On peut dire qu’on les prend déjà pour acquis, mais voir les Boston Celtics finir 2e de la conférence Est n’a surpris personne. Pour la franchise du trèfle, la saison régulière aura été un long fleuve plutôt tranquille : une continuité dans la performance, dans le top 5 défense et dans le top 5 attaque de la ligue, un léger creux autour du All Star break, et une bonne fin d’exercice pour arriver en avril sur la dynamique escomptée. Dès lors, l’objectif affiché est de retourner en Finales NBA.
Sur leur route, pas de Miami Heat, mais bien les Hawks. Spécialiste du play-in, l’équipe de Géorgie n’était pas favorite pour son déplacement chez le voisin Floridien. Pourtant, elle a su exécuter parfaitement et remporter cet affrontement au couteau sur le score de 116 à 105. Les Hawks ont eux aussi été réguliers cette saison, mais réguliers dans la médiocrité : avec un bilan à l’équilibre de 41 victoires pour 41 défaites, difficile d’espérer mieux qu’un play-in.
Alors, emballé c’est pesé, victoire des Celtics ? Pas si vite ! Si Boston est clairement le favori sur le papier, une série n’est jamais jouée à l’avance, et il y a quelques axes qui méritent un focus avant le premier entre-deux.
Les Hawks sont-ils en mesure de se sublimer ?
À l’instar du rugby et du handball notamment, au basketball, sans blessures ou autres faits de jeu, la meilleure des deux équipes l’emporte disons 9/10 fois. Les Celtics sont meilleurs que les Hawks, toutes les stats avancées le confirment, tandis que les deux bilans et les différentes impressions visuelles accentuent encore cet écart latent. C’est un fait.
Pourtant, quand on se penche plus en profondeur sur cette équipe d’Atlanta, on se rend qu’il ne sont finalement pas si réguliers que ça, et même que c’est leur irrégularité chronique qui équilibre leur bilan général : ils sont capables de vaincre deux fois Milwaukee par plus de quinze points d’écart, de maltraiter le Heat lors du play-in et de poser un +32 à Phoenix, et, dans le même temps, de se prendre des come-backs impensables contre Charlotte, San Antonio et Washington.
La question à poser est : sont-ils inconstants par nature, et leur niveau de performance varie sans qu’ils puissent avoir une incidence dessus, ou bien les Hawks peuvent-ils se montrer sérieux et appliqués plusieurs rencontres de suite ? Autrement dit, le véritable niveau se situe davantage vers les performances plancher ou vers les performances plafond ?
Deux éléments de réponse, un de nature à rassurer les fans de la franchise de Géorgie, l’autre beaucoup moins. Tout d’abord, le changement de coach, avec l’arrivée de Quin Snyder, semble avoir fait du bien au niveau de l’état d’esprit des joueurs : l’attaque tourne aussi bien, il y a davantage d’efforts défensifs (Trae Young montre d’ailleurs l’exemple et a progressé dans ce domaine), et moins de polémiques stériles autour de MacMillan, John Collins, le leadership de Trae Young ou que sais-je… Le groupe vit mieux, l’alchimie est meilleure et, même si cela ne s’est pas réellement traduit dans les différents rating et dans le bilan collectif, on sent que les Hawks sont sur la pente ascendante et un peu plus sérieux.
Hélas, historiquement en NBA, il y a assez peu de bouton on/off ou d’électrochoc miracle. Les Hawks, malgré leur envie de bien faire et de retourner en play-offs, n’ont ni aligné des séries de victoires, ni rassuré grand monde. Ce n’est pas par l’opération du Saint-Esprit et du nouveau pouvoir de l’amitié qu’ils vont subitement devenir de redoutables contenders et regarder droit dans les yeux l’ogre Celtics. Comme la NBA est plus proche de la comédie dramatique que du shonen, il y a peu de chances que les Hawks se révèlent comme une attaque all-time et une lockdown défense, alors que rien ne nous y a préparé jusqu’à présent, pendant 83 matchs.
La probabilité la plus vraisemblable est qu’ils restent une équipe plus solide que sous MacMillan, mais toujours inconstante, dépendante du génie de Trae Young, et friable en défense. Dans tous les cas, s’ils veulent ne serait-ce qu’espérer un minimum dans cette série, il faudra à cette équipe d’Atlanta se sublimer. Sinon, cette série se finira en quatre ou en cinq rencontres.
