C’est la première fois que je prends le temps d’écrire sur la WNBA, et je me devais de commencer par celle qui a attiré mon attention ce printemps. Néanmoins, cet article sera le premier d’une série d’articles sur la WNBA. En seulement quelques jours, j’ai découvert un univers avec de la tactique et des personnalités uniques. Parmi elles par exemple, la futur rivale de Caitlin Clark, Dijonai Carrington. La joueuse du Connecticut Sun a d’ailleurs fait vivre des moments difficiles à Caitlin Clark lors de son entrée dans le grand bain.
Caitlin Clark, le grand plongeon
Après des semaines d’attente, nous y voilà. L’ancienne star Iowa a enfin commencé sa carrière WNBA. Après avoir battu littéralement tous les records de scoring en NCAA, l’enfant de l’Iowa arrive dans l’Indiana pour en découdre avec les plus grandes stars du basket-ball professionnel. Suite à l’engouement autour de la March Madness d’Iowa, qui est allé jusqu’en finale contre South Carolina, j’ai décidé d’aller dans le détail des premiers pas de Caitlin Clark dans la grande ligue.
Pour commencer, passons en revue ce qui l’a fait éclater au grand jour et fait connaître à travers le monde : son attaque. Offensivement, c’est d’abord son volume à trois points, ainsi que sa capacité à les prendre de loin, qui la rend unique.
Sur sa dernière saison en NCAA, elle prenait 20 trois points par 100 possessions ! C’est plus que Stephen Curry (17.5 trois points par 100 possessions en 2023-2024). Son volume au scoring lors de sa dernière année est gargantuesque, avec plus de 40% d’usage. Son volume à la passe est lui aussi énorme. Mais, plutôt que de s’attarder sur le passé, plongeons nous dans l’analyse des premiers matchs de WNBA de Caitlin Clark, et commençons par le scoring.
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Les trois points oui, mais quoi d’autres ?
Comme on pouvait s’y attendre, Caitlin Clark a un énorme volume à trois points. Pour rentrer dans les chiffres, son 3PAr (% de ses tentatives de tirs qui sont à trois points) est de 0.686. C’est un score similaire à celui de Buddy Hield en NBA ! Pour une porteuse de balle, c’est un énorme volume. On peut aussi noter que l’origine de ses tirs est variée. 50% de ses trois points rentrés ont été assistés. Contrairement à Buddy Hield par exemple, Caitlin Clark a la capacité de générer son propre tir.
Mais sur le scoring, que fait-elle à côté de ses tirs à trois points ? Et bien, pour l’instant c’est assez limité. Son régime de tir est très moderne. Aucun tir pris à mi-distance, essentiellement des tentatives au cercle et à trois points. On peut d’ailleurs clairement remarquer que ses tentatives à trois points viennent du côté gauche. Ses tentatives au cercle par contre sont assez diversifiées.
Lorsqu’elle attaque sans ballon, les défenses se mettent face à elle, en “Top-Lock”, pour éviter qu’elle récupère le ballon. Elle peut aussi utiliser sa rapidité pour prendre la défense de vitesse et couper vers le cercle. C’est d’ailleurs off-ball qu’elle me semble la plus menaçante. Ballon en mains, elle a plus tendance à driver par la droite, à l’inverse de ses pull-ups qui viennent plutôt de la gauche du terrain. Si la défense monte trop haut sur elle, via du “Blitz”, elle arrive parfois à s’en sortir par un drive, plutôt que par une passe, ou une perte de balle.
Caitlin Clark face au Blitz
Mais qu’est-ce-que c’est ce Blitz ?! – Et bien le Blitz, chers lecteurs, c’est une tactique défensive. Elle est particulièrement utilisée face au Pick&Roll lorsque la porteuse de balle est une menace au scoring et à la passe. Le Blitz consiste pour la joueuse sur la porteuse de balle et la défenseure du pick à limiter la menace en exerçant une pression défensive sur la porteuse de balle.
Essentiellement, au moment ou la porteuse de balle passe l’écran, la défenseure du pick, ainsi que celle sur elle, monte sur elle pour lui mettre la pression et la forcer à prendre la décision suivante:
- Je recule et je perds du temps,
- Je passe mais je prends un risque,
- Je tente de driver mais je prends un risque.
L’avantage principal de la défense blitz est donc qu’elle peut perturber le flow de l’attaque. Le but est de forcer la porteuse de balle à prendre un risque ou à être obligée de lâcher le ballon de façon inoffensive. Sur les images ci-dessous, ce sont des exemples de Blitz sur Caitlin Clark qui ont engendré des pertes de balles.
