Mettez vos écouteur, allez chercher ce classique universel dans votre répertoire musical : Michael Jackson – Thriller. L’un des plus grand succès de tous les temps, l’un des clips les plus mémorable, hommage aux classiques des films d’horreur, avec des revenants d’outre-tombe, des chorégraphies impeccables dans un rythme endiablé, avant de s’achever dans un rire démoniaque. Cet Eurobasket tant attendu, ce fut Thriller, ce fut la France sortie du groupe de la mort, dans lequel plus personne ne réspirait, et revenue d’entre les morts, ce fut les chevaliers blancs Doncic, Antetokounmpo, Jokic, entourés, attaqués, pris par surprises au milieu du chemin. Mais ce fut aussi, comme Thriller, un Eurobasket unique, légendaire et cassant record sur record. Oui, à Milan, Prague, Tbilissi, Cologne puis Berlin, ce fut bien, pendant deux semaines et demie, the Thriller Night.
Vie et mort au coeur du « Krimigruppe »
En Allemagne, on dit « Krimi » pour dire un match couperet, tendu, un thriller. Et le groupe B fut tout ça à la fois. Slovénie-Lituanie, Slovénie-Bosnie, Allemagne-Lituanie, France-Lituanie, France-Bosnie, Bosnie-Lituanie ont tous été des matchs devant lesquels nous avons dû abuser d’aide respiratoire, pour notre plus grand plaisir…ou pas. Dans une salle de Cologne bouillante, les Bleus ont pris le bouillon face à des allemands qui se sont amusés. On a eu le gout de ce qu’allait être la semaine à venir.
Car dans ce groupe les bleus savaient que tout serait compliqué, mais ont clairement décidé de se rendre les choses encore bien plus compliquée : aucun premier quart-temps réussi…une absence de maîtrise d’entrée de jeu. Des montées en rythme attendues très très trop longtemps. Et pourtant, face à la Lituanie, déjà dos au mur, les bleus ont su faire le come-back, puis le rush final, bien aidé par Thomas Heurtel. Le match contre la Hongrie, humiliée par la Slovénie la veille, devait être le match pour reprendre la confiance, le rythme et aussi faire reposer les organismes. Il n’en fut rien, à l’image d’un pitoyable 0-11 et une fin de match au bord de l’erreur professionnelle. Et pourtant, les bleus auront ensuite réussi à se défaire d’une équipe bosnienne extrêmement solide, emmenée par un Nurkic au top. Au bilan des courses, les choses étaient claires : notre jeu n’était pas bon, notre attaque en souffrance et notre constance était absente. Mais il faut aussi avouer qu’avec les absents, les blessés, la difficulté à trouver un leader offensif, et surtout, cinq matchs joués à l’extérieur vu la présence du public allemand, slovène, bosnien, lituanien et hongrois, la France n’a pas du tout jeté ses hommes dans la bataille avec le meilleur équipement et c’est aussi à mettre à leur crédit que d’avoir réussi à s’en sortir, quand la Lituanie était à trois défaites en trois matchs.
Dolce Vita et innocence dans les autres groupes
Bien loin de la Cologne devenue le siège d’impitoyables batailles de basketball, on aurait presque ressenti un sens de Dolce Vita dans les autres groupes. Les espagnols lançaient le premier match de l’Eurobasket à Tbilissi dans une salle quasiment vide, abandonnée, pour taper dans l’anonymat une équipe bulgare venu faire sa figuration. Seuls points de tension, cette défaite surprenante contre des Belges qui n’ont de cesse d’essayer d’alerter le monde du basket qu’ils ont du potentiel (ça se voit chez les filles et dans les équipes 3×3, en tout cas). La Turquie manquait de peu de battre les Espagnols également, bien emmenés par un Cedi Osman en forme et par un Shane Larkin qui s’épanouit en Turquie bien plus qu’en NBA. Dans le groupe C à Milan, la Grèce a dû s’employer, mais à survolé son groupe, dans lequel l’Estonie et la Grande-Bretagne avaient déjà réservé leur 5e et 6e place, et se résumant à quelques joutes pour savoir de qui entre l’Italie, l’Ukraine et la Croatie, terminerait au spot le plus favorable. Dans un Thriller, les monstres sont toujours de sortie, et quand le Greak Freak Giannis Antetokounmpo a sorti son reverse-slam en fin de match contre les croates, on comprenait que la Grèce souhaitait être la faucheuse de cet Euro… Et dans le groupe D à Prague, c’était la Serbie, qui déroulait, tandis que les loups du nord, venus de Finlande, menés par Markkanen, espérait faire venir l’hiver sur l’Europe, car eux-aussi, sont désormais une menace. Israël et le Pays-Bas en firent les frais.