Comment les Celtics pourraient s’occuper du cas Trae Young ?
Depuis son arrivée en Géorgie, Trae Young est l’alpha et l’oméga des Atlanta Hawks : le joueur qui est capable de les amener vers les sommets, comme lors des play-offs 2021, ou d’être le premier à saborder le navire rouge et blanc, comme lors des play-offs 2022. L’équation a souvent été vérifiée : si Trae Young est dans un bon soir, les Hawks le sont aussi, puisqu’il est capable de tracter tout Atlanta dans son sillage avec son génial playmaking. Le meneur de poche est un peu moins héliocentrique depuis l’arrivée de Dejounte Murray, il est passé de 33 à 31% de taux d’usage, tout en augmentant son volume de passes décisives de 9.7 à 10.2 par rencontres. Trae Young est donc devenu plus efficace cette saison à la passe, mais a perdu son viseur à longue distance (chute de 38 à 33% à 3 points). La menace étant clairement identifiée par tous les coaching staff NBA, comment les Celtics pourront le défendre ?
Je vois disons deux méthodes, radicalement différentes dans leur conception comme dans leur application. Tout d’abord, agir comme lors des trois confrontations de saison régulière, qui se sont toutes soldées par de nettes victoires des Celtics, c’est-à-dire …ne rien faire de particulier sur Trae Young, mais bloquer ses différentes lignes de passes. En gros, le pousser à jouer les 1 vs 1, parier sur sa mauvaise saison derrière la ligne à 3 points, tenter de l’amener à prendre des tirs difficiles et l’empêcher qu’il mette son playmaking au service du collectif. Cette technique a fonctionné : Trae Young a tourné à 32 points de moyenne sur les deux rencontres qu’il a disputées face à la franchise du Massachussetts, mais les Hawks ont pris un -10 et un -25 dans les dents : les autres joueurs présents côté Atlanta ayant toutes les peines du monde à s’exprimer.
Dans cette configuration, à moins que Trae Young ne soit dans un soir d’adresse folle et plante 60 points, difficile d’envisager la victoire. J’aurais plutôt tendance à penser que ce sera cette première méthode qui sera appliqué : elle a porté ses fruits et elle est moins énergivore que la seconde.
En effet, la seconde méthode est celle qu’a employé le Miami Heat lors de sa série contre les Hawks en 2022, c’est-à-dire placer Trae Young en prison et l’étouffer au maximum pour le forcer à lâcher la balle. Les Celtics ont les joueurs pour faire vivre au meneur d’Atlanta un enfer digne de la fournaise Floridienne de la saison passée. Avec des gardiens de prison comme Marcus Smart, Derrick White ou Malcolm Brogdon, voir Jaylen Brown, capables de le harceler, de le prendre à deux, de le presser tout terrain pour l’empêcher un maximum de scorer et de distribuer au mieux la gonfle. Si Boston est parvenu à museler Kevin Durant l’an passé, avec un harcèlement de tous les instants, les mêmes ingrédients défensifs sont en mesure d’être remis pour un profil plus petit et globalement moins menaçant.
À titre personnel, je ne pense pas que cette option soit utilisée la majeure partie de la série : trop énergivore pour un premier tour, trop de joueurs concernés, une obligation de s’adapter au jeu de l’adversaire au lieu d’exécuter un plan de jeu que l’on sait déjà efficace. En revanche, par séquences, notamment dans les éventuels moneytime, c’est une méthode qui pourrait voir le jour. Les Hawks sont loin d’être l’équipe la plus clutch de la Ligue, et faire dérailler leur chef d’orchestre est une façon sans doute définitive d’abattre le faucon géorgien.
La défense des Hawks face à la 5 out offense des trèfles
En statistiques brutes, Boston est la quatrième meilleure attaque de la saison régulière. Impulsée par ses deux leaders, Jayson Tatum et Jaylen Brown, qui ont tous les deux réalisé leur meilleure saison en carrière au scoring (30 points de moyenne pour JT et 26.5 pour JB), l’attaque de Boston pourrait vite devenir un casse-tête difficilement soluble pour les Hawks, 9e pire défense de la Ligue.
