En 1998, pour le supposé dernier All Star Game de Michael Jordan, une scène d’avant match a retenu mon attention. Quelques heures avant le coup d’envoi, un jeune et beau garçon de 19 ans répond aux questions de Jim Gray (NBC). Il lui demande simplement comment il se sent avant de connaitre sa première sélection. Tout à coup, dans un élan de fausse modestie, l’immense Jack Nicholson se présente devant lui pour demander une griffe. Il part dans un exubérant monologue : “Pouvez-vous s’il vous plait me signer un autographe ? C’est tellement bon de voir un homme si digne me faire ce cadeau, devant la télévision nationale. A un “bad man” comme Jack Nicholson“. Bon vous l’aurez compris, si cette histoire n’est pas la plus connue, celle du All Star Game 1998 l’est. Ce garçon, c’est Kobe Bryant.
Il me semble qu’il y a dans cette séquence tout ce qui fait l’identité des Lakers : une capacité inimitable à susciter l’excitation. Oui, Kobe était en avance sur les temps de passage, mais démarrer un match des étoiles en tournant à 15 points de moyenne et en étant remplaçant, même Zaza Pachulia ne l’a pas fait. Cette caractéristique, les Angelinos la tire de tout ce qui fait ce qu’ils sont : la culture de Los Angeles. Les analytics n’aimeront probablement pas ces lignes, mais il y a grâce aux locaux, grâce à Hollywood, grâce à ce qu’ont construit les Buss, cette “chose” qui trace un fil conducteur, saisons après saisons, qu’importent les changements.
En 2011, Joshua Carroll écrivait pour Bleacher Report un article où il assurait qu’il est simple de les supporter. Et, effectivement, les Lakers sont la voie de secours de bien des fans. D’abord, parce que les propriétaires ont toujours assemblé des équipes capables de s’adjuger le graal. Depuis 2000, ils ont remporté 6 des 23 titres (26%) et sur ces 23 saisons, 10 fois ils ont dépassé les 60% de victoires. On peut ajouter à ces 10 équipes, 4 autres saisons avec un roster possédant, pour des suiveurs, une chance de victoire (les trois dernières saisons et 2012 – 2013 avec le 5 Nash – Bryant – Artest – Gasol – Howard). Peu de franchises peuvent prétendre à autant. Ensuite, parce qu’ils ne sont jamais dans des phases de reconstruction bien longues. Sur cette même période, ils en ont connu 3, et elles ont rapidement été avortées via des trades bien sentis (de 2005 à 2007, de 2015 à 2018, de 2018 à 2019). La franchise a cette capacité de rebond, qui lui permet toujours de redevenir compétitive. Nous y reviendrons, mais les 8 derniers mois en sont l’illustration.
Enfin, et surtout, parce que l’engouement monte vite à Venice Beach et il suffit d’un rien pour y croire. L’arrivée de cet arrière de 19 ans en 1998 avait suffit, les derniers trades aussi. C’est ça le quotidien des purple and gold : construire une équipe pour le titre, s’extasier, peut-être de trop et n’accepter que la victoire comme conclusion satisfaisante. Avoir l’ivresse des grandeurs, quitte à prendre le risque de sombrer dans le désespoir au moindre virage. Bienvenu dans un monde unique en NBA. Bienvenu dans le monde des Los Angeles Lakers.