Les pertes de balles sont clairement le point noir du début de la saison de Caitlin Clark. Avec 6.5 pertes de balle pour 5.5 passes décisives, le ratio n’est clairement pas optimal. Bien sûr, ses chiffres sont gonflés par l’énorme volume que la jeune joueuse est déjà en train d’assumer. C’est en forgeant qu’on devient forgeronne, et Clark devra elle aussi en passer par là face au Blitz. Une des solutions vient de la hauteur et de la qualité des écrans de ses coéquipières.
Quelles solutions face au Blitz ?
Les solutions sont multiples, et Indiana commence déjà à les exploiter. Il y a d’abord les solutions avec la balle en mains pour Clark. Pour cela, il faut diversifier la hauteur des écrans, mais aussi la vitesse à laquelle ils arrivent. Aussi, Indiana peut varier les joueuses qui viennent poser les écrans, ainsi que les angles de ses écrans.
Comme Caitlin Clark est une menace depuis la ligne à trois points, les équipes peuvent être punies si elles sont prises de vitesse. Sur l’action ci-dessous par exemple, Indiana commence avec un Horns Set. C’est-à-dire que deux joueuses sont en tête de la raquette, prêtes à poser un écran pour Caitlin. C’est alors plus difficile pour la défense d’anticiper le Blitz, car elle ne sait pas d’où va venir l’écran pour Caitlin. Sur l’action ci-dessous, la joueuse qui défend l’écran arrive trop tard pour Blitz, et Caitlin Clark peut alors prendre un 3pts ouverts.
En plus de ces situations ou Indiana prend la défense de vitesse, la hauteur de l’écran peut être le catalyseur qui va faire exploser les coquilles défensives des équipes WNBA. Avec la menace au tir de Caitlin Clark, allié à ses talents à la passe, faire l’écran le plus haut possible force alors la défense à prendre des risques si elles viennent défendre Blitz. En effet, le Blitz fonctionne mieux dans les petits espaces comme il vise à aspirer l’espace dans lequel la joueuse peut évoluer.
Alors, lorsque l’écran vient au niveau du logo, ou au moins loin derrière la ligne à trois points, les défenses peuvent se faire punir sur Blitz. Par exemple, comme ci-dessous, l’écran est assez haut pour piéger le Blitz. On retrouve d’ailleurs l’élément de vitesse mentionné plus tôt. Avec des écrans qui viennent rapidement, et loin du cercle, Caitlin peut alors mieux naviguer les espaces que la défense est obligée de lui concéder.
Horns Set Fever ?
En quatre matchs, c’est déjà évident que le Horns Set ouvre beaucoup de choses pour l’attaque d’Indiana avec Caitlin Clark. Ce schéma permet d’avoir deux potentiels poseuses d’écrans, qui peuvent avoir des profils différents. Comme il est difficile d’anticiper les mouvements de l’attaque d’Indiana, Caitlin Clark peut faire parler son talent de lecture de jeu. Si sa menace au drive augmente encore au fur et à mesure des matchs, Indiana pourra même utiliser des systèmes qui commencent sur le schéma en Horns pour trouver d’autres shooteuses ouvertes à trois points. Exemple ci-dessous avec un premier écran pour Caitlin Clark qui permet d’offrir un trois points ouverts à Kelsey Mitchell avec un Flare Screen après qu’elle ait posé un écran en premier lieu.
Mais dans tout cela, je m’interroge sur l’intérêt de lui faire porter autant la balle. En effet, à l’instar d’autres tireurs d’élite, elle pourrait profiter de sa menace au tir pour briser les défenses dans le ballon. Avec seulement 22% de ses paniers à deux points assistés, et 50% pour ceux à trois points, il est évident qu’elle ne passe presque jamais par les autres pour son scoring. C’est là où il y a encore beaucoup de travail à faire côté Indiana.
C’est d’ailleurs en jouant avec et sans le ballon que Caitlin Clark a permis à l’équipe d’Iowa de performer lorsqu’elle était en NCAA. Avec des système qui peuvent rappeler ceux des Warriors, en Motion ou avec des Elevator Screens, Indiana pourrait percer les coquilles de toutes les défenses WNBA. C’est en tout cas sur son utilisation sans ballon que se portera mon attention ces prochaines semaines.
Je vous laisse d’ailleurs avec cette vidéo qui montre comment, sur des remises en jeu, Iowa a réussi à faire tourner son attaque autour de Caitlin Clark sans qu’elle ait toujours le ballon dans les mains.