22e round
On l’attendait, on l’a, les Boston Celtics et les Philadelphia 76ers vont s’affronter sur la plus grande des scènes. Ces deux franchises sont étroitement liées depuis des décennies. Cette grande rivalité commence dans les années 50 entre les Syracuse Nationals et les Boston Celtics, avec sept séries de Playoffs entre 1953 et 1961.
Puis en 1963, les Syracuse Nationals déménagent à Philadelphie et deviennent les Philadelphia 76ers. Mais la rivalité entre les franchises n’a pas disparu, au contraire. Avec Wilt Chamberlain et Bill Russell, puis Larry Bird et Julius Evring, les affrontement en Playoffs se sont perpétrés et la rivalité a traversé les âges.
Nous sommes à l’aube de la 22eme série de Playoffs entre ces franchises. Les protagonistes sont en train d’écrire un nouveau chapitre de cette rivalité avec un troisième affrontement depuis 2018. Les effectifs ont évolué ces dernières années mais le cœur reste le même avec comme têtes d’affiches Joël Embiid et Jayson Tatum. Et même si Jojo ne veut pas parler de rivalité, on ne peut nier l’évidence.
Peu de marge d’erreur
Les récents matchs entre les Celtics et les 76ers nous ont offert de vrais classiques. Rien que sur cette saison, les matchs se sont joués en moyenne à moins de deux possessions. Ces matchs serrés nous ont offert de beaux moments, comme les 52 points de Joël ou le game winner de Jayson Tatum sur un système concocté par Joe Mazzulla.
Les Sixers ont perdu lors de 2 derniers affrontements en Playoffs mais semblent armés pour aller prendre le trône à l’Est. Les Celtics paraissent encore plus forts que l’an dernier, mais rien n’est garanti en Playoffs. Le niveau à l’Est est particulièrement élevé cette saison, et on a vu contre les Hawks que la marge de manœuvre n’est pas grande.
L’issue de la série est indécise. Alors, afin que vous puissiez la suivre de la meilleure des manières, voici quelques angles de lecture que vous proposent QiBasket aujourd’hui.
Ce que les chiffres nous disent
Offensivement, nous avons deux équipes qui proposent des styles d’attaque bien différents. Bien qu’elles soient construites autour de deux stars avec plus de 30% d’Usage (Embiid grimpe même à 36% d’Usage cette saison), leurs manières de générer des points sont bien différentes. Boston va chercher presque la moitié de ses points dernière la ligne des 3 points. Pendant que les Sixers insistent beaucoup plus sur l’attaque du cercle et se reposent moins que la moyenne de la ligue sur le trois points.
Lors du premier tour contre Atlanta, on a vu que la variance à trois points pouvait jouer de mauvais tours aux Celtics, mais ils ont eu bien du mal à attaquer le cercle. Pourtant Boston fait preuve d’une grande efficacité au cercle avec 69% de réussite. L’important pour Boston sera de ne pas jouer la facilité et de se contenter du trois points et d’aller chercher des paniers faciles.
En parlant de points faciles, les 76ers sont très doués pour aller en chercher. Ils ont un FTA de 0.3, ce qui les classe 1er de la ligue dans cette catégorie. Embiid et Harden sont deux des meilleurs joueurs offensif des dernières années et les lancers-francs y sont pour beaucoup. Le lancer-franc est l’action offensive la plus rentable de l’histoire du basket. Pour donner un peu de perspective, deux lancers-francs d’un joueur qui les marquent à 60% c’est une moyenne à 1.2 points par possessions. Soit un Offensive Rating de 120, alors que le meilleur Offensive Rating de l’histoire c’est cette année avec les Kings à 119.7…
Disclaimer : blessure d’Embiid
A l’heure où commence cette preview, le statut de Joël Embiid est compliqué à établir. Il semble que son entorse au genou soit plus problématique que prévu, sa disponibilité pour le Game 1 est compromise et même en cas de retour, il y a fort à parier qu’il ne sera pas en pleine possession de ses moyens. Cela peut vouloir dire des difficultés sur le repli défensif, un manque de mobilité latérale et moins d’actions où le pivot partira en drive comme il sait le faire.
