“Dans un immense pamphlet contre l’énergie nucléaire, Hubert-Félix Thiéfaine énonçait : “le monde est aux fantômes, aux hyènes et aux vautours”. Fantomatiques, les Golden State Warriors l’ont été il y a deux ans. Les hyènes, qui n’attendaient que le déclin de l’une des plus grandes équipes de tous les temps, ont beaucoup ri et continuent d’espérer. La saison à venir nous dira s’il est l’heure pour les vautours de se repaître”.
Voilà comment nous terminions notre preview des Warriors l’an passé. De toute évidence, les hyènes ont cessé de se marrer et les vautours ont dû prendre leur mal en patience. Après deux exercices terminés sans playoffs (23 % de victoires en 2019-20, 54 % l’année suivante et une défaite au play-in tournament), Golden State a démarré la saison dernière avec un effectif presque au complet. Seul manquait encore à l’appel Klay Thompson, qui se remettait de ses blessures successives, au ligament croisé et au tendon d’Achille. L’absence du second Splash Bro ne s’est toutefois pas ressentie, puisque les hommes de Steve Kerr ont entamé leur saison avec 18 victoires en 20 rencontres.
Si la suite a été d’excellente facture jusqu’aux alentours du All-star break, avec un Stephen Curry incroyable (qui est officiellement devenu le tireur le plus prolifique à trois-points de tous les temps), un Draymond Green au four et au moulin, un Jordan Poole étonnant et un Andrew Wiggins All-star. Ainsi, au soir d’une victoire face à Oklahoma, Golden State affichait 42 victoires pour 12 petites défaites. Il restait alors une petite trentaine de rencontres, au cours desquelles la franchise va montrer un tout autre visage. Le guerrier tirait la langue. La blessure de Green, très préjudiciable en défense, a eu un impact notable sur les résultats collectifs. En effet, sur les 29 derniers matchs de l’exercice régulier, les Warriors se sont inclinés à 18 reprises, alors même que la saison est terminée avec une série de 5 victoires consécutives !
Troisième de la conférence Ouest – derrière les Suns et les Grizzlies -, Golden State s’est facilement défait des Nuggets au premier tour des playoffs (4-1), avant de prendre le meilleur sur Memphis, sans être vraiment souverain (victoires 117-116 lors du game 1, 101-98 lors du game 4, après avoir été mené de plus de 10 points dans le dernier quart-temps).
Il n’en fallait pas plus pour que l’équipe (re)devienne l’immense favori au titre NBA et que la dynastie poursuive son petit bonhomme de chemin. En finale de conférence, les Mavericks ont joué le rôle de faire-valoir (4-1). La statistique incroyable de Steve Kerr en tant que coach s’est donc poursuivie : dès que son équipe se qualifie en playoffs, elle rallie forcément les finales NBA (les Warriors ont atteint ce stade… lors de leur 6 dernières participations !).
L’occasion était trop belle et n’a pas été manquée. Avec un Stephen Curry enfin nommé MVP des finales (31,2 points, 6 rebonds, 5 passes décisives, 2 interceptions, à 48,2 % au tir et 43,7 % de loin), les Warriors ont soulevé leur 7ème titre NBA, en venant à bout des Celtics (4-2). Il n’y a donc pas de doute : c’est bel et bien dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures.
In & out : le point sur le roster
Le point sur le roster actuel :
Meneurs : Stephen Curry, Ryan Rollins, Pat Spencer,
Arrières : Donte DiVicenzo, Ty Jerome, Moses Moody, Jordan Poole, Jerome Robinson, Klay Thompson,
Ailiers : Patrick Baldwin Jr, Andre Iguodala, Anthony Lamb, Andrew Wiggins,
Ailiers-forts : Draymond Green, Jonathan Kuminga, JaMychal Green,
Pivots : Kevon Looney, James Wiseman.
Phase de l’équipe : Prétendant au titre
On a coutume de dire qu’il ne faut jamais parier contre LeBron James. La saison dernière a néanmoins remis en cause l’assertion. Par contre, en ce qui me concerne, je ne miserai pas un kopeck contre les Warriors la saison prochaine. Certes, le noyau dur de l’effectif est vieillissant. Klay Thompson n’a, pour l’heure, pas démontré qu’il avait recouvré l’ensemble de ses capacités lors de ses 40 matchs l’an passé. Draymond Green, lui, a été ouvertement critiqué au cours de la campagne de playoffs. Cependant, tant que Stephen Curry parviendra à conserver son extraordinaire niveau de jeu et qu’il sera épaulé, a minima, par de véritables soldats, Golden State continuera d’être une équipe compétitive et dangereuse. De là à viser, à nouveau, le titre NBA et le sacrosaint back-to-back ? Et pourquoi pas, finalement ?
