition d’un homme, qui avait dessiné un schéma offensif pour le mettre en valeur : Chris Finch, actuel coach des Timberwolves.
Juste comme ça, les espoirs des Nuggets furent enterrés, et ce alors, qu’aux premières lueurs des Playoffs, ils avaient la bonne tête d’une équipe capable de reproduire l’exploit.
Maintenant, nous y sommes. Denver est éliminé, et vient l’heure d’essayer de tirer les enseignements d’une campagne de Playoffs.
Exercice bien complexe tant il est soumis à des problématiques contraire à la notion d’analyse : faible nombre de matchs, faible nombre d’adversaires, aléas des blessures (quel était l’état de forme réel de Jamal ? Des autres ?), et … etc.
De la difficulté de tirer des leçons…
Face aux Lakers, Denver a globalement été secoué. Un an après un sweep infligé en finale de conférence, les Nuggets se sont cette fois imposés 4-1.
Sur le papier, peu de différences donc. Dans les faits, le shotmaking des Nuggets était bien en deçà, la défense bien moins capable de contenir la paire LeBron – Davis et les rencontres ont souvent été aux mains des pourpres & or.
On pourrait dire que seul le résultat compte, mais dans les faits, LA fut un avertissement pour Denver. L’adresse globale, même sur les tirs ouverts, a bien sûr compliqué la série des Nuggets. Peut-être que l’adversaire était plus frais que l’an passé également.
Toujours est-il que l’équipe dominante de l’an dernier n’était pas là.
Le tour suivant fut bien plus rude. Les Wolves ont pris le contrôle 2-0 à l’extérieur.
La circulation de balle de Denver paraissait coupée par les Wolves, Jamal incapable de se défaire du pressing permanent. Jokic fut aussi à la peine face à la légion de baobabs qui pouvaient se relayer à son chevet.
Les réponses sont venues au Game 3, mais la marge de manœuvre fut finalement trop fine.
Au global, les défenses sont à l’honneur dans ces Playoffs. Beaucoup de séries furent dominées par des extérieurs étouffants et de plus en plus de profils pour protéger le cercle. Le succès de Dallas et des Wolves en sont l’exemple parfait.
Mais voilà.
On ne connaît pas l’état de santé réel de Jamal. A quel point le meneur était proche de son plein potentiel ? Lui qui est la clé pour débloquer le potentiel offensif de son équipe.
L’échantillon est faible, et le match-up joue un rôle clé. Les Lakers étaient particulièrement bien armés offensivement pour attaquer Jokic sur pick & roll, les Wolves possédaient à la fois un la défense ultime contre Denver et un profil d’attaquant pénible pour Denver (Anthony Edwards). L’arrière vit une série bien différente contre Dallas, qui aurait été un adversaire bien plus favorable pour Denver.
Et puis redisons le : le shooting global fut dramatique.
2eme True Shooting percentage en 2023 (59,3) l’an passé, les Nuggets ont terminé 11eme cette année (55,2%).
L’an passé, Denver shootait à 37,5% à longue distance (1er), cette saison 33,2 (12eme).
Sur les tirs à 3pts grands ouverts, ils sont passés de 38,8% à 34,5. Le pire ? Ils en ont eu 5 de plus par match que l’an passé.
… Outch, ok, je fais une pause et on reprend.
Qu’est-ce qui a manqué à Denver ?
Le 5 de départ ?
On peut commencer par ce qui est, pour beaucoup, le début de l’histoire. Le 5 de départ des Nuggets a été dominé dans ces Playoffs.
Ce 5 de départ invaincu en nombre de minutes passées ensemble sur le terrain, parfaitement complémentaire, machine dans le clutch et souvent insubmersible l’an passé en PO a fini avec un net rating de -6,5 (contre +7,5 l’an passé).
Mais est-ce vraiment la faute du 5 de départ ?
Déjà, un problème réside dans le début de notre seconde phrase : le 5 du champion a été sur-utilisé cette saison. Que ce soit un problème de coaching ou de profils disponibles, le problème est néanmoins présent. Jouer le repeat nécessite de la fraîcheur physique, qui a souvent paru absente dans cette post-saison.
Or Denver a fait le choix de la continuité et de la draft l’an passé, ne remplaçant pas ses départs et souhaitant la promotion interne. Reggie Jackson est donc devenu une rotation permanente et Peyton Watson a marqué la SR… mais a disparu en post-saison.
Ce que nous dit la statistique du temps joué : c’est qu’il n’y a pas suffisamment de joueurs capables d’intégrer de longues minutes avec les titulaires, mais aussi, que Denver doit souvent aller dans le clutch pour tuer ses matchs. Bref, aussi forts qu’ils soient, ils n’ont pas dominé la saison régulière et ont du s’employer pour arriver second.
Jusque-là, j’ai tu un nom, mais il est temps de l’évoquer : Bruce Brown.
Dans les previews de début de saison, @NFive et moi-même avions largement fait part de cette inquiétude : son non remplacement. Si cette vague de pessimisme après un premier titre a déplu, il me semble encore et toujours que son absence contribue excessivement à la régression de l’équipe en PO. C’est multi facteur ÉVIDEMMENT…
… Mais la perte de flexibilité est colossale. Denver a perdu, en réalité, un titulaire l’été dernier.
Je m’explique.
