Après des premiers tours plus ou moins disputés, Pacers et Knicks se retrouvent en demi-finale de conférence. Un clin d’oeil “aux années de nos grands frères” suffisamment appuyé pour réanimer dans nos mémoires les images de Patrick Ewing et Reggie Miller, ou de Carmelo Anthony et Paul George (surtout Roy Hibbert).
Au-delà de l’histoire, ce sont surtout deux équipes qui arrivent en demi-finale de conférence après avoir montré tout ce que les playoffs peuvent offrir de mieux, et de pire. D’un côté, les Knicks ont payé les conséquences de leur non-calcul en fin de saison régulière. Philadelphie n’avait rien d’un 7ème seed, et la série fut âpre et physique. Tant mieux pour le spectacle, et chaque match a offert une bataille à la fois collective, tactique et intense. Tant pis pour le repos et la santé, New York ayant perdu au cours de la bataille un important membre de sa rotation (Bojan Bodganovic), et diminué le déjà fragile Mitchell Robinson.
Quant à Indiana, s’ils ont rempli le contrat qui leur a été donné il y a deux semaines, ils ont profité de Bucks de plus en plus diminués au fur et à mesure que la série avançait. Jamais Milwaukee n’a réellement semblé en capacité de rivaliser avec Indiana. Sans Giannis, parfois sans Lillard et avec le seul Khris Middleton, également gêné à la cheville, on en revient presque à féliciter Doc Rivers d’avoir su prendre deux des six matchs.
Ce que nous a appris le premier tour
Les premiers tours des Knicks et Pacers ont été bouclés en six rencontres. Au cours de ces deux séries, nombres de points évoqués avant la post-season ont été confirmés ou non.
Jalen Brunson peut s’ajuster
Pour sa deuxième saison à New York, Jalen Brunson a sorti une série historique face aux Sixers. Au-delà de la qualité de ses performances lors des quatre dernières rencontres, ce qui a impressionné sur sa série c’est sa patience, son intelligence et sa créativité. Effectivement, ses deux premiers matchs ont été compliqués au shoot. Pourtant, dans les autres compartiments du jeu, JB s’est révélé excellent.
Offensivement d’abord, où, sa présence et son activité ont forcé les Sixers à aider à outrance lorsqu’il avait la balle. Dans de nombreuses situations, le défenseur de Josh Hart (ou du moins bon shooter new-yorkais sur le terrain – Kyle Lowry), voire le défenseur du pivot, venaient complètement ou à moitié aider le défenseur attitré de Brunson. Et dans de nombreuses situations, JB s’en est sorti par son playmaking.
Josh Hart profitant de cette liberté (50% de réussite à trois points lors des trois premières rencontres), les Knicks ont forcé les Sixers à revoir leur plan, et à relacher la pression sur le meneur.
Il en a profité pour repartir sur ses amours : le pick and roll, qu’il a pu spammer. Que ce soit avec lui à la finition (plus de 40% de ses possessions), ou avec Isaiah Hartenstein, qui excelle dans la finition au short mid-range (96e percentile à son poste).
De plus, on a pu voir lors de cette série la capacité de création pour autrui de JB. Ce n’est pas Chris Paul ou Tyrese Haliburton, mais il sait trouver ses shooters libres ou ses intérieurs quand ils sont positionnés dans le dunker spot ou le short mid range. A souligner qu’il le fait sans trop de déchet, malgré la quantité de ballons qu’il touche et la fatigue qui s’accumule au fur et à mesure des rencontres avec quasiment 44 minutes de moyenne par match (100e percentile en TOV% sur les playoffs, le meilleur de la ligue à son poste).
Enfin défensivement, Brunson n’a pas été aussi négatif que ce qu’on aurait pu croire. Bien couvert par l’excellent travail du duo Hart-Anunoby, Jalen a réussi à tenir en partie les vis-à-vis qu’il lui ont été imposés.