Huitièmes et quarts : les revenants passent sous le couperet de la faucheuse
A l’exception de ceux qui étaient déjà le visage couvert d’ecchymoses, tout ce joli monde se croyait devenu invincible en sortant des poules. Mais la Thriller Night allait encore frapper. Tel un film d’horreur avec une lame surgissant de derrière, tranchant la chair et montrant sa pointe à travers le cœur, les serbes en huitième face aux italiens, les grecs face aux allemands, aiguisés à trois points pour faire tomber le Monstre Grec Giannis et le renvoyer dans les limbes (le Wisconsin est pas si moche rassurez-vous). Et puis les Slovènes, pris au piège par les Polonais, ont été victimes de l’imprévisibilité soudaine de cet Euro. Il y a eu aussi ceux frappés au cœur, comme les Lituaniens, qui pensaient tenir les espagnols pour eux aussi, survivre, mais la Roja ne porte pas du rouge pour rien, et met la Lituanie et ses fans si joyeux dans son carnet de victimes, malgré un match serré et un buzzer beater épique des lituaniens pour arracher la prolongation.
Et puis il y eu les revenant. Oh oui, on l’aura été, de sacrés revenants. Dans un monde quasi-fantastique, paranormal, effrayant, on aura vu une équipe de France survivre, sur deux tous, à quatre lancer-francs ratés, sur le même score, dans deux scénarios similaires, pour aller en prolongation et survivre à l’improbable. Trashtalk demandait à l’intendant des bleus de commander les avions, First Team dénonçait déjà un Eurobasket raté et perdu, et nous-même, comme tant d’autres, on se fendait de nos tweets les plus désabusés, comme en 2017. Et pourtant, on a survécu. Mais comment ? On se le demande encore, car notre basket, nos lacunes côtés Bleus, étaient béantes, évidentes, et le drame du troisième quart-temps contre les turcs avec ce 6-22, dont un 0-19, nous a fait vivre une expérience basket que même les plus amers défaites ne nous avaient pas procuré.
Demi-Finales : la copie parfaite, même trop.
Les Bleus nous auront enfin offert un beau basket, cumulant défense intraitable surtout d’Albicy face à son camarade A.J.Slaughter et travail impeccable de transmission de balle à l’intérieur, les français auront offert la meilleure mi-temps de leur Eurobasket. On a tous attendu le troisième quart en virant les chats noirs, en replaçant les crucifix et en récitant des versets en hommage aux dieux, et nos prières fut soudainement excausée, avec un « troisième quart-temps Yabusele » d’une qualité IM-PE-CCA-BLE face à des polonais dépassés. Résultat, 95-54, la dérouillée totale, le palpitant qui ne comprend pas pourquoi il bat normalement dans notre poitrine, mais surtout, du beau basket français. Du beau basket, oui, mais contre…une Pologne épuisée. Les allemands eux, avaient l’occasion de sublimer leur parcours à domicile. Mais entre un Schröder trop énervé face à ses coéquipiers (donnant un coup de coude involontaire à Maodo Lô au passage) et l’absence d’une défense efficace sur Lorenzo Brown, la Mannschaft a payé cher une série de détails que les espagnols allaient très certainement utiliser. Frustration pour l’Allemagne, qui met trois paniers primés dans la ficelle dans les ultimes secondes pour tenter de rattraper le score…
France-Espagne : le dernier crime.
L’ultime thriller de ce tournoi ressemblera à une armée d’êtres effrayants, entourant nos bleus au cœur de la nuit. Pétrifié, nos tricolores avaient soudainement les mains moites, les genoux tremblants Mais c’est un scénario que nous connaissons hélas trop souvent dans le basket, et aussi dans des France-Espagne : une équipe tricolore qui peine à se mettre dans le match, et une Roja pleine de confiance, qui ne bafouille pas son basket. Les monstres du soir étaient bien espagnols, avec une adresse aux trois points absolument démente : 73% en première mi-temps. Hernangomez met 6 paniers derrière l’arc. Et côté français, Yabusele disparait, 17 pertes de balles, provoquant 30pts pour les espagnols. Nos défauts, visibles, connus, ont été les clous de notre tombeau, sitôt que l’on est tombé sur une équipe qui avait la confiance. Oui, il y a eu des réactions de caractère, mais c’est tout ce que nous avions à proposer. Peut-être que cette fois, le crime était prévisible.
Un Eurobasket inoubliable, mais tout est à refaire.
Les Bleus étaient annoncés parmi les favoris, mais la coupe revient encore à ces increvables espagnols, qui sont venus en équipe, en frères. La France est arrivée aussi loin que les pronostiques, mais aussi parce que les favoris ont déjoué. Alors oui, cet Eurobasket, en sortie d’un groupe de la mort, avec un effectif limité, des blessés, avec des matchs annoncés perdus pour perdus, pour finalement réussir à aller en Finale, on peut en garder un souvenir plutôt positif, et on gardera un souvenir positif. Mais ou n’oubliera pas le fond de jeu, les pertes de balles. Alors oui, une médaille de plus, mais il faut désormais construire le mondial 2023 et bien sûr, les JO. Mais pour cela, il nous faut ce que l’Espagne nous a fait comprendre que nous n’avions pas encore : discipline, collectif, rigueur, abnégation, confiance. Oui, nous vivons l’âge d’or du basket français et nous pensions que nous étions prêts. Nous le sommes presque, mais pas tout à fait. Alors que devons nous finalement nous rappeler, que devons nous oublier de cet Eurobasket ?
