Les Denver Nuggets connaîtront le 1er juin prochain leurs premières finales NBA. Une consécration pour certains, la dernière marche à franchir pour les joueurs et le coaching staff.
Alors qu’ils n’avaient pas eu un effectif complet depuis 2020, les Nuggets ont retrouvé les finales de conférence face aux Lakers, mais ont cette fois pris le meilleur sur les californiens grâce à une maîtrise exemplaire du “clutch“.
Pourtant, cette réussite n’était pas acquise. Ces deux dernières saisons, les Nuggets affichaient un groupe de titulaires comprenant, au gré des ajustements, Facundo Campazzo, Monte Morris, Austin Rivers et Will Barton.
Alors que Tim Connelly quittait son poste de manager au profit de Calvin Booth, ce dernier avait fort à faire pour concrétiser les retours de Jamal Murray (absent depuis 2 campagnes de Playoffs) et Michael Porter Jr (absent de la dernière).
Booth faisait bonne impression en récupérant Kentavious Cadwell-Pope contre Morris et Barton, et en allant chercher Bruce Brown sur le marché des agents libres. Une fois n’est pas coutume, la franchise faisait bonne pioche à la draft en récupérant Christian Braun et l’équipe possédait 3 extérieurs capables de défendre plusieurs positions et de régler les problèmes de défense extérieure de l’équipe.
Avec Aaron Gordon déjà présent dans l’effectif, Calvin Booth espérait résoudre en partie les problèmes défensifs des Nuggets sur les deux dernières saisons.
Une question subsistait néanmoins, quid de la défense du trio offensif de Denver : Jamal Murray – Michael Porter Jr – Nikola Jokic. Nous savions déjà que s’il était bien protégé en défense, Jokic pouvait être un défenseur neutre voire légèrement positif. Jamal Murray avait montré des sursauts défensifs en Playoffs, mais surtout des progrès en 2021 avant de se faire un rupture des ligaments croisés.
Si le cas Murray était une question dans son ensemble, le membre le plus inquiétant du trio était bien Michael Porter Jr.
L’ailier de 24 ans a des atouts physiques indéniables. Une belle verticalité, une envergure (2m13) et une taille indéniables (2m08, au moins). Pour autant, il représentait un véritable maillon faible défensif et en mon sens, le plus dur à sauver de ce trio. En raison de ses multiples opérations aux dos depuis son année universitaire et d’un manque certain d’agilité et de sens du placement, Porter Jr était une cible de choix pour une équipe possédant un ou plusieurs porteurs de ballons élites.
En 2021, les Nuggets privés de Jamal Murray et de joueurs de rotation auraient eu besoin de Porter Jr pour venir à bout de Phoenix Suns en route vers les finales NBA. Malheureusement, ce dernier avait surtout été une cible de choix pour Chris Paul et Devin Booker.
Ciblé toute la série, il avait été exposé à répétition et les Nuggets, n’avaient eu d’autres choix que de l’écarter peu à peu, ne possédant pas les défenseurs nécessaires à sa couverture.
Or cette année, MPJ a complètement changé. Revenu d’une saison quasi-blanche, il a visiblement profité de cette année pour revoir ses priorités, améliorer sa vision de jeu et se préparer physiquement à devenir un joueur différent.
En ce sens, cette version 2023 de Michael Porter Jr, ne serait-elle pas en réalité, le plus grand chaînon manquant de ce nouveau visage des Denver Nuggets ? Pouvoir s’appuyer tout un match sur ce dernier sans se poser la question de comment le protéger permet de recentrer l’attention ailleurs. Mieux, cela veut dire obtenir ses qualités offensives tout un match sans devoir s’en passer.
Et ça, forcément, cela rend l’attaque de Denver terriblement dangereuse. Je vous propose donc de discuter de ce revirement en défense. Ce qui peut facilement être considéré comme une des plus belles histoires de cette saison NBA 2022-2023.
Ou comment un joueur autrefois attendu comme un prospect majeur a connu une chute brutale à la draft et a longtemps été considéré comme un point faible pour son équipe, a réussi à devenir un rouage majeur d’un prétendant au titre malgré 3 opérations au dos et un véritable scepticisme autour de ses chances de devenir, un jour, ne serait-ce qu’un défenseur honorable.
Michael Porter Jr en 2021, c’était ça
En 2020, quand les Nuggets déjouent les pronostics dans la bulle, Michael Porter Jr joue sa première saison NBA et s’il est déjà un shooteur faramineux, il n’est pas titulaire. A ce titre, il n’était pas envisageable pour une équipe de bâtir son plan de jeu sur l’attaque permanente d’un joueur qui pouvait être retiré de la rotation.
L’année suivante, en revanche, l’affaire est différente. Denver sort affaiblit de l’intersaison avec plusieurs joueurs importants perdus (Jerami Grant, Torrey Craig, Mason Plumlee, Paul Millsap) et voit sa défense dégringoler. Pour palier au revers du départ de Grant, l’équipe fait l’acquisition d’Aaron Gordon, une véritable plus-value, mais doit laisser partir son meilleur défenseur extérieur : Gary Harris.
Quelques semaines plus tard, Jamal Murray chute sans contact et ne se relèvera pas. Tandis que Will Barton et PJ Dozier sont blessés pendant les Playoffs.
Dans ces conditions, il faut un MPJ de gala pour espérer rivaliser avec les Suns. Le problème, c’est qu’à ce stade, il semble manquer de tout en défense.
