Au début du mois de juillet, Kevin Durant, la superstar des Nets de Brooklyn, a fait part à son management de sa volonté d’être tradé. Pour certains observateurs, le transfert de l’ailier serait tout bonnement le plus important de l’histoire. Il faut dire que l’actuel numéro 7 sort d’une saison – certes incomplète (55 matchs) – à 30 points, 7,4 rebonds et 6,4 passes décisives (51,8 % au tir, 38,3 % de loin, 91 % aux lancers, 65 % de victoires). Bien que bientôt âgé de 34 ans et revenant d’une rupture du tendon d’Achille contractée en 2019, Durant demeure peut-être le meilleur joueur de la Ligue. Aussi, l’immense majorité des franchises devraient s’arracher pour monter un package suffisant dans l’optique de l’attirer, lui et ses 4 années de contrats (165 M$).
La piste Phoenix a pris du plomb dans l’aile avec la récente resignature de Deandre Ayton et les rumeurs brillent surtout par leur absence. Mais difficile d’envisager que le mariage entre le MVP 2014 et les Nets perdure. À coup sûr, son trade aurait une portée historique. En effet, rares sont les joueurs de sa stature à avoir fait l’objet d’un transfert ! Pourtant, celui-ci sera-t-il vraiment l’un des plus importants de tous les temps ? Passons en revue, sans classement aucun, quelques trades retentissants intervenus depuis 1946.
Quelques cas de trades au soir de la draft
Avant de plonger dans le vif du sujet, un avertissement s’impose. Dans cette sous-partie, nous évoquerons, comme l’indique le titre, les transferts qui se sont déroulés au soir de la draft. Toutefois, nous ne parlerons que des joueurs fraîchement draftés et immédiatement échangés. C’est le cas, pour lister quelques mentions honorables, de Penny Hardaway en 1993, sélectionné en 3ème position par les Warriors et transférer dans la foulée au Magic contre Chris Webber. Plus récemment, c’est aussi celui de Luka Doncic et de Trae Young, échangés en 2018 entre les Hawks et les Mavericks.
Dirk Nowitzki à Dallas (1998)
Dallas reçoit : Dirk Nowitzki et Pat Garrity.
Milwaukee reçoit : Robert Traylor.
Les Mavericks, justement ! Alors que la franchise avait obtenu quelques résultats encourageants à la fin des eighties, avec notamment une apparition en finale de conférence 1988, les années 1990 constituent un très long chemin de croix pour l’équipe texane. Entre 1991 et 1998, la franchise n’a jamais disputé les playoffs. Pire encore, sur ces 8 saisons, elle n’a remporté que 180 matchs (dont 24 à cheval entre 1993 et 1994 …). Pourtant, malgré une énième saison galère conclue avec 62 défaites, Dallas ne possède que le 6ème choix de la draft 1998.
Ce qu’on ignorait, c’est un échange était discuté en coulisse avec les Bucks de Milwaukee, qui possédaient le choix #9. Les daims de Ray Allen et Glenn Robinson étaient activement à la recherche d’un nouveau pivot, tandis que les Mavericks étaient tout bonnement à la recherche de tout, mais surtout d’un talent.
Aussi, en 6ème position, Dallas a sélectionné Robert DeShaun Traylor, pivot undersize qui sortait de trois saisons à Michigan (16 points, 10 rebonds et 58 % de réussite en saison junior). S’il enfile la casquette frappée du cheval texan, il est échangé dans la foulée à Milwaukee, en échange de Dirk Nowitzki, un jeune allemand qui évoluait jusqu’alors en seconde division allemande.
La suite ? Robert Traylor, surnommé Tractor Traylor a passé 7 saisons en NBA, pour 4 équipes différentes et un rôle mineur (5,5 points, 4,5 rebonds et 18 minutes de temps de jeu au mieux). Dirk Nowitzki, lui, a disputé 1 522 rencontres, toutes pour le compte de Dallas, dont il est, de très loin et probablement à jamais (sauf si un Slovène venait à faire des très grandes choses, ce qui est loin d’être inimaginable) le meilleur joueur de l’histoire. Surtout, il demeure le franchise player qui a mené l’équipe au titre NBA 2011, après un parcours de playoffs incroyable. À l’échelle de la Ligue, il a inscrit quelques 31 500 points et peut être considéré comme l’un des 20 meilleurs joueurs de tous les temps.
