La NBA a toujours cherché à imiter les recettes gagnantes. Toutes les équipes qui ont connu un long cycle victorieux, ont ensuite été suivies par d’autres équipes qui ont reproduit ce qui ressemblait au schéma à suivre. En somme, toute équipe qui a dominé, que ce soit en raison de sa gestion d’équipe, de son recrutement, de sa manière d’appréhender le jeu, a bénéficié d’un avantage concurrentiel amené à se réduire de saison en saison.
En cela, les grandes dynasties de la NBA ne me semblent pas différentes des grandes conquêtes de l’Histoire. Ces dernières ont souvent été portées par des innovations stratégiques, tactiques ou technologiques. Autrement dit, toute domination soudaine et sans partage trouve source dans un élément auquel l’adversaire n’est pas préparé, car absent de son logiciel.
La dernière grande révolution qu’a connu la NBA provenait de la baie d’Oakland. En 2015, les Warriors déferlaient sur la Grande Ligue et changeaient le jeu comme rarement dans l’histoire de celle-ci. Si d’autres évolutions non négligeables ont eu lieu simultanément et depuis, notamment via une NBA qui a de plus en plus délaissé les profils de spécialistes au profit de la polyvalence, aucune équipe a fait l’effet d’un tel détonateur que la Warriors-era.
Si tactiquement, les défenses NBA ont connu une révolution (bien plus silencieuse) par la variété des schémas tactiques utilisés, tout ce mouvement a été permis par un coup de butoir initial : le succès des Golden State Warriors.
Maintenant qu’on s’est dit ça, quel lien avec le titre de l’article, qui parle de Nikola Jokic ?
Le serbe a enfin mis les mains sur le titre de MVP des Finales, synonyme de succès collectif en juin dernier. Lors de la reprise, il est revenu comme s’il n’avait jamais quitté les parquets, étrillant la défense des Lakers et portant les siens à la victoire.
Or quelque chose a changé depuis : la victoire collective de Denver a validé l’expérience Nikola Jokic. Expérience qu’on pourrait qualifier de peu académique. Et si certains l’avaient validé depuis longtemps, pour d’autres, seul le titre NBA permettait de dire si confier les clés d’une attaque à un pivot dans l’ère moderne, serait viable ou non.
Évidemment, comme pour les Golden State Warriors en leur temps, les graines avaient été semées avant qu’un joueur exceptionnel n’éprouve parfaitement et ne valide la formule. Tout comme les Suns de D’Antoni avaient ouvert la voie, 10 ans plus tôt, aux Warriors, le jeu des Nuggets avait vu ses prémisses avec Joakim Noah aux Bulls ou Andrew Bogut, puis Draymond Green… aux Warriors.
Maintenant que ce changement porté par Nikola Jokic (dont nous allons discuter tout au long de l’article) semble inéluctable, nous allons essayer d’étayer l’idée d’une nouvelle révolution du jeu, en passant par les étapes suivantes :
- Dans quels éléments de son jeu, peut résider une singularité capable de se propager ?
- A quoi ressemblait la ligue à son arrivée et comment l’expérience-Jokic a vu le jour ?
- Quelles parts de son jeu peuvent être reproduites à large échelles ? Lesquelles ne le seront pas ?
- Enfin, comme cela pourrait changer les attentes autour des intérieurs, de la formation à la responsabilisation, voire même le jeu des extérieurs ?
Mais pourquoi Nikola Jokic serait une révolution ?
Alors ok, les Denver Nuggets ont gagné le titre. Mais, me direz-vous, tous les ans une équipe remporte le titre, tous les ans un joueur est élu MVP des Finales, et on en fait pas (à chaque fois) tout un plat.
Oui, mais en l’occurrence, si Jokic a longtemps divisé, si son statut de MVP a souvent été remis en cause, c’est qu’il ressemble à une étrange exception. La raison est simple : ses qualités ne sont pas celles qu’on attendait d’un joueur à son poste, et cela peut induire foules d’observateurs en erreur.
