Quand on regarde le score de cette nuit, on imagine clairement un match à sens unique pour les Boston Celtics. Pourtant, avec encore la moitié du match à jouer, le score était de 55-55. Et c’est à ce moment-là, dans le troisième-quart temps, que les Celtics ont décidé d’annihiler l’attaque des Sixers. En l’espace de 12 minutes, la maison verte n’a concédé que 10 points, et à balayer tout espoir d’Eastern Conference Finals pour les Sixers.
Sur ces 12 minutes décisives, les Sixers n’ont transformé que trois de leur 21 tentatives et ont perdu 5 ballons. Joël Embiid n’a pas marqué un panier du quart-temps et a concédé deux turnovers, pendant qu’Harden n’a pris que deux tirs pour autant de ballons perdus. Cette année, fête les 25 de la sortie du film Titanic de James Cameron, et l’attaque des Sixers avait décidé de lui rendre hommage. Sur son chemin vers le prochain tour, l’embarcation de Pennsylvanie est venue se briser sur l’iceberg Celtics.
Embiid Rules
Boston s’est fait la réputation d’être une match-up difficile pour Joël Embiid. Mais au-delà d’un personnel capable de gêner Embiid, nul homme ne peut stopper le MVP à lui seul. C’est donc collectivement que Boston va gêner, dissuader, et ralentir l’enfant de Yaoundé.
La défense sur Embiid est une valse à deux temps. La première temps consiste à empêcher Embiid de recevoir le ballon dans les bonnes conditions. Ce travail est collectif, les défenseurs doivent être dans le même tempo pour réussir cette parade.
Exemple ci-dessous avec un Pick and Pop de Maxey et Embiid avec 8 secondes sur l’horloge. Jayson Tatum qui défend sur Maxey va d’abord passer au-dessus de l’écran, pour empêcher de laisser un tir ouvert à trois points. Dans le corner, Smart protège la ligne de passe vers Harden. Mais là où tout se joue, c’est sur la position d’Horford. Uncle Al est en Hedge coverage, il coupe d’abord la ligne de drive pour stopper Maxey, pendant que Tatum est interposé entre le ballon et Embiid. Quand Jayson repasse entre le ballon et le panier, Al reprend sa position sur Embiid.
Maxey ne peut pas prendre Tatum de vitesse si facilement, et reste coincé derrière la ligne. Il trouve une passe pour Embiid, mais il reste 3 secondes sur la possession, Joël est au logo et il envoie une prière comme on envoie une bouteille à la mer.
Au deuxième temps de la valse, le collectif déclenche un autre schéma défensif. Le deuxième temps commence lorsque Joël Embiid reçoit le ballon dans les mains. D’abord, règle numéro uno, quand Embiid a le ballon, Horford le marque à la culotte. Les Celtics ont évité le switch le plus possible pour garder le contrôle.
Horford défend directement sur Embiid, mais pas que. Le défenseur le plus proche de sa mains droite vient se mettre entre lui et son joueur pour dissuader le drive ou le pull-up. Robert Williams roam entre Embiid et Tucker. Le défenseur du corner côté faible a un pied dans la raquette. La chorégraphie est millimétrée, et Embiid est cerné.
Et même quand Jaylen laisse la porte ouverte pour un pull-up à droite, Marcus Smart a bien suivi et vient aider Al Horford dans un timing parfait. Réglée comme du papier à musique, la défense de Boston s’orchestre autour des mouvements de Joël Embiid afin de l’empêcher de jouer sa partition.
Fermer le cercle, ouvrir les corners
Afin d’empêcher Embiid de recevoir le ballon confortablement, ainsi qu’entraver son accès au cercle, il faut faire des sacrifices. Boston à décider de sacrifier ses corners. Bien que ça paraisse contre-intuitif en 2023, les Celtics ont invité les Sixers à les punir dans les coins. L’idée derrière ça, c’est d’encourager les Sixers à donner la balle à de mauvais ball handler dans l’aile. Bien que PJ Tucker ait réussi ses tentatives à trois points en début de match, les Celtics sont prêts à vivre avec ça (et ils avaient raison, 0/6 dans les corners sur le troisième quart-temps).
Comme souvent, les Sixers vont spammer le Pick and Roll entre Harden et Embiid. Alors les Celtics réalise la chorégraphie suivante :
- Le défenseur d’Harden passe au-dessus de l’écran pour éviter le tir à trois point ouvert et invite Harden au cercle,
- Horford zone entre le ballon et Embiid pour empêcher la passe,
- Le défenseur de Maxey vient en aide que momentanément car le jeune joueur est dangereux,
- Les défenseurs des joueurs dans l’aile attendent qu’Harden s’approche du cercle pour venir en aide.
- Close out du défenseur le plus proche du corner.
Cet enchaînement permet à Boston de dicter l’attaque des Sixers plutôt que de la subir. Forcer l’équipe de Doc Rivers à prendre le chemin que Boston préfère, au lieu de laisser les deux monstres offensifs s’exprimer. Embiid comme Harden sont parmi les moteurs offensifs les plus impressionnants de notre époque, mais le basket est un sport qui se gagne à cinq.
Al Horford et la fontaine de jouvence
Alfred Joel Horford Reynoso va avoir 37 ans le 3 Juin prochain. Pourtant, à certains moments, il semble pouvoir jouer encore une décennie. Hier encore, face au MVP, Uncle Al semblait avoir 20 ans. Son intelligence de jeu contribue à sa capacité à ne pas faire faute, contrairement au reste de la ligue. Son physique l’autorise à rester face à Embiid sans se faire enfoncer comme un vulgaire clou. Son jeu de pied, ses appuis, lui permettent de garder la bonne position et de ne pas être pris de vitesse. Pour finir, son sens du timing nous offre un contre alors qu’Embiid tente un fadeway. Al Horford possède tous les outils, et il a su les utiliser au meilleur moment.
Même lorsqu’il doit close-out dans le corner, puis suivre un ailier plus rapide et plus jeune, Al ne craque pas. Horford était particulièrement attendu sur cette série. Lui qui était présenté comme l’arme ultime face à Embiid avait été en difficulté défensivement face aux Hawks. Nous voilà tous rassurés, Al Horford est toujours ce magnifique joueur défensif, capable de gêner le MVP durant toute une après-midi afin d’aider son équipe à retrouver les sommets.
La saison 2023 de Boston a été une déception défensivement comparée à la saison précédente. Mais hier, pendant l’espace de 12 minutes, le Garden a pu admirer un travail collectif remarquable. Durant un nouveau Game 7, les Celtics ont su renverser le momentum par leur défense. Grâce à cette défense collective et cette discipline, les rêves de Finale de Conférence de Joël Embiid ont une nouvelle fois volé en éclat, tel la coque du Titanic.