In & out : le point sur le roster
Arrivées : Christian Wood, Cam Reddish, Jaxson Hayes, Gabe Vincent, Taurean Prince, Jalen Hood-Schifino, Maxwell Lewis
Départs : Shaquille Harrison, Tristan Thompson, Malik Beasley, Troy Brown Jr., Wenyen Gabriel, Dennis Schroder, Lonnie Walker IV, Mo Bamba
Roster 2023/2024
Meneurs : D’Angelo Russell, Gabe Vincent, Jalen Hood-Schifino
Arrières : Austin Reaves, Max Christie
Ailiers : LeBron James, Cam Reddish, Taurean Prince, Maxwell Lewis
Ailiers-forts : Jarred Vanderbilt, Rui Hachimura
Pivots : Anthony Davis, Christian Wood, Jaxson Hayes
Phase de l’équipe : Contender
Pour se projeter au mieux, il faut rappeler l’élan de la franchise. Alors qu’ils étaient en chute depuis l’arrivée de Russel Westbrook, les Lakers ont su terminer la saison en fanfare. Dans les 27 matchs qui ont suivi son trade, ils ont cumulé 18 victoires pour 9 défaites, les positionnant comme meilleure équipe de la conférence ouest sur la période. Cette tendance s’est confirmée en Playoffs. Après un run orgueilleux pour accrocher le play’in (7e), les coéquipiers d’Anthony Davis et LeBron James ont su se défaire de Minnesota (play’in, 108-102), Memphis (1er tour, 4-2) et Golden State (demi-finale de conférence, 4-2) avant de lourdement chuter face aux futurs champions (Denver, 0-4).
Mais quel est le vrai niveau de cette équipe ? La 7e place est-elle représentative de leurs capacités ? Faut-il se fier à la deuxième partie de l’exercice ? La vérité est sans doute à mi-chemin. En bonne santé, les Lakers ont tous les arguments pour “truster” le podium de leur conférence, mais est-ce crédible ? Le trio de tête a manqué 71 matchs la saison dernière (LeBron James : 27, Anthony Davis : 26, Austin Reaves : 18), des standards qui ont tout pour se répéter. Même chez les roles players, la sensibilité aux blessures est connue. Plus qu’un risque, c’est un problème puisque tous les ans ils assument que “la santé” est une condition sine qua non pour rester compétitif et créer des automatismes.
Car, parallèlement, il est évident que l’objectif est le titre, et rien d’autre. La saison prochaine, les Lakers seront la 10e équipe à dépenser le plus d’argent (182 millions de dollars, + 46,478 millions par rapport au cap) autour d’un roster qui mise sur la stabilité. Nous reviendrons en détails sur les derniers trades, mais LeBron James a encore deux ans de contrat (1+1 avec player option), comme quatre coéquipiers (Russell, Wood, Hayes et Reddish) et un seul joueur s’est inscrit dans un “one and done” (Prince).
Non seulement le Front Office déclare son ambition de titre, mais il le traduit avec des investissements permettant au coaching staff de travailler dans les conditions rêvées : avec de la visibilité et de la continuité.
Les tendances de l’été
Un été démarré en janvier
Vous en avez pris l’habitude, cette partie des previews consiste à résumer les trades de l’été. Mais dans le cas des Lakers, l’été inclue la dernière trade deadline. C’est Rob Pelinka qui l’explique : “Si vous regardez attentivement, ces trades ressemblent à une “pre-agency”. […] On a intentionnellement anticipé des moves qu’on aurait pu faire en juillet.” A commencer par celui de Rui Hachimura en janvier. Dans les premières semaines de 2023, LA a transféré six joueurs expirants pour les remplacer par six autres pouvant s’inscrire dans un projet à moyen terme. La fin de saison a permis de faire le tri, des joueurs comme Beasley ou Bamba n’étant pas conservés, mais Pelinka a acté ses intentions.
Ainsi, Rui Hachimura a été prolongé pour 51 millions de dollars sur trois ans après des playoffs exceptionnels d’efficacité (95e pourcentiles aux points marqués par tirs tentés, CleaningTheGlass). D’Angelo Russell, malgré les doutes, a rempilé pour deux saisons à 36 millions de dollars (deuxième en player option) et Jarred Vanderbilt pour 48 millions sur quatre ans.