Ne vous étonnez pas si certains ont pensé que le serbe était juste une anomalie ou le “joueur des nerds de statistiques”.
Pour beaucoup, un pivot qui fait des passes, qui n’est pas un protecteur de cercle élite, qui domine techniquement (par ses skills) sans le coupler à une domination physique, athlétique, cela ne pouvait pas être une recette gagnante. Tout comme on a autrefois dit qu’on ne gagnerait pas de titres en s’appuyant sur le jumpshot, on a dit qu’on ne pouvait pas gagner avec un pivot qui ne soit pas le leader de la défense.
Puis vint Nikola Jokic, récompensant ses plus fervents défenseurs.
Jokic est une exception ou devrais-je dire, une rupture : un pivot qui est la principale source de création d’une équipe, un scoreur d’une efficacité historique, et même si l’esthétique n’est pas toujours aussi convaincante que celles de certains de ses concurrents poste bas, il n’en demeure pas moins le meilleur en la matière.
Mais surtout, surtout, il domine le jeu en monopolisant très, très peu la balle.
Pour commencer, chez les stars, qui ont généralement un “usage” élevé (+29%), Jokic possède un on/off en attaque littéralement … Dans une autre galaxie :
Autrement dit : aucune équipe ne souffre plus de l’absence de sa star que les Nuggets lorsqu’il s’agit de mettre un panier.
En 2022-2023, Jokic faisait plus d’1,5 fois mieux que son dauphin, Devin Booker. Joël Embiid, sacré MVP, bonifiait son équipe de +6pts en attaque entre les moments passés sur les parquets et ses passages sur le banc : Jokic approchait les +19.
Ceci dit, si cela permet d’illustrer l’omnipotence de Jokic sur son équipe, quel rapport avec une révolution ?
La véritable révolution Nikola Jokic, ce n’est pas qu’un altruisme très rare chez les stars NBA, non : c’est sa manière de faire circuler la balle.
La NBA a connu le paroxysme des stars qui vampirisaient l’attaque de leurs équipes entre la fin des 90’s et le début des 00’s. La “star NBA” était alors l’alpha et l’oméga, pouvait garder la gonfle toute une possession et prendre son tir, même contesté, sans que grand monde ne trouve quoi que ce soit à y redire.
C’était l’époque des attaques statiques, le début de la fin des pivots dominants poste bas (changement de règles oblige) et le prime des “ball hogs“. Mais quand on y pense, si les stars NBA sont devenues – dans le sillage de LeBron James – beaucoup plus altruistes, beaucoup plus outillées à la passe, elles ont conservé l’habitude de manier la balle très (très) longtemps.
Et c’est précisément sur ce point que la star des Nuggets est unique (ou presque) et qui sait, peut être en avance sur son temps :
Personne en NBA ne touche autant de ballons que Nikola Jokic : avec quasiment 100 touches de balle par match, seuls Tyrese Haliburton et James Harden s’approchaient d’un tel volume de jeu la saison passée.
Deux différences néanmoins :
- Ce sont des extérieurs, ce qui est plus habituel ;
- Ils conservent, environ, 2 fois plus, la balle en main que Jokic.
Nous allons néanmoins voir que ces faits sont autant inhérents au talent du joueur qu’à sa manière de recevoir la balle en tant qu’intérieur.
Alors, pourquoi et comment parler de révolution du jeu ?
Dans quel contexte Jokic arrive-t-il ?
La NBA est en recherche permanente d’optimisations.
Parmi les objectifs :
- exploiter de mieux en mieux l’espace,
- impliquer de plus en plus de joueurs en attaque,
- trouver des parades aux adaptations défensives,
- ceci afin d’obtenir des tirs toujours plus qualitatifs,
Dans les années 2010’s, les intérieurs se sont trouvés face à un défi : devenir plus polyvalents.
