Fan des Celtics depuis que j’ai commencé à suivre la NBA, j’ai, depuis longtemps, imaginé le jour où je franchirai les portes du TD Garden. Je me voyais monter ces fameux escalators jusqu’à passer sous le fameux logo vert et jaune, avec ma tunique verte et mon sourire jusqu’aux oreilles. Je pouvais visualiser mon passage à la boutique du club, pour acheter un souvenir ou deux, afin d’immortaliser ce moment. Avant de rejoindre ma place, je serais allé me prendre une bière à 16,99$ et une part de pizza. Bien sûr, je serais arrivé en avance, histoire d’avoir la chance de voir la fin de l’échauffement, au loin, depuis mon siège dans les gradins. À la fin du match, je serais reparti des étoiles plein les yeux, avec mon Kodak jetable rempli de photo que j’allais pouvoir afficher sur le meuble de l’entrée. J’aurais pris la Red Line pour rentrer dormir, et l’histoire se serait arrêtée là, avec le bonheur d’avoir pu voir de mes propres yeux ce que je voyais déjà depuis mon canapé devant ma TV.
Cette partie de mon imaginaire est sûrement liée à Smith, l’un des deux fans qui coexistent en moi. Comme expliqué dans un article précédent, deux fans coexistent dans mon esprit lorsque que je regarde un match de basket. Smith, le fan intuitif, rapide et émotionnel dans mon esprit. Et l’autre, Taylor, le fan qui analyse, découpe et prend le temps de revoir une action pour la comprendre. Alors, au moment d’imaginer ma première fois au TD Garden, Smith prenait le dessus et visualisait des tirs au buzzer de Jaylen Brown, des bras levés après un contre d’Al Horford, ou même une interception de Marcus Smart. Une soirée au TD Garden n’avait pas grand chose à offrir à Taylor. Lui qui préfère regarder les matchs en replay, pour qu’il puisse revoir une action plusieurs fois sous des angles différents, quel intérêt d’être sur place ? Le bruit, la lumière et la vue sur le terrain ne pourraient pas lui permettre de comprendre et analyser le match comme il aime tant le faire.
Alors, j’imaginais qu’après ma première expérience au TD Garden, Smith serait frustré de devoir rentrer dans les Alpes, alors que Taylor serait ravi de pouvoir enfin retourner regarder des matchs NBA dans le calme. Et pourtant, après deux matchs, Smith rentre comblé vers ses montagnes natales, tandis que Taylor repart avec l’impression d’avoir vécu une vie qui ne sera jamais sienne.
D’un bloc note à une conférence de presse
Quand j’ai commencé à écrire un article pour le publier sur Medium et le partager dans le discord du BasketLab, je ne pensais pas que ça m’amènerait à participer à une conférence de presse d’un match NBA… et pourtant. Quand je suis arrivé chez QiBasket, on m’a fait passer le message que j’aurais autant d’audience sur Medium que si j’écrivais sur mon bloc-note. J’allais donc avoir une plateforme pour présenter mes analyses bancales. C’était déjà énorme, pouvoir échanger sur ces sujets avec l’équipe de QiBasket, mais aussi les lecteurs, c’était une chance unique. Je pensais que c’était déjà une fin en soi, et que ça ne mènerait pas à croiser Brad Stevens du regard dans les couloirs du TD Garden, en me dirigeant vers la conférence de presse d’avant match.
Mais avant d’arriver à la conférence, il faut déjà rentrer dans le TD Garden, sans se perdre parmi les innombrables couloirs. Jack Simone, du CelticsBlog et du Podcast « How ‘Bout Them Celtics », a eu la gentillesse de me guider dans ce labyrinthe. On s’est retrouvé dans un Dunkin’ Donuts, tradition oblige. Puis on est rentré par les coulisses du TD Garden. Après le passage de la sécurité, je récupère mon précieux, une accréditation presse pour un match NBA. Même à postériori, ça me semble encore un peu irréel.
Après quelques escaliers, et de nombreux couloirs blancs qui se ressemblent tous plus ou moins, il me semble apercevoir la lumière au bout du couloir. Je crois aussi discerner le bruit d’un ballon qui rebondit contre le parquet… nous y voilà, dans un TD Garden vide comme une église un jour de semaine. Xavier Tillman, encore sous les couleurs de Memphis à ce moment-là, travaille ses lancers-francs avant un match auquel il ne participera pas. De l’autre côté du terrain, Dalano Banton, Jordan Walsh et Neemias Queta s’échauffent. Il est alors 15h, il reste encore trois heures avant le coup d’envoi. Certains des titulaires des Celtics ne sont même pas encore arrivés, pendant que ceux qui font des aller retours en G-League sont déjà en train de travailler leurs fondamentaux.