Quel va être son niveau de production face à des Pacers largement moins équipés que Philly pour le contenir ? En saison régulière, il tournait à plus de 35 points par match face à eux.
Haliburton pas à son aise, Siakam prend le relais
Si on s’attendait à voir un duel de meneurs entre Lillard et Haliburton, c’est bien Pascal Siakam qui a pris la lumière lors de cet upset du premier tour. En début de série, lorsque Damian Lillard n’était pas encore blessé, le camerounais a brillé de milles feux, et a exposé les faiblesses défensives des Bucks en l’absence de Giannis.
Numériquement remplacé par Bobby Portis, le grec a lourdement manqué à la défense intérieure des Bucks. Siakam s’est régalé face à la lenteur de Middleton, Lopez et consorts. Que ce soit sur drive, où les Daims étaient tous dépassés, ou sur post-up, en utilisant son physique conséquent, l’ex Raptors s’est amusé.
Pourtant, si son début de série a été excellent, la suite l’a un peu moins été. Les Bucks l’ont cadenassé un peu plus tôt dans les possessions. Moins adroit, Siakam a été mis en difficulté. Il sera intéressant de voir comment le Camerounais abordera la série face à New York, lui qui sera face à un joueur calibré pour le défendre : OG Anunoby.
La vraie déception de ce premier tour côté Pacers, c’est la “contre performance” de Tyrese Haliburton. Attendu au haut niveau, le meneur n’a pas totalement répondu présent. Son efficacité a été en berne et le néo All Star a semblé peu agressif, malgré la faiblesse des lignes extérieures de Milwaukee. Se reposant essentiellement sur son tir longue distance, et ne drivant que très peu, il s’est fait cadenassé par Beverley. Son passing game assure un fond de roulement productif, mais, chose rare chez lui, il a perdu beaucoup de ballons sur des matchs clés, créant ainsi des possibilités de transition. Les Knicks sauront-ils en profiter ?
Les clés tactiques de la série
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Les coupes des Pacers face aux aides agressives des Knicks
Commençons du côté offensif d’Indiana. Deuxième meilleure attaque de la saison régulière et de ces débuts de playoffs (120 d’offensive rating), l’attaque représente sûrement l’atout principal d’Indiana dans cette opposition.
Instinctivement, il serait aisé de mettre en valeur la force des Pacers sur transition. C’est notamment sur transition (3eme fréquence NBA) que cette équipe a bâti son succès en début de saison. Les Pacers ont les attaques les plus courtes de la ligue, les Knicks les plus longues. Faut-il donc s’attendre à voir les Pacers abuser du jeu en transition et emballer le rythme des rencontres ? Sûrement, mais peut-être moins que les statistiques brutes peuvent le laisser entendre.
Le style de jeu des Knicks, encore plus en playoffs, risque de limiter le nombre d’opportunités. Les équipes peuvent généralement jouer vite après deux situations : les interceptions et les rebonds défensifs. Les Knicks laissent très peu de rebonds défensifs aux équipes adverses (30 par match, plus petit total de la ligue). De plus, leur jeu offensif d’isolation souvent stagnant a pour avantage de perdre peu de ballons, exacerbé par l’heliocentrisme de Brunson (3eme plus petit total du premier tour). Attention toutefois à la propension, parfois poussée à l’extrême, des Knicks à jouer le rebond offensif. Les Pacers pourraient en profiter pour exploiter le surnombre si le rebond défensif est sécurisé.
Les Pacers devront donc faire la différence sur jeu placé. Un aspect du jeu paraît primordial, l’optimisation des coupes au panier.
Les Knicks déploient généralement pour défendre le pick and roll un schéma d’aide assez agressif. L’ailier à l’opposé de l’écran, de préférence OG Anunoby ou Josh Hart, passe souvent l’axe panier-panier pour apporter de l’aide sur le drive ou le roll.