Un bémol toutefois, et de taille. Nous venons de prendre connaissance des talents de boxeur de Draymond Green, qui a décroché une droite monumentale dans la frimousse… de l’un de ses coéquipiers, Jordan Poole. Les guerriers vont-ils chanceler de l’intérieur ? La gestion de cette crise interne par le front-office nous donnera quelques éléments de réponse.
Les tendances de l’été
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? En voilà une question qu’elle est bonne. Alors que la franchise brille par sa stabilité depuis désormais près de dix ans – si l’on excepte l’arrivée et le départ de Kevin Durant – l’intersaison 2022 n’a pas dérogé à la règle de Bob Myers, le GM. Il y a eu certes des mouvements, aussi bien dans le sens des départs que des arrivées, mais l’ensemble de ces transactions, sans exception, concerne des role players et donc, par conséquent, des ajustements.
Commençons par les départs. Parmi les joueurs utilisés la saison passée par Steve Kerr, on en dénote tout de même cinq. Le plus important est peut-être celui de Gary Payton II, excellent défenseur sur le backcourt, qui a rejoint les Blazers pour 26M $ sur les trois prochaines années à venir. Toujours sur les extérieurs, Damion Lee a signé un contrat d’une année pour le compte des Phoenix Suns.
Sur le frontcourt, nous devons mettre en exergue la signature de Juan Toscano-Anderson du côté des Lakers et celle d’Otto Porter Jr à Toronto. Enfin, Nemanja Bjelica demeure semble-t-il encore sans franchise à l’heure de la rédaction de ces lignes.
L’armée de role players de l’équipe s’est donc globalement faite la malle. Il ne faut d’ailleurs pas minimiser ces départs, dans la mesure ou chacun de ces 5 joueurs a disputé au moins 63 matchs la saison passée et ont tous pris part à la campagne victorieuse de playoffs (entre 12 et 19 matchs).
Le front-office s’est donc activé pour les remplacer de la meilleure des manières. À la draft, avec le 28ème pick, le choix de la franchise s’est porté sur Patrick Baldwin Jr, un ailier aux qualités physique dignes de celles de Larry Bird en fin de carrière, mais dont le tir et le QI basket sont très largement au-dessus de la moyenne. Passé par l’université de Wisconsin (entraînée par le paternel), le très jeune joueur (il aura encore 19 ans lors du lancement de la saison) et ses 206 centimètres auront certainement une petite carte à jouer en tant que remplaçant sur les ailes.
Précisons également qu’au second tour de la draft, avec le 44ème choix, Golden State a sélectionné Ryan Rollins, meneur de son état, qui a réalisé deux saisons du côté de Toledo (19 points, 6 rebonds, 3,5 passes décisives l’an passé, à 47 % au tir, dont 31 % de loin et 80 % aux lancers). Lors des rencontres de présaison, il s’est démarqué avec plusieurs flash de qualité, que ce soit au tir, en pénétration et à la création.
Les postes extérieurs sont également renforcés par la belle signature de Donte DiVicenzo, pour 2 ans et 9M $. Champion NBA 2021 (vu du banc) avec les Bucks et depuis lors passé par Sacramento (transfert effectué à la deadline 2022), le rouquin présente un profil bien différent de celui de Payton II, en étant un défenseur moyen mais un initiateur probablement plus doué.
Les autres arrivées sont peu significatives, puisqu’il s’agit de celle de JaMychal Green dans la raquette, de Jerome Robinson, qui n’a jamais su s’imposer depuis sa draft en 13ème position en 2018 et de Ty Jerome, qui ne laissera pas de souvenirs immémoriaux aux fans du Thunder.
En somme, le marché de l’été paraît être un poil décevant pour les champions en titre. En effet, en comparaison, le banc des remplaçants de la saison 2022-23 semble être doté d’un talent global moindre que celui de l’an passé. Steve Kerr considère tout de même qu’il s’agit de l’un des meilleurs groupes de jeunes free agent qu’il a eu sous ses ordres. L’optimisme est donc de mise, d’autant plus que rien n’indique que l’effectif de l’équipe soit définitif ; en attendant la trade deadline 2023, plusieurs mouvements pourront encore être réalisés, dans l’optique d’être à nouveau compétitif en playoffs.
Focus sur la saison 2022-23 des Warriors
La gestion du cheval de Troie
Cela aurait pu être le titre du nouvel album de Stupeflip. Il n’en est rien. Sans en faire tout un pataquès, il convient de revenir rapidement sur la situation dans laquelle se trouve empêtrée les Warriors suite à la dernière frasque en date de Draymond “Cassius Clay” Green. Une frasque dont on ne parlerait pas si les images n’étaient pas sorties dans les médias, par le biais de TMZ il y a une petite dizaine de jours.