Toutefois, nous ne sommes pas dans le staff médical, donc nous allons traiter de son cas, pour le reste de la preview, pour ce que nous savons de ce qu’il est, en espérant un retour dans une forme suffisante pour s’exprimer en cours de série.
Comment défendre James Harden ?
La transition est toute trouvée car des lancers-francs à James Harden il n’y pas qu’un pas. Nous allons donc analyser le profil offensif du joueur de 33 ans cette saison. Parlons d’abord de sa capacité à aller sur la ligne. En 2023, Harden voit 16% de ses tirs générer une faute adverse et donc des lancers-francs. A titre de comparaison, lors de sa saison MVP, ce chiffre grimpait à 17%. Mais le score de 2023 reste de très bonne facture (93è centile).
Harden est aussi toujours autant une menace à trois points. Il rentre 41% de ses catch and shoots à trois points, et 37% de ses pull-ups. Il est aussi toujours menaçant comme playmaker avec un Assit to Usage Ratio de 1.42, soit le 83è centile. Mais, croyez-le ou non, James Harden a vieilli et on peut le voir à travers une métrique bien précise.
Ses pourcentages de réussite au cercle ont drastiquement baissé depuis l’année dernière. Jusqu’en 2021, il a affiché un pourcentage de réussite au cercle de 64%. Cette saison, il tourne à 57% de réussite au cercle, soit le 33è centile. Sur les Playoffs seulement Harden n’a marqué que sur 3 de ses 17 tentatives au cercle.
La menace Derrick White
L’arrière originaire du Colorado a enfin pu démontrer tout son talent au plus haut niveau cette année. Au côté de Marcus Smart, il a su prendre avantage de certaines match-ups qui lui correspondaient mieux, et les Sixers en font partie. Cette saison face à Philadelphie, White tourne à plus de 16 points par match sur un eFG% de 68.6% ! Boston est une bien meilleure équipe avec White sur le terrain (+9.3 de Net Rating sur la saison) et ça se voit en particulier dans des matchs comme ceux contre Philadelphie.
Offensivement, White pose de vrais problèmes aux Sixers car il est trop rapide pour Harden ou PJ Tucker, et Tyrese Maxey n’arrive pas à rester devant lui. De’Anthony Melton pourrait être utilisé pour ralentir White, mais il aura surement déjà à s’occuper de Jayson Tatum ou Jaylen Brown. Derrick sait être dangereux balle en mains et peut attaquer Harden et Embiid sur Pick and Roll. Il peut aussi être une menace off-ball, et un défenseur moyen se retrouvera souvent piégé par le mouvement constant et les cuts de White. Défensivement, il offre une possibilité de switch avec la possibilité de défendre sur Harden ou Maxey.
Défensivement comme offensivement, la rotation arrière Smart, White et Brogdon devrait avoir un impact positif sur la série pour Boston. Néanmoins, on a remarqué lors de la série précédente que Trae Young et Dejounte Murray avaient trouvé des espaces pour générer de l’attaque. Le point faible de cette défense de Boston semble la protection du Pick and Roll, et attention à eux car les Sixers sont redoutables dans ce domaine.
Le Pick and Roll Harden Embiid
Le duo Joel Harden et James Embiid a confirmé les belles promesses cette saison. Sur 1483 minutes jouées ensemble, ils ont un Offensive Rating de 121 et un Net Rating de +9. Leur arme numéro 1 est le Pick and Roll. Comme on l’a vu plus haut, Harden ne finit plus très bien au cercle mais passe toujours aussi bien. Et heureusement, car devinez qui finit très bien au cercle ? You got that right, it’s Joel Embiid. Jojo transforme en effet 75% de ses tentatives au cercle.
Sur Pick and Roll, Joël marque 8.2 points par match comme Roll Man. Le deuxième de ce classement est Ayton avec seulement 5.8, soit plus de deux points de moins par match comparé à Joël juste sur ce type d’action. Suite à la précédente saison où Embiid n’était pas assez utilisé comme Roll Man avec 3.4 tentatives par match, il en tente cette année 4.9 !