Scottie Pippen à Chicago (1987)
Chicago reçoit : Scottie Pippen et un premier tour de draft 1989 (devenu Jeff Sanders).
Seattle reçoit : Olden Polynice, un second tour de draft 1988 (devenu Sylvester Gray) et un premier tour de draft 1989 (devenu B.J. Armstrong).
Le Roi était à la peine. Malgré tout son immense talent, Michael Jordan ne parvenait ni à dépasser la barre des 40 victoires en saison régulière (38, 30, 40), ni le premier tour des playoffs (trois défaites). Derrière les intouchables Celtics, dont on reparlera peut-être ci-dessous, les Bucks, les 76ers ou les Pistons paraissent deux crans au-dessus de la franchise de Windy City.
Il fallait donc renforcer l’équipe autour de Sa Majestée. Jerry Krause a profité de la draft 1987 pour réaliser un double coup de maître. En sélectionnant Horace Grant avec le 10ème choix, tout d’abord. En nouant un trade avec les Supersonics de Seattle, ensuite. Pourtant, avec cette cuvée 1987, il fallait avoir le nez creux, car les déceptions étaient plus nombreuses que les stars. Derrière David Robinson, qui était unanimement considéré comme le premier choix, on retrouve les noms de Kevin Johnson (Cleveland, #7), Reggie Miller (Indiana, #11), Muggsy Bogues (Washington, #12) ou Mark Jackson (New York, #17), mais aussi Armen Gilliam (Phoenix, #2), Dennis Hopson (New Jersey, #3) ou Kenny Smith (Sacramento, #6).
Les Bulls, eux, possédaient le pick #8, tandis que Seattle se situait plus haut, en 5ème position. Avec celui-ci, les vert et jaune ont fait le choix de Scottie Pippen, l’ailier de l’université d’Arkansas, qui était attendu… bien plus bas. Il ne s’envola pourtant pas vers Seattle, car il a été échangé dans la foulée dans la conférence Est, à Chicago, contre Olden Polynice, choisi par Jerry Krause.
La suite ? Polynice, pivot de son État, a disputé plus de 1 000 rencontres en NBA, dans 5 franchises différentes. Il a d’ailleurs été titulaire la majorité du temps. Scoreur honnête et rebondeur solide, il a réalisé deux saisons en double-double. Il n’a cependant été qu’un role player de qualité. Scottie Pippen, lui, a remporté 6 titres NBA aux côtés de Jordan. Il s’est révélé être l’un des tous meilleurs ailiers de l’histoire, mais aussi un défenseur absolu sur les lignes extérieures. Il a su endosser le rôle de franchise player lors de la première retraite de Jordan. Enfin, il peut être considéré, à la louche, comme l’un des 30 meilleurs joueurs a avoir un jour évolué en NBA.
Kobe Bryant à Los Angeles (1996)
Los Angeles reçoit : Kobe Bryant.
Charlotte reçoit : Vlade Divac.
Ce trade diffère des deux précédents en raison de l’aura que possédait déjà Kobe Bryant à la sortie du lycée. Tandis que Nowitzki et Pippen étaient des inconnus, ou presque, Bryant était une véritable star, ce qui explique sa décision de zapper la case “université” pour directement intégrer la NBA. De plus, en 1996, les Lakers possédaient déjà une équipe compétitive, qui venait de remporter 53 rencontres en saison régulière, malgré l’élimination au premier tour des playoffs. Néanmoins, hormis un Magic Johnson sorti de sa retraite, le roster des Angelenos était dépourvu de tout nom clinquant (Cedric Ceballos, Nick Van Excel, Vlade Divac…).
Jerry West s’est donc activé en coulisse. Alors que de nombreux front-office étaient sceptiques au sujet du talent véritable de Bryant, le GM des Lakers faisait partie des convaincus. Sauf qu’avec son 24ème choix, la probabilité de sélectionner la petite pépite de Philadelphia était nulle. Le Logo est alors entré en relation avec de nombreuses équipes, dans l’optique de trouver un deal : sélectionner Kobe Bryant et l’envoyer à L.A, en l’échange de Vlade Divac.
