Ils l’ont fait. Après 17 ans d’absence les Kings retrouvent les Playoffs, brisant la plus longue série en cours dans le sport américain. Des années de galère pour les fans de Sacramento, minés par les erreurs de leur franchise et les moqueries du reste de la NBA. Et alors que beaucoup s’interrogeaient sur l’intérêt du trade envoyant le chouchou Tyrese Haliburton à Indiana pour récupérer Domantas Sabonis, les hommes de Mike Brown ont déjoué tous les pronostics cette saison. Sur un nuage, très plaisants à voir jouer et sérieux chaque soir, les Kings ont déroulé sans jamais flancher, pour accrocher une sublime 3ème place à l’Ouest. La surprise n’a d’égal que la joie des fans, qui connaitront leurs premières joutes de postseason au Golden 1 Center. La série débutera même à Sacramento, l’avantage du terrain revenant aux coéquipiers de De’Aaron Fox.
Ironie du sort, la franchise qui a connu la plus longue disette ces dernières années, se retrouve face à celle qui a dominé la ligue et créé l’une des dynasties les plus victorieuses. Champions en titre, les Warriors n’ont pas vécu une saison tranquille après leur triomphe la saison dernière. Malgré un effectif toujours stable, les blessures ont quelque peu miné la régulière de la bande à Steph Curry. A commencer par le meneur lui-même, blessé en février. Malgré certaines incertitudes, Golden State pourrait débuter cette série au complet, et cela changerait beaucoup de choses.
Querelles de voisinage
La première particularité de ce duel réside dans la proximité de ses opposants. San Francisco – Sacramento, c’est environ 140km pour 1h30 de trajet en voiture. On peut sans exagérer parler de voisins dans cette ligue, tant les distances à parcourir sont parfois importantes en NBA. Un vrai problème pour les Warriors cette saison d’ailleurs, en grandes difficultés hors de leurs bases. Avec un bilan de 11 victoires pour 30 défaites à l’extérieur, Golden State était tout simplement sur le podium des pires équipes en déplacement dans la Conférence Ouest, et la 4ème plus mauvaise en NBA. Ce qui n’a pas empêché les hommes de Steve Kerr de terminer 6ème à la faveur d’une dernière victoire contre Portland, et surtout en étant imprenables à domicile (33-8, seuls les tricheurs de Denver et leur altitude faisant mieux). Après l’ultime match face aux Blazers, les Dubs semblaient d’ailleurs ravis d’être opposés aux Kings, évoquant cette proximité géographique comme un soulagement.
A l’inverse, Sacramento est dans la moyenne lorsqu’il s’agit de défendre ses bases, mais excelle à l’extérieur (25-16). Il sera donc intéressant de voir si le rapport de force s’équilibre, à la fois par les tendances des deux équipes mais surtout par la quasi absence de toute contrainte logistique. Il est également possible de voir les fans profiter de cette proximité pour envahir l’arène adverse et ainsi jouer un rôle dans cette série.
Rappelons également que les deux équipes se sont affrontées à quatre reprises cette saison, partageant évidemment la même division. Si Sacramento a régné en maitre sur le Pacifique, c’est Golden State qui l’a emporté par trois fois face aux Kings. Cependant, ces oppositions ayant pris place en tout début de saison et après la qualification acquise haut la main par Sacto en avril, il est difficile de se fier à ces rencontres et de tirer des conclusions.
Mimétisme offensif
Handoffs à tout-va
Nous allons voir deux des meilleures attaques NBA s’affronter lors de cette série. Mieux, les Kings ont tout simplement réalisé le meilleur Offensive Rating de l’histoire (118,6) en chiffres bruts. Les deux équipes évoluent souvent dans un registre similaire, malgré un rythme assez différent. La PACE des Kings se situe dans la moyenne haute de la ligue, tandis que Golden State mène encore la ligue quant il s’agit de vitesse de jeu (102,5). Du côté de Sacramento, le rythme est plutôt décomposé en deux tendances : d’une part, la capacité à jouer demi-terrain autour de Sabonis – nous y revenons ci-dessous ; de l’autre, une forte propension à attaquer en transition (20,3% de leurs possession), grâce notamment à la vitesse dévastatrice de Fox. Mike Brown, longtemps assistant chez les Warriors, a clairement décidé d’implémenter des préceptes similaires depuis sa prise de fonction à Sacto, avec quelques singularités adaptées à ses troupes. A savoir une attaque peu basée sur les pick-and-rolls, mais plutôt sur un playmaking “central” entouré de tireurs extérieurs et de slashers.
