A quelques mois du début de saison, l’OKC Thunder a eu de bonnes raisons de tirer la gueule. Alors que la franchise s’apprêtait à prendre son envol et attendait avec impatience de voir Chet Holmgren faire ses premiers pas en NBA, la nouvelle tombait : Le numéro 2 de la draft 2022 allait vivre une saison blanche et ne serait rookie qu’en 2023.
De quoi doucher l’enthousiasme d’une saison à venir et freiner la curiosité autour de l’équipe. Pour autant, la franchise possèdait toujours un vivier de joueurs intéressant, et tout le loisir de tester des jeunes prospects à foison. Mais s’il y avait une raison d’aborder la saison avec entrain, elle s’appelait évidemment Shaï Gilgeous-Alexander.
Arrivé au Thunder il y a 3 ans, dans l’échange de Paul George parti aux Clippers, l’arrière a rapidement fait forte impression. Après une saison ambitieuse autour de Chris Paul, la franchise d’Oklahoma City a entamé sa reconstruction et donné les pleins pouvoirs à SGA. Après deux saisons de hautes volées, mais écourtées par des absences et sous les couleurs d’une équipe désireuse de prioriser la draft, nous attendions avec impatience de le voir lâcher les chevaux.
Après un peu moins de 20 matchs joués dans la saison 2022-2023, il va sans dire que Shaï Gilgeous-Alexander impressionne, d’une part, mais surtout : qu’il porte l’attaque du Thunder à ce stade de l’année.
Mais à quel point le Shaï de ce début de saison est différent de celui des saisons précédentes ?
Une inlassable machine
Le Thunder démarre sa saison solidement. Certes l’équipe enregistre plus de défaites que de victoires, mais à l’aide de 3eme QT agressifs, d’une équipe assez dense et d’un SGA infatigable, l’équipe maintien le radeau à flot et oppose de véritables défis aux adversaires, même quand la défaite est au bout.
Pierre angulaire de l’attaque, Gilgeous-Alexander connaît lui une inflation statistique qui ne passe pas inaperçue. Du point de vue ses statistiques brutes, il va sans dire que le meneur explose : il marque désormais 31 points par match, une inflation de +7pts. Le tout en maintenant son nombre de rebonds, de passes décisives et en étant plus actif sur les lignes de passes (1,7 interceptions) et en contrant plus de ballons (1,3). Au four et au moulin, celui qui est indiscutablement la star du projet fait son beurre à l’aide d’une agressivité de tous les instants.
Car en ce début de saison, ce que le scouting report des équipes adverse retient du joueur, c’est qu’il va falloir se préparer à défendre la raquette. Avec 25,3 drives par rencontre, Shai est de loin le joueur qui attaque le plus de fois la raquette chaque soir. C’est 3 de plus que Ja Morant, c’est 4 de plus que Luka Doncic, et c’est surtout 11 de plus que Giannis Antetokoumpo. Autre élément notable : il est très efficace au scoring dans ces derniers.
En dépit du fait qu’il soit attendu sur ses pénétrations, il réussit à scorer à +52%. Si cela ne fait pas de lui l’un des plus adroits dans le domaine, cela reste au dessus de certaines pointures dont : Ja Morant, Giannis Antetokoumpo, Damian Lillard, Trae Young.
En prime, très doué pour créer le contact, il génère beaucoup de lancers. Une capacité qui ne se cantonne pas qu’aux drives. Avec 8,9 lancers francs tirés par match (à 92% de réussite), il est un des 5 joueurs qui obtiennent le plus d’opportunités de la ligue sur la ligne. Entre son premier pas, sa taille pour un meneur et sa palette offensive, il est particulièrement dur de défendre sur ce dernier. A cause de sa capacité à se faire le chemin vers le panier, il oblige les défenseurs à se focaliser sur ses mouvements. Mais grâce à ses changements de vitesse, son aptitude à accélérer et décélérer, il peut décocher un tir facilement. Obligeant ses défenseurs à combler les espaces et souvent, à faire des fautes.