C’est un moment privilégié pour eux, le coaching staff prend le temps de faire des sessions avec eux. Sam Cassell, Jeff Van Gundy, Charles Lee, Phil Pressey, ils sont tous là pour les joueurs à ce moment-là. L’enceinte est complètement silencieuse, il n’y a que ces quelques joueurs qui se préparent, des membres du coaching staff et quelques reporters du CelticsBlog. Sarah, Tim et Bobby. Je peux me balader dans les gradins, prendre des photos et juste profiter de ce moment hors du temps. Mais il est déjà l’heure. L’heure de rejoindre l’équipe du CelticsBlog pour aller en conférence de presse. Comme avant chaque match, Joe Mazzulla répondra aux questions des journalistes (et aux imposteurs français aussi apparemment).
Hero among us
Les questions d’avant match sont toutes au sujet du retour de Marcus Smart, il donnera d’ailleurs une conférence de presse une heure avant le match. Mes questions pour Joe ne concernent pas le retour de Marcus, j’aimerais plutôt profiter de cette occasion pour parler de jeu. Je tente malgré tout ma chance et demande un micro. Et là, tout se met à trembler, ma main, mon cœur s’emballe et j’imagine déjà comment ma voix va dérailler au moment de poser la question. Je finis même par me demander si mon anglais sera compréhensible. Joe pose alors son regard noir sur moi, et j’ai 30 secondes pour poser ma question sans perdre en crédibilité. J’arrive à aller au bout de ma question et à citer mes statistiques soigneusement préparées dans mon bloc note. Au final, j’aurai droit aux fameux « we are taking what’s the defense is giving us » qu’il utilise assez souvent. Peu importe, l’évènement du jour, c’est le retour du Celtics préféré de l’ère post Big Three.
Après quelques minutes d’attente, le voilà, comme la lumière un matin d’hiver. La salle de conférence de presse entière à le sourire aux lèvres, et moi je sors mon Kodak, histoire de garder un souvenir indélébile. La présence de Smart est d’ailleurs le seul intérêt du match du soir. Il aura le droit à sa vidéo hommage, au trophée d’Hero Among Us, aux chants du peuple vert qui lui répètent tout au long du match, et même après dans les couloirs du stage « Thank you Marcus! ». Après avoir passé les trois premier quart-temps à la place que j’avais achetée, je décide de monter au neuvième étage pour admirer la vue depuis la place réservée aux médias (oui il y a neuf étages, la vue fout le vertige). La différence de perception est énorme.
Quand on est proche du terrain, on se rend mieux compte à quel point les tirs « ouverts » ne le sont pas tellement. La densité physique sur un si petit terrain est asphyxiante. On a aussi une meilleure lecture du langage corporel ainsi que du momentum quand on est proche. Depuis le neuvième étage par contre, on voit les dix joueurs, les deux bancs et tout le public en un seul regard. Les systèmes sont plus faciles à comprendre et à voir venir, les couvertures défensives sont faciles à analyser. Mais bon, faut-il encore qu’il y est des systèmes à analyser. Le premier dunk en carrière de Walsh était malgré tout sympa à voir depuis le haut des gradins. Le public des Celtics est un public de passionnés à n’en pas douter.
Après un match au goût de mélancolie, sans grand intérêt sportif, il est l’heure de retourner en conférence de presse. Malgré le match sans intérêt sportif véritable, on peut quand même voir se dégager au sujet des rebonds offensifs. En effet, d’après CleaningTheGlass, c’était une des meilleures performances aux rebonds offensifs des Celtics cette saison. Surtout grâce à son banc. J’ai donc envie d’interroger le coach des Celtics à ce sujet. Le stress au moment de poser la question reste le même, la main tremble et le cœur tape fort comme pendant une séance de fractionné. Et là, ce que je redoutais (où ce que j’espérais secrètement), Joe Mazzulla, qui semble-t-il n’avait pas trop apprécié ma question d’avant match, me demande si j’ai compté le nombre de lay-ups manqués des Celtics pendant le match. C’est la cerise sur le gâteau d’une bien chouette soirée. Le temps d’un instant, j’ai l’illusion de faire partie de ce monde. Le temps d’un instant, je pense être à ma place.
Figurant d’une mythologie moderne
Les sportifs actuels, et tous les récits qui vont autour, sont souvent considérés comme la mythologie moderne. Quand Al Horford est rentré dans la salle de la conférence de presse, j’ai pu constater la différence entre eux, et nous. La taille des mains, l’aura, la présence, j’avais même peur de le déranger en posant ma question sur les line-ups avec deux intérieurs. Mais non, c’est d’ailleurs le but de ce jeu. C’est pour ça qu’il est présent dans cette salle, pour participer à cette chorégraphie sociale bien organisée. Ces héros modernes jouent leur meilleure partition devant un public en feu, avant de venir se confier aux témoins privilégiés que sont les journalistes et reporters. Le rôle des journalistes est de faire le relais de ce qui se dit en coulisse sans en oublier une goutte. À chaque question, les dictaphones sont de sortie, les bruits des claviers accompagnent la voix du joueur.
