Markelle Fultz fut longtemps attendu.
Maintes fois, les attentes de ceux qui croyaient en lui furent douchées, mais pas les espoirs.
Il faut dire que le parcours de l’ex-star des Washington Huskies ressemble en tout point à la définition d’une exception. Meneur qui possédait tout le package pour s’imposer comme une star NBA : capacité de drive, playmaking, shoot longue distance, qualités athlétiques et défensives, il a connu des problèmes inédits aux yeux du public.
Peut-être inédites tout court : une blessure qui l’oblige à compenser, une incapacité à reproduire sa mécanique du shoot, comme un membre amputé, Fultz a besoin de temps. Malheureusement, arrivé dans une équipe des Philadelphia Sixers qui le voyaient comme le chaînon manquant, le temps n’est plus une denrée à disposition.
Alors il tente de produire autrement, mais en dépit de qualités défensives indéniables, il n’entre plus dans les plans de la franchise qui se déleste très rapidement du joueur. Envoyé au Orlando Magic, il produit une première saison convaincante malgré ce trou majeur dans son jeu qui n’est pas résorbé. Hélas, là encore, la carrière du joueur va connaître des coups d’arrêts.
Seulement 26 matchs joués en 2 saisons, de quoi pousser sa franchise à drafter de la concurrence à son poste (Cole Anthony, Jalen Suggs), laissant le doute planer sur sa place dans son organigramme et de le jeter aux oubliettes auprès du public. Et ce, d’autant plus après qu’une déchirure des ligaments croisés vient s’ajouter à la liste de ses galères.
Pourtant, une partie du public croyait encore à son retour. Car contrairement à de nombreux joueurs draftés sur leur potentiel seulement, la capacité de Fultz à produire un basketball de haut niveau n’était en rien conditionnelle. Parce que même si le scepticisme autour de sa capacité à retrouver son tir est certaine, seules les blessures l’ont empêché d’être pleinement lui-même : un excellent joueur envers et contre tout.
Un élément clé du Magic
5 victoires en 21 rencontres, c’est le bilan par lequel le Magic a commencé sa saison. C’est aussi le bilan que l’équipe a enregistré sans Markelle Fultz cette année, qui devait à nouveau voir sa saison contrariée par une blessure (fracture du gros orteil, rien de grave cette fois-ci).
Depuis ? L’équipe a enregistré un bilan équilibré, 28-28, et a même fini sa saison en trombe (5 victoires lors des 7 derniers matchs). Parmi les équipes préposées au tanking en début de saison, nous n’avions pas manqué de noter dans notre preview 2023 du Orlando Magic qu’au complet, en tâchant de faire preuve de sérieux, les floridiens possédaient un potentiel certain.
En cause, un groupe aux allures compétitives de chaque côté du terrain.
Elle possédait évidemment de sérieux arguments en défense avec de nombreux joueurs connus pour leur talent défensif, mais également des prototypes physiques impressionnants permettant de flairer de bonnes dispositions.
Offensivement, le talent est également là, mais il aura fallu le retour de Markelle Fultz pour enfin posséder un moteur offensif capable de d’organiser le jeu et de tirer plus de ce groupe. Installer un visage à la mène faisait partie des enjeux de la saison, et le 1er choix de la draft 2017 a finalement pu tirer son épingle du jeu une fois cette nouvelle blessure digérée.
Construite autour du tandem Franz Wagner – qui produit une seconde saison dans la lignée de la première : excellente – Paolo Banchero – qui a eu la main sur le trophée du ROY dès le premier jour de la saison, réalisant une première saison NBA solide – ce Magic manquait néanmoins de liant.
Avant le retour de leur meneur titulaire, la franchise possédait la 24eme attaque (offensive rating) et la 27eme défense (defensive rating) de la ligue. Pas de quoi espérer titiller bon nombre d’équipes, d’autant plus que cette dernière perdait rapidement Jalen Suggs lequel débutait sa saison avec plus d’adresse que durant sa saison rookie.
Depuis que Fultz est revenu aux commandes de l’équipe, le courant passe mieux au sein du Orlando Magic.
L’équipe score 2,9 points de plus pour 100 possessions et encaisse 1,9 points de moins pour 100 possessions.
Résultat, si elle n’est toujours pas excellente offensivement ou défensivement, elle est beaucoup plus difficile à déstabiliser. Et elle passe d’une équipe de bas de tableau à une équipe capable d’être en compétition pour le Playin, si le retard au bilan n’avait pas été tel.
Que change Markelle Fultz, concrètement ?
Nous le disions d’emblée, si Markelle Fultz fut drafté en première position, c’est qu’il possède une multitude de forces susceptibles d’impacter positivement son équipe.
Ainsi, la perte de sa mécanique de tir et de son efficacité à longue distance ne lui retire pas le reste. Vif sur son premier pas, rapide dans ses mouvements et doté d’une bonne lecture de jeu, il sait quand attaquer ses adversaires et possède l’habileté suffisante pour finir avec aisance près du cercle.
