Qu’est ce que le nazisme et le basket peuvent bien avoir en « commun » ?
Sur le papier, pas grand-chose. Et pourtant c’est à l’occasion des Jeux Olympiques de Berlin en 1936 que notre sport préféré a effectué son entrée dans les disciplines olympiques.
Comment je le sais ? Et bien grâce au très bon livre « L’histoire du basketball aux JO » des Editions I.D. et de Basket Retro qui ont eu l’excellente de compiler toutes les Olympiades où le basket a eu une visibilité ou un tournoi, de 1904 à Saint Louis jusqu’à 2020 à Tokyo. Préfacé par Boris Diaw, cet ouvrage est extrêmement riche, tant en contenu qu’en matière d’illustrations, ce qui devrait ravir les amateurs de basket mais aussi d’Histoire.
Comme je suis passionné des deux, j’ai pris un grand plaisir à me replonger dans certains souvenirs mais surtout à découvrir l’évolution de ce sport, de notre sport au rythme des tournois, des nations et de l’évolution du règlement à travers ces différents âges.
Alors pourquoi choisir de se concentrer sur un tournoi olympique en particulier, au lieu de baliser une fresque longue de plus de 100 ans ?
En premier lieu parce qu’il s’agit du 1er tournoi officiel, mais également parce que les Jeux de Berlin ne sont pas n’importe quels Jeux Olympiques : ce sont ceux d’Hitler et son régime nazi, à la veille d’une des plus grandes, et tristes, pages de l’Histoire. Comment une organisation qui se veut être un rassemblement des peuples peut être confiée à un esprit aussi étriqué que celui d’Hitler ? Et d’un point de vue basket, comment ce tournoi s’est-il déroulé ? Pleins de questions qui vont trouver des réponses dans les lignes ci-dessous, que je vous invite à compléter avec le livre « L’histoire du basketball aux JO ».
Avant le tournoi
A l’époque de l’attribution des Jeux d’été, Hitler n’est pas encore le maître de l’Allemagne. En 1931, c’est la fragile République de Weimar qui se voit confier l’organisation des JO. Comme un coup de pouce pour relancer l’économie du pays, elle a également hérité des JO d’hiver qui se dérouleront en février 1936 en Bavière.
A partir de 1933, la mainmise du régime nazi va s’accroître pour trouver son apogée en 1936, où Hitler s’est alloué les pleins pouvoirs en accédant à la tête du pays.
Le monde n’est pas complètement aveugle ou dans le déni, et très tôt, plusieurs athlètes vont ainsi répondre à l’appel au boycott des Jeux de Berlin et un « contre-tournoi » commence à prendre forme du côté de Barcelone. Ce qui enterrera définitivement cet évènement parallèle, c’est la guerre civile espagnole qui se déclenche le 18 juillet 1936, à 15 jours du début des épreuves.
Pour en revenir au basket, les nations ont alors toutes un modus operandi différent pour sélectionner leurs joueurs. Si la France a un système relativement traditionnel de sélection nationale (« Le Club de France »), les États-Unis rassemblent au Madison Square Garden diverses équipes afin d’organiser un tournoi qui enverra la meilleure équipes aux J.O. Le tournoi de qualification comprend deux équipes corpo de l’AAU (American Athletic Union), le champion national YMCA (non, pas ceux de la chanson) et 5 équipes universitaires. Le tournoi est finalement remporté 44-43 par l’équipe Universal Pictures (oui, celles des films) contre les Globe Refiners (une société pétrolière). Le faible écart de points incite les USA à finalement sélectionner les deux équipes, et à compléter le roster avec un joueur universitaire pour envoyer 14 joueurs à bord du SS Manhattan, porte-avion de la NAVY, jusqu’en Allemagne pour les Jeux.
Pendant le tournoi
La toute jeune FIBA (créée en 1932) organise donc sa première grande compétition internationale et deux nouvelles règles font leur apparition :
- Le retour en zone : l’équipe attaquante ne peut plus revenir dans sa partie de terrain après être passé en zone d’attaque ;
- La remise en jeu en ligne de fond : après chaque panier, fini l’entre-deux, place à une remise derrière la ligne d’anneau arrière. Et oui, la remise en jeu n’avait, au départ, rien d’acquis.
Le tournoi a un invité de marque qui aura, ironie du sort, toutes les difficultés du monde à obtenir les accréditations nécessaires pour assister aux matchs, puisqu’il n’est autre que le professeur James Naismith, aka Monsieur J’ai Inventé le Basket… Ouais, rien que ça. Double dose de fun facts :
- Il a reçu une médaille d’or et une couronne de laurier comme les vainqueurs du tournoi qu’il portera une bonne partie de la soirée après la finale ;
- Il a beaucoup aimé le style de jeu de la France : c’est ça aussi, la French Touch.