Vous vous souvenez ce qui se passait l’an passé quand Michael Porter Jr peinait à scorer ?
Bruce Brown rentrait. S’il fallait… Il finissait le match à sa place. Polyvalence défensive, menace balle en main, Brown offrait des dispositions que MPJ ne possède pas. Ou du moins pas tous les soirs.
Parce qu’il pouvait s’insérer dans l’équipe, mais apportait aussi une solution sur le drive qui n’est pas dans l’ADN des Nuggets. De fait, plus qu’une complémentarité, il ouvrait aussi l’horizon des possibilités.
Oui, le 5 – Murray – KCP – MPJ – Gordon – Jokic a gagné par +7,5 de net rating ses 376 minutes ensemble dans les Playoffs 2023.
Mais que s’est il passé dans les 63 minutes où Bruce Brown remplaçait MPJ ? +23.
Les 75 où il remplaçait KCP ? +35.
Les 51 à la place de Jamal ? +21.
Et Gordon ? -8, ok, là ça marche pas.
Je n’essaie pas de dire qu’il était la réponse à tout. Mais au milieu des difficultés de Denver, il n’y avait pas une valeur refuge sur le banc qui pouvait débloquer les situations ou proposer une autre solution dans les mauvaises passes. Cela n’a jamais été plus clair qu’en voyant plusieurs joueurs à +40 minutes dès le premier tour face aux Lakers.
Ce n’est pas un hasard si Justin Holiday, par ailleurs un des rares joueurs adroits durant les Playoffs, est apparu soudainement comme une rotation récurrente. Mais Holiday n’offre pas la même flexibilité. Christian Braun non plus. Mike Malone ne savait pas vers qui se tourner. Et il n’avait de toute façon pas réellement cherché durant la saison puisqu’il fallait rester en haut d’une conférence bien plus compétitive.
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Bien sûr, cela n’exclut pas de juger ce qui s’est passé pour les titulaires. Si je devais en tirer une conclusion, je dirai qu’on a vu 2 de ses limites exploitées.
Au premier tour, la défense du P&R a été exposée. La solution d’Aaron Gordon sur le roller était néanmoins une parade, que Malone n’a pas souhaité réexploiter.
Au second tour, le manque de créateurs autour du jeu à 2 entre Murray et Jokic. KCP comme MPJ restent très limités balle en main, ne permettant pas d’accéder à des moteurs supplémentaires. Denver s’est fait éliminer pour de longues séquences où scorer devenait particulièrement pénible. Et même si aucune autre équipe que les Wolves pouvait faire aussi bien, la conclusion mérite d’être posée.
Quelle suite donner ?
Denver avait décidé de croire en sa formation pour palier aux départs.
Dans la mesure où aucun des jeunes meneurs draftés n’a crevé l’écran et où Peyton Watson a été abandonné en Playoffs, peut-on dire que c’est un échec ?
En l’état… possiblement. Calvin Booth croyait en son noyau, mais finalement, personne n’a émergé dans le sillon de Bruce Brown et Jeff Green.
Des choix vont être nécessaires cette intersaison. Que faire avec les Collin Gillepsie et Jalen Pickett ? Julian Strawther peut-il intégrer la rotation ? Est-ce la fin pour Reggie Jackson et Zeke Nnaji ?
Les deux jeunes meneurs n’ont pas vraiment convaincu. Strawther peut vraiment intégrer la rotation, mais est-il le besoin premier de l’équipe ? Jackson doit-il redevenir une 3eme rotation ? Quant à Nnaji, son shoot a disparu, en faisant un joueur qui n’a plus sa fonction originelle.
En l’état, je ne pense pas que toucher à la structure du 5 soit nécessaire. Cela deviendrait néanmoins un sujet si Kentavious Cadwell-Pope décidait de décliner son option pour tester le marché. A 31 ans, l’arrière sera peut-être tenté de le faire pour obtenir un contrat de 4 ans. Possiblement à Denver.
Le banc est une clé pour être compétitif. Chercher un joueur capable de remplir le vide laissé par Brown me paraît indispensable pour Denver. Il y a de toute façon plus de jeunes qu’ils ne peuvent en développer. Booth devra peut-être repasser par des échanges pour rééquilibrer son roster.
Le problème, c’est que les Nuggets ont virtuellement la 3eme masse salariale pour la saison prochaine. Or les règles ont changé l’été dernier et engendrent au-delà des pénalités financières, des limitations sur l’accès au marché des agents libres et des risques de retraits de tours de draft.
Autrement dit la marge est fine pour Denver avec le risque d’un KCP gourmand. Il faudra être malin pour se renforcer et le risque de repartir avec un effectif inchangé est réel.
Quoi qu’il en soit, il faudra faire attentions à ces 2 points :
- Créer de véritables synergies entre le banc et les titulaires (l’isolation du 5 majeur est beaucoup trop exacerbée)
- Réussir à reposer Jokic, qui vient encore de terminer une saison dans le top 3 des minutes jouées en cumulé
Ceci étant dit, un joueur qui puisse faire du drive ferait vraiment, vraiment du bien. La bonne nouvelle ? Josh Kroenke, président des Denver Nuggets a confirmé vouloir être agressif. Un “dû” lorsqu’on possède un joueur du calibre de Nikola Jokic, selon lui.