Ça va être un vrai poison pour la défense de Boston. On l’a vu contre les Hawks, les hommes en vert ont du mal à défendre le Pick and Roll cette année. Sur les 25 joueurs qui ont défendu le plus ce type d’action, Al Horford est celui qui prend le plus de points par possession derrière Jokic, Zubac et Poeltl. Attention, c’est une zone à danger pour les Celtics.
L’importance du Timelord
Face à Embiid, Robert Williams the Third propose de bonnes options. Premièrement c’est une menace verticale et ça va forcer les Sixers à protéger le cercle et les lignes de passes. R-Will est aussi plus rapide qu’Embiid, et ça peut être redoutable en contre attaque pour aller punir une équipe de Philadelphie un peu lente.
Depuis son arrivée dans la ligue, on a aussi pu remarquer la capacité de Robert à fluidifier le jeu grâce à une grosse qualité de passe. C’est important pas seulement sur des systèmes, mais aussi après un rebond offensif. R-Will est dans le 90è centile au rebond offensif cette saison, sur les tirs manqué de Boston où Embiid sera loin du cercle, il va pouvoir punir les Sixers. Mais, c’est défensivement qu’on attend de voir un impact du Timelord.
Avec un Al Horford vieillissant et un Grant Williams sur courant alternatif, le niveau de Robert Williams sera corrélé avec la performance défensive des Celtics. Autre indice de l’importance de Robert Williams face au Sixers, son impact lors du seul match joué contre Philadelphie cette saison. Sur un match qui s’est joué à 3 points, R-Will avait un différentiel de +10 et a marqué 100% de ses tirs sur 31 minutes.
L’année dernière les Celtics ont trouvé comment optimiser la défense de Robert Williams. Le jeune pivot joue un rôle de stoppeur, appelé “roaming” outre atlantique. Ce choix tactique permet de protéger Al Horford quand James et Joël viendront jouer le Pick and Roll. Mais, comme toute tactique en NBA, elle a aussi ses limites. Quand R-Will “roame” contre les Sixers, son affectation défensive est sur un joueur moins menaçant qu’Harden ou Embiid. Bien souvent, ce joueur est PJ Tucker. Problème ? PJ, en stagnant dans le corner, peut punir cette tactique si le closeout de Robert Williams n’est pas parfait.
Est-ce-que PJ Tucker pourra punir la présence de Robert Williams sur le terrain ? Ses 40% à 3pts laissent à penser qu’il peut, mais la défense de Boston peut aussi s’ajuster au courant de la série.
Tobias Harris, l’année ou jamais
L’autre ailier titulaire aux côtés de PJ Tucker n’est nul autre que notre cher Tobias Harris. L’ailier est dans sa 11eme saison, et dans la 4eme année de son contrat à 180 000 000$. Et pourtant, nous attendons encore d’observer plus d’impact de sa part en NBA. Au côté de James et Joël, et avec l’explosion de Tyrese Maxey, son usage n’a jamais été aussi bas que depuis sa saison rookie. Mais, c’est peut être pour le mieux.
Tobias n’a jamais su devenir une menace comme créateur, comme son contrat le laissait espérer. Au côté de créateurs offensifs de qualité, c’est l’occasion pour lui de devenir une menace off-ball. C’est le cas cette saison, il a diminué son nombre d’isolations par deux depuis sa première saison à Philadelphie. En plus de ça, son pourcentage en catch & shoot est bon avec 40% de réussite à 3 points. Au côté d’Embiid et Harden, Harris aura les opportunités de tirs ouverts, à lui de les convertir.
Le cousin de Channing Frye semble avoir enfin accepté un rôle réduit en attaque et c’est de bonne augure pour les Sixers. Mon inquiétude se trouve plutôt du côté de sa défense. Face aux Celtics, il aura un rôle important pour la défense sur Jayson Tatum et Jaylen Brown. Sera-t-il capable de tenir la baraque défensivement ? Time will tell.
Qui pour défendre les Jays ?
La réponse à cette question est étroitement liée à celle des line-ups. Qui commencera du côté des Sixers ? Maxey semble avoir repris sa place de titulaire, mais De’Anthony Melton pourrait être bien utile en opposition à Jaylen et Jayson. Si Maxey commence, alors PJ Tucker et Harris devront défendre sur les des deux ailiers des Celtics.