Rappelez-vous cet Eurobasket pour…
- …les records en pagaille : Doncic à 47pts, Markannen à 43, la Pologne qui ne marque que 18pts en une mi-temps (du jamais vu depuis 1949…) un triple double de Matteusz Ponitka, la plus grosse victoire de l’histoire d’une phase finale d’Eurobasket avec la France contre la Pologne, Juancho Hernangomez qui met 6 trois points en une seule mi-temps. On aura vécu l’histoire devant nos yeux.
- …la hype Doncic : Dans cette immense mise en scène, le croque-mort des défense, qui a laissé chevilles et bras ici ou là sur le sol, c’est bien Doncic. Alors oui, on confesse, nous aussi on s’est frayé un chemin dans les basses tribunes pour le voir de plus prêt. Mais c’est un fait, cet homme est un phénomène, une idole même, pour déjà beaucoup de jeunes. Et en allant le voir, l’admirer de plus près, on a pu témoigner ce que Doncic est en train de faire : inspirer une génération entière d’enfants, de néo-basketteurs, qui l’admirent, qui le regarde les étoiles plein les yeux. Doncic termine son Euro en chef, assumant ses erreurs contre la Pologne. Son basket aura été –presque- irréprochable tout en étant spectaculaire. Mais dans le regard de ces jeunes supporters, on y a aussi vu ce qu’il apporte à ce sport : un avenir.
- …la Grande-Bretagne, parce si vous avez entendu God Save The Queen pendant les hymnes le soir de Grande-Bretagne vs Italie, vous avez entendu le dernier God Save the Queen de votre vie et de l’histoire moderne. Cœur sur toi Lizzie.
- …pour l’Italie qui depuis trois ans est de plus en plus sérieuse. On les reverra sûrement et sûrement plus forts.
- … pour George Eddy, qui nous a offert ses derniers commentaires lors de la finale France-Espagne. Un fait de match qui sera presque aussi fort que son dénouement.
Oubliez cet Eurobasket pour…
- …le jeu proposé par l’équipe de France : 17 pertes de balles en moyenne, c’est rien d’autre qu’une faute grave. En plus de cela, notre basket aura été très limité : écrans pour Fournier pour du shoot, trop peu de passe, pas d’intérieurs suffisamment utilisés. Gobert dans le mal en début de tournoi… On aura attendu la demi-finale pour voir un passe-et-va. En définitive, un parcours médaillé grâce à deux miracles improbables. Non vraiment, niveau basket, même la France de 2017 était plus sympa à regarder.
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…le public français. On ne va pas jeter la pierre sur les quelques fidèles présents en salle toute une semaine à Cologne, puis à Berlin, notamment ce supporter réunionnais avec son fier drapeau tricolore « 974 » que nous croisons absolument à chaque compétition. Mais le fait est qu’à Cologne, la Bosnie avait un kop, les Slovènes étaient en nombres et l’admiration pour Luka Doncic était incontournable, les Lituaniens avaient une armée de supporter et même les hongrois avaient une bande de brave, notamment des enfants, venus tambour battant et drapeau géant en main. Et les français ? Rien. Pas un cri dans la salle, pas un « allez les bleus » qui pourfend le brouhaha de la salle… Un second tour avec un public turc déchaîné, un public italien chambreur et un public polonais dans les nuages. Mais il aura fallu entendre la demi-finale pour enfin entendre une marseillaise chantée ailleurs que sur le terrain. Quoi de mieux pour illustrer le désastre supportériste que les tweet d’Evan appelant à « se bouger le cul » pour venir à la finale et surtout cette photo que nous avons prise à Cologne, où l’on voit le kop lituanien…et le kop français. Si si, cherchez bien.
- …les diffuseurs. A chaque compétition, c’est la foire. George Eddy a bien tenté de faire de la prévention pendant plusieurs semaines, mais le site BasketUSA lui-même a fini par sortir que c’était plus simple de prendre un lien streaming. Alors oui, l’application de la FIBA « Courtside1891 » a plutôt bien fonctionné (19 balles…encore heureux) mais n’empêchait pas l’obligation d’un abonnement VPN ou Canal+ sitôt qu’une équipe était soumise à des droits de diffusion dans votre pays. Ainsi, nous avions suivi la compétition dans 3 pays différents : Belgique, Allemagne, France. En Belgique, 100% des matchs étaient accessible par l’application, en Allemagne, presque tous sauf ceux des allemands, et en France, c’était tout simplement au jour le jour, puisque Canal prenait les bleus, en clair, puis en crypté, et annonçait tardivement que les huitièmes ou les quart de finale seraient diffusés chez eux. Résultat, hormis ceux payant pour un abonnement Canal+, personne n’avait accès aux quarts de finale. Bref, encore une fois, la copie est à revoir et si possible recommencer sur une page blanche.
Enfin, oubliez cet Eurobasket pour Bismak Biyombo et son tweet « Espagne vs Afrique » est d’un malaise dramatique pour tout le monde. Une bonne occasion ratée de se taire, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire.