La Finlande a disputé sa deuxième Coupe du monde de basket, conclue par une élimination en phase de poules. Le pays, loin d’être réputé pour son niveau dans la discipline, a progressé depuis une quinzaine d’années pour devenir une nation régulièrement présente dans les compétitions internationales. Le fruit d’une longue restructuration symbolisée par l’éclosion récente de Lauri Markkanen, élu meilleure progression de la saison en NBA cette année.
À l’été 2017, l’équipe de France croise la route d’un jeune Finlandais, aux cheveux blonds et au visage enfantin, alors méconnu sur le vieux continent et tout juste recruté par les Chicago Bulls en NBA. Élu homme du match, Lauri Markkanen s’offre les Bleus à seulement 20 ans pour sa première rencontre dans un Championnat d’Europe. Depuis, il a disputé 348 rencontres dans la ligue nord-américaine et a explosé cette saison, remportant le trophée de meilleure progression.
À l’image de sa star nationale, le basket finlandais connaît une progression constante depuis quelques années, symbolisée par la qualification de l’équipe nationale pour la deuxième Coupe du monde de son histoire (la première en 2014). La popularité de ce sport ne cesse également d’augmenter au pays des mille lacs. Mais « les choses ont bien changé », reconnaît Lauri Markkanen.
Peu de moyens, beaucoup de motivation
Revenons au milieu des années 2000. À cette époque, le basket finlandais est en pleine traversée du désert. L’équipe nationale n’a disputé qu’une seule compétition depuis 30 ans, l’Euro 1995, et le sport ne jouit pas d’une grande popularité dans le pays. « On avait pour habitude de jouer devant seulement 400 ou 500 supporters », se remémore Henrik Dettman, alors sélectionneur de la Finlande, et qui restera en poste jusqu’en 2022.
« Nous devions passer 66 heures dans le bus »
Henrik Dettmann, sélectionneur de la Finlande (1992-1997 puis 2006-2022)
Les moyens alloués à l’équipe sont également très limités. « L’un des principaux problèmes était le manque d’argent. En 2007, nous avions un match de qualification important en Roumanie. Nous devions passer 66 heures dans le bus pour nous y rendre », se souvient Henrik Dettmann. « Ce n’était pas possible pour les joueurs. Ils ont alors décidé de se cotiser pour financer de leur poche un vol privé. La Fédération n’a pas eu d’autre choix que de compléter la somme ».
Cet événement marque le changement de mentalité qui s’opère à cette époque. Revenu à la tête de la sélection en 2006, Henrik Dettmann insuffle un vent nouveau, fort de son expérience sur le banc de l’Allemagne qu’il a menée à la 3e place lors de la Coupe du monde 2003. Le sélectionneur et la Fédération finlandaise de basket se lancent dans un long projet avec l’objectif de restructurer en profondeur la discipline. « Il nous fallait d’abord les meilleures conditions. Les équipements que nous avions, les connaissances sur le jeu, la façon dont nous nous entraînions, tout cela devait être au niveau des meilleurs », détaille Henrik Dettmann, qui s’inspire à l’époque de la France et de la Lituanie.
Les premiers résultats commencent à arriver. Une victoire va particulièrement marquer les esprits. « Notre succès contre la France de Tony Parker en août 2009 nous a prouvé que l’on pouvait rivaliser avec les meilleures nations européennes », se souvient le coach finlandais, qui y voit alors une validation du projet que la Finlande a entamé quelques années auparavant.
Former pour mieux durer
La sélection nationale progresse. Mais dans le même temps, il faut penser à l’avenir. À la prochaine génération. En 2012, la Fédération crée l’Académie de Basketball de Helsinki (HBA). « L’objectif est d’aider les jeunes joueurs à devenir professionnels », explique Hanno Möttölä, premier Finlandais à avoir évolué en NBA (2000-2002), désormais coach au sein de la HBA depuis 2014.
