Depuis le début de la saison, et même avant, on a pu lire et entendre que l’arrivée de Kristaps Porzingis “changeait tout” pour les Boston Celtics. Nous voilà arrivés à la fin de la saison, et nous avons un échantillon suffisant pour avoir un premier élément de réponse à la question suivante: “Le transfert de Kristaps Porzingis a-t-il vraiment tout changé ?”
Les Playoffs qui arrivent offriront un deuxième élément de réponse, mais on peut déjà essayer de comprendre si oui ou non, Kristaps Porzingis change tout. Bien entendu, l’arrivée du Letton avait pour but d’avoir surtout un impact sur les performances des Celtics durant les Playoffs. Néanmoins, avec toute une saison régulière derrière nous, on peut déjà essayer d’anticiper ce qui pourrait se passer dans les prochaines semaines, et estimer l’impact qu’il pourrait avoir sur le parcours des Celtics en Playoffs.
Les Boston Celtics, meilleurs avec ou sans lui ?
Après avoir regardé une grande majorité des matchs des Celtics, visuellement, j’ai clairement l’impression que Kristaps Porzingis change tout. Puis, j’ai pris le temps d’aller me plonger dans les chiffres, et c’est peut être un peu plus nuancé que ça. Alors oui, Kristaps Porzingis change beaucoup de choses, il n’est peut être pas la solution à tous les problèmes des Boston Celtics.
Avant d’aller dans les détails de son impact en attaque et en défense, gardez ces statistiques en tête:
- Les Boston Celtics avec Kristaps Porzingis sur le terrain (1665 minutes) :
- 123 d’Offensive Rating
- 111.8 de Defensive Rating
- Soit +11.2 de Net Rating avec Kristaps Porzingis sur le terrain
- Les Boston Celtics sans Kristaps Porzingis sur le terrain (2109 minutes) :
- 123.9 d’Offensive Rating
- 111.9 de Defensive Rating
- Soit +12 de Net Rating sans Kristaps Porzingis sur le terrain
Ici, je ne dis pas que les Celtics sont meilleurs sans Kristaps Porzingis sur le terrain. Je cite juste des statistiques pour donner un premier élément de réponse à l’impact que peut avoir Porzingis. Bien sûr, les Ratings ne sont pas le seul élément à regarder pour comprendre l’impact d’un joueur. C’est pour ça qu’il est venu le moment de plonger un peu plus loin dans l’analyse, en commençant par l’attaque.
Plus d’espace, mais pas plus de 3pts
Sa présence en attaque change le régime de tir des Celtics, bien entendu. Mais, peut-être pas comme on aurait pu l’anticiper. En effet, on pourrait penser que, avec Kristaps Porzingis sur le terrain, le volume à 3pts des Celtics augmentent encore plus, au profit des tirs au cercle. Ce raccourci pourrait être fait car on voit bien plus souvent le letton prendre des tirs loin derrière la ligne que directement au cercle. Et pourtant, c’est quand Kristaps Porzingis est sur le terrain que les Celtics ressemblent le moins à la caricature de l’équipe qui prend essentiellement des 3pts.
Quand il est sur le terrain, la fréquence de tir pris au cercle augmente de 5% pour les Celtics, et la fréquence à 3 pts diminue de plus de 6%. Habituellement, les joueurs qui ont un tel impact sur la fréquence de tir de leur équipe sont des joueurs avec eux mêmes une grosse fréquence au cercle. Parmi ces joueurs, on retrouve Zion Williamson ou bien Giannis Antetokounmpo. C’est bien différent pour Kristaps Porzingis. Il n’augmente pas la fréquence au cercle des Celtics par sa capacité à aller sous le panier, mais plutôt par le spacing qu’il offre.
Téma l’spacing tu peux garer un Renault Master ! pic.twitter.com/aoSvbHeVTe
— azmatlanba (@azmatlanba) November 3, 2023
C’est peut-être l’impact numéro un de Kristaps Porzingis depuis son arrivée aux Celtics, le spacing optimal qu’il permet offensivement. Le deuxième impact offensif qu’on a pu remarquer chez les Celtics avec l’arrivée du letton, c’est l’augmentation significative de la présence de joueurs des Celtics au Post-Up.
L’arrivé du Post-Ups chez les Boston Celtics
Néanmoins, autant l’amélioration du spacing et l’augmentation de la fréquence au cercle permise par Kristaps Porzingis est fondamentale dans l’évolution des Celtics cette saison, mais quel est le réel impact de l’apport des Post-Ups du letton ? Bien qu’il soit le joueur le plus efficace sur Post-Up de la NBA cette saison, ça ne représente que 3 possessions par match.