L’ambiance dans la salle de conférence de presse est difficile à décrire. En avant match, l’ambiance est plutôt détendue et les blagues fusent entre les différents journalistes. Mais lors des conférences d’après match, tout le monde rentre dans son tunnel d’écriture, afin de participer à cette fresque sociale, à ce nouveau chapitre de la mythologie moderne qu’est la NBA. Car si je suis actuellement en vacances, et seulement ici comme figurant, toutes les autres personnes dans cette salle sont ici pour exercer le métier qui leur permet de payer leurs factures. Mais, ça signifie aussi que, ce que je suis en train de vivre, ce moment hors du temps, l’impression d’être un témoin privilégié, c’est leur quotidien. Dieu qu’ils ont de la chance.
À la fin de la conférence de presse, chacun repart de son côté. Jack Simone, mon guide dans cette aventure, me raccompagne jusqu’à la sortie avant d’aller enregistrer un nouvel épisode de son podcast « How ‘Bout Them Celtics » avec Sam LaFrance. Rendez-vous mercredi prochain pour la match contre les Hawks. Trae Young, l’un des héros les plus clivants de cette mythologie moderne sera en ville pour prendre une revanche suite aux derniers Playoffs. Mes questions pour Joe Mazzulla sont déjà prêtes, ma place derrière le banc de Hawks est réservée, j’attends ce deuxième match comme un enfant attend Noël.
Un match de basket, un vrai
Ce deuxième match est la revanche du premier tour des derniers Playoffs pour les Atlanta Hawks. Lors de la campagne 2023, les Faucons de Georgie avaient réussi à pousser les Celtics au match 6. Trae Young avait été impérial, Jalen Johnson avait explosé au plus haut niveau, et Al Horford devenait, pour la première de sa carrière, une cible pour l’attaque adverse. Cette saison, les Faucons ne sont pas aussi royaux que les années précédentes. Néanmoins, quand la bande à Trae Young arrive en ville, personne n’est à l’abri de repartir avec 140 points dans la besace. Pour ce match, je me suis dégoté une place juste derrière le banc de Quin Snyder. Mais avant ça, les conférences de presse. J’ai pris des habitudes déjà, je m’installe au milieu de la salle, derrière les reporters du CelticsBlog. À droite contre le mur, on retrouve souvent Jay King et Jared Weiss. Devant, tout à droite, vient s’asseoir Abby Chin, pendant que Scalabrine, lui, s’installe à l’arrière gauche de la salle. Le débat du jour avant l’arrivée de Joe Mazzulla est de savoir si oui ou non, Usher est iconique.
Joe Mazzula rentre alors dans la salle et, comme d’habitude, le calme s’installe. Je me lance à poser la première question, sur l’attaque des Celtics qui arrivent à garder le même offensive rating avec et sans Jayson Tatum, ce qui est une première depuis le début de sa carrière. Les autres questions sont au sujet de la trade deadline mais Joe ne peut pas encore s’exprimer car le trade de Xavier Tillman n’a pas encore été officialisé. Quatre questions et puis s’en va. Si j’avais su, je lui aurais posé plus de questions sur la saison des Celtics et notamment l’utilisation de Porzingis. Mais mon excitation n’est pas vaine : direction l’autre côté du TD Garden pour aller à la conférence de presse du coach des Hawks, l’homme aux lunettes rouges, Quin Snyder.
Les vibes sont différentes dans la salle de conférence de presse adverse. Déjà, c’est bien plus petit et bien moins isolé, on entend les bruits de couloir (littéralement). Les journalistes locaux de l’équipe ont la priorité pour les questions, mais comme la salle est petite, pas de micro. C’est donc au premier qui posera la question, et à celui qui parlera jusqu’au bout. Après quelques questions je décide de me lancer avec un timide « Coach? ».