Il parvint à un accord avec les Hornets, qui possédaient déjà un effectif compétitif (Larry Johnson, Muggsy Bogues…) et qui espéraient jouer leur carte dans la conférence Est. L’objectif était de gagner maintenant, mais aussi de compenser le départ d’Alonzo Mourning pour le Heat l’année précédente. Les frelons avaient un vide à combler sous les cercles, et le profil de Vlade Divac n’était pas pour déplaire à Bob Bass.
La suite ? Divac n’a passé que 2 saisons à Charlotte, avant de s’envoler pour Sacramento. All-star et Hall-of-famer, il était le pivot titulaire d’une équipe des Hornets qui a remporté plus de 50 rencontres à 2 reprises. Mieux, il est de ceux qui ont affronté les Bulls en demi-finale de conférence 1998 (défaite 4 – 1), ce qui constitue, aujourd’hui encore, le meilleur résultat de l’histoire de la franchise.
Kobe Bryant, lui, est devenu une superstar et une icône absolue. Lieutenant de Shaquille O’Neal puis franchise player, il a remporté 5 bagues dans sa carrière, et inscrit plus de 33 000 points. Il est bien souvent cité dans le top 10 des meilleurs joueurs de l’histoire de la Ligue. C’est donc peu de dire que ce trade du 26 juin 1996 a eu un impact certain sur l’ensemble de la NBA.
Bill Russell à Boston (1956)
Boston reçoit : Bill Russell.
St. Louis reçoit : Cliff Hagan et Ed Macauley.
Comment ne pas en parler ? S’il ne fallait faire mention que d’un seul trade réalisé au soir de la draft, ce serait bien évidemment celui-ci. Parce que le choix fait par Red Auerbach le 30 avril 1956 était totalement anachronique ; dans une NBA tournée vers l’attaque, le profil de Bill Russell (d)étonnait. L’enfant de Monroe (Louisiane) n’a en effet jamais été un cador lorsqu’il s’agissait de mettre la balle dans le cercle (record de points : 37 en saison régulière, 31 en playoffs). D’ailleurs, le GM des Celtics n’avait pas spécialement l’intention de jeter son dévolu sur un joueur… qu’il ne connaissait même pas.
En réalité, l’histoire de Bill Russell et des Boston Celtics est intimement liée à Bill Reinhart, entraîneur de l’équipe universitaire d’Oregon. C’est lui qui a pris l’initiative d’alerter Auerbach sur les exceptionnelles aptitudes défensives (notamment au rebond) de Russell, qui restait tout de même sur une saison junior terminée avec 20,6 points et 21 rebonds de moyenne.
Le reste ? Une masterclass. Avec leur 7ème choix de la draft, Boston risquait de ne pas pouvoir sélectionner Russell. Inutile cependant, selon Auerbach, d’aller négocier avec les Royals, qui possédaient le premier choix. En effet, le poste de pivot de l’équipe de Rochester était tenu par Maurice Stokes, une star de son temps. Le deal est donc conclu avec les Hawks qui, de toute manière, refusaient de payer la prime de 25 000$ demandée par le joueur en cas de draft.
Auerbach ne s’est d’ailleurs pas arrêté en si bon chemin. Après avoir mis son grappin sur le meilleur joueur de son temps (avec Chamberlain), il a sélectionné Tom Heinsohn avec son territorial pick et K.C Jones avec le choix #14. Et voilà, comment en l’espace d’une soirée, la plus grande dynastie de l’histoire du sport a été créée.
La suite ? Nous venons de vendre la mèche. Jamais titrés jusqu’alors, les Celtics vont remporter 11 titres entre 1956 et 1969. Cette équipe de Boston restera, à jamais probablement, la plus grande de tous les temps. La retraite de Russell y a d’ailleurs mis fin, comme si le pivot en était aussi bien l’alpha que l’oméga. Il est aujourd’hui unanimement considéré comme l’un des 5 / 7 meilleurs joueurs de l’histoire de la NBA.