Certes, pour Hachimura, le doute n’a jamais vraiment existé. En revanche, la prolongation des deux autres est la preuve de la volonté de ne pas chambouler le groupe. Si Russell avait été utile en playoffs, et parfois brillant en saison régulière (+12 de NetRtg !), il s’est effondré dans des proportions inquiétantes contre Denver. Venant confirmer les doutes. De son coté, Vanderbilt, loué pour son activité défensive, a payé son improductivité offensive dans les dernières joutes (maximum 17 minutes lors de ses 7 dernières rencontres de playoffs et un DNP).
Le pari fait par Pelinka est que Darvin Ham sera en capacité de mettre ces joueurs dans de meilleures dispositions grâce à une saison pleine.
Un deuxième été en juillet
Après avoir posé cette première brique, les Lakers ont pu poser la deuxième. Même si l’expérience a été courte pour mettre en place des dispositions tactiques permettant de compenser les déficits techniques, ils ont pu lister des manquements :
- Le besoin d’avoir un meneur de jeu à la fois bon shooteur et bon défenseur, D. Lo n’affichant que trop peu de certitudes (sur les deux aspects),
- La nécessité de se renforcer sur les ailiers shooteurs pour remplir les besoins de spacing. Lonnie Walker IV étant bien plus irrégulier que celui qu’il devait remplacer (Malik Monk) et Troy Brown Jr. trop limité.
- Sans doute le point le plus important, seconder Anthony Davis, trop seul dans la protection du cercle. Ce qui avait pour conséquence de les rendre dépendant de ses fautes pour bien défendre.
Si les fans des Lakers sont aussi enthousiastes, c’est parce que Pelinka a apporté une réponse à chacun de ces besoins.
Sur le premier, c’est la belle surprise de l’été, Gabe Vincent accroche un spot pour concurrencer D’Angelo Russell. Le meneur du Heat, important dans le run de Miami, a montré de belle qualité de shooteurs en PO (38% à trois points, avec six tentatives par match). Ce fut inattendu car on ne l’attendait pas si haut après une saison régulière encore tendre (33% à trois points). Les fans floridiens ont été étonnés de voir Pat Riley ne pas faire l’effort de le garder, puisqu’il a confirmé dans le podcast de JJ. Redick que les Lakers ont proposé plus d’argent, mais c’est une information qui amène à la prudence. Personne n’apprend au vieux Riley à faire la grimace : oui, Vincent est un bon atout en cas de défaillance de Russell, mais il n’est pas non plus un joueur de premier ordre.
Pour se renforcer sur les ailes, LA ajoute un espoir et une certitude. Avec Cam Reddish, ils espèrent que l’ancien wildcats explose enfin. Avec Taurean Prince, ils récupèrent un vétéran adroit (37,6% à trois points, 40,9% en catch and shoot) et volontaire en défense.
Enfin, à l’intérieur, Jaxson Hayes et sa dissuasion essayerons de soulager Anthony Davis. Sans être un potentiel starter NBA, et malgré des retards sur les lectures qu’il va devoir gommer, Hayes a l’avantage d’avoir un profil simple : protecteur de cercle d’un côté du terrain, finisseur de près de l’autre. Pour conclure la rotation intérieure, Christian Wood, dont la productivité est louée (16,6 points, 7,3 rebonds en sortie de banc en 2022-2023) mais dont la défense est toujours questionnée, rejoint les rangs.
C’est une somme de paris que les Lakers ont tenté, et l’enthousiasme est probablement lié à la densité du groupe. Il est possible que Russell ou Vincent floppent, mais moins les deux. Oui, il est possible que Cam Reddish n’ait toujours pas sa place dans un roster compétitif, mais Prince assurera les minima. Oui, Hayes est limité en attaque, mais Wood est reconnu. Et si Wood plombe son équipe en défense, Hayes apportera un contre-poids. La transformation du roster des 8 derniers mois ne peut que ravir les fans qui sont passés de l’un des effectifs les plus mal construit du championnat à un renouveau cohérent. D’autant plus qu’Austin Reaves a lui aussi prolongé et que la possibilité qu’il parte était la grosse frayeur de l’été.