Avec des profils tels que Fox, Sabonis, Huerter ou encore Keegan Murray, le mouvement rapide et le shoot extérieur autour du pivot lituanien seront la base du jeu des Kings. Domantas joue un rôle similaire à celui de Draymond Green, en tant que facilitateur offensif et jouissant même d’une qualité de scoring que l’ailier-fort des Warriors n’a jamais vraiment eue. Souvent utilisé en dribble hand-off pour libérer des espaces à Fox et Huerter, Sabonis est l’un des meilleurs bigs passeurs de la ligue et réalise une sublime saison après son transfert d’Indiana. Indispensable au bon fonctionnement de l’attaque des Kings, il peut être une clé de la série et les Warriors auront des ajustements à faire pour limiter son rôle. Sacramento est d’ailleurs la seconde meilleure équipe lorsqu’il s’agit d’attaquer sur demi-terrain. Ce point d’ancrage et le mouvement constant sont donc, bien sûr, également la marque de fabrique des Warriors. Preuve par les statistiques : les deux franchises sont sur le podium des équipes réalisant le plus de possessions en handoff (Kings : 10,2 ; Warriors : 8).
Feu à volonté
Le tir extérieur sera d’ailleurs un aspect essentiel de cette série. Golden State détient toujours la meilleure paire de shooters NBA avec Curry et Thompson, deux monstres de mouvement loin du ballon. Les Kings possèdent désormais eux aussi deux excellents shooters avec Huerter et le rookie Keegan Murray, tous deux à plus de 40% derrière l’arc cette saison avec plus de 6 tentatives chacun. Ces 4 hommes font partie des 20 joueurs ayant inscrit plus de 200 tirs à 3pts cette saison, et l’on peut ajouter Poole côté Warriors.
D’un point de vue collectif, une fois n’est pas coutume, Golden State pointe toujours en tête de la NBA en nombre de tirs extérieurs pris et inscrits. Et à la seconde place au pourcentage de réussite. Les Kings font également partie des bons élèves lorsqu’il s’agit de prendre ces tirs, mais moins quand il faut les défendre, accordant plus de 37% de réussite à leurs adversaires.
Et la défense dans tout ça ?
Justement, c’est bien ce secteur qui risque d’être déterminant sur ce premier tour. On l’a dit, Sacramento n’a jamais mis cet aspect au cœur de ses préoccupations cette saison (24ème defensive rating). Étonnant quand on se souvient que Mike Brown était considéré comme un facteur essentiel dans les progrès défensifs à Golden State lorsqu’il y était assistant. Côté Warriors, ce fut assez moyen (14ème defensive rating) et marqué par des errements peu habituels, notamment sur les lignes extérieures. On y reviendra, mais les absences prolongées d’Andrew Wiggins et du revenant Gary Payton II ne sont pas étrangères à cette baisse de régime défensive.
Face à des attaques faites de circulation de balle et de mouvements, il sera crucial de bien organiser ses rotations et limiter les options offensives. Les deux équipes dominent la ligue en termes de passes décisives, que ce soit en moyenne par match ou en pourcentage de paniers provenant de celles-ci. En revanche, une grande différence sépare Kings et Warriors : la propension à perdre des ballons. Avec leur jeu rapide, les coéquipiers de Curry sont avant-derniers de la ligue avec près de 16% de turnovers, tandis que Sacramento figure parmi les bons élèves (6èmes, 13,3%). Si les Kings gardent les mains actives et leur attention au maximum, ils pourront profiter de ces erreurs et ainsi sanctionner en transition, comme ils l’ont si bien fait cette saison.