En outre, il n’a pas perdu cet élément majeur de son jeu balle en main, ce qui lui permet de continuer à peser sur les défenses. Dans un bon soir, il peut attaquer à répétition (il drive en moyenne 20 fois par rencontre) et profiter d’une défense sur l’homme ou collective insuffisante :
Son excellent footwork lui permet à la fois d’être particulièrement créatif avec les défenses, que ce soit pour finir au layup (il shoote à 65% près du cercle, 66eme percentile) ou pour obtenir un bon tir. Avec Fultz, Orlando possède un meneur athlétique, certes, mais également doté de solides fondamentaux.
Avec 54,1% à 2pts, qui représentent 10 de ses 11,4 tirs pris par rencontre, vous l’aurez compris, Fultz n’est pas un scoreur de haut volume et prend l’essentiel de ses tirs au cercle ou proche. Il est néanmoins suffisamment efficace et agressif pour ne pas être délaissé par la défense et, pour s’aider, il a reconstruit un tir qui lui permet de pull-up près du cercle si les défenseurs cherchent trop à protéger l’arceau.
De plus en plus en confiance dans cet exercice, il a réalisé sa saison la plus efficace en carrière à mi-distance, qui représente désormais quasiment 1 tir sur 2 pour le meneur.
Et s’il y fait plus souvent appel, c’est parce qu’il est dans le 79eme percentile dans l’exercice parmi les arrières.
Cette dangerosité lui permet également de faire payer une défense trop laxiste ou trop concentrée sur ses ailiers.
Ainsi, si comme Monte Morris ici vous décidez de passer sous l’écran, il reste à même de faire payer l’écart :
En s’imposant comme le 4eme scoreur de l’équipe Fultz est donc ainsi un danger pour les équipes adverses. Ce respect que doit lui donner la défense lui permet ainsi de faire parler ses qualités de créateur pour autrui. Bon passeur, Fultz l’a toujours été.
Puisqu’il n’est plus en capacité de scorer à haut volume tous les soirs, il met un point d’honneur à mettre ses coéquipiers dans de bonnes dispositions. Cette saison, il est dans le 96eme percentile en AST% sur le poste de meneur et a montré une panoplie variée de passes. Excellent pour fixer la défense, il est capable de chercher des angles de passes difficiles.
Tout d’abord, la pression qu’il met sur la raquette lui permet d’attirer les aides. Il est à la fois excellent pour repérer les coupes, mais réussit surtout à systématiquement garder son dribble en vie pour s’offrir un maximum d’options.
Particulièrement efficace dans ces situations où il attaque le cercle, il profite avant tout des sur-réactions de la défense pour trouver ses coéquipiers. L’essentiel de son playmaking semble, néanmoins, à ce stade être généré par son jeu à percussion. S’il est capable de trouver des coéquipiers côté faible, il va rarement casser les systèmes défensifs adverses en trouvant directement le coéquipier ouvert au lancement du système. A ce stade de sa carrière, j’aurais tendance à dire que son instinct de créateur n’est pas encore complet.
En ce sens, s’il est excellent pour manipuler les espaces, il n’est pas encore un meneur élite dans la variété de son playmaking. Cela dit, la bonne nouvelle, c’est que Fultz a longtemps été privé de compétition depuis son arrivée en NBA. Possédant désormais une certaine stabilité et paraissant enfin en bonne santé, nous devrions peu à peu le voir développer ses gammes.
D’ailleurs, il possède en prime de cette capacité à garder son dribble en vie pour s’offrir des options, d’une véritable patience balle en main. Il ne brusque pas le jeu et peut parfois refuser une passe en attendant le meilleur timing possible. Si stratégiquement, il ne semble pas encore capable d’organiser le jeu de son équipe, ses qualités de passeur ont permis au Magic de trouver un peu plus de consistance offensivement et d’ouvrir des tirs faciles pour ses jeunes coéquipiers. La prochaine étape ? Probablement de prouver qu’il peut moins dépendre de sa capacité d’improvisation, pour donner corps à une attaque mieux structurée à Orlando, mais également pour être plus propre une fois opposé aux meilleures défenses NBA.
En somme, sortir de cette impression d’improvisation :
***
Créateur incomplet mais providentiel pour ce Magic, attaquant en reconstruction mais qui n’en reste pas moins dangereux et excellent défenseur, Markelle Fultz semble être la pièce la plus précieuse d’Orlando sur le poste de meneur. Au sein d’une jeune équipe qui semble en plein essor, son retour en cours de saison a donné vie à une saison prometteuse. Après des années à galérer avec des blessures, Markelle peut enfin prendre son envol dans un groupe qui semble enfin en position d’être ambitieux.
Nul doute que la franchise cherchera à passer le cap des Playoffs. Et après toutes ces vicissitudes, il est bon de dire que la carrière de Fultz est enfin sur les bons rails. Encore mieux, qu’elle peut être un élément crucial pour une équipe d’Orlando, qui elle aussi attend désespérément de retrouver de l’enthousiasme après plus d’une décennie dans les bas fonds de la ligue.