Peu auraient pu prédire une telle demi-finale de Conférence Est, et pourtant ce sont bien deux upsets que nous ont offert New-York et Miami au premier tour. Bien sûr, une opposition entre les Knicks 5èmes et les Cavaliers 4èmes laissaient supposer une série serrée, qui n’aura finalement jamais vraiment eu lieu. Comme en saison régulière, les hommes de Tom Thibodeau ont pris le dessus face à ceux d’un J.B. Bickerstaff en manque d’inspiration, et tout suspense s’est rapidement envolé. Qualification en cinq matchs, circulez il n’y a rien à voir, surtout du côté de Cleveland. Cela marque surtout le retour des Knicks au second tour des Playoffs, une première depuis 2013. Tactiquement mieux en place, New York a profité de l’impuissance du duo Garland-Mitchell tout en dominant la raquette grâce à un superbe Mitchell Robinson. Et ce, alors que Julius Randle est plutôt passé à côté de sa série, certainement encore fragilisé après son entorse en fin de saison régulière. Jalen Brunson a confirmé sa superbe première campagne new-yorkaise en s’affirmant comme le meilleur joueur de la série, et sera très attendu face au Heat.
Parlons de Miami, justement. Les hommes d’Erik Spoelstra ont tout simplement réalisé un exploit monumental en éliminant les Milwaukee Bucks. Au-delà de l’immense surprise de voir un “mal classé” sortir le leader au premier tour des Playoffs, c’est surtout dans la manière que le Heat a impressionné. Bien en place, ils ont puni le manque d’agressivité et la suffisance des Bucks match après match. Encore dominés et menés lors du dernier match (16pts de retard à l’entame du dernier quart), Miami a encore su revenir pour arracher une prolongation victorieuse et clore la série. Privé de Tyler Herro, le Heat a pu compter sur un Jimmy Butler stratosphérique, notamment dans un Game 4 historique pour l’arrière (56pts). Un des plus gros upsets jamais vu en NBA tant il fut sec et net, sans aucune place pour le doute.
Le surplus de possession, point clé de l’attaque des Knicks
Pour ceux qui ont vu la série entre Cavs et Knicks, la différence entre les deux équipes au rebond a été flagrante. Les statistiques confirment cette impression visuelle : sur les quelques rencontres de Playoffs, les Knicks ont le meilleur Offensive Rebounding Percentage de la ligue (39,4%). Ils étaient deuxième en Saison Régulière sur cette même statistique (31,8%).
Cette grosse domination au rebond offensive a été réalisée malgré la présence de deux grands (Mobley-Allen). Mais face au Heat, ça ne sera surement pas la même sauce.
Déjà, en saison régulière, le Heat était la 4ème meilleure équipe au rebond défensif, avec 73,3% des tirs captés. A titre comparatif, les Cavs, eux, trustaient la 20è place de ce même classement.
Reste à voir comment le Heat s’adaptera pour bloquer la domination de Mitchell Robinson. Entre Kevin Love (34% de Defensive Rebounding Pourcentage, deuxième joueur sur les playoffs parmi les titulaires) et Bam Adebayo, Miami a deux joueurs expérimentés qui ne se feront pas piégés comme les jeunes intérieurs des Cavs.
Les Knicks sont loin d’être la meilleure équipe offensive de la ligue. Ils ont peu de spacing ( seulement 25% de leurs points viennent de 3 points, avant dernière équipe lors de ces playoffs), jouent beaucoup d’isolations malgré le peu de stars dans l’effectif (3ème de la ligue en terme de possession finissant en isolation derrière Philly et les Clippers, pour une efficacité moyenne de 0.89 points par possession, soit la 10ème équipe sur 16).
Non, les Knicks sont une équipe d’opportunité. Ils sont la 4ème équipe de la ligue en transition lors de cette post-season et la première en terme de putback (quasiment 7% de fréquence, pour 1.11 point par tir).
Réduire les pertes de balles et capter les rebonds sera essentiel face à New York, qui ne shoote pas très bien (avant dernier de la ligue en playoffs au FG%, et dernier au % à 3 points).
Du côté défensif, une question intéressante se posera côté Big Apple. Les hommes de Thibodeau ont fait un choix clair : laisser les shooters (hors Garland – Mitchell) tirer autant qu’ils le souhaitaient. Avec 32% de réussite en 30 tentatives de moyenne dont une bonne partie ouverte pour les Osman, Okoro ou Levert, on peut dire que le plan a été une réussite.
Mais quid d’une équipe du Heat en feu complet ? A 45% longue distance face aux Bucks, Miami est effrayant. Si tenir une telle réussite serait d’une pure insolence, on peut néanmoins prédire qu’ils feront mieux que les Cavs. Quid de ton plan de jeu ? Thibodeau demandera-t-il à ses extérieurs ou les joueurs en mismatch de sortir fermer les possibilités de shoot ? Cela ne découvrirait-il pas l’intérieur de la raquette, permettant à Butler ou Adebayo de s’y régaler ?