En plus de ça, son playmaking depuis le Post-Up reste assez timide. Contrairement à d’autres joueurs qui sont aussi beaucoup doublés au Post-Up, Kristaps Porzingis offre peu d’assists dans ces situations. En effet, son AST% est moyen depuis le Post-Up, ce qui correspond à ce qu’on remarque chez lui en règle générale. Chez les joueurs avec plus de 1000 minutes et 22% d’Usage, il est bon dernier au ratio de playmaking. On le retrouve derrière des joueurs comme Cam Thomas ou Bennedict Mathurin.
J’ai donc quelques doutes sur la véritable valeur du Post-Up de Kristaps Porzingis une fois arrivé les Playoffs. Ses tentatives sur Post-Up restent bien souvent des tirs à mi-distance. On a vu notamment certaines équipes accepter le switch de leurs extérieurs sur Porzingis lors d’un Post-Up et ne pas faire venir d’aide. Au final, même défendu par Damian Lillard, ça reste un tir à mi-distance contesté. Dans les faits, 66% des mi-distances de Porzingis sont contestés, et sa réussite dans cet exercice est à 48%. C’est une très bonne réussite pour du mi-distance, mais ça reste peu rentable.
Les 10 ratio de playmaking (AST:Usg) les plus bas chez les joueurs avec +22 USG% et 1000 minutes. pic.twitter.com/DbGnRIGbqA
— azmatlanba (@azmatlanba) April 9, 2024
Pour finir sur le Post-Up, les défenses ont l’air de faire de moins en moins de fautes lorsque le letton se met dans cette position. Avec tous ses éléments en mains, je me permets donc de soulever l’hypothèse que, peut-être, le Post-Up de Kristaps Porzingis ne suffira pas pour sauver l’attaque des Celtics.
Kristaps Pick&Pop’zingis
Il en va de même pour pour son 3pts. Avec un vrai joueur de Pick&Pop (désolé Al Horford), les Celtics peuvent utiliser cette arme face à des défenses conservatrices qui utilisent le Drop. Néanmoins, je me demande dans quelle mesure les défenses vont vraiment avoir peur de cette menace au tir.
Kristaps Porzingis est à 38,7% à 3pts sur Catch&Shoot cette saison, soit 1.16 Point par tir tenté. C’est donc une option plutôt efficace, qui permet de potentiellement punir le Drop Coverage, mais soumise à beaucoup de variance (comme bien souvent dans l’attaque des Celtics). C’est encore une arme supplémentaire pour les Celtics permise par la présence de Kristaps Porzingis, mais je me demande encore une fois dans quelle mesure c’est arme supplémentaire est vraiment implacable, ou bien utile dans toute circonstance
Néanmoins, avec tout ça comme apport, on peut se demander où est-ce-qu’il retire de la valeur en attaque ? En effet, comme bien souvent, on ne peut pas gagner sur tous les tableaux.
Quid du rebond offensif ?
Hormis le manque de volume au niveau des passes, il est presque impossible de trouver un impact négatif dans l’apport offensif de Kristaps Porzingis. J’ai bien dit presque.
En effet, la présence des Celtics au rebond offensif avec Porzingis n’est franchement pas bonne. Quand il est sur le terrain, les Celtics récupèrent 6% de rebond offensif en moins que quand il est sur le banc. C’est une des plus grosses chutes en termes de fréquences au rebond offensif en NBA cette saison.
Bien entendu, on peut se demander si, quand on est aussi efficace que les Celtics en attaque, est-ce-que c’est vraiment un problème ? De plus, c’est un intérieur qui joue loin du cercle, pourrait-on vraiment lui reprocher de ne pas avoir d’impact au rebond offensif ? Pour finir, on pourrait aussi se dire que c’est peut-être plus une volonté tactique de ne pas être présent au rebond offensif quand il est sur le terrain. C’est par exemple une tendance qu’on peut retrouver chez un intérieur comme Brook Lopez depuis son arrivée aux Bucks.
Mais, cette volonté de ne pas envoyer Porzingis au rebond offensif traduit aussi d’une volonté de l’avoir présent dans au moment du repli défensif. Sauf que son manque de mobilité ne lui permet pas de revenir aussi vite que les autres joueurs. Les Celtics doivent donc sacrifier le présence au rebond offensif afin qu’il soit présent en défense sur de la transition. En parlant de transition, c’est le moment de passé de l’autre côté du terrain, et d’aller voir ce qu’il change en défense.
Protection de cercle
Comme on pouvait s’y attendre, on retrouve souvent Kristaps Porzingis dans deux rôles défensifs. Soit dans un rôle de Roamer, pour rester le plus proche possible du cercle, et réduire le plus possible sa zone de mouvement. Ou alors, dans la défense de Drop, où là aussi, les Celtics font en sorte de l’avoir le plus proche du cercle et éviter le plus possible de le mettre en mouvement. Pourquoi ? Et bien parce qu’il est excellent à la protection de cercle (mais franchement pas super mobile).