Il n’a pas une bonne mobilité latérale, il n’est pas bon pour naviguer entre les écrans, il a une mauvaise conscience de ce qui se passe sur le terrain en défense et est donc un poids sur le porteur, comme en défense loin du ballon.
Il est facile d’obtenir des points en jouant l’isolation. Devin Booker en abusera d’ailleurs en post-saison.
Ses timings sont mauvais sur les aides. Off-ball il a tendance à manquer ses close-outs car il est mal positionné ou qu’il a mal suivi les déplacements adverses.
Dommageable dans la mesure où il est taillé pour contester à peu près n’importe quoi et défendre sur des ailiers parfois problématiques pour leur rapport mobilité taille. En prime, en raison d’une bonne défense adverse et d’une probable crise de confiance résultant de son incapacité à se mettre au niveau, il réalise une série piteuse au shoot, n’offrant pas le support offensif attendu pour palier aux nombreuses absences.
Conséquence, c’est le sweep pour Denver. Surtout, les chiffres sont sans équivoque pour Michael Porter Jr. Quand il est sur le terrain, les Suns ont un offensive rating de 127 et un net rating de +16,2. Un camouflet qui nécessitera beaucoup de travail pour éviter que l’histoire ne se reproduise.
2022-2023, le nouveau visage de Michael Porter Jr
De retour d’une nouvelle opération au dos, Michael Porter Jr est revenu saignant en début de saison. Pendant que Jamal Murray donne l’impression de se chercher, Porter Jr semble au rendez-vous avec la même adresse observée pendant sa saison sophomore. Il ne doute pas de son tir et enchaîne les paniers comme s’il n’était jamais parti.
Mais ce qui semble différent, c’est le reste de son jeu. Il est plus sûr balle en main, ce qui est notable, mais surtout, il est beaucoup plus concentré en défense. Ses rotations sont meilleures, il n’est plus sans cesse dépassé lorsqu’il est ciblé par un attaquant adverse.
Porter Jr surprendra d’ailleurs assez rapidement dans la saison 2022-2023, même s’il est à ce moment, encore trop tôt pour crier victoire. Fin décembre 2022, pour le match de Noël, les Nuggets sont opposés aux Suns qui vont fêter son retour à la compétition en relançant la chasse à MPJ. Mike Malone, qui n’a pas toujours éte tendre avec son ailier, voit son équipe menée de 7pts avec 9min20 restantes à l’horloge et a besoin d’un surplus offensif, bien que Porter Jr soit à 1/7 au tir. L’ailier va jouer les ultimes minutes du match et la prolongation, résister aux tentatives répétées de l’exploiter en défense, prendre plusieurs rebonds décisifs, voler 1 ballon, contrer 1 tir et apporter un spacing nécessaire pour apporter le boost offensif nécessaire à son équipe.
Sur ses minutes, les Suns vont perdre 7 ballons et voir la victoire s’envoler.
Michael Porter Jr n’a pas fait qu’un exploit pour Noël. Il a su montrer toute la saison qu’il était enfin impliqué dans ce compartiment du jeu, qu’il faisait passer l’équipe avant son propre agenda et qu’il était un différent animal en défense.
En Playoffs, le plan de jeu consistant à exploiter MPJ n’a pas eu lieu. Les coachs adverses ont eu le temps de se rendre compte que le temps où ce dernier volait en éclat à la moindre isolation et se trouvait constamment perdu sur le terrain est révolu. Il n’est plus le maillon faible du 5 de départ de Denver et peut donc rester sur le terrain. Il confirmera d’ailleurs ses performances consenties en saison régulière au niveau supérieur malgré des attaquants de talents croisés durant la campagne : Karl-Anthony Towns, Anthony Edwards, Kevin Durant, Devin Booker, LeBron James.
Ceux qui s’essayent à l’attaquer en isolation, comme Booker plus tôt dans notre article sont ainsi, souvent déçus du rendement de ces possessions :
Denver peut ainsi profiter de la menace qu’offre son tir à 3pts (40,5% pour 6,9 tentatives par match dans cette campagne de Playoffs), de ses progrès sur le drive et de son sens du rebond sans craindre d’en subir la contrepartie. Si les arrivées de KCP et Bruce Brown représentent une amélioration conséquente et cruciale pour Mike Malone et la franchise, l’éclosion de son jeu ailier apporte une nouvelle dimension à son 5 de départ. Plus que cela, c’est une trajectoire de carrière qui mérite d’être relayée.
Michael Porter Jr n’est plus un problème pour son équipe. Il sait défendre, il est plus altruiste, il est complètement au service de ses coéquipiers. Les soirs où ça ne rentre pas, il peut apporter son écot autrement. Ses coups de chauds sont toujours une opportunité de lancer un run. Et ses statistiques dans les 4eme quart temps sont sans équivoque : 6,1pts 1,9rbd, 57.6% au tir dont 63.2 à 3pts% (2.1 3PA) 83.3% FT, +31.
Il joue juste et est paré pour ses premières finales NBA. Quitte à se sacrifier pour l’équipe :
Michael Malone : “MPJ est venu me voir pendant la série contre les Suns. Il m’a dit que si je voulais finir les matchs avec Bruce Brown plutôt que lui, il serait d’accord avec cette décision. “Je veux juste gagner”, voilà ce qu’il m’a dit.”