Barrett, montée en puissance ou feu de paille ?
En dehors de la série de très haut calibre de Mitchell Robinson, plusieurs new-yorkais ont marqué la série dont RJ Barrett.
La série face aux Cavs aura été une série bipolaire pour RJ Barrett : les 2 premiers matchs ont été assez désastreux, avec beaucoup de shoots compliqués, au point que certains fans se questionnaient sur la possibilité d’intégrer Josh Hart au 5 de départ. Puis, lors des 3 rencontres suivantes, le jeune canadien a réussi a conclure près du cercle malgré la présence des bigs, le mettant ainsi en confiance et lui permettant de rentrer quelques shoots mid-range. Pour se faire, pas de secret : puissance, vitesse et quelques points faciles en transition.
Dans un très bon thread, @bergkamp_penny revient sur les facteurs de cette transformation, et notamment le fait de devoir amplifier un décalage, et non plus devoir le créer lui même.
La question qui se pose est de savoir sa fiabilité si le Heat ne choisit pas de défendre comme Cleveland. Malgré ses derniers bons matchs, il peut passer complètement au travers longue distance (0 sur 6 lors du game 4). Que se passera-t-il si Barrett n’a plus ses décalages créés auparavant pour attaquer le cercle ?
Jalen Brunson, nécessaire en attaque, ciblé en défense ?
Si Barrett a eu autant de place lors de la fin de la série face aux Cavs, c’est bien car les Cavs devaient trouver une solution pour contenir Jalen Brunson. Deuxième plus gros usage de l’équipe (28%, derrière les 29% de Randle), le meneur arrivé cet été a transfiguré l’équipe. Pour la première fois depuis longtemps, New York tient entre ses mains un vrai ball handler, capable de se créer des shoots mais aussi de faire les bons choix.
Gros joueur de pick’n roll, ce dernier a été la cible de nombreuses prises à deux. Intelligemment, il s’en est souvent sorti, pour offrir des points faciles aux new-yorkais.
Si la mire n’est pas encore réglée longue distance (29% sur la série), sa capacité de drive et son shoot mi-distance sont létaux et offrent un champs de possibilité bien plus grand que lors de la série de 2021 face aux Hawks.
Jalen Brunson est le baromètre new-yorkais. S’il ne fait pas sa série, nul doute que les chances des Knicks sont maigres.
Car de l’autre côté, il y a fort à parier que Butler cherchera le mismatch à tout pris contre lui. Si Brunson n’est pas horrible défenseur, il pourrait se retrouver rapidement en foul trouble comme lors du game 1 à Cleveland. Et face à un monstre comme Butler, ca coutera cher.
Stopper Jimmy Butler : mission impossible ?
En feu complet depuis le début de la post-season, Jimmy Butler semble être un casse-tête incommensurable. Peu importe la taille et la qualité de son vis-à-vis, Jimmy a été d’une insolence indécente. Opposé à des Bucks qui pouvaient envoyer des joueurs de calibre DPOY pour se relayer à la tâche, Butler a simplement tué toute opposition en enchaînant drives et paniers qui ne sont, pourtant, pas forcément de son registre. Tirs longues distances, pull-ups à 2 ou à 3pts, Jimmy Buckets a martyrisé une des meilleures défenses de la ligue. En individuel comme en collectif.
Face aux Knicks, Jimmy devrait être défendu par Grimes s’il est revenu de sa blessure et Josh Hart. Comme avancé précédemment, son objectif prioritaire va être de se trouver le plus souvent possible face à Brunson, afin de tirer profit de son avantage physique flagrant.
En plus de sa réussite incandescente (plus de 50% au shoot sur les 5 rencontres, dont un pic à quasiment 68% lors de sa performance exceptionnelle du game 4), Butler est aussi un gros provocateur de lancers. 7è en nombre de lancers provoqués sur la saison régulière, il est monté à la deuxième place grâce à la série face aux Bucks (quasiment 10 lancers provoqués par soir en moyenne). Une donnée très importante quand on connait l’ancienne propension de Mitchell Robinson à prendre des fautes de façon idiote (même si c’est un lointain souvenir, attention à ne pas replonger).
Enfin, Butler est spécial pour un autre aspect non quantifiable. Il est l’un de ces joueurs transcendés par les évènements de ce calibre. Il semble possédé, et sait transmettre cette énergie à un groupe qui le suit. C’est un vrai chef de meute, capable d’amener ses hommes jusqu’au bout de leur force. Il ne relâche pas son effort et ce jusqu’à la dernière seconde. Climatiser le MSG doit être une case à cocher dans sa vie de joueur professionnel.