Une exigence qui allait avec l’évolution du jeu. Face à des défenses plus agressives sur les porteurs de balle pour les pousser à la lâcher plus vite, les intérieurs se sont vus plus responsabilisés sur le short-roll. Ainsi, au sortir d’une décennie où la norme était de plonger vers le cercle ou de shooter directement pour ceux dotés d’un shoot, les choses se sont compliquées.
Puisqu’ils recevaient la balle plus loin du panier, ceux qui se contentaient de finir au cercle n’étaient plus en mesure de le faire, tandis que ceux pouvant shooter devenaient extrêmement prévisibles s’ils ne pouvaient faire autre chose.
On attendait désormais d’eux qu’ils puissent profiter de l’avantage créé par l’agressivité défensive : autrement dit, être capable de faire appel à des éléments de jeu qu’on n’avait jusqu’alors jamais, ou trop peu, demandé aux intérieurs.
… A savoir passer/dribbler pour faire vivre la balle et le potentiel surnombre (comme Draymond, qui pourtant est un faible menace au scoring, sur la vidéo ci-dessus).
Par ailleurs, la révolution du tir à 3pts a trouvé une parade inattendue, mais qui allait directement les impacter, venue de Mike Buldenhozer : protéger la raquette à tout prix. Son constat était simple : le spacing venu du tir à 3pts n’est pas une simple hausse du volume du tir primé, c’est une optimisation globale de l’espace offert par le terrain. La surréaction au 3pts entraîne légitimement une prise de risque sur les shooteurs et donc, un dépeuplement de la raquette.
En se rappelant que les tirs les plus rentables du basket, loin devant le tir primé, sont les lancers francs et ceux pris près du cercle, il devient clair qu’il faut encourager le tir à mi-distance, et préférer donner un 3pts ouvert à un lay-up facile.
Face à des raquettes qui s’en sont logiquement retrouvées bien mieux sécurisées, des intérieurs ont commencé à être utilisés loin du cercle, poste haut. Un moyen d’optimiser la menace, s’ils ont un shoot ; ou de faire sortir leurs vis-à-vis, s’ils sont capables de faire vivre la balle, via un jeu de passe, un dribble développé ou les deux.
Dans cette catégorie, des pionniers susmentionnés : Joakim Noah, aux Bulls ; Andrew Bogut & Draymond Green, aux Warriors ; Blake Griffin, aux Clippers, etc.
Ces changements optimisent le spacing des équipes, permettent à des joueurs de ne pas être des poids morts en attaque, mais ces derniers ne représentent pas encore des prototypes suffisants pour baser tout un système offensif sur leur création.
Tantôt, parce que leur jeu de passe n’est pas suffisamment abouti, tantôt parce qu’ils peuvent être ignorés en raison de leur manque de menace individuelle (capacité à driver et scorer au poste bas) ou encore parce que l’animation offensive autour n’est pas suffisante pour vraiment obtenir une attaque substantielle.
C’est là, que Nikola Jokic & Chris Finch arrivent.
Nikola Jokic, origine d’une (r)évolution ?
En juin 2014, les Denver Nuggets draftent Nikola Jokic.
Pivot serbe assez méconnu, doté d’un sens de la passe évident et d’une précision létale au poste, il semble en prime doté d’un tir à mi-distance, voire à 3pts qui permettent d’envisager un profil offensif très, très complet.
Toutefois, Jokic est en surpoids, doté d’une mobilité globalement inquiétante et naturellement, de gros doutes existent sur sa capacité à défendre. Or précisons-le, dans cette période, le rôle d’un pivot est encore largement perçu comme celui d’un rim runner (joueur dont le rôle, est, en gros, de poser un écran et plonger vers le cercle) en attaque et d’un joueur sur lequel construire sa défense.
Denver a drafté Jusuf Nurkic l’année précédente au même poste, mais beaucoup plus haut (16è position). Plus athlétique, Nurkic est doté de bons fondamentaux offensifs, offrant également de belles promesses.
