Nom de Zeus Marty, on s’est trompés de décennie ! Si Christopher Lloyd et Michael J. Fox faisaient irruption en ce début du mois de mai 2024 et voyaient cette affiche des demi-finales de la conférence ouest, ils pourraient effectivement penser s’être trompés de dix années. Dallas-OKC, ou OKC-Dallas, la confrontation sent bon les années 2010. Les texans s’étaient imposés en 2011, année bénie pour tout fan des Mavs, en finale de conférence (4-1). Durant, Westbrook et compagnie ont pris leur revanche l’année suivante au premier tour (4-0), mais également en 2016, au même stade (4-1).
L’épisode IV est, pour les deux franchises, celui d’un nouvel espoir. Oklahoma, qui sort d’une saison régulière extraordinaire et quelque peu inattendue, vient de passer le premier tour des playoffs pour la première fois depuis 2016 (4 éliminations consécutives entre 2017 et 2020 sans remporter une série). Première de sa conférence, l’équipe de Shai Gilgeous-Alexander ne surprend toutefois plus ; il s’agit d’un véritable contender à l’ouest, derrière les Nuggets et, peut-être, les excellents Wolves, qui ne cessent de démontrer leur solidité. Toutefois, seule une de ces deux équipes verra les finales à l’ouest, dans la mesure où elles s’affrontent en ce moment même (2-0 pour Minnesota).
Dallas, de son côté, a réalisé une saison de belle facture, bien qu’inégale dans les performances. Avec Luka Doncic et Kyrie Irving en double figure de proue, le projet a pris forme après la trade deadline suite à plusieurs échanges bien sentis. Avec 50 victoires et la 5e place à l’ouest, l’équipe a su relever la barre après une saison 2022-23 catastrophique sur les plans sportif et moral.
Au cours de l’exercice régulier, les deux équipes se sont affrontées à quatre reprises. Le Thunder a remporté la première partie (126-120), avant que Dallas ne prenne sa revanche au milieu du mois de février (146-111). La belle est tombée dans l’escarcelle des hommes de Mark Daigneault à la mi-mars (126-119), à l’instar de la 4e confrontation, qui demeure toutefois anecdotique, car où Dallas a reposé l’intégralité de ses cadres, le match étant le 82e d’une longue saison régulière.
Les deux équipes arrivent en demi-finale de conférence avec une excellente dynamique. La raison se trouve certes dans des saisons régulières très satisfaisantes, mais également dans un premier tour de playoffs gérés tantôt à merveille, tantôt sans trembler.
Ce que nous a appris le premier tour
Oklahoma a déroulé… ou presque
Pour le Thunder, le premier tour pouvait avoir des allures de piège. Jusqu’au 14 avril 2024, les Pelicans n’avaient en effet pas la tête de la victime parfaite. Puis vint le play-in tournament, que l’on savait déjà inutile. On découvre cette année qu’il est également dangereux, puisque deux superstars s’y sont blessées : Zion Williamson pour New Orleans, Jimmy Butler pour le Heat.
Oklahoma ne s’est pas fait prier. En l’absence du franchise player des Pels, le Thunder s’est fait un peu peur lors du game 1 avant de dérouler tranquillement (4-0).
Pour autant, la série n’a pas été dénuée de tout enseignement. Le premier ressemble à une porte enfoncée, mais il n’est pas pour autant superflu : Shai Gilgeous-Alexander n’a aucune difficulté à être le meilleur joueur d’une série de playoffs, quand bien même son adversaire théorique à ce titre honorifique était certainement un Brandon Ingram diminué et… fantomatique ?.
Malgré un franchise player en forme et une adresse globalement insolente (48,3 % au global, 39,1 % de loin, mais seulement 74,6 % aux lancers), l’attaque du Thunder n’a pas été exempte de tout reproche. Principalement fondée sur la recherche et l’attaque du mismatch, et donc sur du drive, Oklahoma a connu quelques difficultés face à l’excellente défense des Pelicans. Alvarado ou Jones ont en effet su “contenir” les assauts adverses, alors même que leur réussite au tir leur offrait des accès plus aisés au cercle.
Aux côtés de SGA, Jalen Williams et Josh Giddey ont été excellents, alors même que le meneur australien a connu des derniers temps difficiles et loin du talent qui était habituellement le sien. L’ailier américain, quant à lui, est de plus en plus proche du niveau attendu d’un All-star et survolé sa première série de playoffs en carrière (21,3 points (52,9/38,9/75), 7,3 rebonds, 5 passes décisives, 2 interceptions en 37 minutes) et s’impose comme un lieutenant d’excellence.
