Qu’il semble loin, le temps où la preview des San Antonio Spurs devait sortir dans le dernier tiers de notre calendrier, laissant aux fans le plaisir de rire des autres franchises, et à votre serviteur le plaisir de pouvoir se prélasser pendant que ses comparses s’essoufflaient. Mais voilà, la roue tourne, et, depuis quelques années désormais, les Spurs se rapprochent dangereusement de la première place de notre calendrier infernal. Une chute lente, mais certaine, ainsi qu’on la décrit depuis plusieurs années.
La saison dernière n’y fit pas exception : 34 victoires, et une 10è place qui força les troupes de Gregg Popovich à disputer un tour de play-in contre des Pelicans trop en verve en cette fin de saison, Brandon Ingram et CJ McCollum n’ayant aucune pitié pour les texans.
Cette saison 2021-22, finalisée par une sortie prématurée au play-in, aura été néanmoins le prétexte pour voir Dejounte Murray devenir ce qu’il n’aurait jamais dû être à son arrivée dans la Grande Ligue : un All-Star, et un joueur à part entière. Énième fruit du développement made in Spurs et bourreau de travail, Murray a offert à ses fans le basket le plus complet de sa carrière, démontrant à nouveau sa capacité à progresser année après année. Si voir Murray jouer sur le parquet étoilé suffisait amplement à satisfaire l’égo des fans de San Antonio – devenu bien mince, certes, celui-ci n’aura pas été rassasié sans voir le seul objectif réellement visé être rempli.
Celui de voir Gregg Popovich, le coach d’une vie, atteindre, seul, le sommet du classement des coachs les plus victorieux de l’histoire en saison régulière. Chose faite le 12 mars 2022, après une victoire des Spurs contre le Jazz, laissant Popovich dépasser l’illustre Don Nelson, et ancrer davantage son nom dans les livres d’Histoire de la Grande Ligue.
Si la chute, inéluctable, continuait ainsi en silence côté San Antonio, force est de constater que pour cette saison 2022-23 à venir, les choses se sont accélérées.
In & out : le point sur le roster
Le point sur le roster actuel :
Meneurs : Tre Jones
Arrières : Romeo Langford, Joshua Primo, Josh Richardson, Blake Wesley
Ailiers : Doug McDermott, Keldon Johnson, Jeremy Sochan, Devin Vassell
Ailiers-forts : Malaki Branham, Keita Bates-Diop, Joe Wieskamp
Pivots : Zach Collins, Gorgui Dieng, Jakob Poeltl
Phase de l’équipe : sortez les chenilles
Y a-t-il ne serait-ce qu’un doute sur le projet des Spurs pour la saison à venir ?
Le virage pris depuis quelques années vient de subir une accélération bienvenue : après tout, quitte à toucher le fond, autant sauter. Si nous reviendrons sur le départ de Dejounte Murray plus tard, force est de constater que celui-ci vient tourner une énième page de l’histoire récente des Spurs. Place est faite aux Devin Vassel, Joshua Primo, Keldon Johnson, Jeremy Sochan et autres néo-draftés, afin que cette jeune génération engrange de l’expérience, du temps de jeu et des responsabilités. Voilà l’objectif pour le groupe des Spurs en cette saison 2022-23 : continuer à faire grandir les jeunes les plus avancés d’un côté, développer les nouveaux venus de l’autre. Un laboratoire XXL encadré par quelques vétérans bienvenus (McDermott, Richardson en premier lieu), et l’éternel Gregg Popovich aux manettes.
Les tendances de l’été
Dejounte Murray, le départ qui divise
Les rumeurs enflaient avec insistance, quand soudain la nouvelle tomba. Dejounte Murray quittait le Texas destination Atlanta, pendant que les Spurs récupéraient en retour Danilo Gallinari (non-conservé), 3 premiers tours de draft (2023, 2025 et 2027) et un pick swap en 2026. Trois premiers tours de draft et un swap, un lot de consolation XXL pour une équipe orientée vers une reconstruction.
Et pourtant, l’incompréhension était de mise chez certains fans de San Antonio : à quoi bon trader pour “rien” un joueur de 26 ans, néo-All Star ?
Tout simplement car le projet Murray semblait à contre-courant du projet initié, ou souhaité, par la direction texane. Certes, Murray n’a “que” 26 ans (le 25 septembre prochain), mais l’écart était néanmoins suffisant avec les Tre Jones, Keldon Johnson, Devin Vassell (tous 22 ans) et autres Joshua Primo, Jeremy Sochan, Blake Wesley ou Malaki Branham (tous 19 ans) pour justifier une séparation. 4 ans, surtout en NBA, c’est parfois plus qu’il n’en faut.
De plus, Dejounte Murray n’a pas le même statut qu’un McDermott, un Richardson, ou même un Poeltl. Murray, surtout au terme de cette saison 2021-22, était la pièce principale des Spurs, et donc celle avec le plus de valeur à l’instant T : le board de San Antonio, avec désormais un objectif de reconstruction claire en tête, pouvait-il raisonnablement refuser l’offre des Hawks, avec 3 premiers tours de draft dans les 5 années à venir ? Non, tout simplement.
L’incompréhension est surtout le fruit d’un attachement viscéral au joueur qu’est Murray, et plus encore, à ce qu’il est devenu, lui le bourreau de travail, lui, l’énième fruit du développement à la sauce Spurs depuis son arrivée dans la franchise en 2016. De joueur de complément à remplaçant, de titulaire à All-Star, Murray est allé chercher sur le terrain, pas après pas, la reconnaissance qui lui est due aujourd’hui. Néanmoins, à froid, la décision prise était peut être la meilleure pour l’avenir des Spurs, offrant au surplus à Murray un terrain de jeu plus en adéquation avec ses ambitions personnelles.
