Qui aurait imaginé il y a 7 mois que Dallas et les Wolves se retrouveraient en finale de conférence ? Probablement pas grand monde.
Les Texans démarraient une pré-seaison à forts enjeux. Après une fin d’exercice 2022/2023 totalement ratée, où ils n’ont même pas obtenu de place pour le Playin, cette nouvelle édition devait nous dire si l’association Kyrie Irving – Luka Doncic présentait plus d’arguments que de compromis. Du côté du Minnesota, le premier tour des derniers playoffs était encourageant, mais on était bien loin de les imaginer devenir l’une des deux plus grandes forces de la conférence Ouest. Oui, mais « on » est un « con », et ces deux franchises, bien crampées dans leurs ambitions, n’hésitaient pas à annoncer la couleur. Le Slovène, au micro de BeIN Sport ne cachait pas son ambition « il faut qu’on y arrive. On a ajouté des pièces importantes, je pense qu’on est prêt pour passer à l’étape supérieure ».
Rudy Gobert n’était pas moins enthousiaste : « Il y a focus différent sur les détails. On a eu une saison avec des hauts et des bas. On a donné du fil à retordre face à Denver alors qu’on était diminués. Là, on arrive avec cette expérience, on a faim. On veut passer ce cap, on sait qu’on a l’effectif pour le faire. Bien sur que l’objectif c’est le titre. […] C’est le mien et celui de toute l’organisation. On sait qu’on en est loin dans nos habitudes, mais on est prêts. »
Ce que nous ont appris les tours précédents
Sept mois plus tard donc, et deux séries remportées brillamment (Mavs – Clippers 4-2, Mavs – OKC 4-2, Wolves – Suns 4-0, Wolves – Nuggets 4-3), voilà le moment qu’ils attendaient tous. A la tête de la conférence ouest, comme dans un bon vieux nanar Texan, reste à savoir « who’s the cherif in town ».
Les Wolves cochent de plus en plus de cases
Après une première série où leur niveau était suffisamment haut pour ne pas trop en déceler le plafond, les joueurs de Chris Finch se sont frottés au plus gros morceau de la NBA : les champions en titre. Cette série a été riche d’enseignements, le but de l’article n’est pas de s’étaler sur ce bout d’histoire, pour se faire, je vous propose d’aller écouter le podcast enregistré par les équipes de QI, et tachons de se concentrer sur l’essentiel.
C’est d’abord en défense que les Minnesota Timberwolves ont confirmé. Le constat après le premier tour était assez basique, mais limpide : elle présente tous les atouts pour être l’une des meilleures qu’on ait pu rencontrer. A la fois parce que leur défense de la raquette est unique, en grande partie grâce à Rudy Gobert. Également parce que la navigation entre les écrans d’Anthony Edwards et Jaden McDaniels est excellente et permet de garder la tour de Saint-Quentin dans ses zones préférentielles. Mais aussi, et c’était une nouveauté, parce que leur capacité à imposer une pression tout terrain – très européenne dans l’esprit – permet de gêner l’attaque dès son initiation.
Contre Denver, l’équation était plus complexe. En plus de talents de très haut niveau, les Nuggets ont la particularité d’avoir conçu un dispositif offensif suffisamment bien huilé pour appuyer les individualités.
Sur ce point, le travail de Minnesota a été absolument phénoménal. A partir du Game 5, Mike Malone a été dans l’obligation de s’en remettre uniquement à ses individualités pour l’emporter. Nikola Jokic a alors sorti, peut-être, le meilleur match de sa carrière, mais compliqué de rééditer l’exploit 3 fois. Des derniers ajustements (Towns repositionné sur Jokic notamment) ont clôturé l’ouvrage. Après avoir abattu les Suns sur la défense individuelles, ils ont passé haut la main le test de la défense collective face à Denver.
Deuxième enseignement, Minnesota ne se résume pas qu’à Anthony Edwards et Rudy Gobert. On pourrait parler de McDaniels, de Mike Conley, mais c’est probablement autour de Karl Anthony Towns que les principales louanges doivent être dressées. Outre son impact défensif sur Nikola Jokic en fin de série, c’est en attaque que le Dominicain a ENFIN confirmé ses promesses. Prenant peu à peu la main sur Aaron Gordon dans son duel direct, son efficacité s’est traduite par un +44.6 de Net Rating au match 6 et un +9.2 au match 7.
Quand KAT est dans ces dispositions, c’est un mismatch permanent pour les défenses. Finch a pu insister dessus pour punir les soft switchs des Nuggets et générer des prises à deux répétées.