Quand on analyse un peu plus en détail le schéma défensif global des faucons, on se rend compte de trois choses : le premier rideau est trop facilement battu, ce qui offre un accès au cercle pour tous les joueurs agressifs ; l’intensité et l’envie de défendre ne sont pas toujours au rendez-vous, et les ailiers adverses se régalent sans cesse avec les espaces laissés par la présence d’un défenseur moyen que l’on tente de cacher sur les ailes (Trae Young ou Bogdanović souvent). Clint Capela est un excellent rebondeur et un bon protecteur d’arceau, mais il ne peut rien faire face aux joueurs beaucoup plus mobiles que lui et une particularité de l’attaque des Celtics pourrait complètement l’handicaper : le 5 out.
Ce n’est pas un hasard si la match-up Hawks réussit énormément aux Celtics, car ils ont les systèmes et le personnel offensif pour poser de gros dégâts à la défense des faucons. Boston est une équipe adepte du 5-out, c’est-à-dire de laisser ses cinq joueurs derrière la ligne à 3 points et de favoriser la circulation de balle rapide pour créer des décalages. Ainsi, Boston va soit chercher le mismatch pour attaquer vers le cercle, soit avoir des tirs à trois points ouverts. Shoot it, move it or attack it.
Avec des joueurs intelligents, biberonnés par le Brad Stevens basketball, comme Tatum, Brown ou Smart, ou bien avec les derniers arrivés, qui s’adaptent facilement à des systèmes complexes, comme Brogdon, c’est un enfer à défendre, même pour les bonnes équipes. Ce que ne sont pas les Atlanta Hawks.
Cette attaque sera d’autant plus efficace face aux Hawks qu’il y a sur le parquet généralement au moins deux défenseurs middle. Ce 5 out est d’autant plus létal sur Capela, qu’il force soit à quitter son poste bas, et a déserter la raquette, par exemple pour défendre un Horford ou un Grant Williams qui peuvent stretch, soit à défendre en infériorité numérique.
Si l’attaque de Boston est une mauvaise nouvelle pour Capela, elle l’est en réalité pour Atlanta tout entier. Que faire ? Peu de solutions s’offrent à la franchise géorgienne, si ce n’est d’essayer de choisir un maximum son poison, c’est-à-dire les joueurs par qui elle veut se faire punir, pour ainsi jouer sur les statistiques avec les joueurs les moins 5 out compatibles de l’effectif, comme Robert Williams. Sinon, l’option de faire jouer davantage Okongwu, plus mobile que Capela, voire pourquoi pas un 5 small ball avec John Collins en 5, et des ailes physiques avec Jalen Johnson et De’Andre Hunter. À voir vers quelle option Quin Snyder choisira de se tourner, mais la marge d’erreur est limitée, sous peine de se faire exposer.
Qu’attendre de cette série ?
Vous l’aurez compris, à la lecture de cette preview, je crois beaucoup plus aux Celtics qu’en les Hawks. Boston est une équipe constante, sans grosses variations de performances, et l’on peut deviner qu’elle exécutera son plan de jeu habituel et fera les bons choix pour s’adapter à la match-up Atlanta. La franchise de Géorgie, à l’inverse, est l’inconstance incarnée, ce qui la rend un peu moins prévisible dans la performance, mais ses qualités et ses défauts sont connus de tous. Les alternatives pour s’extirper de l’étau des Celtics semblent limitées.
J’attends et j’espère à minima de retrouver des Hawks aussi sérieux que lors de leur match de play-in, sinon c’est le sweep assuré, et je serais surpris de ne pas voir une équipe des Celtics exécuter comme à son habitude et dominer son adversaire. L’écart de niveau semble trop important pour que l’on ait une série qui dure plus de cinq rencontres. Sur leur lancée de leur succès à Miami, Atlanta peut prendre le Game 1, ou bien leur premier match à domicile, mais j’ai la plus grande peine du monde à les imaginer remporter un second match, ou même faire durer la série, voire de la gagner.
Après, si l’on connait globalement les Celtics, et que l’on sait à quoi s’attendre avec la franchise du trèfle, l’inconstance des faucons pourrait faire retomber la pièce du bon côté, les faire exister dans les rencontres et nous apporter quelques matchs serrés. L’issue la plus rapide serait un sweep des Celtics, avec de possibles blowout, et le scénario réaliste le plus long serait un 4-1 avec des matchs plus accrochés que le score le laisse penser, voire un 4-2 selon les aléas, mais pas davantage.
Aux Hawks de me faire mentir et aux Celtics d’asseoir leur statut de favori !
Tellement bien écrit ! Quel talent !