Il arrive certains moment dans la vie où on arrête d’avoir des “joueurs préférés”, comme on arrête de croire au père Noël ou que la France est le pays des droits de l’homme. Ce moment-là est maintenant arrivé pour moi. En 2014, quand Danny Ainge décide de sélectionner Marcus Smart à la draft, je finis à peine le lycée. À ce moment là, je ne le sais pas encore, mais Marcus va devenir mon dernier “joueur préféré”.
La nuit dernière, ce que je redoutais est finalement arrivé. Marcus Smart a été envoyé chez les Memphis Grizzlies, et ne portera plus le maillot de Boston. Alors, pour laisser une trace de mon attachement pour ce basketteur hors du commun, et pour enterrer définitivement le fan innocent et naïf que j’étais il y a 9 ans, j’ai pris le temps d’écrire cet article.
Cette fois, il ne s’agit pas de savoir si Marcus méritait son D.P.O.Y., si il était le meneur qu’il fallait pour épauler les Jays, ou d’analyser sa progression au playmaking. Juste un article pour expliquer pourquoi Smartacus a tant marqué ma vie de fan de Boston, et pourquoi ma façon de supporter les Celtics ne sera plus la même après ça.
Rookie Smart
Le premier match de Marcus était contre les Brooklyn Nets de Kevin Garnett. Un an après le trade qui avait laissé le vestiaire des Celtics sans âme, Smart allait pouvoir prendre le relai. En regardant le box score de ce match, j’ai réalisé tout le temps qui était passé depuis son arrivée à Boston. Le meilleur marqueur du côté des Celtics était Kelly Olynyk. Du côté de Brooklyn, Mirza Teletovic avait marqué 20 points et avait probablement été le meilleur joueur des Nets sur ce match.
Pour donner une idée d’où a commencé Marcus avec Boston, l’autre guard sur le banc était Marcus Thornton. Jared Sullinger était lui l’ailier titulaire des Celtics. Sur ce premier match, Marcus annoncera la couleur des années à venir. Il réalisera plus d’interceptions que de paniers marqués. Il finira aussi avec le meilleur +/- de Boston, et nous gratifiera d’un 3+1 sur Joe Johnson.
Grâce à 15 victoires sur les derniers 20 matchs en Avril 2015, Marcus Smart et les Celtics vont réussir à valider leur billet pour les Playoffs. Et ça sera le cas pour les neuf saisons où Marcus sera un Celtic. Cette régularité collective lui a permis de jouer plus de 100 matchs de Playoffs depuis sa draft. Une des actions clés de ce fameux run pour décrocher les Playoffs était son premier game winner, à Toronto :
Marcus, à travers les âges
Avant de devenir le meneur de jeu de la seule équipe des Celtics à être allée en Finale NBA depuis 2010, Marcus Smart aura traversé les époques. Il a été back-up ou shooting guard à côté de Rajon Rondo, d’Isaiah Thomas, de Kyrie Irving et de Kemba Walker. Avec les Celtics, Marcus aura tout connu, sauf le titre NBA. Les sweeps au premier tour, des défaites en Finales de Conférences au Game 7, mais aussi des victoires. Avec un winning pourcentage de 62% et des apparitions en Playoffs tous les ans, Marcus a participé pleinement à faire des Celtics une équipe compétitive depuis presque une décennie.
Ces dernières années, les Celtics ont même été favoris pour aller chercher le titre. Mais l’histoire en a voulu autrement. Marcus Smart ne sera pas le meneur du 18eme sacre des Celtics. Et, sincèrement, ça me brise le cœur.
Pourquoi ? Parce que, dès le début, j’ai vu en Smart ce que j’ai vu chez peu de joueurs. Cette capacité à faire des winning plays, sa volonté d’impacter le match dès qu’il était sur le parquet. Bien sûr, il n’était pas parfait, mais sa présence sur le parquet corrélait avec les meilleurs passages des Celtics.
Ce n’est pas pour rien que ses minutes augmentent en Playoffs comparé à ses minutes en saison régulière. Smart n’a pas toujours été apprécié à sa juste valeur, mais certains fans, comme Andrea et moi savions. Nombreuses ont été les nuits où nous réclamions, sur Twitter, comme si quelqu’un allait nous lire, plus de minutes de Marcus.
Adopté par la Celtics Nation
La relation entre le public de Boston et Marcus Smart n’a jamais été un long fleuve tranquille. Une histoire d’amour passionnelle qui a connu des hauts et des bas. Marcus n’a jamais caché les problèmes auxquels il avait fait face avec le public des Celtics. Il en parle d’ailleurs dans une vidéo pour The Players Tribune.
Smart était pourtant aussi le chouchou du Garden, et l’idole du Weird Celtics Twitter. L’amour que Marcus Smart recevait du public, il savait le redistribuer. Marcus Smart a beaucoup oeuvré pour la communauté locale, en partie via son organisation YounGameChanger.