Pourtant, en novembre 2017, après une expérimentation ratée à 2 pivots dans le 5 de départ, les Nuggets font un choix marqué : échanger Nurkic. Dans la foulée, Nikola Jokic qui avait demandé à sortir du banc pour faciliter les choses, repasse titulaire, mais surtout, devient le centre névralgique de l’attaque de son équipe.
Mike Malone, s’appuie alors sur Chris Finch, qui a imaginé une attaque basée autour de ce pivot très atypique, drafté en 41è position. Un choix osé, utilisant à haut volume le dribble hand-off et le short roll, laissant beaucoup de liberté au pivot, qui s’impose immédiatement comme un créateur de génie, tant par sa régularité, que la qualité et la folie des passes proposées.
Les Nuggets sont transformés et manquent les Playoffs sur le fil malgré un début de saison calamiteux. La première attaque centrée autour de la création pour autrui d’un pivot vient de naître et s’apprête à devenir une des meilleures attaques NBA chaque saison depuis, peu importe la qualité des effectifs à disposition, devenant un casse-tête pour les défenses adverses.
Grâce aux multiples talents de son futur MVP, les Nuggets sont chaque saison élite dans l’attaque du cercle, même sans profil élite dans l’exercice et l’équipe peut évoluer en 5-out, facilitant les coupes, le drive et étirant sans casse les défenses.
Résultat :
- 2022-2023 : 5è offensive rating
- 2021-2022 : 6è offensive rating
- 2020-2021 : 6è offensive rating
- 2019-2020 : 5è offensive rating
- 2018-2019 : 7è offensive rating
- 2017-2018 : 6è offensive rating
Le tout, avec un seul All-Star dans l’effectif (Jokic) sur l’ensemble de la période, un des bancs (sans Jokic) les moins productifs de la ligue depuis 4 ans, et un duo Jamal Murray – Nikola Jokic qui tend à plus s’employer en Playoffs qu’en saison régulière.
Bref, vous l’aurez compris, la recette fonctionne.
MAIS… Est-ce que la formule Jokic est reproductible ?
Comme souvent, ce n’est pas un seul élément qui est à étudier, mais une combinaison d’éléments.
Si je devais qualifier le cas de Jokic, c’est un ensemble de qualités très rares à trouver chez un seul joueur : vision de jeu élite + toucher de balle hors norme + altruisme + rapidité dans le decision making + scoring élite au poste bas et au shoot.
En cela, il semble que reproduire un Nikola Jokic soit impossible.
Si l’on regarde simplement le scoring : réussir à être dans le 95è percentile d’efficacité avec un usage aussi élevé, sur le poste de pivot et en prenant des tirs à 3pts et à mi-distance, c’est historique. Les sommets d’efficacité sur le poste de pivot sont normalement réservés à des joueurs à faible usage, plutôt frustres offensivement, vivant de alley-oops, dunks et lay-ups : nos fameux rim-runners.
De même, imaginer retrouver un joueur qui possède de telles capacités en tant que passeur peut paraître assez compliqué.
Il existe une poignée de créateurs du niveau de Nikola Jokic par décennie. Parmi les capacités qui paraissent innées, la vision de jeu arrive tout au sommet, tant il ne semble pas exister de cas de joueurs, arrivés “banals” à la passe et devenus élites dans le registre.
Comment le succès des Denver Nuggets risque de changer la donne ?
Maintenant que nous avons discuté du succès individuel, que nous avons rapidement dépeint le contexte de son arrivée et le succès de l’expérience Jokic, mais que nous avons aussi expliqué la difficulté de répliquer un Nikola Jokic, comment pourrait-on y voir une évolution majeure, voire une révolution du jeu ?
Chez les intérieurs
Tout comme Stephen Curry a permis un chamboulement déjà pensé par d’autres grâce à son talent (ainsi qu’à la capacité des Warriors à construire un effectif pour le maximiser et à l’intelligence Steve Kerr qui a mis en place un système innovant, tout en donnant le feu vert à son meneur pour artiller à souhait), nous avons vu que Jokic a permis de magnifier des utilisations faites, à plus petite échelle, d’autres intérieurs.