Trouver le point d’équilibre
Quin Snyder a répondu à toutes les questions précédentes en détail, et il a en été de même pour la mienne. J’étais curieux d’en savoir plus sur son sentiment au sujet de l’utilisation off-ball de Trae Young, et Snyder a apporté une vraie réponse sur sa vision du sujet. Il met notamment le doigt sur un aspect important de l’utilisation off-ball d’un joueur héliocentrique comme Trae Young: l’équilibre. En effet, théoriquement, un joueur de basket est plus « efficace sans le ballon ». Les tirs les plus efficaces sont les tirs au cercle suite à un cut, ou bien les Catch & Shoot. Mais Quin Snyder rappelle, à juste titre, que Trae Young est aussi diablement efficace balle en mains, et il permet de rendre les autres joueurs qui n’ont pas le ballon plus efficace…
Tout est une question d’équilibre. Celui que j’ai trouvé pour ce trip me convient parfaitement. Une fois les conférences de presse finies, j’ai le temps de rencontrer les journalistes locales d’Atlanta. Elles confirment qu’en effet, Snyder adore parler théorie du basket, et me conseillent d’aller parler à Dominique Wilkins car elles pensent qu’il parle français car il y est né. Bon, l’occasion ne se présentera pas, mais ça me fait sourire de pouvoir échanger avec des personnes qui sont au contact de légendes de ce sport qui me fascine depuis tant d’années. Puis, comme le fan lambda que je suis, je retourne dans les gradins, à la place que j’ai payée avec mes économies. Je vais me chercher ma pinte de bière à 16,99$, le maillot de Jayson Tatum sur les épaules, le sourire aux lèvres, et je me lève pour l’hymne américain, car apparement c’est la tradition ici.
Je ne me sens pas vraiment à ma place dans les gradins, mais je suis quand même bien content de pouvoir photographier des joueurs comme Trae Young ou Jalen Johnson avec mon Kodak. Heureux de pouvoir vivre la frénésie qui prend le stade quand Horford enchaîne les 3 points, ou quand des dames en vert se mettent à jeter les t-shirts dans les gradins. Euphorique de pouvoir vivre un 4ème quart-temps serré. Le dagger de Porzingis et les 3 points contestés de Derrick White ont réveillé le fan en moi, mon Smith endormi. Le buzzer sonne, la tribune se vide, tout le monde remonte les gradins, pendant que je descends vers le parquet pour retrouver ma place d’imposteur parmi les professionnels. Je montre mon badge, comme si j’avais fait ça toute ma vie, sors de l’arène par la même sortie que les joueurs, comme si ma place était là, pour encore quelques minutes au moins.
Et c’est au milieu de cette ultime conférence de presse qu’arrive le moment où Taylor vivra son émotion la plus marquante. Une conversation d’une minute à peine avec Joe Mazzulla, entre deux portes, qui finit par une poignée de mains et un sourire sincère.
L’atterrissage en douceur
À la fin de cette ultime conférence de presse, je rejoins Jared Weiss. Guillaume m’a mis en contact avec lui. C’est important de le préciser parce qu’en réalité, ces journalistes ne sont pas facilement joignables, et reçoivent des dizaines de demandes par jour. Les conversations que j’ai pu avoir avec Jared Weiss étaient variées, on a pu parler de Zion, et de son fameux match au lycée face à Onyeka Okongwu. Il m’a aussi donné des conseils sur comment mieux poser des questions, puis on a pas pu s’empêcher de critiquer les transports en commun de Boston. Mais c’est le décor de la conversation qui l’a rendue unique. Debout, sur le parquet du TD Garden en train de se faire démanteler pièce par pièce.
L’arène était vide, seulement nous deux et les employés du stade qui préparaient le changement du parquet à la glace pour le match des Bruins qui se jouera au même endroit le jour suivant. On est ensuite allé dans une des salles communes où les différents reporters se retrouvent pour écrire sur le match de la soirée et préparer leurs prochains projets. C’était le moment pour moi de dire au revoir à l’équipe du CelticsBlog. Jack, mon guide de toujours, m’accompagnera jusqu’au métro. Jared Weis était lui aussi présent, un ultime check en guise d’au revoir, et beaucoup de remerciements.
Franchement, merci
J’ai essayé de remercier toutes les personnes qui ont pu faire de ce rêve d’ados une réalité. Encore une fois merci à l’équipe de QiBasket, à Jérémy et Jordan les cofondateurs. Merci à Guillaume de m’avoir sorti de ma grotte. Merci aux gars du Trèfle pour tous leur accueil et leur bienveillance. Merci aux membres du Discord d’avoir lu les tous premiers articles et de m’avoir encouragé à continuer. Merci à Jack d’avoir été mon guide privilégié, et merci à Sam de m’avoir mis en contact avec lui. Merci à Jared pour ses conseils et ses lumières pour mieux comprendre ce monde encore un peu obscur. Merci à Benjamin Moubèche de m’avoir guidé dans les demandes pour les accréditations. Merci à l’équipe relation presse de la NBA, Natalia, Mike, Paige et Heather, qui ont été particulièrement disponibles pour répondre à mes nombreuses questions. Puis merci aux deux ou trois lecteurs qui vont au bout de mes articles sans queues ni tête mais toujours avec des fautes d’orthographes.
Merci.