Pour les Hawks, le trade n’a pas été si perdant que cela. Avec ses deux hall-of-famer, associés à Bob Pettit, St. Louis va terrasser les Celtics en finales 1958, pour remporter l’unique titre NBA de l’actuelle franchise d’Atlanta. Si Macauley était un pivot en fin de carrière, Hagan était un ailier encore jeune, capable de réaliser des saisons à 25 points et 10 rebonds. En somme, dans cette mémorable soirée du 30 avril 1956, les deux protagonistes principaux ont trouvé leur compte. L’un peut-être plus que l’autre, certes.
Quelques autres cas de trades marquants
Vous l’imaginez bien, l’histoire de la NBA regorge de transferts importants. La liste ne peut donc prétendre à être exhaustive. En tant que mention honorable, nous pouvons citer l’échange qui a emmené Oscar Robertson à Milwaukee en 1970, contre Charlie Paulk et Flynn Robinson, qui aboutit sur le premier titre NBA de la franchise l’année suivante. Évoquons également le trade intervenu entre Golden State et Boston en juin 1980, dans lequel les Warriors ont obtenu le premier choix de la draft de la même année (devenu Joe Barry Carroll), en l’échange de Robert Parish et du pick #3, qui deviendra Kevin McHale. En l’espace d’une soirée, les Celtics ont donc ajouté à Larry Bird les éléments suffisants pour devenir l’une des meilleures équipe de l’histoire.
Mentionnons aussi le transfert de Charles Barkley à Phoenix, contre Jeff Hornacek, Andrew Lang et Tim Perry. Nous étions alors en juin 1992. 12 mois plus tard, Chuck était élu MVP et emmenait les Suns en finale NBA face aux Bulls de Michael Jordan. Enfin, un dernier trade n’a pas passé le cut de notre sondage interne : celui de Wilt Chamberlain à Philadelphia (1965), contre Connie Dierking, Paul Neumann, Lee Shaffer et du cash. Quelques 60 années plus tard, la contrepartie fait évidemment sourire. Il n’en demeure pas moins qu’autour de Chamberlain, les 76ers ont fait tomber les Celtics en 1967, alors que la franchise n’avait plus perdu une série de playoffs depuis… les finales NBA 1958 !
Il nous reste donc 3 trades à évoquer ; ceux de Shaquille O’Neal, de Kareem Abdul-Jabbar et de Dolph Schayes.
Shaquille O’Neal à Miami (2004)
Miami reçoit : Shaquille O’Neal.
Los Angeles reçoit : Caron Butler, Brian Grant, Lamar Odon, un premier tour de draft 2006 (devenu Jordan Farmar), un second tour de la draft 2007 (devenu Renaldas Seibutis).
Qu’est-ce qui est plus massif qu’un trade de Shaquille O’Neal ? Le Shaq lui-même, peut-être, mais c’est globalement tout. Depuis plusieurs années, le torchon brûle entre le pivot et Kobe Bryant. Les deux stars des Lakers ne peuvent plus se voir, même en photo. Pourtant, les Angelenos ont réalisé un historique three-pit entre 2000 et 2002, avant de rallier les demi-finales de conférence en 2003 et les finales NBA en 2004. Sportivement, il est difficile de faire mieux.
L’échec de 2004 face aux Pistons a sonné le glas de la relation entre O’Neal et les Lakers. Le pivot, certainement le plus dominant que la NBA ait connu depuis Wilt Chamberlain, avait atterri à L.A en 1996, lorsque le Orlando Magic avait refusé de lui donner un contrat maximum. Sous les couleurs pourpre et or, il a été élu MVP de la saison 1999 – 2000 (à l’unanimité… ou presque 120 voix sur 121 !), a remporté 3 titres NBA. Surtout, il a donné l’impression, soir après soir, d’évoluer face à des jeunes adolescents incapables de lui faire face.