Avec le succès des Nuggets, d’autres coachs ont commencé à faire appel à la création poste haut de leurs intérieurs.
Le Heat, l’a fait avec Bam Adebayo, les Pacers, puis désormais les Kings avec Domantas Sabonis et plus récemment, les Rockets avec Alperen Sengun.
Cette utilisation ouvre l’espace pour les joueurs autour, mais elles offrent d’autres bénéfices :
- Elles dynamisent l’attaque ;
- Elles rendent les joueurs qui possèdent plusieurs cordes à leurs arcs (drive, shoot, passe) plus imprévisibles ;
- Elles offrent de la flexibilité tactique ;
- Elles permettent aux extérieurs impliqués dans ce jeu d’écran de recevoir la balle lancés (bon moyens de compenser les premiers pas moins explosifs), de jouer avec les défenses et d’envisager des systèmes impliquant plus que 2 joueurs.
En faisant des pivots l’ossature de leurs attaques, ces équipes ont aussi eu des résultats très tangibles.
L’attaque du Heat a réussi à compenser depuis des années l’absence de ball handler capables de briser les défenses grâce à leur premier pas, permettant à des joueurs moins explosifs de créer du jeu.
Les Kings, étaient la meilleure attaque NBA l’an passé, avec un tandem De’Aaron Fox – Domantas Sabonis, probablement le duo le plus proche de la référence : Murray-Jokic. Si Sabonis est moins talentueux que son homologue serbe, il n’en reste pas moins un attaquant qu’on ne peut ignorer et une remarquable plaque tournante pour son équipe : tout comme Jokic, Sabonis touche énormément de ballons, prend des décisions très rapides (84 ballons maniés par match, conservés moins de 2,5 secondes par touche !).
Les avantages sont nombreux et très clairs :
- La balle circulant très vite, les défenses disposent de moins de temps pour analyser les situations ;
- La circulation de balle est forcément plus dure à prévoir car les coéquipiers étant souvent servis, cela encourage aux initiatives (animation off-ball) ;
- Des joueurs qui autrefois n’auraient pas été impliqués balle en main peuvent se générer des tirs et des espaces grâce aux dribble hand-offs et la possibilité d’obtenir un re-screen (si la balle reçue en premier lieu n’a pas permis de séparation)
- Quand le coaching est inventif avec de l’animation off-ball, cela génère forcément des erreurs de communication, d’attention ou de positionnement chez les défenses adverses
A ce titre, le succès des Nuggets, couronné par un titre, est un game changer.
D’une part, parce que cela signifie pour des propriétaires, GMs, coachs qui auraient pu être sceptiques à l’idée que ce type de schéma puisse aller au bout, que leur prisme a changé.
En cela, il devient intéressant de drafter ce type de profils, il devient intéressant de donner sa chance à ce type de joueurs quand vous les possédez déjà (exemple Houston Rockets avec Sengun), il devient même intéressant de dessiner son attaque autour d’un joueur qui possède le potentiel suffisant pour transformer votre niveau offensif.
Les Rockets ont ainsi franchi un cap cette saison en construisant un axe Fred Van Vleet – Alperen Sengun comme ossature de leur attaque.
Un choix encore récent, qui pourrait encore être poussé davantage, mais qui montre déjà des résultats notables, tout en sachant que l’équipe pourrait trouver, à termes, mieux que Van Vleet dans ce registre et que Sengun pourrait recevoir encore plus de responsabilités (mais nous en discuterons dans un article ultérieur !).
D’autre part, parce qu’encore plus tôt, cela signifie pour les jeunes joueurs qu’il faut développer ces skills dans leur formation et que les coachs aux échelles inférieures doivent pousser les jeunes possédant ce talent à l’utiliser. C’est ici un enjeu non négligeable, tant il est probable que jusqu’alors, beaucoup de basketteurs évoluant à l’intérieur, qui possédaient pourtant la capacité à passer, dribbler, prendre la main sur la pose d’écran et donc, à dicter le jeu, aient été bridés.