Les chiffres confirment qu’il est un des meilleurs dans ce rôle. Quand il est sur le terrain, les adversaires des Celtics perdent 5.6% d’efficacité sur leurs tentatives au cercle comparé au moment où il est sur le banc. C’est dans le 93e centile. De manière individuelle, son impact est tout aussi impressionnant. En effet, cette saison il inflige une perte d’efficacité à la hauteur de 13.7% chez les joueurs qui sont défendus par le letton quand ils prennent un tir au cercle. C’est le deuxième meilleur score de la saison chez les joueurs qui ont défendu plus de 200 tirs au cercle sur la saison.
Le volume et l’impact de la protection de cercle de Kristaps Porzingis est absolument élite, parmi les tout meilleurs de la ligue. Cet impact permet au Celtics d’être une véritable Rolls-Royce défensive lors de la saison régulière. Mais que se passe-t-il lorsque les équipes arrivent à le sortir de ses schémas ? À quel point son rôle peut-il avoir un impact en défense une fois arrivé les Playoffs ?
Pour contourner la protection de cercle de Porzingis, Dallas le met directement dans les actions.
Et comme Luka est le roi du PnR, et bah ça fait mal.
Double screen, Green attire White loin du cercle, PJ role, et c’est ciao. pic.twitter.com/4DVjapJUz1
— azmatlanba (@azmatlanba) March 2, 2024
Les Boston Celtics, ou le serpent qui se mord la queue
On parlait en début d’article de l’utilisation de Kristaps Porzingis pour punir les défenses conservatrices, telles que les défenses sur Drop, ou bien pour punir les mismatchs. Mais, de l’autre côté du terrain, c’est exactement ce que les équipes cherchent à faire face à la défense des Boston Celtics quand Kristaps Porzingis est sur le terrain. C’est d’ailleurs ici qu’on retrouve un autre problème des Celtics: Le manque de variété défensive.
C’est un reproche qu’on peut faire à l’attaque de Boston tant elle est parfois stéréotypée, mais la défense est tout aussi unidimensionnelle avec le letton sur le terrain. Joe Mazzulla a tenté de nous faire croire qu’il a laissé Kristaps Porzingis sur Dejounte Murray en prolongation afin de s’entraîner au vu des Playoffs, mais je doute qu’il réitère l’expérience (sauf si il compte laisser sa place à Sam Cassell cet été ?).
It was interesting to watch how the Hawks were trying to attack Porzingis down the stretch vs. Dejounte Murray and Jrue Holiday countering later by saying absolutely not. pic.twitter.com/YTY5n0t7LT
— Steve Jones Jr. (@stevejones20) March 29, 2024
Vient donc la question de comment faire lorsque Porzingis se retrouve face à une attaque capable d’être efficace sans aller au cercle de manière excessive. C’est le cas des Knicks, des Bucks, des Mavs, du Heat, des Warriors, ou bien des Suns. En résumé, des prétendants au titres ou des potentiels adversaires des Celtics en Playoffs. Les solutions potentielles souvent évoqués sont de le faire jouer avec un deuxième intérieur, comme Xavier Tillman ou Al Horford. La défense est clairement renforcée avec ces deux-là, et assure une meilleure protection de cercle ainsi que plus de flexibilité, mais le spacing en attaque est clairement handicapé. Les réponses qu’apporte Kristaps Porzingis soulèvent d’autres questions et de nouveaux problèmes pour les Celtics.
Comme le raconte très bien Marc Campbell dans son dernier article, ces Celtics articulés autour de Porzingis sont un peu comme l’Étoile de la Mort dans Star Wars:
“Comme l’Étoile de la Mort, Boston a sa version du pot d’échappement thermique. Toute équipe qui souhaite l’exploiter a besoin du même plan d’attaque à deux volets que celui de l’Alliance : Utiliser le travail d’équipe pour placer un opérateur d’élite à l’endroit idéal pour exposer la faille du système et déclencher une réaction en chaîne qui se propage de l’intérieur.“
Kristaps Porzingis change tout, sans être la réponse à toutes les questions
La configuration des Boston Celtics a donc bien changé avec l’arrivée de Kristaps Porzingis. En attaque comme en défense, les points de pressions sur les équipes adverses ont évolué depuis la saison dernière. Autour du letton, Brad Stevens a construit une machine de guerre, capable de rouler sur la saison régulière comme peu d’équipes l’avaient fait dans l’histoire. Sauf que, c’est à la fin du bal qu’on paie les musiciens, et la soirée vient à peine de commencer.
Une fois en Playoffs, on va découvrir ensemble si ce changement dans la construction d’équipe, qui a engendré un virage tactique, a été salvateur. Malgré les arrivées de Jrue Holiday et Xavier Tillman, on peut se demander si les profils de Marcus Smart, Robert Williams et Grant Williams ne vont pas manquer lors de certains tours de Playoffs, face à certaines matchups.