L’ombre au tableau, c’est le départ de Dennis Schroder. Il a agacé par son irrégularité, mais il reste chez l’Allemand ce don de peser dans les grands moments. En défense, notamment, où ses pressions tout terrain ont alimenté le projet de Ham. A titre d’exemple, durant les playoffs 2023, il est le 4e joueur a avoir le plus défendu Stephen Curry et il est celui qui a le plus fait chuter son efficacité (46,6% de réussite au tir, mais 33% lorsqu’il était défendu par Schröder). Pour une équipe qui mise autant sur sa solidité (3e defensive rating après la trade deadline, 110,9 DefRtg), ce peut être un départ sous estimé.
Focus sur la saison 2023-24 des Los Angeles Lakers
Austin Reaves, le tube de l’année
Si vous n’avez pas vu jouer Austin Reaves, nous allons essayer de vous faire comprendre les raisons de sa hype. Dans une saison prenant allégrement des allures de montagnes russes, il a été un rayon de soleil constant pour son équipe. Si son année rookie lui avait permis de maximiser les chances offertes (61 matchs, dont 19 commencés, 7,3 points et 1,9 assists), l’arrière américain a cette fois-ci explosé.
C’est un joueur tout autant capable d’opter pour une position stationnaire de catch and shoot (40,3% à trois points en CnS), de créer son scoring (59,7% d’efficacité* au shoot lorsqu’il dribble plus de 2 secondes, à titre de comparaison 57,9% pour Stephen Curry), que de placer une cut bien sentie. Cela se traduit par une efficacité rare : Il est dans le 99e pourcentile des joueurs les plus efficaces de la ligue à son poste en étant 18% plus efficace au tir que la moyenne NBA (118 TS+). Il est également le joueur qui arrive le mieux à aller sur la ligne des lancers francs de tout le championnat.
Peut-être que vous vous demandez pourquoi autant de stats pour un seul homme ? La liste pourrait ne pas s’arrêter là, mais c’est pour convaincre les derniers sceptiques en objectivant ce que les yeux constatent. Reaves transpire l’intelligence et il n’est pas surprenant de voir une telle cote d’amour à son endroit. Chez lui, il y a quelque chose de Manu Ginobili. Non pas dans le palmarès, qu’il n’atteindra probablement jamais. Probablement pas non plus dans la marque qu’il laissera auprès des fans. Mais il y a du Manu Ginobili dans sa capacité à s’adapter, peu importe le rôle qui lui est confié. Durant la saison, il a su en aborder trois différents :
- Jusqu’au départ de Russell Westbrook, il était un joueur de complément sortant du banc pour apporter ses flashs et son scoring. Dans ce rôle là, il est monté en puissance dans l’ombre des trois stars,
- Ensuite, il lui a été confié le rôle d’un sixième homme. Ce qui a été le début de l’explosion, et rapidement il s’est imposé comme inévitable pour finir les matchs.
- Enfin, comme starter, pour équilibrer les besoins de l’équipe. C’est dans ce rôle qu’il s’est le plus épanoui avec 15,1 points (51%, 40,2% à trois points) et 4,2 passes décisives pour les 22 matchs de régulière qu’il a commencé. Les playoffs n’ont fait que confirmer la tendance avec un apport statistique constant (16,9 points par matchs, 4,6 passes décisives).
La grande crainte des Anges était de voir arriver un contrat avoisinant les 100 millions de dollars d’un concurrent. Ça n’a pas été le cas. Vu l’éloge, il pourrait déjà être le membre d’un big three. Pourtant, ce n’est pas non plus le cas. D’abord parce qu’il reste à connaitre sa marge de progression. Dans un contexte où il sera plus attendu et ciblé par les défenses adverses, il va devoir continuer de progresser pour justifier les attentes. Également parce que sa défense interroge. Dans une NBA toujours plus athlétique, il n’est pas évident qu’il puisse tenir un guard de bon niveau, malgré sa volonté.
