A l’issue du Game 1, les Denver Nuggets avaient conquis leur monde. Beaucoup annonçaient très prématurément une série expéditive, une domination sans partage. Comme souvent, ce genre de discours, radical et sans nuance, va trop vite en besogne. D’autant que le Miami Heat du match 1, ne ressemblait pas au Miami que l’on était en droit d’attendre. Tout d’abord, sur des constats très simples.
Les hommes d’Erik Spoelstra étaient d’une maladresse crasse, qu’on ne leur avait pas connue dans ces Playoffs. Max Strus, Caleb Martin et Duncan Robinson cumulaient un 2/23 au tir, dont une majorité à longue distance. Jimmy Butler de son côté, paraissait complètement atone. Il cherchait ses coéquipiers, les servait, mais n’était ni capable d’aller chercher ses propres tirs, ni d’agresser l’adversaire pour glaner des lancers francs. L’attaque reposait comme jamais sur le scoring au poste de Bam Adebayo, ce qui me semblait être une mauvaise nouvelle pour le Heat sous divers aspects.
Tout d’abord, cela signifiait que ses coéquipiers profitaient moins de ses passes pour obtenir des tirs en sortie d’écran ou lancés vers le cercle. Ensuite, parce que ses 26pts étaient une belle prestation en termes volume, mais qu’il lui avait fallu 25 tirs pour les obtenir, ce qui ne semblait ni très franchement rentable, ni particulièrement tenable au niveau de la cadence à maintenir.
En somme, l’attaque du Heat était très loin de ce à quoi elle devait ressembler. Dans la répartition des tirs, dans la réussite globale ou dans la proposition offensive.
Pourtant, ce n’était pas la seule histoire de cette défaite.
Ce qui faisait vraiment mal pour le Heat, c’était plutôt l’entame du match.
Ce moment où les Denver Nuggets, portés par un Jokic qui se contentait du rôle de distributeur, paraissaient juste trop grands, trop longs et trop puissants pour Miami.
Aaron Gordon qui écrase ses vis-à-vis poste bas, les changements défensifs qui donnent des avantages décisifs au tir à Michael Porter Jr, trop grand pour être contesté. Pendant que ces deux mêmes joueurs, qui de l’autre côté du terrain, bloquaient des tirs pourtant dans la palette classique du Heat (Strus contré par Gordon à 3pts, Jimmy Butler par Porter Jr près du cercle).
A tel point que de nombreuses vidéos d’analyse jaillissaient de toute part pour expliquer cet incommensurable désavantage.
Sauf que voilà, le Miami Heat a sur son banc un homme qui s’appelle Erik Spoelstra et comme face à n’importe quel problème, Spo’ a des solutions.
Kevin Love, la surprise du chef
Nous nous demandions dans la preview de cette finale, si Kevin Love serait amené à jouer.
D’un côté, il apporte une taille nécessaire, de l’autre…. Love pouvait potentiellement être exploité en défense. Après avoir été laissé sur le banc des match 6 & 7 contre Boston et du match 1 contre Denver, Spoelstra rappelle son intérieur pour le positionner face à l’homme qui avait tant fait batailler les siens : Aaron Gordon.
Avec Love dans le 5 de départ, le Heat récupère de la taille (2m03), un excellent rebondeur, un joueur du même gabarit que Gordon, un des meilleurs joueurs de la ligue pour lancer ses coéquipiers en transition et un défenseur capable de sacrifier son corps pour provoquer des charges et surcharger la raquette.
Puisque Denver prend la majorité de ses tirs près du cercle, cela rend la tâche beaucoup plus complexe pour les Nuggets.
Dans le Game 1, le début de rencontre avait vu de nombreuses situations où Gabe Vincent se retrouvait dans des missions défensives impossibles.
Aaron Gordon lançait les systèmes, ou était impliqué dans le jeu d’écran avec Jamal pour forcer un changement de joueur. Butler qui devait se charger de l’ailier se retrouvait alors face au meneur des Nuggets, laissant Gabe Vincent à la lutte dans un bataille bien difficile à remporter.
Le choix défensif du Heat, n’arrivait pas à payer, peu importe le type de couvertures proposées. Aucun joueur du Heat, que ce soit Gabe Vincent, Max Strus ou Caleb Martin ne semblait vraiment de taille pour stopper l’intérieur des Nuggets, déchaîné en début de rencontre.