Chet Holmgren, quant à lui, est globalement resté dans ses standards statistiques, malgré une réussite au tir particulièrement faiblarde. Il demeure une machine à contrer et l’ancre défensive de son équipe, sans surprise aucune. Lorsqu’il se trouve sous son panier, sa dissuasion n’a finalement que peu d’équivalent.
En somme, face à une équipe qui n’avait plus les armes pour lutter, OKC a fait régner sa loi, dans le jeu comme au tableau d’affichage, bien que quelques difficultés offensives peuvent être relever, si nous voulons être tatillons.
Des Mavericks moyens… mais sereins
De leur côté, les Mavs ont eu besoin de 6 rencontres pour venir à bout des Clippers orphelins de Kawhi Leonard. Le tout avec un Luka Doncic… très moyen ? La superstar slovène, touchée à un genou, a été plus discrète qu’à son accoutumée. Il est vrai que les hommes de Ty Lue ont tout fait pour lui interdire l’accès au cercle, afin de la contraindre à tenter des tirs plus complexes. Cela s’est fortement ressenti, pas tant au regard du nombre de points inscrits (29,8 en moyenne), mais sur les pourcentages au tir qui sont affreux : 40,5 % au global, 23,9 % de loin et, tout de même, 83 % aux lancers.
Mal à l’aise lorsqu’il jouait pour lui-même, Doncic a cependant été excellent dans le jeu pour autrui, malgré une défense de L.A qui le prenait très haut sur les écrans pour l’empêcher – autant que faire se peut – de trouver ses rollmen.
Les role player de Dallas ont, eux aussi, été globalement moyens. Pas tous, certes. Maxi Kléber a été excellent, notamment en fin de série. Toutefois, l’allemand s’est blessé suite à une grosse faute d’Amir Coffey et ratera la fin de la campagne de playoffs, sauf si son équipe rallie les finales NBA. Au-delà, Derrick Jones Jr a fait beaucoup de bien défensivement, mais également de l’autre côté du terrain, notamment en transition ou en fin de chaîne, avec une précision qu’on ne lui connaissait pas.
Mais il y a un mais. Dereck Lively II et Daniel Gafford, primordiaux dans l’excellente fin de saison régulière des Mavs ont connu des problèmes offensifs, avant de parvenir à se rapprocher de l’arceau lors des trois derniers matchs, pour aplatir la balle dans le cercle à grand coup de alley-oop. C’est toutefois défensivement que leurs limites ont été criantes, puisqu’ils ont eu un mal fou à contenir Ivica Zubac, dont les moves au poste ne sont pourtant pas ceux d’Hakeem Olajuwon.
Les extérieurs n’ont pas été beaucoup plus en veine. Tim Hardaway Jr a été transparent lors du match d’ouverture, avant de se blesser. Dante Exum a connu une fortune sinusoïdale. Incapable de rentrer un tir (4 en 6 matchs !), son temps de jeu a été très réduit. Il s’est toutefois manifesté lors du game 5 dans le playmaking. Jaden Hardy, lui, n’a fait qu’acte de présence, probablement pour ne pas perdre la bourse du CROUS l’an prochain.
Restent enfin P.J. Washington et Josh Green, qui ont eu beaucoup de mal à rentrer leurs tirs, alors même qu’ils étaient souvent délaissés par la défense Angelenos. Leur apport n’était cependant pas nul. Le premier, notamment, a abattu un travail défensif que ne traduisent pas les chiffres, mais qui est extrêmement valorisable.
En somme, hormis Kleber et DJJ, seul Kyrie Irving a évolué au niveau qui est habituellement le sien. Souvent effacé en première période, il dispose de cette faculté de sortir de sa boîte lors des moments les plus importants. Il a été, d’assez loin, le meilleur joueur d’une série qui ne manquait pourtant pas de superstar. Oncle Drew semble avoir retrouvé la plénitude qui était la sienne à Cleveland il y a bientôt 10 ans et dégage un sentiment de toute puissance lorsqu’il attaque le cercle adverse.
Individuellement, ce n’était donc pas la panacée. Collectivement, Dallas a connu de gros trous d’air offensifs, comme en ce début de game 4 où les texans se sont faits massacrés par Paul George et James Harden. Notons toutefois que la performance défensive globale a été très satisfaisante, ce qui doit faire tout drôle à tous les fans historiques de la franchise. L’adresse ayant été globalement décevante, le fait d’avoir surclassé les Clippers sans trembler demeure toutefois une excellente nouvelle, dans la mesure où les axes de progression sont aisés à trouver.