Pour toutes ces raisons, oui, Nikola Jokic pourrait bien avoir été, comme d’autres avant lui, le fer de lance d’une évolution majeure de la balle orange.
Chez les extérieurs
L’an passé, Luka Doncic touchait environ 88 ballons par rencontre et le gardait autour des 6,2 secondes par touche. Il jouait légèrement plus de 36 minutes par match et sur ces 36 minutes, il passait plus de 9 minutes balle en main. Si vous vous demandez, cela veut dire plus de 25% du temps !
Alors, au fond, ce n’est pas tant un problème. Les Dallas Mavericks étaient après tout la 6è attaque NBA.
Sauf que, voilà, Doncic est un génie de la balle orange. Son niveau de scoring et de créations lui procurent une influence sur le jeu qui fera de lui un des grands de l’histoire de ce sport.
Manier le ballon en tant qu’extérieur demande forcément de conserver plus longtemps la balle, car vous remontez (plus souvent) la balle, que votre attaque est plus frontale, vous demande de partir de plus loin et nécessite très souvent d’initier le mouvement.
Toutefois, quand vous n’êtes pas Luka Doncic, cette révolution des intérieurs pourraient aussi s’avérer un game changer sur le long terme.
Tout d’abord, parce que voir des joueurs prendre leurs décisions plus rapidement et ancrer comme un principe de ne pas monopoliser la balle, favorise forcément sa circulation.
Or, cette dernière se déplace toujours plus vite lors d’une passe, que lors que vous faites du pick & roll, de l’isolation ou tout autre mouvement de création qui nécessite de battre une défense par soi-même.
Ensuite, car nous l’avons dit, plus vous impliquez vos coéquipiers, plus ils ont des raisons d’être actifs autour de vous.
En cela, on peut imaginer que maintenir des extérieurs avec un très long temps de possession de la balle est à contre-courant de l’évolution actuelle du jeu : des joueurs de plus en plus complets, rendant le travail des défenses toujours plus délicat.
Enfin, car la hausse de profil d’intérieurs de la veine de Nikola Jokic va permettre aux extérieurs d’obtenir la balle en mouvement ou de récompenser leur jeu loin du ballon. Cela leur offre plus de variété en attaque, mais aussi, la promesse d’une débauche d’effort moindre pour se créer des opportunités.
A ce titre, l’évolution de Tyrese Haliburton pourrait bien, être, un élément à suivre. Excellent créateur, le meneur semble plus proche des intérieurs susmentionnés dans la vivacité de sa prise de décision (bien que les chiffres ne corroborent pas encore cette impression) que de meneurs traditionnels comme Chris Paul… Ou Doncic.
Le niveau de jeu qu’il affiche, très jeune, et ses talents de créateurs pourraient tracer la voie pour des meneurs prompts à impliquer leurs coéquipiers, non pas en leur servant uniquement des tirs ouverts, mais aussi, par une prise de décision rapide qui prend les défenses au dépourvu et offre, la demi-seconde d’avance, qui permet à ses coéquipiers, non pas de forcément shooter directement, mais de créer à leur tour du jeu…. même sans avoir son talent.
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Le mot de la fin
En somme, la NBA continue d’évoluer vitesse grand V.
L’optimisation des positions de tir, du placement des joueurs off-ball n’est peut-être, aussi fou que cela puisse paraître, encore qu’à ses balbutiements. L’implication toujours plus grande des intérieurs dans l’attaque, la hausse de la polyvalence générale et l’encouragement à une prise de décision toujours plus rapide pourraient venir apporter une nouvelle couche d’innovations, susceptibles de chambouler à leurs tours les attaques NBA.
En cela, Nikola Jokic pourrait nous paraître, à posteriori, plus qu’un joueur au talent générationnel, un fer de lance vers une évolution de fond, dans un sport qui continue, à bride abattue, de se réinventer sous nos yeux.