Comme expliqué, le mouvement off-ball est une clé offensive pour les deux équipes, avec des shooters naviguant entre les multiples écrans et les double handoffs pour trouver des positions favorables. Le défi sera encore plus grand pour les Kings face à des maitres en la matière, Stephen Curry en tête. Côté Warriors, la difficulté majeure pourrait venir de Sabonis. Facilitateur à l’image de Draymond Green, le pivot est également capable de profiter des mismatchs pour scorer, notamment en isolation. Mike Brown a quelques systèmes en place pour permettre à Sabonis d’opérer au poste bas et de sanctionner si l’adversaire le permet. Une manière pour les Kings de punir le switch, dont les Warriors ne pourront donc pas abuser, au risque de donner un avantage de taille à Sabonis.
Pour les deux franchises, la défense poste haut sera essentielle, particulièrement sur les nombreuses phases de handoffs. Cela requiert une concentration élevée, et surtout une communication parfaite pour coordonner les éventuels changements. A ce petit jeu, les deux équipes n’ont pas particulièrement brillé tout au long de la saison. Et s’il est plus difficile de voir les Kings passer un cap soudainement en Playoffs, les Warriors devraient profiter de deux retours potentiellement décisifs : Andrew Wiggins et Gary Payton II. Le premier vient de manquer plusieurs semaines à cause de problèmes personnels, tandis que le second est revenu blessé à Golden State après quelques mois passés à Portland. Deux éléments clés dans le titre acquis par les Dubs la saison dernière, qui débloquent un potentiel défensif bien plus élevé pour les poulains de Steve Kerr. Que ce soit sur l’homme ou off-ball d’ailleurs.
Pas le même casting
Le duel Green – Sabonis sera également à surveiller, tant Draymond peut – encore – changer la donne de ce côté du terrain. Coordinateur exceptionnel, son intelligence de placement en fait l’homme idéal pour défendre cette position centrale entre le porteur de balle et la solution de handoff. Globalement, si l’on regarde les match-ups, l’avantage semble clairement donné à Golden State. Les Warriors disposent d’individualités capables de répondre aux meilleurs éléments offensifs des Kings. On verra notamment DiVincenzo, Payton et Wiggins se relayer pour défendre l’intenable Fox. D’où l’importance capitale de l’état de santé des derniers cités. Côté Sacramento, il est plus difficile d’imaginer une progression. Les efforts sont présents, mais le problème semble bien venir du matériel défensif à disposition de Mike Brown.
Les Kings manquent de véritables two-ways players, avec le seul Harrison Barnes comme ailier polyvalent. Keegan Murray, malgré son potentiel physique, est encore tendre et prompt aux erreurs de concentration. Kessler Edwards et surtout Davion Mitchell sont de bons défenseurs, mais trop pénalisants pour leur équipe offensivement. Mike Brown sera-t-il contraint de sacrifier une partie de sa puissance de feu pour élever le niveau défensif de son effectif ? D’autant que Sacramento n’est pas une référence lorsqu’il s’agit de protéger le cercle non plus. Laissant ainsi de nombreuses possibilités aux Warriors, et une forte responsabilité dans les mains de Fox et Huerter pour défendre sur les lignes extérieures. Là encore, la polyvalence de Wiggins pourrait poser de vrais problèmes aux Kings, l’ailier étant capable d’agresser le cercle comme de jouer au large. Sabonis n’est pas une présence suffisante à l’intérieur, et si Golden State parvient en plus à le forcer à s’écarter…
Les forces en présence
La death lineup des Warriors aux commandes ?
Si l’on compare les forces en présence, les présences de Wiggins et Payton semblent donner un net avantage aux Warriors, notamment pour les raisons évoquées précédemment. Surtout, le retour – en forme – de l’ailier permettrait à Steve Kerr d’aligner sa lineup phare, celle qui domine la ligue : Curry – Thompson – Wiggins – Green – Looney.