Exemple :
Ainsi, il est le joueur qui score le plus sur le drive (16,4 de ses points proviennent de ces actions), et ce alors que 39% de ces dernières se terminent par une passe. Cela fait de lui l’un des dangers majeurs de la ligue dans la catégorie des meneurs-slashers.
Shaï Gilgeous-Alexander, enfin une (super)star ?
On le dit souvent, mais l’élite de la ligue est nécessairement, sauf rare cas, un joueur capable d’allier haut volume (caractérisé par l’Usage) à l’efficacité (caractérisé par ce que rapporte un tir pris par un joueur). Souvent, les joueurs les plus intenables de la ligue sont capables de scorer à haut volume, sans pour autant que la répétition et l’attention défensive adverse ne réduise le rendement de leurs tirs. S’il existe évidemment des exceptions, ou d’autres caractéristiques qui permettent d’accéder à l’élite (Playmaking, défense, profil particulier), toujours est-il que la capacité à marquer quand on le souhaite est évidemment un critère majeur.
En ce début de saison, lorsqu’il s’agit de scoring, Shaï est absolument incontournable. Il est le 4eme scoreur de la ligue avec ses 31pts par match, il fait cela avec un Usage% de 34,9, ce qui est concrètement un standard d’attaquant majeur et très responsabilisé, et pour ne rien gâcher, il le fait à haute efficacité. Avec 124 points inscrits pour 100 tirs pris, il est l’un des 4 “meneurs” les plus efficaces en NBA (derrière Stephen Curry, Ben Simmons et De’Aaron Fox). Autrement dit, il n’y a que 2 meneurs qui possèdent une charge équivalente à la sienne en attaque qui arrive à faire mieux en termes d’efficacité. L’un d’eux est un double MVP, l’autre fait un début de saison stratosphérique dont nous parlions dans ce THREAD Twitter :
La saison de l’explosion ?
Avec les arguments préalables, vous comprenez bien que que Gilgeous-Alexander est un sérieux candidat pour devenir l’une des têtes d’affiches de la ligue dans les années à venir. De quoi dire que 2022-2023 est l’année de la révélation ?
… Pas vraiment.
Bien sûr, réussir à scorer +30pts par match vous place forcément au centre de l’attention. Toutefois, si le joueur est plus visible, est-ce que cela veut dire qu’il fait fondamentalement mieux que par le passé ? C’est là que le bas blesse et prouve aussi, que notre manière de regarder les performances d’un joueur joue forcément sur sa côte, parfois autant que les performances elles-même. Je m’explique :
Lorsqu’on regarde les deux colonnes dont nous parlions jusqu’ici (Usage & PSA, soit le nombre de points inscrits pour 100 tirs pris), on se rend compte (et ceci vaut en réalité pour l’intégralité de ce tableau) que Shaï est grosso-modo le même joueur depuis qu’il a été positionné comme première option de son équipe. Alors certes, cette saison est pour le moment le meilleur alliage entre haut USG (2021-2022) et haute efficacité (2020-2021). Mais dans les faits, est-ce si différent de ce qu’il a fait sur un échantillon de 35 matchs en 2020-2021 ?
Dans les faits, SGA est toujours un joueur qui possède de quoi être considéré comme une star, il est certes #1 dans le nombre de drives par an, mais c’était déjà le cas l’an passé, et tout autant il y a deux ans. Il a toujours été efficace dans ce registre, cela a toujours été la base de son jeu et il a toujours su provoquer des fautes.
S’il a finalement un usage à peine supérieur et une efficacité quasiment identique, on peut donc se dire que le joueur n’a que peu changé ? Ce ne serait donc pas tant que le joueur a fait de formidables progrès, mais juste que nous nous sommes enfin décidés à lui accorder l’attention qu’il mérite.
Toutefois, comment expliquer une telle inflation statistique entre cette saison et les deux précédentes ?