Enfin, première limite esquissée. Elle est offensive. Dans le match 5, en l’absence de Mike Conley, les Wolves ont sombré. Face à la très bonne défense des Nuggets, ils ont été exposés sur leur principal point faible : la prise de décision. Si le meneur vétéran est un exemple de capacité à enchainer les bons choix, ses coéquipiers, et notamment Anthony Edwards mettent un temps infini à punir les prises à deux. Bloquant face au défi qu’impose presque toutes les bonnes défenses NBA aujourd’hui avec la multiplication des trappes : transformer un premier petit écart en un deuxième petit écart qui se sommera par un grand écart pour un shooteur ouvert.
Dallas, deux upsets et une hype qui monte
Si certains avaient la victoire contre les Clippers dans leur bingo, celle contre OKC était plus dure à prévoir. Dallas présentait des limites presque structurelles pour battre Shai et ses homies. Étirant toujours plus leur attaque par un spacing de qualité, on pensait qu’OKC allait sortir les bigs texans de la raquette et ouvrir des espaces de drive à l’infini. Il n’en a pas été. Par leur capacité à cibler les mismatchs, on pensait que Daignault allait punir les mauvais défenseurs de Kidd. Toujours pas. Avec des défenseurs physiques et durs, on pensait que Luka allait être limité. Alors, oui, ça a été le cas. Mais ça n’a pas suffi.
Si on reprend cette logique des « trois enseignements de la série précédente », en premier lieu nous pouvons noter l’impact intérieur de Daniel Gafford et Derek Lively. Face au frêle rookie Holmgren, leur agressivité a fait des écarts.
28,2% de rebonds offensifs remportés sur la série, avec une PACE bien lente (93.4) : les possessions ont été longues, et les séquences défensives parfois interminables pour le Thunder. Gafford, dans un rôle de nettoyeur assez clinique (11 points, 7.5 rebonds, 55.2% au tir, 2 contres pour 23.2 min/match) et Lively, plus agressif avec une vraie capacité de « momentum shifteur » (7.7 points, 7.8 rebonds, 66.7% au tir, 1.2 contres pour 23.1 min/match) ont sans cesse donné le ton de la série : physique. Peu rappel aujourd’hui que Dallas a tout fait pour conserver son pick en fin de saison dernière, qui est devenu Lively.
Deuxième enseignement, ils sont capables de faire des choix en défense. Comme nous l’avons dit, OKC présentait une équation complexe : le five out. Rapidement, le coaching staff s’est orienté sur une sorte de zone permettant à la fois de cacher Luka Doncic (souvent à l’opposé) en le responsabilisant sur des doubles couvertures, tout en gardant Gafford dans la raquette pour la dissuasion intérieure. Sur l’ensemble de la série, l’eFG% d’OKC n’a été que de 50.9%, contre 57.3% en saison régulière. L’adresse de shooteurs, qui demandaient à confirmer leur belle réussite de cette année, n’a pas été au rendez-vous malgré les positions ouvertes répétées :
- Holmgren : 22.2% à trois points,
- Dort, 31.7% à trois points,
- Giddey, 18.8% à trois points,
- Wiggins, 28.6% à trois points,
L’efficacité absente, la raquette pouvait donc être blindée et le système de Daignault bloqué. Virant en fin de série quelque peu à la parodie de basket sous drive and kick.
Enfin, il fallait que les rôles players de Dallas soient adroits pour donner de l’espace à Luka et Kyrie, même si au final ils ont quasiment été doublés toute la série. En cas de manque à trois points, il eut fallu que Jason Kidd soit créatif, mais ça n’a pas été nécessaire :
- PJ Washington, 46.9% à trois points sur la série,
- Derrick Jones JR, qui représentait un énorme enjeu, 37% à trois points,
- Josh Green, 37% à trois points,
Les clés tactiques de la série
Avant d’aborder les clés tactiques de la série, ce compte rendu constitue une série d’enseignements à avoir à l’esprit pour la suite. Ce sont des preuves des qualités et défauts de chacun. Coté Minnesota :
- C’est une équipe qui a prouvé sa capacité à défendre de fortes individualités, et ça sera le cas contre Dallas, comme de forts systèmes,
- C’est une équipe complète, qui ne repose pas que sur Anthony Edwards. KAT, dans une série où il aura en permanence un mismatch hyper favorable sur lui, constitue un danger effrayant pour la défense des Mavs,
- C’est une équipe qui a des limites offensives qui résident dans le manque de clairvoyance de ses attaquants. Récompensant les défenses très agressives sur le porteur de balle (prise à deux).
Coté Dallas :
- Le secteur intérieur peut constituer une force majeure dans les rapports de force essentiels pour la décision d’un match : dissuasion, points dans la raquette, rebonds offensifs,
- C’est une équipe qui a conscience de ses limites défensives et qui n’a pas peur de faire des choix,
- Le coaching staff a su par deux fois, contre les Clippers et contre les Mavs, rendre suffisamment utile son supporting cast.
Comment contourner l’obstacle Rudy Gobert ?