La structure regroupe les meilleurs jeunes du pays. Chaque année, ils sont une quinzaine, âgés de 16 à 19 ans, à composer l’équipe de l’académie. Bercé par le basket depuis petit, avec un père joueur professionnel, Lauri Markkanen y passe deux années (2014-2016). Même s’il reconnaît avoir eu « quelques difficultés » d’adaptation au début à seulement 17 ans, il en garde de très bons souvenirs : « Cela m’a énormément aidé à me préparer à devenir un joueur de l’équipe nationale et à rejoindre la NCAA (le Championnat universitaire américain), puis la NBA. Les entraîneurs étaient là pour nous aider et nous donner des cours à chaque fois que nous en avions besoin. »
Au sein de cette structure, tout est fait pour professionnaliser les jeunes. À commencer par le staff technique. « Les joueurs bénéficient d’un soutien complet de la part de professionnels du sport : des physiothérapeutes, des psychologues sportifs, des nutritionnistes, des préparateurs physiques, raconte Hanno Möttölä, et trois coaches de basket ». Lauri Markkanen se rappelle, lui, des « installations ultramodernes ouvertes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ».
La star finlandaise, mondialement connue, est l’un des 18 joueurs issus de l’académie, depuis sa création, à avoir disputé des matches avec la sélection nationale. Une réussite totalement logique selon lui : « Lorsque vous réunissez les meilleurs jeunes joueurs du pays dans une même équipe, tout le monde est forcément super motivé et essaie d’atteindre son meilleur niveau, ce qui crée un environnement positif. »
L’école pour le démocratiser
Le modèle mis en place par la HBA va entraîner dans son élan tous les clubs de basket finlandais. Il fixe « des normes plus élevées que les clubs doivent suivre. Cela crée donc un cercle positif dans notre sport », se félicite Möttölä. Pour suivre la cadence, ces derniers augmentent leurs standards de formation et d’entraînement tout en modernisant à leur tour leurs équipements. Un mouvement global, dans tout le pays, qui va inclure un nouvel acteur clé : l’école. Les établissements scolaires, en collaboration avec les clubs, multiplient les activités extra-scolaires liées au basket et le sport devient de plus en plus pratiqué en leur sein. Un élément déterminant pour la promotion de la discipline, qui commence à se démocratiser.
Conséquence directe : le nombre de licenciés monte en flèche. « Il a presque doublé au cours de ces 15 dernières années. En 2006 il n’y en avait que 12 000, et ils sont aujourd’hui plus de 20 000 », estime Henrik Dettmann. Dans les tribunes aussi, c’est une réussite. Les fans n’hésitent pas à se déplacer par milliers lors des compétitions internationales. « En 2013, ils étaient plus de 5 000 supporters à l’Euro en Slovénie, 4 000 en France en 2015, pareil en République tchèque, il y a deux ans », ajoute-il, fier de cet enthousiasme.
« De plus en plus de jeunes y jouent dans les rues et les parcs, ce qui nous promet un avenir encore meilleur»
Lauri Markkanen, leader de la Finlande
Tout aussi fier, Lauri Markkanen constate la popularité grandissante dont jouit la balle orange au pays des mille lacs : « Le basket est beaucoup plus populaire qu’avant. Il reste encore du chemin à parcourir avant qu’il n’atteigne la même popularité que le hockey. Mais de plus en plus de jeunes y jouent dans les rues et les parcs, ce qui nous promet un avenir encore meilleur. » L’explosion mondiale de la vedette finlandaise et les bons résultats obtenus par l’équipe nationale y sont pour beaucoup. « Le succès de Markkanen en NBA a énormément augmenté la couverture médiatique réservée au basket à la télé et dans les journaux en Finlande », constate Hanno Möttölä.
Dans le même temps, le gouvernement observe le travail fourni par la Fédération et commence à s’impliquer davantage. « Les dirigeants politiques voient que nous faisons ce qu’il faut pour aider le sport, pour aider les jeunes à se développer », remarque Henrik Dettmann. « Le soutien du gouvernement était quasi nul dans les années 2000, à hauteur de 300 000 euros par an. Aujourd’hui, il investit plus d’un million et demi dans le basket. » Le budget de la Fédération a, lui, presque été multiplié par quatre. De 3,5 millions d’euros en 2006, il passera à 12 millions l’an prochain.
Désormais, toutes les conditions sont réunies pour progresser encore et encore. Le basket finlandais est entré dans « un cercle vertueux », selon Hanno Möttölä. Le Mondial était le premier sans l’ancienne génération. « La nouvelle génération a toujours fait mieux que la précédente, nous avons de grands espoirs », explique avec fierté Henrik Dettmann, même s’il admet que l’effectif est encore « assez jeune et inexpérimenté. » La Coupe du monde n’a pas été une grande réussite mais la Finlande espère disputer les Jeux Olympiques de Paris 2024, après avoir confirmé leur qualification pour le TQO. Tournoi que les Finlandais n’ont pas disputé depuis 1988.