La profondeur des effectifs et le coaching
Après avoir évoqué Brunson et Barrett, il est important de faire un point sur les forces en présence. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les blessures prennent une place prépondérante dans la préparation de la série.
Côté Knicks, Randle s’est (re)blessé à la cheville lors de la dernière rencontre à Cleveland, et Quentin Grimes est quant à lui absent depuis le game 3. A l’heure où ses lignes sont écrites, ils sont notés comme questionnable pour la première rencontre de la série.
Côté Heat, la situation est plus grave. Les Floridiens ont perdu Oladipo et Herro en début de série face aux Bucks, et ce pour le reste des playoffs.
Pour remplacer les minutes des deux arrières (35min par match pour Herro en 67 rencontres et 25 pour Oladipo en régulière en 42 rencontres), le Heat s’est donc retrouvé obligé de faire jouer plus que prévu certains seconds couteaux. C’est notamment le cas de Duncan Robinson ou Gabe Vincent.
Ces derniers parviendront-ils à maintenir un niveau suffisamment important sur une autre série décisive ?
L’avantage du groupe du Heat est son expérience. Entre Butler, Lowry, Adebayo ou Love, Miami a de quoi gérer les moments chauds. Fourni en leaders, cette équipe saura driver les jeunes mis sur le devant de la scène par les blessures des deux arrières précédemment nommés.
Mais face à eux, ils auront affaire à l’un des meilleurs bancs de la ligue. Si Randle et Grimes sont bien aptes, les Knicks partiront sur une rotation à 9 avec Quickley – Hart – Toppin – Harstenstein en sortie de banc. Les entrées de ces joueurs sont souvent dévastatrices, et nul doute que ces derniers seront d’une importance capitale face au Heat.
Mais Erik Spoelstra est l’un (si ce n’est le) meilleur coach de la ligue. Si Thibodeau a fait quelques ajustements intéressants et inattendus lors des rencontres précédentes (bench Julius Randle), Spo ne sera pas aussi passif que Bickerstaff et saura réagir à la moindre modification tactique du coach new-yorkais.
Le Heat peut-il maintenir cette adresse ?
Le Heat a terminé 7eme de cette saison régulière, avant de chuter au Playin face aux Hawks. Tout au long de la saison, ce groupe a cherché à retrouver ses sensations de la saison passée. D’un des groupes les plus adroits à longue distance durant la dernière campagne, le Heat est devenu une équipe à l’adresse en dents de scie et souvent décevante. Ils ont shooté à 34,4% à 3pts cette année (27eme pourcentage de la ligue), un désastre pour le 1er de la Conférence Est l’an passé, qui vivait de sa capacité à punir l’adversaire.
Pourtant, lors du premier tour, dans un sursaut soudain, l’équipe s’est mis à allumer de toutes parts (45% de loin pour +34 tentatives par match !), fendant la défense des Bucks et s’étonnant proprement elle-même de sa propre performance. Un joueur mis au placard comme Duncan Robinson appelé au pied-levé a été incandescent et derrière cette sur-performance collective, ils ont pu chercher l’upset sans trembler.
Mais est-ce que cette fièvre soudaine était un déclic, ou est-ce qu’elle risque de retomber lors de ce prochain tour ?
Si la réalité se trouve entre les deux, alors nous risquons de voir Miami revenir dans des standards plus soutenables face aux Knicks. Et cela pourrait compliquer la tâche d’une équipe qui manque de création offensive derrière Jimmy Butler.
Qu’attendre de cette série ?
Quel plaisir de retrouver de telles franchises à ce stade de la compétition ! Ce duel sent bon les 90’s et les mythiques séries de l’Est. Après deux upsets plutôt tranquilles car pliés en 5 rencontres, les deux équipes vont partir en guerre.
Elles sont dans des situations paradoxales : les Knicks, 4è offensive rating de saison régulière, ne sont plus que 13è lors de cette post-season. A contrario, ils ont le meilleur rating défensif, ce qui était loin d’être le cas toute la saison.
Même chose pour le Heat : 1er rating offensif lors de ces playoffs, ces derniers trustaient la fin du classement lors de la régulière.
Avec un échantillon si petit, il faut prendre ces données avec des pincettes : elles sont autant le fruit de circonstances particulières que de match-ups propices. Mais cela montre que les deux équipes peuvent surprendre et sont prêtes à dépasser les espérances placées en elles avant le début des Playoffs.
Aucune des deux franchises n’étaient pressenties pour jouer une finale de conférence. Et pourtant l’une d’entre elles y sera.
Profitons donc d’un Garden en fusion, d’un Butler insultant la salle dans son ensemble, d’un Spoelstra au sommet de son art et d’un Hart plein de cœur et de persévérance. Profitons de cette belle série, et gloire au vainqueur.