Débarrassé de la présence du meilleur scoreur intérieur au monde, Minnesota va pouvoir retrouver ses standards traditionnels de défense de la raquette. Même si, en soit, le travail qui a été fait contre les Nuggets était déjà de très grande qualité. Denver passant de 55.2 points par match dans la raquette contre les Lakers à 43.7 points au deuxième tour des playoffs. C’est la principale force de Minnesota, cette fameuse défense des points les plus rentables est un pilier sur lequel tout le reste du château de carte se construit.
Si Dallas n’est pas l’équipe qui fait son beurre dans la raquette (24e en SR, 47.4 points par match), son leader oui. Au fondement du jeu des Texans, il y a la précision près du cercle de Luka Doncic qui multiplie les aides et permet de démarquer des shooteurs extérieurs.
Les Wolves ont deux armes pour bâtir cette force. D’abord, évidemment, le meilleur joueur du monde dans ce registre : Rudy Gobert. Dissuadeur hors pair, le Français est celui qui fait chuter la fréquence au cercle. Si on se concentre uniquement sur ces Playoffs, quand il n’est pas sur le terrain, les équipes adverses prennent 35% de leurs tirs dans la raquette. Quand il est là, ce chiffre chute à 28%.
Ensuite, et c’est sans doute la plus importante, la navigation d’écrans. Avec Nickeil Alexander-Walker, Anthony Edwards et Jaden McDaniels, Minnesota a également la meilleure ligne défensive extérieure. Un attaquant arrivant gêné au cercle étant toujours moins efficace qu’un attaquant lancé.
Mais cette défense extérieure n’est pas le seul apport pour l’efficacité générale de ce coté du terrain. Quand les Wolves ont affronté les Suns, les prédictions assuraient que le shotmaking de Booker et Kevin Durant était la meilleure façon de contrer le système des Wolves. Problème, ils n’ont jamais réussi à se défaire des trois loustics, enchainant les tirs contestés sans besoin d’aide outre mesure.
Dallas présente également deux arguments de choix, et va sans doute essayer de réussir là où les Suns ont échoué. Doncic, par son shotmaking, sur des séquences lentes et arrêtées présente encore plus d’atouts que Devin Booker. Kyrie Irving, qui sort d’une série compliquée et qui sera dans un duel excitant avec Anthony Edwards, est capable de faire basculer le momentum sur des systèmes qui le trouve lancé et où son mi-distance peut remettre les Mavs devant (cf la série contre les Clippers).
Autre question pour les Texans : leur capacité à mettre de la pression intérieure, Lively et Gafford. Après leur récital contre Holmgren, ils vont passer à une opposition supérieure, et leur série face aux Clippers n’inspire pas spécialement confiance. Towns et Gobert offre un défi plus haut et plus physique, qui pourrait impacter des atouts sur lesquels les Mavs se sont appuyés contre OKC : le rebond, la dissuasion, le scoring intérieur.
Contre Zubac, les deux jeunes pivots ont constamment eu du mal à exister. Se faisant exposer sur certaines de leurs limites :
- Du mal à finir dans le trafic ou à faire des bons choix face à un intérieur qui les domine physiquement,
- Une incapacité à créer quelque chose si Luka ou Kyrie ne faisaient pas un énorme écart préalable,
- Un decision making lacunaire, notamment sur les shorts rolls qui coinçait systématiquement l’attaque de Dallas.
Ne faisons pas la même erreur de lecture que pour la série contre les Suns. Avant de contourner l’obstacle Gobert, il faudra contourner ses trois chiens de garde. Sans ça, comme pour Phoenix, la partie pourrait être perdue d’avance.
Dans quel état de forme est Luka Doncic ?
Blessé, pas blessé ? Dur à savoir avec le Slovène. Même si à la fin du match 5, son ironique « tout va bien », le sourire en coin et l’air désabusé quand on lui a demandé comment il allait physiquement, n’augure pas du meilleur. Luka ne vit pas forcément sa meilleure campagne de playoffs, et les espoirs des Mavs vivent quelque peu sur la certitude qu’il va faire mieux quand ça sera nécessaire. Après deux premiers tours en deçà de ses standards, on peut toutefois s’interroger. Mais peut être que le problème n’est pas que physique.
Contre les Clippers, Tyron Lue a été assez malin pour le mettre dans des positions inconfortables. D’abord, en missionnant Terance Mann sur lui et en privilégiant des semi-aides de la part de ses extérieurs. Toujours plus à l’aise face aux défenseurs physiques qu’aux petits vifs, Doncic avait sans cesse Mann dans ses pattes et des difficultés à mobiliser les écrans pour faire valoir son shotmaking (23.9% à trois points).
D’autant que le trois point était forcé par une triple ligne jusqu’au cercle qui rendait totalement inaccessible la raquette (11.2 tirs tentés par match).