Cette saison sera charnière pour Austin Reaves. Soit, il poursuit sur la lancée de ses Playoffs et de sa coupe du monde, et il sera à la fois un élément majeur de la conquête du titre et au centre de la reconstruction post-LeBron James. Soit, il stagne et le soufflé retombe. A 13M$ la saison, il n’y aura pas de catastrophe. En revanche, c’est bien le fantasme d’un impact grandissant qui fait des Lakers un contender pour le titre. Sans cela, dur de rêver.
Le Darvin Ham Ball, c’est quoi ?
Éternel point d’interrogation des suiveurs des Lakers : que vaut le coach ? Il faut dire que même lorsque Phil Jackson officiait, les doutes étaient permis. Alors, forcément, Darvin Ham n’y échappe pas.
D’abord, il faut noter que ses playoffs ont été salués, avec de très bons ajustements contre les Grizzlies, les Warriors et du courage contre Denver. Mais quel est concrètement son projet de jeu ?
Son attaque se caractérise par une multiplication des options offensives alignées simultanément pour exploiter au plus que possible les mismatchs. C’est pour cette raison qu’il a terminé la saison avec un cinq majeur cumulant Russell, Reaves et James. Cette volonté d’exploitation des mismatchs s’est traduite plusieurs fois. Par exemple, contre Memphis, lors du premier tour, les observateurs ont pu constaté la mise en retrait de LeBron James, défendu par un Dillon Brooks, au profit de ses deux compères. Également, il n’était pas rare de voir Hachimura accompagner Anthony Davis pour proposer un cinq sans “boulet” offensif pour conclure les matchs.
Dans les faits, LA est une équipe qui pratique beaucoup l’isolation (5e), le jeu poste bas (7e), la contre-attaque (6e), le pick and roll se terminant par un shoot du poseur d’écran (2e, équipe la plus efficace de la ligue dans ce registre), et très peu les formes de jeu collectives :
- 24e équipe dont les shoots résultaient le plus d’un écran offball,
- 15e équipe dont les shoots résultaient le plus d’une cut,
- 27e équipe dont les shoots résultaient le plus d’un handoff.
Ce choix plutôt adapté au deuxième roster (15e Offensive Rating à partir de la trade deadline) a une contre partie : privilégier les joueurs offensifs aux joueurs défensifs. Pourquoi Ham se permet-il de faire ce choix ? Deux explications complémentaires possibles.
La première est la présence d’Anthony Davis. Absolument stratosphérique durant les playoffs (3,1 contres par match, 41,9% de réussite au tir pour ses adversaires quand il les défendait), Unibrow est une ancre qui, à lui seul, assure un rendement efficace de ce coté du terrain. Et malgré la présence de Reaves, James et Russell dans le 5 majeur, les Lakers avaient donc le 3e defensive rating après la deadline. La limite de cette option, c’est qu’elle est dépendante de sa présence. Alors qu’ils avaient un defensive rating de 109,5 points encaissés en sa présence, il chutait à 115 points encaissés en son absence (le plus gros delta de l’équipe).
La seconde explication peut tenir dans les macro-tendances de la NBA. Nous connaissons tous l’adage de Michael Jordan “l’attaque gagne des matchs, la défense des titres”. Mais est-il encore vrai ?
Nous avons regardé l’évolution des defensives ratings et offensives ratings des équipes championnes depuis 1997. Sur le plan offensif, on constate plutôt une progression des offensives ratings et de leur écart à la moyenne. Tant et si bien qu’il apparait qu’il est de plus en plus important de mieux attaquer que ses adversaires pour l’emporter :
A l’inverse, si les champions du monde ont toujours des bonnes défenses, l’écart à la moyenne a tendance à diminuer. La lecture statistique peut paraitre surprenante mais elle est limpide : la défense est de moins en moins ce qui fait la différence.