Clés tactiques de la série
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Duel d’intérieurs
Les spotlights seront normalement tournés vers les extérieurs de cette série, nous y reviendrons ci-dessous. Toutefois, la bataille de l’intérieur devrait, elle aussi, valoir son pesant de cacahuètes. Au coup d’envoi, Chet Holmgren devrait faire face à Daniel Gafford.
Depuis la trade deadline, les Mavs possèdent une excellente défense du panier, notamment grâce à son transfuge des Wizards. Néanmoins, Holmgren n’est pas un pivot traditionnel. Il est en effet capable de vivre dehors de la peinture (37 % à trois-points en saison régulière, 30 % face aux Pelicans). Le spacing qu’il apporte devrait parvenir à faire sortir Gafford. Sa capacité à contester les tirs au large, mais également à switcher ou à revenir sous le cercle en second rideau sera capitale. S’il peine dans cette mission – autant qu’il a peiné face au jeu plus traditionnel de Zubac – l’attaque du Thunder deviendra quasiment impossible à stopper.
À cet égard, les minutes de Dereck Lively seront à scruter de très près. Moins mobile que son coéquipier, le rookie risque d’être exposé, ou à tout le moins visé. L’absence de Maxi Kléber est ici à déplorer, puisque l’allemand dispose, lui, de la mobilité et de la latéralité suffisante pour naviguer au large pour aller embêter les intérieurs fuyants. Dans la mesure où P.J Washington devrait être collé à Jalen Williams, Lively devra se débrouiller “seul” pour aller chercher Holmgren derrière la ligne primée. Le récent second à la course au rookie de l’année risque alors de s’en donner à cœur joie. Or, si tel est le cas, Dallas aura certainement trop de problèmes défensifs à gérer.
Il sera également impératif pour les intérieurs des Mavs de confronter Holmgren – ou son remplaçant – sous son propre panier. Cela avait plutôt bien fonctionné au cours de la saison régulière. Lively s’est illustré avec 20 points à 9/9 au tir le 2 décembre, là où Gafford en a planté 19 (7/11) le 10 février. Plus costauds qu’Holmgren, les deux gaillards devront le pousser à défendre au poste.
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La défense des stars
Nous l’avons déjà mentionné. Entre Doncic, Irving, Gilgeous-Alexander ou Williams, ce ne sont pas les joueurs à l’aise offensivement qui manquent. L’équipe qui parviendra le mieux à contenir les stars adverses fera évidemment un grand pas vers les finales de conférence. C’est toutefois bien plus facile à dire qu’à faire.
Commençons par la défense d’Oklahoma. Il paraît acquis que Luguentz Dort se colle sur Luka Doncic en premier rideau. Excellent défenseur sur l’homme, Dort vient d’éteindre le pauvre Brandon Ingram, limité à 14 points à 36 % de moyenne au tir sur l’ensemble des 4 matchs. Très physique et actif, il sera indéniablement capable de gêner Doncic, d’autant plus si celui-ci connaît encore quelques pépins physiques. Attention cependant ; ce dernier est plus à l’aise lorsqu’il fait face à un défenseur physique que lorsqu’il se coltine une petite teigne rapide. Sur les deux matchs qu’il a disputés cette saison face au Thunder de Dort, il en a planté 36 (50 %) puis 32 (64 %).
Surtout, les pivots texans ont souvent su bénéficier des espaces créés par leur meneur face à OKC pour scorer plus que d’habitude. La facilité de Doncic à lire les prises à deux pour servir ses coéquipiers libres de tout marquage sera décisive, puisqu’il paraît acquis que Dort soit aidé sur certaines phases de jeu. Or, puisqu’il est absolument impossible de laisser Irving seul, c’est bel et bien Green, Washington ou autre Jones qui seront servis. À eux de faire filoche.
La question centrale, côté Thunder, est de déterminé qui va défendre sur Irving. “Poste pour poste”, la tâche reviendrait à Shai Gilgeous-Alexander, pas manchot lorsqu’il s’agit d’empêcher l’adversaire de scorer et qui, de surcroît, bénéficierait d’un avantage de taille certain sur son vis-à-vis. Toutefois, dans la mesure où on ne peut véritablement stopper Kyrie Irving lorsqu’il est en jambe, SGA perdrait beaucoup d’énergie dans cet exercice, ce qui pourrait se ressentir offensivement. Cason Wallace pourrait constituer une solution de repli, mais il semble trop juste pour occuper une place de titulaire. Demeure enfin Jalen Williams, qui, s’il dispose du physique et des capacités pour gêner le second meneur des bleus, risque également de passer de sales moments.