Indispensables pour limiter l’efficacité au panier de Maxey ou Embiid, ces aides pourraient toutefois être exploitées davantage par les passes de Haliburton et ses connexions avec de bons joueurs sans ballon : Siakam, Toppin, Sheppard pourront couper dans le dos des défenses concentrées sur le pick and roll. Et si ces coupes n’amènent pas un panier au joueur allant vers le panier, elles déclencheront au moins l’aide de l’aide, forçant les Knicks à être précis sur leurs rotations défensives.
Les Pacers ont les armes pour punir les aides agressives des Knicks, en coupant vers le panier ou avec le tir à trois-points. Siakam, Nesmith et Haliburton ont manqué d’adresse extérieur au premier tour (respectivement 28, 30 et 29% à 3-points), mais les Knicks voudront limiter leurs tirs ouverts.
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Ciblage défensif des meneurs et rotations défensives
Les deux stars offensives de la série, Haliburton et Brunson, seront à coup sûr ciblés défensivement. Les Knicks ont montré face aux Sixers que Brunson était à la chasse aux mismatchs. DiVicenzo et Hart ont multiplié les écrans sur Brunson, dans le seul but de forcer le changement défensif et lui amener un défenseur plus favorable (Maxey notamment, qui a bien résisté). Haliburton était ciblé par Brunson en saison régulière, notamment pour se débarasser d’Andrew Nembhard, capable de gêner Brunson.
De même, si c’est sûrement Donte DiVicenzo qui héritera du match-up face à Haliburton, les Pacers souhaiteront impliquer Brunson défensivement. Les Sixers, et surtout Maxey, ont exploité la défense sur porteur de Brunson, notamment sa difficulté à traverser les écrans. Nul doute que les Pacers voudront faire de même avec Haliburton, excellent dans l’utilisation des angles de prise d’écran.
Evidemment, Carlisle et Thibodeau seront prêts à ce risque d’exploitation. On peut s’attendre à des pré-rotations (peel switch) pour éviter de concéder ces changements défensifs. Les Pacers ont toutefois un avantage que les Sixers n’avaient pas pour impliquer Brunson. En effet, une grande partie de l’attaque d’Indiana provient de l’utilisation de Spain Pick and Roll, une action qui implique par définition 3 défenseurs directement sur l’action (dont souvent 2 extérieurs). Brunson, même s’il est “caché” sur un tireur extérieur normalement peu impliqué au point d’attaque, peut donc être impliqué par ce biais. Ici, il défend Buddy Hield, mais est obligé de défendre au point d’attaque, et les Knicks concèdent un tir ouvert.
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Myles Turner peut-il forcer les Knicks à changer de schéma défensif ?
Restons du côté offensif d’Indiana pour parler de la menace Myles Turner. Les Knicks ont eu un bon entrainement au pick and pop avec Joel Embiid, dont le seul bon match à 3 points a coïncidé avec la seule victoire affirmée de la série (+11 Sixers, match 3). Toutefois, Myles Turner représente peut-être une menace encore plus importante. Face aux Bucks, il a totalement exploité le deep drop de Brook Lopez pour finir à un insolent 44% de réussite sur presque 7 tentatives par match
Les Knicks ont opté face aux Sixers pour un drop plus classique, permettant de contenir le drive et de revenir sur Embiid si nécessaire. Turner étant un tireur plus fiable qu’Embiid (diminué), mais surtout un tireur à la gestuelle beaucoup plus rapide, les Knicks pourraient être mis en difficulté. Une solution serait d’impliquer un troisième défenseur, l’ailier le plus haut côté opposé à l’écran, pour dissuader le tir. Ici, Josh Hart, en fin de quart-temps, vient assez pour gêner le pop d’Embiid.