Sa communication transparente et fracassante, son énergie, ainsi le personnage qu’il incarne, ont fini par gagner les cœurs. Il a fallu apprendre à aimer les montagnes russes d’émotions procurées par son style de jeu. Ses briques à trois points en début de possession, juste après avoir contré un Pivot de 2m10 quelques secondes auparavant. Au fil des années, Marcus lui a appris à calmer ses ardeurs, et est devenu un playmaker de qualité. Quand Ime Udoka l’a promu meneur de jeu, beaucoup de questions avaient été soulevées. Marcus Smart avait répondu par un titre de D.P.O.Y. et une participation aux Finales NBA.
Mais peu importe les années, peu importe les coaches et les contextes, là où Marcus Smart nous a marqué, c’est par ses game winning plays.
Marcus Smart making Marcus Smart type of things
Des souvenirs avec Marcus, j’en ai des dizaines, peut-être même des centaines. Le contre sur Norman Powell pour gagner le Game 7 en 2020. L’enchainement rebond offensif, interception, et la passe décisive pour envoyer les Sixers en vacances en 2018. L’interception sur Kawhi Leonard au Staple Center dans les dernières secondes de la prolongation en 2019. Un gros trois points pour la gagne un soir de Noël face à New-York. Son interception sur SGA à OKC en 2020. La victoire à Golden State pour mettre fin à leur série de 54 victoires à domicile en 2016. Ses premières campagnes de Playoffs et les multiples affrontements face aux Cavaliers. La passe pour le buzzer-beater de Jayson Tatum face aux Nets la saison dernière.
Mais le souvenir qui restera, celui qui sera mon Marcus Smart moment à jamais, a eu lieu le 28 Décembre 2017. À cette époque, je vivais en Australie, je venais de fêter mon anniversaire et Noël loin de ma famille, sous 35 degrés. Pour quelqu’un qui a grandi dans les Alpes, c’était particulièrement déconcertant.
J’étais bientôt sur la paille et j’allais vite devoir trouver un emploi si je ne voulais pas rentrer en France dans un vol charter. Mais en cette matinée de décembre, je décidais, comme bien souvent, de lancer le League Pass. Ce jour-là, Boston recevait les Rockets de James Harden.
Houston, we have a problem
À deux minutes de la fin de la première mi-temps, Houston gagne 60 à 34. N’ayant pas grand chose à faire de ma journée, je continue de regarder le match. Petit à petit, Boston grignote son retard jusqu’à remonter à -3 points, avec 18.4 secondes à jouer. Et là, la magie s’opère. Système pour donner le ballon à Marcus Smart et lui permettre d’attaquer Tarik Black au drive. 96-95, 13.5 secondes à jouer. Grâce à un super travail collectif, Boston empêche les Rockets de remettre le ballon en jeu et ils doivent prendre un temps-mort.
Retour de temps-mort, les Rockets avancent la balle… mais n’arrivent toujours pas à remettre le ballon en jeu. Nouveau temps-mort. Les Rockets sont maintenant à court de temps-mort et ne pourront plus faire d’erreur sur les remises en jeu. À la troisième tentative, les joueurs de Houston arrivent enfin à trouver Harden qui va pouvoir aller tirer les lancers. Il plante les deux. Retour à -3 pour les Celtics, avec cette fois 11.6 à jouer, temps-mort pour Boston. À cette époque, les Celtics étaient coachés par l’actuel General Manager, Brad Stevens.
Brad Stevens est très doué pour les ATO. Les ATO (After Time Out) correspondent au systèmes qui se déroulent après un temps mort, mais je m’égare.
Marcus prend James Harden de vitesse et vient se positionner sur l’aile, dos au panier. Jayson Tatum, alors rookie, lui passe la balle, utilise le bon écran de Kyrie et court au cercle. Smart le trouve dans le bon tempo, panier Boston. 98-97 Houston, 7.3 secondes à jouer… Si vous ne connaissez pas la suite, je vous invite à regarder la vidéo ci-dessous. Si vous la connaissez, je vous conseille de faire pareil.
Au-delà du possible flop, voir double flop, c’est une fin de match qui démontre ce que Marcus pouvait produire pour faire gagner son équipe. Ce passage illustre aussi parfaitement les émotions que Marcus pouvait procurer au Garden, comme à l’autre bout du monde. Victoire 99-98 pour Boston. De mon côté, je trouverai un travail 5 jours plus tard et ma vie basculera du bon côté.
Merci Marcus
Merci Marcus d’avoir entretenu quelques années de plus ma vie de fanatique des Celtics. J’ai jamais été objectif au moment de parler de toi, l’affection prenait souvent le dessus sur la raison. Maintenant je vais pouvoir commencer ma vie de spectateur NBA, froid et objectif, pendant que tu découvriras les plaines du Tennessee.
J’aurai jamais l’occasion de te voir porter le maillot Celtics de mes propres yeux. Je ne pourrai jamais te voir soulever le Larry O’Brien sous la tunique verte. Beaucoup de regrets, mais aussi beaucoup de souvenirs. Merci pour ça.