A tel point qu’un peu plus tard dans le match, arrive cette séquence assez comique où les 3 joueurs de Miami se transmettent la mission sans sembler vouloir y aller. Butler dit à Caleb Martin d’y aller, Martin qui reste concentré sur Murray, Strus qui continue d’attendre que son coéquipier décale et réagit trop tard.
Kevin Love titulaire, ça engendre quoi ?
Kevin Love ne va jouer que 22 minutes dans le Game 2, il ne marquera que 6pts, à 2/9 au tir et ajoutera 10 rebonds, dont 3 offensifs. Une ligne de statistique peu spectaculaire, mais qui va pourtant grandement changer la donne. Sur la rencontre, il possède le meilleur net rating. Ajusté sur 100 possessions, Miami mène de +42 quand Love était sur le terrain.
Si l’échantillon biaise évidemment la statistique, cela montre le changement de paradigme pour Denver, dont le 5 de départ avait outrageusement dominé le match précédent. Dès les premières secondes du match, le changement est palpable.
Adebayo réalise une bonne défense malgré l’écran de Gordon, sécurise le rebond, Kevin Love saisit le rebond et amorce sa passe en l’air. Le Heat sait déjà qu’il va être souverain au rebond défensif et va pouvoir en profiter (cf les joueurs qui se projettent immédiatement en contre-attaque).
D’autant que l’entrée de Love amène une autre bonne nouvelle : Jimmy Butler, qui était chargé de Gordon et cherchait à se décrocher de l’ailier pour venir en aide, peut cette fois s’adonner à une tâche plus satisfaisante pour lui : poursuivre Jamal Murray. Flamboyant dans le premier match, le meneur ne va marquer que 18pts dans la rencontre. La raison ? Il obtient moins d’espaces pour déclencher ses tirs.
En mettant Jimmy Butler sur Murray, Spoelstra peut envoyer Gabe Vincent sur KCP. Là encore, ce choix très bénéfique est directement permis par l’entrée de Love. Le décalage qu’il permet donne à Spoelstra tout le loisir de cacher Vincent, qui était sans cesse impliqué dans le Pick & Roll au cours du match précédent.
Cadwell-Pope n’étant pas une menace balle en main, Mike Malone et les Nuggets ne peuvent plus profiter à volonté de ce déséquilibre. De même, Strus et Love deviennent particulièrement interchangeables.
Puisque Porter Jr n’est pas une menace bien plus importante que KCP lorsqu’il pose son dribble, peu importe au Heat que Strus ou Love se retrouve sur l’un des deux, cela leur permet de se libérer et d’éventuellement venir en aide quand les Nuggets se rapprochent du panier. Même si Denver est une équipe altruiste, tous n’ont pas la vision de jeu de Nikola Jokic, voire Jamal Murray.
Résultat, quand Aaron Gordon tente de martyriser Strus au poste bas, Kevin Love alors en défense sur MPJ n’hésite pas à venir dans son angle mort pour aider.
Kevin Love qui a longtemps été perçu comme une problématique en défense est d’ailleurs digne de louanges. A bientôt 35 ans, il réussit, bien coaché et au milieu de ce groupe équilibré de Miami, à parfaitement jouer son rôle. Il déclenche les aides quand il faut. Ne les fait pas sur n’importe qui et choisit le moment où il ne sera pas sanctionné par une passe quand il déclenche son aide.
Son bon travail est à l’origine de plusieurs actions décisives en défense. Dont cette faute offensive provoquée sur l’une des rares attaques de Porter Jr :
Sa simple présence, quant à elle, a permis à Miami de ne plus concéder autant de duels favorables aux Nuggets.
Ce faisant, ils ont pu réduire l’impact des coéquipiers de Nikola Jokic et obliger ce dernier à prendre des tirs, quand il avait pu profiter des changements défensifs pour servir les siens pendant toute la 1ere mi-temps du match précédent.
Malgré l’excellent travail de Bam Adebayo, le serbe va marquer 41 points. Mais sa performance a été légèrement trop courte, pour compenser le non-match de Michael Porter Jr et une performance défensive très, très décevante de la part des Nuggets. Pour en savoir plus :
Évidemment, il y a bien des histoires qui expliquent cette victoire du Heat. Nous y reviendrons d’ici le Game 3, à Miami, qui va devoir maintenant défendre son avantage du terrain.
Pour l’heure, il s’agissait de saluer le choix stratégie d’Erik Spoelstra et son staff, mais également Kevin Love, qui a parfaitement assumé.