La bête, âgée de 32 ans en 2004, n’était pas rassasiée. Dès lors, à son arrivée au Heat (les Lakers privilégiaient un trade avec Dallas, afin de recevoir Dirk Nowitzki, ce qui a été refusé par la franchise Texane), O’Neal est encore un MVP en puissance. Plus pour longtemps, certes, mais il l’était encore. Il forme avec le tout jeune Dwyane Wade un one-two punch effrayant pour les 29 équipes adverses. La pige du Big Diesel à Miami signera également la fin de sa carrière au très haut niveau. En effet, à compter de 2007, le bonhomme a enchaîné les franchises (Phoenix, Cleveland, Boston), avec un rendement moindre, lié aussi bien à son âge qu’à son poids.
La suite ? Lamar Odom occupera une place importante dans le renouveau des Lakers, qui ont remporté les titres NBA 2008 et 2009. Surtout, le départ d’O’Neal a permis à la franchise californienne de donner les clés du camion à Kobe Bryant, pour le meilleur et pour le pire.
Avec O’Neal, le Heat a rapidement remporté le premier titre de son histoire (2006), en renversant les Mavericks qui menaient pourtant 2 – 0. Le pivot aurait d’ailleurs pu prétendre à un second titre de MVP cette saison-là. Ce trade, comme celui de Kawhi Leonard aux Raptors d’ailleurs, démontre que le fait d’attirer une superstar pour une courte durée peut parfois s’avérer très payant.
Kareem Abdul-Jabbar à Los Angeles (1976)
Los Angeles reçoit : Kareem Abdul-Jabbar et Walt Wesley.
Milwaukee reçoit : Elmore Smith, Junior Bridgeman et Dave Meyers.
On ne trade pas une légende. Certes, mais quid lorsque la légende elle-même demande à être transférée ? Car c’est effectivement le souhait qu’a formulé Abdul-Jabbar à l’été 1974. Le front-office de Milwaukee n’a pour autant pas immédiatement cédé. Le pivot a en effet réalisé une dernière saison dans le Wisconsin, terminée peu glorieusement avec un bilan négatif. Le triple MVP fait donc ses valises, direction Los Angeles, à l’été 1975. La franchise hollywoodienne fait là un magnifique coup. En l’espace d’un peu plus d’une année, elle est parvenue à remplacer Wilt Chamberlain, parti à la retraite… par le meilleur pivot de tous les temps. Rien que cela.
Milwaukee a pourtant fait tout son possible pour retenir Abdul-Jabbar. Le front-office a même proposé au joueur de remplacer l’ensemble du staff technique ! Comme si le pivot, triple MVP sous les couleurs des daims, était devenu plus grand encore que l’institution. C’était peut-être le cas, d’ailleurs.
Il n’en fut rien. Déçu par les réactions de certains membres de la franchise lors de sa conversion à l’Islam, désireux de rejoindre un gros marché (et à cet égard, quoi de mieux que Los Angeles ?), KAJ est resté campé sur sa position, en continuant toutefois de jouer pour le compte de Milwaukee en attendant son trade (malgré une blessure contractée en 1974, qui lui valut de porter des lunettes de protection pour le restant de sa carrière).
La suite ? Pour les Bucks, le départ d’Abdul-Jabbar a été correctement négocié. Si la contrepartie obtenue était loin de compenser le départ, Milwaukee n’a manqué les playoffs qu’à 2 reprises entre 1976 et 1992, ralliant même les finales de conférence à deux reprises au cours de cette période.
Les Lakers, eux, ont bâti une équipe monstrueuse autour de leur nouveau pivot. Trois années plus tard, c’est Magic Johnson qui débarquait en Californie, avant que James Worthy ne suive. Cette équipe des Lakers a été la seule à pouvoir donner la réplique aux Celtics de Larry Bird, en remportant les titres NBA 1980, 1982, 1985, 1987 et 1988. Sous ses nouvelles couleurs, KAJ a encore été nommé MVP à 3 reprises (6 au total, un record) et a établi un record qui tient toujours ; celui du plus grand nombre de points inscrits en NBA : 38 387. Il est devenu l’un des trois joueurs systématiquement cités dans le débat sans fin du GOAT.
Autrement formulé, il est probablement le meilleur joueur à avoir été tradé dans l’histoire (si l’on excepte le sign & trade de LeBron James en 2010). Ce transfert du 16 juin 1975 est donc peut-être le plus important de tous les temps. À moins que …?
Dolph Schayes à Syracuse (1948)
Syracuse reçoit : Dolph Schayes.