L’interrogation de la défense est bien plus prégnante du côté des Mavs. Moins héliocentrée, l’attaque d’Oklahoma est passée maître dans l’art d’attaquer les mismatchs. Luka Doncic, à l’aise sur l’homme, devrait être caché le plus possible loin du ballon. Partant, c’est Derrick Jones Jr qui devrait être envoyé en mission sur Gilgeous-Alexander, dans l’espoir de le freiner quelque peu.
Dante Exum peut faire office d’alternative viable dans cet exercice. Sa titularisation pourrait avoir pour avantage d’apporter une 5e présence offensive. En effet, s’il a été brillant face aux Clippers, DJJ peut également se muer en un poids mort en attaque, ce qui faciliterait grandement la tâche du Thunder, qui pourrait le laisser libre comme l’air, ou presque.
Jalen Williams, quant à lui, devra probablement faire face à P.J Washington. Maxi Kleber, grâce à sa mobilité tout à fait correcte, aurait ici fait grand bien. Josh Green, lui, semble être trop juste pour posséder un véritable temps de jeu dans cette série ; sa présence sur le parquet sera immédiatement exploitée par OKC, qui devrait le cibler à outrance. En somme, gageons que les ajustements de Jason Kidd devront être nombreux, car sa tâche sera plus ardue, semble-t-il, que celle de Mark Daigneault. L’effectif des Mavs, dont la protection de cercle est élite, nous l’avons mentionné, devrait en effet souffrir des schémas offensifs de leurs adversaires.
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À Dallas d’emballer les matchs
S’il est un aspect du jeu d’OKC qui ne saute pas aux yeux mais qui n’en demeure pas moins impressionnant, c’est cette faculté à ne jamais couler. Évidemment, comme toutes les autres, cette franchise connaît des temps faibles. Cependant, elle ne prend pas l’eau de tous les côtés ; elle les gère avec brio. A contrario, elle sait faire fructifier ses temps forts pour se mettre définitivement à l’abri.
Oklahoma semble ainsi défensivement insubmersible et sûre de ses forces, qui sont d’ailleurs aussi nombreuses que réelles. Il sera intéressant d’analyser si les Mavericks seront capables d’appuyer sur l’accélérateur lorsque leurs adversaires auront un coup de mou. Après tout, leur saison a été – involontairement certes – fondée là-dessus. Il en est allé de même au premier tour face à la seconde équipe de Los Angeles. Celle-ci a connu des trous d’air que Dallas a exploité sans trop de souci.
Si Doncic et les siens parviennent à emballer les rencontres, à déséquilibrer le bloc du premier de la conférence ouest, celui-ci vacillera certainement. À l’inverse, si OKC peut jouer à sa main, tout en contrôle, la finale de conférence leur sera certainement acquise. S’il n’est peut-être pas question de jouer à “celui qui scorera le plus”, les Mavericks auront tout intérêt à faire sortir cette jeune équipe d’OKC de sa zone préférentielle, au risque d’être sévèrement punie.
Qu’attendre de la série ?
Alors qu’elles partagent évidemment l’objectif commun de disputer les finales de conférence, les deux équipes abordent certainement leur confrontation avec des volontés distinctes. Favori sur le papier, en raison de sa saison incroyable et des soucis qu’il est susceptible de poser en attaque comme en défense, le Thunder doit avoir pour ambition de plier la série le plus rapidement possible.
Il semblerait en effet que si Dallas parvient à rester à flot, les matchs couperets seront – théoriquement toujours – à son avantage. La faute, en premier lieu, à l’inexpérience globale d’OKC. Si cet argument ne doit pas être utilisé en guise de massue, il n’en demeure pas moins que rares sont les joueurs qui ont un vécu en playoffs. En second lieu, les Mavericks ont pour habitude d’être clutch et Kyrie Irving n’a tout bonnement jamais perdu une rencontre qui pouvait s’avérer décisive (13-0 lorsqu’il a la possibilité de se qualifier au tour suivant).
La bataille sera probablement très tactique. Oklahoma devra tout faire pour attaquer les défenseurs texans les moins capables, mais aussi tout faire pour que certains joueurs, habituellement faibles en attaque (tel Derrick Jones Jr) soit le plus possible sur le parquet. Dallas, de son côté, cherchera à tout prix à faire sortir Holmgren de sa zone de confort et à contraindre les stars adverses à s’user défensivement.
Quoiqu’il en soit, vu le personnel en place sur le parquet, le spectacle devrait être au rendez-vous !
Rapport de force
Oklahoma City Thunder : 55 %
Dallas Mavericks : 45 %