Initialement, le tournoi comporte 23 nations, mais la Hongrie déclare finalement forfait, l’Espagne a d’autres préoccupations et enfin le Pérou, quant à lui, repart au pays juste avant les quarts de finale à la suite d’un mécontentement lors du tournoi olympique de football (la solidarité entre athlètes).
Vingt nations au final, et forcément des remaniements à effectuer suite aux forfaits : un obscur système se met alors en place, avec des possibilités de repêchage jusqu’aux 8è de finale, ce qui va permettre à certaines équipes de passer des tours sans jouer ou bien de se laisser battre pour reposer ses joueurs et de passer via ce « looser bracket ». Très logique n’est-ce pas ?
C’est donc ainsi que du 7 au 17 août 1936 au Reichssportfeld, en extérieur, sur terre battue, que se déroule le tournoi olympique de basket avec en match d’ouverture France – Estonie. Le style de basket français est basé sur les fast breaks et la rapidité d’exécution, alors que la plupart des équipes jouent de manière attentistes, multipliant les passes en attendant la bonne opportunité pour frapper (la règle des 24 secondes n’existant pas encore). C’est beau à regarder… Mais ça ne gagne pas (défaite contre l’Estonie 29-34), et la France sera définitivement éliminée suite à une seconde défaite contre la Chine 38-45. Le panache du jeu à la Française n’aura pas survécu. Comme quoi, les Suns de D’Antoni n’ont rien inventé (désolé, c’est gratuit).
Suite au forfait du Pérou, la Pologne se retrouvent en demie, mais est sèchement battue par le Canada 42-15, tandis que de son côté, les Etats-Unis battent le Mexique 25-10 : première finale olympique de l’Histoire, USA – Canada !
La grande finale
En arrivant en Allemagne, la délégation américaine a deux soucis :
- On ne peut inscrire que 7 joueurs sur la feuille de match, ils sont 14 ;
- Les joueurs de plus d’1m90 sont exclus du tournoi (parce qu’après tout, pourquoi pas), et elle compte deux pivots de 2,03m et 2,01m.
Pour régler le premier problème, les coachs décident d’alterner entre les deux équipes et ce sont les joueurs des Globe Refiners qui disputeront la finale.
Pour le second volet, un petit coup de pression et tout le monde a le feu vert pour disputer les matchs. C’est aussi ça, la diplomatie à l’américaine.
14 août 1936, fin d’après-midi : la terre battue des terrains de tennis où se déroule la finale sont… sous les eaux ! On pense que la finale va être remise à plus tard, mais les instances maintiennent leur choix. Je vous laisse imaginer les conditions dantesques pour pratiquer ce sport dans ce contexte… Et pour les spectateurs.
Les USA gardent leur style de jeu très prudent, et c’est payant puisqu’à la pause ils mènent 15-4 devant le millier de spectateurs présents.
A la reprise, las de s’être fait confisquer le ballon, les Canadiens se rebiffent et reviennent à 15-8. Le coaching staff fait rentrer du sang neuf sur le terrain, l’écart remonte à 11 points 19-8 et plus rien ne sera marqué pendant 12 minutes (oui, vous avez bien lu). Les USA sont sacrés 1er champions olympiques de basket en ayant tentés 15 tirs (oui, vous avez toujours bien lu). Le « MVP » du tournoi est attribué à Joe Fortenberry, qui a profité de ses 203cm pour inscrire 8 points.
Trois athlètes juifs (ils ne furent pas les seuls) seront ainsi médaillés en basket aux J.O de Berlin :
- Sam Balter, en or avec les USA
- Irving Mertsky et Julius Goldman, en argent avec le Canada.
***
La propagande nazie et la volonté d’Hitler de montrer la puissance de son pays aux yeux du monde n’ont pas effrayés certains athlètes, venus en connaissance de cause lui prouver que la race ne fait de qui que ce soit un homme plus compétent, fort et/ou rapide. On pensait faire de la science en étudiant les gens selon des critères physiques, mais il ne faut jamais sous estimer le cœur d’un champion, encore moins quand il s’appelle Jesse Owens, quadruple vainqueur de l’Or Olympique.
Voici quelques lignes et anecdotes tirées des nombreuses pages que contiennent ce livre. Mais pour en découvrir la totalité, il faudra vous le procurer, alors foncez !