Ce cinq dévastateur domine ses opposants de presque 22pts cette saison, loin devant les autres lineups ayant joué plus de 200 minutes ensemble. Très complète des deux côtés du terrain, elle permet un large éventail de possibilités en attaque et de couvertures défensives (meilleure attaque et 5ème défense parmi ces 41 lineups). Le banc des Kings faisant partie des bons élèves cette saison, il sera essentiel pour Sacramento de rester au contact lorsque les titulaires seront en place, notamment en début de match et lors des fameux 3èmes quart-temps bien connus des Dubs. Les remplaçants pourraient donc avoir une importance notable dans la série, pour faire basculer une rencontre ou permettre des rotations et ajustements critiques.
L’expérience comme possible balance
Pour leur retour en Playoffs, les Kings auront donc fort à faire en affrontant non seulement le champion en titre, mais également le coeur d’une dynastie historique en NBA. Les Dubs sont plus qu’habitués aux joutes d’avril, et l’expérience sera très clairement de leur côté. Que ce soit les joueurs ou Steve Kerr, tous connaissent l’exigence – notamment défensive – des Playoffs et la pression qui en découle.
Il sera très intéressant d’observer les comportements du côté des Kings. Mike Brown a connu de grandes campagnes, notamment en tant qu’adjoint de… Steve Kerr. Il a même remplacé ce dernier en 2016-2017, menant les Warriors à un bilan exceptionnel jusqu’aux finales et le retour de Kerr. Il aura la lourde tâche d’inculquer à son groupe inexpérimenté la mentalité nécessaire pour tenir dans une série. A ses côtés, Barnes sera un relais précieux. L’ailier a connu la victoire avec les Warriors – encore eux – avant de rejoindre Sacramento. Cependant, le duo star des Kings n’a que peu de vécu en Playoffs : 13 matchs seulement pour Sabonis (il faut remonter à 2019 avec Indiana) et aucun pour De’Aaron Fox. Le pivot sera donc scruté, lui qui sera un facteur déterminant dans le jeu des siens. Fox, de son côté, pourrait bien s’inscrire dans la lignée des extérieurs qui explosent en Playoffs, à l’image de Donovan Mitchell ou Jamal Murray ces dernières années. On espère un superbe duel de meneurs entre lui et Steph Curry.
Qu’attendre de cette série ?
Du spectacle, de l’attaque à tout-va, évidemment. Les deux équipes ont développé, depuis plus ou moins longtemps, un ADN offensif plaisant pour tous les amoureux de balle orange. Nul doute que cette série nous offrira des matchs à ne pas manquer, et de superbes séquences à décortiquer. Avec de nombreuses stars présentes, les coups de chaud devraient être au rendez-vous, notamment du côté des meneurs.
Le véritable enjeu se situera donc de l’autre côté du parquet. Il faudra être capable de casser le rythme par moment, et surtout de générer des stops défensifs critiques. Idéalement, chaque équipe cherchera à limiter les bonnes positions de tirs tout en verrouillant l’accès au panier dans le cœur du jeu. Il sera très intéressant de voir s’affronter deux idées de jeu similaires sur l’ensemble d’une série, et d’en comparer les efficacités. Kerr et Brown auront certainement des ajustements à réaliser au fil des matchs, même si les match-ups ne sont pas vraiment le premier aspect à observer. C’est aussi ce qui crée l’attente et l’engouement autour de ce duel : ce sont bien deux collectifs qui s’opposeront, plus qu’une somme d’individualités. Attention tout de même, car les Playoffs sont souvent le terrain de jeu préféré des superstars, à qui peut revenir l’issue de matchs cruciaux. Les Warriors l’ont montré par le passé, notamment avec Curry et Thompson, mais Sacramento a également des arguments à faire valoir et l’on attend avec impatience de voir Fox à l’œuvre.
Après leur superbe saison, cela fait presque mal au cœur de poser Golden State en favori de cette série. Pourtant, si les Dubs sont au complet et en forme, leur expérience et la présence du duo Wiggins/Payton pourraient faire pencher la balance en leur faveur. Les matchs à domicile seront cruciaux, et l’enjeu sera donc de taille dès le premier soir au Golden One Center. Comme souvent, les deux premières rencontres donneront le ton pour la suite de la série, et Sacramento devra être très solide et confirmer les difficultés à l’extérieur de Warriors habitués aux come-backs en postseason.
Probabilité de victoire :
Sacramento Kings : 50%
Golden State Warriors : 50%