Une cuvée de draft dans la continuité du projet
Avec 3 picks au premier, la question à l’approche des Spurs était de savoir si ceux-ci allaient effectivement drafter autant de joueurs. Avec les sélections de Jeremy Sochan, Malaki Branham et Blake Wesley en picks 9, 20 et 25, la question fut rapidement réglée.
Sochan est sans doute le prospect le plus attendu des trois noms cités, lui l’ancien de Baylor. Son profil rappelle quelque peu celui de son nouveau coéquipier, Devin Vassell. Un joueur intelligent, NBA ready défensivement dès le premier jour, notamment grâce à la faculté d’adaptation dont il a fait preuve pour s’intégrer dans le système défensif de Baylor. Avec ses 2m06 et 2m13 d’envergure, sa capacité à couvrir du poste 2 au poste 4, Sochan offre un panel de possibilités des plus intéressants, surtout associé à des joueurs tels que Devin Vassell ou Keldon Johnson, également polyvalents.
Une qualité qu’on retrouve également chez Malaki Branham (2 mètres, 2m12 d’envergure) et Blake Wesley. Wesley sera sans doute affecté aux postes arrières là où Sochan et Branham devraient être positionnés sur le font court. Les trois jeunes joueurs sélectionnés par le front-office des Spurs ont en commun de bénéficier d’une assise défensive des plus intéressantes, leur permettant, à première vue, d’évoluer sereinement dans le schéma souhaité par Popovich de ce point de vue-là.
Rien de très étonnant à bien y réfléchir : sans disposer d’un top 3 pick, il est difficile d’acquérir par la draft un joueur véritablement game changer ou franchise changer pour les plus prometteurs. Difficile également d’obtenir, en fin de top 10, un joueur à la création offensive au-dessus de la moyenne. Partant, les Spurs ont fait le choix de pari “secures”, en misant sur des joueurs à développer, certes, mais dont l’assise défensive et collective sera acquise rapidement.
Focus sur la saison 2022-23 des Spurs
Il y aura-t-il un pilote dans l’avion ?
A la lecture du roster, c’est la première chose qui frappe : qui créera le jeu des Spurs cette saison ? Si la saison passée les Spurs ont largement pu se reposer sur les épaules de Dejounte Murray pour ce faire (31,5% d’usage rate), il n’en sera rien cette saison. On peut parier, comme ces dernières années, qu’un jeu axé sur la circulation de balle aidera le roster à échapper à une impasse dans le domaine, mais viendra nécessairement le moment où l’un des jeunes joueurs de l’effectif devra sortir du bois en la matière.
Si Keldon Johnson, Devin Vassell, Tre Jones ou Joshua Primo ont des qualités certaines, aucun d’eux n’a – pour l’instant – la qualité de dribble nécessaire pour faire une différence nette balle en main et se créer son propre tir, ou une opportunité pour un autre, en partant de rien. Mais ne serait-ce pas justement l’année idéale pour tenter des choses, et voir les progressions en la matière de chacun ? Il y aura bien sûr des erreurs, et sûrement un jeu demi-terrain stéréotypé, mais la reconstruction passera obligatoirement par là en attendant qu’un ball-handler de qualité rejoigne l’effectif.
De quoi voir Popovich s’égosiller sur Joshua Primo, titulaire au poste 1 pendant 82 matchs à 19 ans ? On prend.
Jakob Poeltl : partira, partira pas ?
Après le départ de Dejounte Murray, il est celui que l’on attendait voir partir, et qui, finalement, est encore là. Jakob Poeltl, 26 ans, devrait renfiler le costume de pivot titulaire chez les texans. Lui aussi a progressé lentement, mais sûrement, d’année en année depuis son arrivée dans la Grande Ligue, d’abord chez les Raptors, puis chez les Spurs.
Comme l’a joliment dit Joël Embiid à son sujet durant la saison, Poeltl est “une star dans son rôle”. Un soldat de l’ombre, qui s’assurera de faire toutes les petites choses, aussi bien offensivement que défensivement, pour permettre à son équipe de s’améliorer. Défensivement, justement, le pivot est devenu un vrai gage de qualité dans un effectif. Capable de protéger le cercle des drives adverses, de dissuader les tirs, de se montrer assez mobile sur les aides, bref, de quoi largement séduire l’oeil des franchises les plus curieuses en cours de saison.
Si Poeltl devrait bien revêtir le maillot Spurs lors du coup d’envoi de la saison 2022-23, rien n’est moins sûr pour la suite de la saison. Et si l’offre se montre suffisamment intéressante pour les Spurs, difficile de les imaginer conserver leur pivot plus longtemps.
Qu’est-ce qu’on veut voir cette saison ?
Des jeunes courir, des jeunes progresser, et un groupe tenté de faire du mieux qu’il peut. Difficile d’imaginer une saison surprise en terme de résultats au vue des carences évidentes du roster. Pas de créateurs balle en main, un plafond assez bas, les Spurs devraient jouer dans les bas-fonds de la conférence Ouest cette saison. Mais sur le terrain, on peut croiser les doigts pour avoir de quoi s’amuser un peu. Les Primo, Vassell, Johnson, Sochan et autres devraient avoir quartier libre pour s’amuser avec la gonfle, courir et envoyer du jeu. Tout ne sera pas parfait, loin de là, mais est-ce vraiment important pour les Spurs ?
L’objectif semble clair : faire progresser, et avoir la draft 2023 en ligne de mire. Pour enfin aller récupérer un gros prospect ?