Dans la lignée des entraineurs de sa génération, on peut supposer que Ham a conscience de cette transformation.
D’autant qu’AD et LeBron, ses deux immuables, ne sont plus des monstres d’efficacité offensive. Il ne faut probablement pas s’attendre à ce que le coaching staff change son fusil d’épaule et il devrait continuer à promouvoir ce système qui permet un jeu sans risque (3e équipe qui concédait le moins de perte de balle, 4e équipe avec le plus de passes décisives – post trade deadline). L’enjeu sera d’en accroitre l’efficacité via une meilleure maitrise générale, la progression de Reaves, un LeBron James en meilleure santé, etc. A minima, c’est un constat qui donne confiance dans la capacité des Lakers à construire un environnement de candidat au titre.
Comment rendre Vanderbilt jouable ?
Jusqu’aux playoffs, c’était l’un des chouchous de la Crypto arena. C’est Davis qui en a le mieux parlé, après une performance lumineuse contre les Mavs : “Vando a évidemment tout déclenché, avec sa pression sur Luka, ses interceptions, il nous a boosté. Il peut défendre sur les postes 1 à 5, avoir un joueur comme lui, c’est précieux, il donne le ton en défense […], il a un effet sur tout le groupe”.
Dans le run de fin de saison des Lakers, son importance a effectivement été capitale et il n’est pas étranger aux bonnes performances défensives de son équipe. Mais, en restant dans la philosophie de Ham, nous savons qu’ils doivent le rentre productif en attaque pour qu’il soit utilisable. C’est un délicat équilibre qu’il va falloir trouver, car en l’absence de Dennis Schroder, Vando devient la plus crédible pointe du système défensif.
ESPN nous apprenait cet été qu’Anthony Davis a réitéré son envie de moins jouer poste 5, et de plus jouer poste 4. Vu son gout pour la défense de la raquette, on peut supposer que sa demande est liée à l’attaque, ou que ne pas s’immiscer en permanence dans les confrontations intérieures des deux cotés du terrain pourrait le satisfaire. Lors de l’association Karl Anthony-Towns – Vanderbilt à Minnesota, KAT jouait plus comme un ailier fort que comme un pivot. Par exemple, il avait un nombre important de post-up en tête de raquette permettant à Vanderbilt de trainer sur la ligne de fond pour éviter les prise à deux. Vanderbilt était globalement efficace lorsqu’il s’agissait d’attraper la balle à 3 mètres du cercle et de monter rapidement. Anthony Davis étant déjà un joueur plutôt attiré par le jeu périmètre, les Lakers auraient tout intérêt à faire de ce constat désagréable une opportunité.
En 2021-2022, les Wolves perdaient 5 points d’offensive rating quand Vanderbilt sortait (115,5 avec lui, 2e de l’équipe, 110,2 sans lui). Cette stat ne dit pas que c’est un joueur élite offensif, mais, à minima, qu’il peut être inclue dans une bonne attaque. LeBron James, dans ce même match face aux Mavs, était d’ailleurs plutôt optimiste : “Par son intelligence de jeu et son expérience des défenses sur lui, il sait l’utiliser à son avantage. Les équipes tournent la tête parce qu’elles ne font pas attention à lui, parce qu’elles ne pensent pas qu’il est une menace (à 3-points) ou qu’il est capable de prendre la ligne de fond pour marquer un lay-up renversé. Les équipes le négligent, mais il a pris huit rebonds offensifs. Par son énergie et ses efforts, il sait où se trouver à chaque possession et il sait comment piéger les équipes qui ne le considèrent pas en attaque”.
On devrait également le voir associé à Christian Wood pour lui permettre de profiter d’espaces.