Au-delà du simple pick and pop, l’impact de Myles Turner pourrait se faire sentir sur la protection de cercle des Knicks. Hartenstein et Robinson sont excellents pour diminuer la réussite des adversaires au cercle, mais encore faut-il qu’ils puissent contester ces tirs. Turner, quand il est en réussite avec son tir, force les pivots adverses à des choix : rester concentré sur la protection de cercle, ou bien limiter les tirs ouverts de Turner. Peut-être verra-t-on davantage de Precious Achiuwa, qui est davantage équipé pour revenir défendre au large sur Myles Turner et contenir l’attaque du close out. Un autre ajustement qu’on pourrait voir, plus tard dans la série, serait d’utiliser OG Anonuby sur Turner, et placer le pivot sur Pascal Siakam ; comme ce fut le cas avec Joel Embiid et Tobias Harris lorsque la rotation intérieure des Knicks s’est rétrécie.
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Une série pour Isaiah Hartenstein et son short roll
La grande force des Pacers défensivement, et des équipes de Rick Carlisle historiquement, est de limiter les tirs à trois-points adverses. Ils étaient cette année l’équipe qui en concédait le moins. Conservatifs sur les aides apportées, les Pacers défendent majoritairement le pick and roll à deux, sans impliquer un joueur de l’opposé. Cela limite les risques de tirs ouverts à trois-points et d’entrée en rotation, mais peut ouvrir la passe vers le joueur qui roule au panier. Brunson excellant à mi-distance, Turner en drop devra rester proche de l’écran, ouvrant la pocket pass, ici pour Achiuwa.
Si Turner décide de venir plus haut défensivement, en hedge, Brunson peut se libérer du ballon et placer les Knicks dans une situation de surnombre. Isaiah Hartenstein pourra alors distribuer le ballon sur short roll, sa grande force offensivement.
Hartenstein a un grand rôle offensif à jouer dans cette série. Aussi magnifique qu’il a déjà été, Brunson pourra-t-il encore porter l’attaque des Knicks à bout de bras pendant 45 minutes d’une potentiellement longue série ? En tout cas, les Knicks devront trouver des actions offensives le permettant de prendre quelques possessions de repos. Sans Bodganovic, c’est McBride, DiVicenzo et Hartenstein qui devront apporter de la création. En saison régulière, les Knicks ont sans cesse ciblé le drop de Myles Turner en multipliant les dribble hand-offs pour des tireurs. On peut s’attendre à le revoir pour mettre l’attaque en mouvement et forcer les Pacers à rentrer en rotation.
Quelques autres points à surveiller
- Nembhard suffira-t-il sur Jalen Brunson : l’ancien de Gonzaga héritera sûrement du match-up. Difficile à impacter sur écran porteur, au centre de gravité assez bas pour résister sur post-up, il peut empêcher Brunson d’atteindre ses positions préférées.
- Le duel Pascal Siakam – OG Anonuby : sauf ajustement tactique, la logique voudrait que les deux anciens coéquipiers se retrouvent l’un sur l’autre. Anonuby semble avoir les outils défensifs pour limiter l’impact de Siakam en un-contre-un. Dès lors, comment Indiana peut-il mettre Siakam en position plus confortable ?
- Le rebond défensif d’Indiana : Myles Turner n’est pas connu pour être un excellent rebondeur défensif, Siakam et Nesmith n’y sont pas non plus les plus impliqués. En conséquence, les Pacers sont une des pires équipes au rebond défensif. Les Knicks peuvent-ils répéter ce qu’ils ont fait aux Cavaliers puis aux Sixers en dominant la bataille des possessions ?
- La réussite à trois-points des role players des Pacers : la série peut prendre une tournure à la faveur d’Indiana en cas de réussite à 3 points. Les Knicks ont souffert face aux Sixers aux moments de réussite extérieure de Lowry et Hield.
- La fatigue des Knicks : Même en ayant nuancé la difficulté posée par la contre-attaque des Pacers, il n’en demeure pas moins qu’Indiana joue beaucoup plus vite qu’une équipe portée par Embiid diminué. Dans une série au tempo plus élevé, la rotation à 7 des Knicks peut-elle encore être viable ?
Rapport de force
New York : 60%
Indiana : 40%