Les choses ont cependant déjà eu le temps de se résorber depuis lors. Unis autour du fautif, les joueurs ont tous tenu le même discours devant les médias. En substance, il s’agissait de dire que Green est un élément primordial du roster, que tout est pardonné, qu’il faut aller de l’avant. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Et l’information selon laquelle Draymond Green ne sera pas suspendu par les Warriors, ne trouve non pas sa raison dans un front-office laxiste, mais bel et bien pour permettre au joueur de célébrer le titre 2022 lors de la remise des bagues qui aura lieu lors de l’openiing night.
La hache de guerre semble donc enterrée. Il vaut mieux, d’ailleurs, pour le principal intéressé, qui entre dans celle qui pourrait être sa dernière année de contrat pour le compte de sa franchise de toujours. En effet, alors qu’il percevra quelques 26M $ en 2022-23, Green possède une player option l’année suivante, qui s’élève à 27,5M $. Un nouveau deal pourrait donc être dans les tuyaux au cours dans les prochains mois. Nul doute que Bob Myers préférera resigner un basketteur de génie plutôt qu’un boxeur en devenir.
Nouvelle génération
Cela aurait pu être le titre d’un album de Diam’s au milieu des années 2000. Il n’en est rien. Nous avons mis ci-dessus en exergue le fait que la majorité des éléments clefs de la franchise avait allègrement dépassé la trentaine. L’heure sera bientôt au passage de témoin avec les jeunes qui peuplent le roster depuis quelques années et dont on attendra beaucoup au cours de cette saison 2022-23.
L’avantage avec Golden State, c’est qu’au cours des 15 dernières années, les jeunes joueurs draftés ont eu une certaine tendance à se développer de manière optimale. Certes, depuis la sélection de Curry en 2009, tous les choix du premier tour n’ont pas été fabuleux. Néanmoins, le seul haut choix de draft qui a été “gâché” est le 6ème de l’année 2010, avec l’arrivée d’Ekpe Udoh. Sinon ? Klay Thompson (#11, 2011), Harrison Barnes (#7, 2012), Festus Ezeli (#30, 2012), Draymond Green (#35, 2012), Kevon Looney (#30, 2015), Damian Jones (#30, 2016), Jacob Evans (#28, 2018), Jordan Poole (#28, 2019), James Wiseman (#2, 2020), Jonathan Kuminga (#7, 2021) et Moses Moody (#14, 2021).
C’est surtout de ces 4 derniers que nous sommes en droit d’attendre énormément. Au cours de la saison passée, Jordan Poole a gagné ses galons de titulaire NBA, en s’imposant comme un attaquant redoutable (18,5 points en 30 minutes, 45 % au tir, 36,5 % de loin, 92,5 % aux lancers) et un créateur en immense progrès. Son rôle en playoffs est d’ailleurs resté similaire, bien que ses lacunes défensives ont été exploités aussi bien par les Grizzlies que par les Celtics. L’ancien de Michigan a néanmoins démontré qu’il pouvait être une troisième / quatrième option viable dans une équipe qui s’en va soulever le trophée Larry O’Brien, le tout à 22 ans. Ce n’est peut-être pas pour rien que Steve Kerr a récemment loué la maturité du bonhomme.
Qu’en est-il des trois autres larrons récemment draftés ? Évacuons immédiatement le “cas Wiseman”. Sélectionné en 2020, le pivot n’a pour l’heure disputé que 39 rencontres NBA. Il a en effet manqué l’intégralité de la saison passée en raison d’une blessure au genou. Le pivot semble cependant être revenu en forme, comme en témoignent les 4 rencontres qu’il a disputées lors de ce training camp. En quelques 20 minutes de temps de jeu, il cumule 14,8 points (63,6 % au tir), 6,3 rebonds, 1 passe décisive et 1 contre de moyenne.
À un poste où Golden State manque de profondeur, Wiseman a une très belle carte à jouer cette saison, derrière (voire devant, à terme ?) Kevon Looney. Il faut dire qu’il est le seul et unique big du roster, le seul à culminer au-delà de 2m06. Sa protection du cercle, sa capacité à attraper les lobs et à convertir les actions proches du panier seront déterminantes, tout comme sa faculté à intégrer les schémas défensifs de l’équipe, ce qui lui avait été reproché au cours de son exercice rookie.