Le cas Vanderbilt est assez complexe pour Darvin Ham car d’un côté sa capacité à créer des momentum est précieuse, sa polyvalence défensive est unique et son potentiel est évident. D’un autre coté, l’équipe perdait fortement en efficacité lorsqu’il était sur le terrain (-1 de net rating avec lui, +9,9 sans lui). Il fait partie des chantiers que le coaching staff devra mener avec succès pour valoriser au mieux son groupe.
Quelle assurance tout risque ?
Loin l’idée de cette preview de dire que les Lakers cochent toutes les cases d’un futur champion à une exception près. Ni qu’il n’y a qu’un point commun chez tous les derniers titrés. Toutefois, un élément parait particulièrement sensible pour la saison à venir. Lorsque l’on reprend les derniers vainqueurs, à chaque fois, on retrouve un leader capable de faire une saison élite et de répéter les grandes prestations. LeBron James en 2020 en est un merveilleux exemple. Giannis en 2021, Curry en 2022, Jokic en 2023 le sont tout autant. A l’inverse, on retrouve chez les finalistes perdants de l’irrégularité sur cette tête de gondole : Butler, Booker, Tatum, etc. Partant du principe que c’est une nécessité, qui peut jouer ce rôle chez les Lakers ?
Deux joueurs postulent naturellement. Si Anthony Davis est d’une implication défensive remarquable, ce n’est que de ce côté du terrain qu’il produit avec régularité chaque soir. En reprenant les derniers playoffs, et en mettant de coté les Warriors qui était une opposition totalement favorable pour lui, contre Memphis et Denver il a une nouvelle fois connu des pannes. Capable 3 fois en 10 matchs de dépasser les 30 points, il est aussi resté sous les 18 points 4 fois et a shooté 4 fois à moins de 40%. Davis présente des gaps de performance toujours aussi surprenants pour un joueur de ce niveau.
LeBron James affiche plus de certitudes, mais il est loin des standards des trois derniers MVP des finales. Outre son adresse extérieure famélique durant sa dernière campagne de PO (26,4%) – que l’on peut courtoisement définir comme une anomalie -, lors de ses deux derniers runs postseason il est resté sous les 24,5 points de moyenne. Si l’on reprend le descriptif d’Anthony Davis, sur ses 22 derniers matchs de playoffs il n’a dépassé les 30 points que 2 fois. Ses faibles performances sont plus rares (2 fois sous les 20 points, 2 fois sous les 40%) mais ces standards ne sont plus suffisants.
Il semble que le salut des Lakers pourrait venir de l’émergence d’une nouvelle explosion d’Austin Reaves qui, pour le coup, a les traits d’un joueur régulier. Mais en est-il capable ? Il est nécessaire que Ham teste ses limites cette saison, car sans un troisième joueur dominant, ils ne pourront rien espérer. A l’inverse, si LA possède trois joueurs dominants, le supporting cast pourrait être de très bon niveau.
Qu’est-ce qu’on veut voir cette saison ?
Pelinka a construit l’un des effectifs les plus profonds de la ligue. LeBron James ne pouvait rêver mieux avant d’entamer la dernière étape de sa carrière. On a l’impression qu’il y a deux scénarios possibles pour cette équipe. Un premier où Hachimura confirme, où Vincent et Russell suffisent à assurer une mène de qualité, où les rôles players donnent la meilleure version d’eux-mêmes pour appuyer un trio de stars en forme et constant. Un autre où James et Davis sont trop souvent blessés et où l’énergie de l’été se transforme en frustration.
Vous l’aurez compris, en fonction du scénario, la conclusion ne sera pas la même. Certes, l’excitation de la Lakers Nation est agaçante, mais il ne faut perdre la raison. Si certains n’en font pas un favori, il convient de rappeler qu’ils ont été finalistes de conférence avec un roster moins bon que celui de 2023-2024 et LeBron James diminué.
*efficacité = eFG soit la prise en compte de l’impact différencié des deux et des trois points