Un joueur semblable, mais des performances bien plus marquantes ?
C’est là que la NBA peut être cruelle. La performance d’un joueur dépend de nombreux autres éléments que le seul niveau de jeu proposé. Mais avant toute chose, comment un joueur peut passer de 23/24pts par match à 31, s’il n’a pas foncièrement changé grand chose ?
Tout d’abord, un joueur est tributaire de son coach et de son équipe. Le premier point qui explique cette amélioration, c’est tout simplement qu’il passe plus de temps sur le terrain que les années précédentes. Certes, ce ne sont que 2 à 3 minutes, mais cela lui offre plus d’opportunités. Et cela, on image que cela s’explique simplement par le fait que le Thunder étant plus compétitif, il a donc plus de raisons de rester sur le parquet.
Pour étayer ce point, voici le net rating de son équipe sur les 3 dernières saisons :
- 2020-2021 : -10,6
- 2021-2022 : -8,0
- 2022-2023 : -2,0
Ainsi, la perception de sa progression est conditionnée par les progrès de ses coéquipiers, qui lui offre plus de chances d’exposer son talent et lui facilite la vie en étant également plus difficiles à garder.
En d’autres termes, notre regard sa saison, concernant ces aspects là, est en presque plus lié à la manière dont l’équipe joue : ce qui est un élément indépendant de son contrôle.
Il y a évidement toutefois des éléments qui sont relatifs à son jeu et à des optimisations réalisées.
Pour commencer, si l’USG% est une statistique, il est toujours nécessaire de voir ce qu’elle contient.
Par exemple, oui, elle contient les actions qui se terminent par un tir ou une faute provoquée, mais également un ballon perdu. Or, ce que l’on a vu précédemment, c’est qu’il est très fort pour obtenir des lancers, et on peut ajouter qu’il ne l’a jamais aussi bien fait qu’aujourd’hui. On peut également voir dans le visuel précédent qu’il progresse chaque saison dans sa capacité à prendre soin du ballon (TOV% qui se réduit tous les ans). Ainsi, s’il a plus de lancers, il a plus de points faciles et s’il perd moins de ballons, la hausse de son Usage contient (en prime) plus de tirs pris & de lancers tirés que par le passé.
Enfin, dernier élément important, il a changé la typologie de ses tirs ! Alors qu’il n’a jamais pris autant de tirs dans sa carrière (21,3 par match cette saison, contre 18,3 et 16 les 2 saisons précédentes), il a aussi drastiquement réduit les tirs à 3pts, qui représentent :
- 30,4% de ses tirs en 2020-2021 // 41,8% de réussite
- 28,8% de ses tirs en 2021-2022 // 30% de réussite
- 13,6% de ses tirs en 2022-2023 // 35,8% de réussite
En somme, sa progression ressentie tient pour une bonne partie sur plus de temps de jeu et plus de responsabilisation. Pour le reste, en une optimisation des tirs pris et une amélioration balle en main.
Conclusion
Dans le fond, Shaï Gilgeous-Alexander n’est pas fondamentalement beaucoup plus fort qu’il ne l’était il y a 2 ans. Sa médiatisation a toutefois changée en raison d’une équipe plus accrocheuse et d’une amélioration de ses statistiques brutes qui accrochent plus l’œil. Ce qui en dit probablement plus long sur la manière dont sont jugés les joueurs que sur la progression du meneur de l’Oklahoma City Thunder.
Et pour cause, l’évolution proposée par ce dernier est probablement considérée comme du même registre que celle, par exemple, de De’Aaron Fox dont nous parlions dans le Thread proposé plus haut. Alors que celle du second est le résultat d’une véritable évolution, tandis que celle de SGA, elle, repose plutôt sur quelques ajustements. En somme, il nous reste encore du travail pour analyser la NBA justement : en soit réussir à décorréler la production d’un joueur… de celle de ses coéquipiers.