Même question du côté de Boston. Joe Mazzula semble avoir choisi de jouer petit avec Al Horford comme pivot dans le cinq de départ, mais va-t-il garder cette stratégie contre Philly ? Boston peut aussi commencer avec Grant comme deuxième intérieur à côté d’Horford. Néanmoins, ça serait une surprise vu le peu de temps de jeu que lui donne Mazzulla. L’autre alternative, plus probable, serait de voir Robert Williams commencer aux côtés d’Al Horford, et probablement pousser Derrick White sur le banc. Mais, si Derrick White est poussé sur le banc, comment les Sixers vont pouvoir défendre avec Maxey comme titulaire à la place de Melton ?
Je pense que vous avez saisi la logique, chacun des mouvements d’un coach engendre des questions chez l’autre. Au dernier match, Doc Rivers semble avoir voulu garder PJ Tucker sur Jayson Tatum. Le banc aura aussi clairement son importance avec Jalen McDaniels qui pourra venir proposer une bonne défense sur les ailes. Et à l’inverse, Niang risque de voir ses minutes diminuées face aux ailiers des Cetlics.
Le five-out face à Embiid
Les Boston Celtics ont réussi à devenir une équipe redoutable en attaquant les faiblesses adverses. Grayson Allen chez les Bucks et Trae Young chez les Hawks sont les exemples les plus évidents dans la mémoire récente. Face aux Sixers, les Celtics vont encore chercher à punir leur adversaire. Pas de joueurs frêles comme Trae cette fois, alors la mécanique s’inverse. Comment attaquer une défense bâti autour d’un intérieur mobile comme Joël Embiid ?
L’idée que semble avoir choisi Boston est de forcer Embiid loin du cercle grâce au spacing d’Horford. L’objectif est de créer l’espace le plus grand possible entre Embiid et le cercle. Pour mettre en place ce mécanisme, plusieurs manières. Nous nous attardons ici sur celui du Pick and Roll avec Tatum et Horford.
La défense des Sixers est déjà mal en point car Maxey s’est retrouvé sur Jayson Tatum. Horford vient poser un écran et la couverture des Sixers est bonne car elle permet à Harden d’aller sur Horford plutôt que Maxey. La force d’une équipe comme Boston c’est qu’elle possède une multitude de joueurs qui peuvent attaquer le mismatch balle en mains face au jeu, ou au poste.
JT cross et drive sur Joël qui est pris de vitesse, Harden monte en aide et là s’ouvrent les portes que Boston cherche à ouvrir avec ce mécanisme. Horford seul sous le panier et deux joueurs dans les corners à trois points. Les Celtics se sont offerts les 3 options les plus rentables de ce sport en quelques secondes.
Deux coachs, deux époques, deux styles
Quand Doc Rivers remportait le trophée de coach de l’année en 2000, Joe Mazzulla découvrait les équations à une inconnue au collège. Quand Doc a intégré la NBA en 1983, Joe n’était même pas né. Au-delà des époques, le style de management, de gestion des matchs et des rotations sont bien différents.
Il sera intéressant de voir comment les coachs s’adaptent, après déjà quatre matchs de saison régulière joués. On ne peut pas donner avec certitudes les starting fives, on ne sait pas quelles seront les match-ups, et il est difficile d’anticiper la gestion des minutes que ces deux coachs proposeront.
Néanmoins, ce sera un test grandeur nature pour ces deux tacticiens sous pression. Joe a probablement le meilleur effectif NBA, Doc Rivers possède un effectif de qualité autour de deux énormes puissances offensives. Joe a l’assurance d’être reconduit l’année prochaine avec son contrat garanti, mais une défaite du Doc viendrait peut être mettre un terme à sa carrière de coach.
Prédictions à la volée
- Si le genou d’Embiid le permet, une pointe à 45 est à venir
- Harden et Smart vont surement s’envoyer des noms d’oiseaux
- Tucker va finir à match à 7/9 dans le corner
- Jaylen Brown va nous gratifier d’un poster dont il a le secret
- Grant Williams jouera plus que contre les Hawks
- Derrick White va briller contre les Siwers
- Jalen McDaniels et De’Anthony Melton vont bien gêner les Jays
- Ça ne sera pas suffisant, 4-2 Boston