Quid des deux sophomores que sont Kuminga et Moody ? La Summer League et l’actuelle présaison ont démontré la volonté de la franchise d’accélérer au mieux leur développement. Kuminga s’est ainsi vu octroyer des responsabilités balle en main, avec une réussite pour l’heure fluctuante. Le natif de Goma, présenté comme un diamant à polir au moment de sa draft, peine à trouver la mire en ce début de saison, mais compense avec de belles performances défensives, dignes du monstre athlétique qu’il est. Alors qu’il vient à peine de souffler sa 20ème bougie, Kuminga semble être un projet à deux ans et ses flashs ne laissent aucun doute sur l’étendue de son potentiel.
S’il en est un qui a laissé ses moufles au placard pour enfiler les paniers, c’est bien Moody. Lui aussi très jeune (même pas encore 20,5 ans) mais bien plus ready que son camarade de draft, l’arrière dégaine à 41 % derrière l’arc sur ses 4 rencontres de présaison, après avoir brillé au cours de l’été (34 points à 8 / 13 au tir et 15 / 17 aux lancers pour entamer la Summer League). S’il fallait miser le PEL sur l’explosion d’un jeune “à la Jordan Poole 2022”, c’est bel et bien vers lui que je me tournerai. Terriblement smooth et en contrôle, défenseur capable, Moody a la confiance totale du staff des Warriors.
Rien ne presse, pour ces jeunes joueurs (ainsi que pour les rookies de cette année). Toutefois, leur développement constituera une variable importante pour les prétentions des Warriors. S’ils parviennent, de concert, à être en avance sur leur programme, les Warriors risqueront à nouveau d’être bien pénibles dans la course au titre.
Objectif back-to-back ?
Cela pourrait presque être le titre d’une célèbre chanson de la regrettée Amy Winehouse. Il n’en est rien. Nous évoquions ci-dessus la course au titre NBA 2023. À l’heure actuelle, contrairement à l’année passée, tout indique que Golden State y prendra à nouveau part. En réalité, le plancher de l’équipe lui assure, théoriquement et si l’on veut bien faire fi des aléas, telles que les blessures, une qualification directe en playoffs. Tout autre résultat serait en effet vécu comme une grande désillusion. Voir ces Warriors, champion en titre, se coltiner un voire deux rencontres de play-in tournament aurait en effet quelque chose de surprenant.
Cependant, quel objectif minimal peut-on raisonnablement fixer à cette équipe ? La conférence Ouest, plus que jamais, ressemble à une jungle monumentale. Clippers, Suns, Wolves, Mavericks, Pelicans, Grizzlies et autres Nuggets (dans l’ordre que vous voulez, on ne froisse personne !) partent tous avec l’objectif de décrocher un accessit directe pour les joutes printanières. Cependant, et sans aucune hésitation, l’expérience sera du côté des Warriors. À ce sujet, Curry & cie sont tout bonnement imbattables au sein de la Ligue. Aussi, il serait possible de fixer à Golden State l’objectif d’avoir l’avantage du terrain au premier tour et de rallier au moins les finales de conférence. Et plus, évidemment, si affinité.
L’important, dans cette quête, sera d’éviter les blessures des cadres. On a vu, l’an passé, que l’absence de Green faisait un mal terrible à la défense des Dubs. On a remarqué, il y a trois ans, que celle de Curry empêche la franchise de disputer quelque chose d’autre que le premier choix de la draft suivante. Le load management devrait être de sortie, pour reposer les vieux os des cadres. Il faudra bien cela, pour espérer jouer jusqu’en juin prochain !
Qu’est-ce qu’on veut voir cette saison ?
La curiosité me pousse à répondre “tout”. Nous l’avons dit, l’effectif des Warriors se fait vieillissant. S’il ne s’agit pas de leur mettre une jambe dans la tombe, le constat n’en demeure pas moins réel. Lorsqu’on classe le roster par âge décroissant, on s’aperçoit que les 4 joueurs les plus anciens sont ceux qui ont remporté les 4 titres récents de la franchise : Andre Iguodala (37 ans), Stephen Curry (34 ans), Klay Thompson et Draymond Green (32 ans). Un jour, inévitablement, la plus grande équipe du siècle va devoir rendre son tablier. Un jour. Mais pas cette année.
Le pool de jeunes joueurs, qui sera appelé à prendre la relève, a encore le temps de grandir et de se faire les dents. Avec un 5 majeur inchangé, bien que le banc se soit peut-être un peu dépeuplé, Golden State avance à nouveau comme l’un des grands favoris de la conférence Ouest. Certes, plusieurs équipes se sont largement renforcées au cours de l’intersaison, notamment celles qui étaient victimes de blessures graves l’an passé. On pense, notamment, aux Clippers et aux Nuggets. La bataille sera rude et rien n’indique que l’équipe de Steve Kerr parvienne à rallier les finales NBA pour une 7ème fois. Toutefois, quoi de plus naturel que de se lancer à corps perdu dans une bataille lorsqu’on est un guerrier ?