Tri-Cities Blackhawks reçoit : rien.
En voilà une bizarrerie. Pourtant, à notre sens, le transfert de Dolph Schayes à Syracuse constitue le trade le plus important de l’histoire du basketball américain. Nous ne pouvons guère parler de NBA, puisqu’à cette époque, la National Basketball Association n’existait pas encore. Et, sans ce trade, elle n’aurait peut-être tout bonnement jamais existé.
Replongeons dans le monde de l’après seconde guerre mondiale. Dolph Schayes, qui a laissé tomber le “A” au début de son prénom pour des raisons évidentes, a été drafté en 1948 par les Knicks, qui jouaient en BAA, mais aussi par les Tri-Cities Blackhawks, qui évoluaient en NBL. Le choix entre les deux franchises ne laissait aucun doute : qui irait s’enterrer à Moline, Illinois, s’il peut évoluer à New York ?
C’est là qu’intervient Leo Ferris, GM des Blackhawks et vice-président de la NBL. Pour mesurer l’ampleur de son action, il faut auparavant prendre connaissance de l’état de la NBL à la fin des années 1940. Il s’avère que la Ligue périclite dangereusement. 5 de ses équipes ont fait banqueroute et les Syracuse Nationals risquent fort de connaître un sort identique. Or, la disparition de la franchise aurait certainement constitué le coup de grâce pour la Ligue, qui aurait mis la clé sous la porte.
Pour éviter la disparition de la NBL, Ferris a cédé les droits de Dolph Schayes aux Nationals. Sauf qu’il demeurait un obstacle important, à savoir le nerf de la guerre. Et pour cause ; l’équipe étant au bord de la banqueroute, elle ne pouvait pas s’aligner sur l’offre des Knicks, qui s’élevait à 5 000$ (!). Grâce à la vente de 25 actions pour un prix unitaire de 1 000$, exceptionnellement autorisée par Ferris himself, les Nationals ont pu dégager suffisamment d’argent pour offrir un “pont d’or” au joueur : 7 500$. Un montant décisif dans la décision du joueur, qui passa les 15 années suivantes à Syracuse.
La suite ? L’influence de la signature de Dolph Schayes en NBL est immense. Tout d’abord, elle a permis à Leo Ferris – toujours lui – de négocier la fusion des deux Ligues professionnelles en 1949, pour donner naissance à la NBA. Si la NBL avait fermé boutique en 1948, rien n’assure que le basketball américain serait aujourd’hui celui que l’on connaisse. Il existe en effet un monde où, comme leurs consœurs, les franchises de la BAA auraient également connu des difficultés financières insurmontables. En lieu et place, la fusion des deux ligues a permis une redistribution idéale des ressources générées, jusqu’à devenir la source inépuisable de dollars qu’elle est aujourd’hui.
Ensuite, cette signature a permis de sauver la franchise de Syracuse. Quelle importance, nous diriez-vous. Et bien il s’avère que celle qui était autrefois appelée “Syracuse Nationals” porte aujourd’hui le nom de “Philadelphia 76ers”. En somme, c’est l’une des franchises les plus historiques du basketball américain qui a été sauvée de la faillite grâce au montage financier initié par Ferris.
Enfin, et c’est finalement subsidiaire à l’égard de ce qui précède, Schayes (12x All-star, 12x All-NBA, membre des 50 et 76 greatest) a été la pierre angulaire de l’effectif qui a remporté le titre NBA 1955 et qui est resté au sommet de la Ligue pendant près d’une décennie.
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La liste qui précède aurait évidemment pu être alourdie par les trades de Kawhi Leonard aux Raptors, Kevin Garnett aux Celtics, Elvin Hayes aux Bullets, Moses Malone et Julius Erving aux 76ers ou encore Pau Gasol aux Lakers (et Marc Gasol aux Grizzlies en échange). Elle sera, à n’en point douter, à retravailler dans les années à venir. Elle risque, enfin, de devoir être largement amendée dans les jours prochains, si Kevin Durant et ses 4 années de contrat venaient effectivement à être transférés. Ce serait alors, probablement, un trade d’une envergure rare. À la hauteur du joueur, finalement.