Contre OKC, opposition plus à son aise. Il affrontait directement Lu Dort, moins aidé et plus physique. Un profil de combat à l’épaule qui lui convient habituellement mieux. Bon, tout est relatif bien sûr. Dort étant peut-être le meilleur dans ce registre de la ligue. Si ses pourcentages sont montés (44.7% contre 40.5% contre les Clippers), l’ensemble est resté loin de ce dont on a l’habitude avec Slovène. Très souvent agacé face à son manque de solution, il est même quelque fois sorti de son match avant d’y revenir. Une habitude.
Contre les Wolves, il devrait avoir beaucoup de McDaniels, pas mal d’Alexander-Walker, un peu d’Anthony Edwards. Mais surtout, plus d’espace. Structurellement, la défense de Minnesota aide peu sur les lignes extérieures et à mi-distance. Privilégiant la défense de l’aide près du cercle pour les raisons évoquées précédemment.
Ça vaut ce que ça vaut, et donc probablement pas grand-chose, mais Luka a été excessivement percutant contre Minnesota cette saison (1 victoire, 1 défaite) : 36.5 points de moyenne, 50.9% de réussite au tir, 37% à trois points, 6 rebonds, 10,5 assists. En s’appuyant sur un shoot en place et une bonne capacité à se libérer des défenseurs, l’ailier-meneur arrivait à se créer des espaces, à punir le drop de Rudy Gobert et à générer quelques aides pour servir ses coéquipiers.
Il faudra un Luka Doncic en forme et performant pour que Dallas espère remporter cette série. Sans ça, les Mavs risquent de tomber dans la même routine que les Suns et les Nuggets avant eux : réussir à limiter le scoring des Wolves mais être incapables de provoquer des runs et de faire grimper le score.
Jason Kidd, l’atout surprise ?
Ce n’est pas forcément le coach le plus valorisé de la ligue, mais il faut reconnaitre que l’ancien meneur de Nets réalise une campagne de playoffs très convaincante. A chaque fois qu’il a été testé, il a su trouver des solutions.
Contre les Clippers, les problématiques de spacing des Mavs ont rapidement été mis en évidence. Si Derrick Jones Jr a été adroit au deuxième tour, ça n’a pas été si linéaire au premier. En créant ce triple mur d’accès au cercle, les Clippers acceptaient de laisser beaucoup d’espaces au role players adverses. Lors du premier match, le pari a été gagnant, DJJ n’a d’ailleurs joué que la première mi temps. Mais au fur et à mesure de la série, en le rapprochant du cercle sans ballon, Kidd a su le rendre viable offensivement, pour profiter de son apport défensif.
Deuxième challenge dans la série, rendre efficace Lively et Gafford qui, dans un premier temps, étaient bien trop neutres. En les rapprochant du cercle, en changeant l’angle de leurs picks, il a réussit à remettre de la pression sur le secteur intérieur des Clippers.
Troisième challenge, le spacing d’OKC. De nombreuses fois évoqué dans cette série, son choix de laisser des shooteurs peu fiables a été payant et couronné de succès.
Comment va-t-il répondre au défi tactique imposé par les Wolves ? Une fois encore, le premier que nous allons regarder, c’est l’efficacité de ses role players. C’est grâce à eux que Kyrie et Luka auront l’espace nécessaire pour briller.
Deux possibilités, soit ils rentrent leurs tirs extérieurs, comme contre OKC (une pensée à PJ Washington, létal) et alors le problème n’en est plus vraiment un. Soit, il faut les rapprocher du cercle, et cette fois-ci l’équation pourrait être structurellement insoluble pour Kidd. Oui, contre les Clippers, il a réussi à le faire. Toutefois l’obstacle que représente Zubac est sans commune mesure avec celui que représente Rudy Gobert.
Kidd va être testé, il a toujours sur répondre présent jusqu’alors, le pourra-t-il cette fois-ci ? Je crains que ce soit structurellement impossible.
Les autres points d’attentions
- Le rebond offensif : les deux équipes ont su s’appuyer sur cette arme dans leurs rencontres précédentes. Laquelle dominera cet aspect ?
- Anthony Edwards et KAT : les deux leaders offensifs ne sont pas des exemples de régularité. Edwards par la faiblesse de son playmaking peut vite être mis en difficulté si son shoot n’est pas efficace. Towns, dans le forme de sa vie peut représenter le problème de trop pour la défense des Mavs.
- La gestion des émotions : ces deux équipes attendent ce moment depuis si longtemps. Dallas présente un net avantage d’expérience et des joueurs qui ont toujours su être dominants dans des moments tendus et décisifs (Doncic et Irving), là où Minnesota est plus aléatoire (Towns, Gobert).
Rapport de force
Minnesota Timberwolves : 60%
Dallas Mavericks : 40%