Les playoffs 2022 battent actuellement leur plein et à l’heure de la rédaction de ces lignes, les finales de conférence devraient bientôt donner leur verdict définitif. Il est, pour l’heure, possible d’affirmer une seule chose : depuis le début de la campagne, un seul sweep a été réalisé. Il est l’oeuvre des Celtics, dans leur premier tour face aux Nets de Brooklyn. Mais le sweep, qu’est-ce que c’est exactement ? Le terme signifie « balayer » dans la langue d’Alain Chabat. Il s’agit de l’action de remporter sa série sans perdre une seule rencontre. Aujourd’hui, alors que l’ensemble des tours se disputent au meilleur des 7 rencontres, le sweep se caractérise forcément et automatiquement par une victoire 4 – 0.
Il n’en a toutefois pas toujours été ainsi. Afin de bien apprécier la suite de l’article, un très rapide rappel historique s’impose : jusqu’en 1984, il fallait atteindre le total de 2 victoires au premier tour des playoffs pour se qualifier au tour suivant. Plus encore, de 1984 à 2002 inclut, 3 victoires suffisaient pour rallier les demi-finales de conférence. Dès lors, en fonction des époques et de la phase de playoffs, les sweeps dont nous parlerons renverront à une victoire 2-0, 3-0 ou 4-0. Néanmoins, la majorité de notre échantillon est constitué de séries pour lesquelles 4 victoires étaient nécessaires pour la qualification (quasi 50%).
Au-delà de l’humiliation infligée à l’équipe adverse, le sweep octroie un avantage à l’équipe victorieuse. En terminant rapidement sa série, celle-ci s’offre un repos plus conséquent que celui de son futur adversaire au tour suivant (à condition que celui-ci n’ait pas également sweepé son adversaire). Or, dans la course effrénée qui mène au trophée NBA, le repos peut s’avérer salvateur, que ce soit pour se détendre, se reconcentrer ou soigner les éventuels bobos. Du moins, c’est ce que nous avons l’habitude de lire et d’entendre.
Que nous disent les chiffres et l’histoire ? Le sweep offre-t-il véritablement un avantage à une franchise au tour suivant ? Puisqu’il semblerait que tous les sweeps ne se valent pas, car tout dépend de l’adversité rencontrée, décomposons notre analyse phase par phase, en commençant tout naturellement par le premier tour des playoffs.
Le sweep au premier tour des playoffs
Parmi les 173 sweeps qui ont été recensés, 92 (53,18 %) ont donc eu lieu au premier tour. Gardons en tête que le terme « premier tour » renvoie à la première des trois séries qui se disputent au sein d’une seule et même conférence. Celui-ci existe depuis le milieu des années 1970. Auparavant, les équipes entamaient leurs joutes printanières en demi-finale de conférence.
Il est parfaitement logique que le premier tour des playoffs soit le théâtre majeur des sweeps en playoffs. En effet, il s’agit – sur le papier à tout le moins – du tour le plus déséquilibré, car les séries mettent aux prises des franchises aux forces très inégales : le 1er contre le 8ème ou le 2ème contre le 7ème (voire même, aujourd’hui, le 9ème ou le 10ème, en fonction des résultats du play-in tournament). La logique sportive veut donc, évidemment, que l’écart (voire le gouffre) qui sépare certaines franchises à l’issue de la saison régulière se retrouve, à l’identique, au premier tour des playoffs. En 2022, il n’aurait par exemple choqué personne, en amont de la série, que les Suns de Phoenix balaient les Pelicans, ou que le Heat ne laisse aucune miette aux Hawks.
Cette logique sportive trouve une double traduction concrète au premier tour des playoffs :
- 59 % des sweeps répertoriés ont été réalisés par le premier ou le seconde sa conférence ;
- seuls 15,22 % de ces sweeps ont été doublés d’un upset.
Pour rappel, on parle d’upset lorsqu’une équipe parvient à se qualifier pour le tour suivant en venant à bout d’une équipe qui était mieux classée qu’elle à la fin de l’exercice régulier (le 5ème qui bat le 4ème, le 6ème qui bat le 3ème, le 7ème qui bat le 2nd, le 8ème qui bat le 1er).
En somme, tout semble logique jusqu’alors : les meilleures équipes engagées en playoffs sweepent fréquemment les moins bonnes que l’inverse, ce qui explique que les sweeps se recensent surtout au premier tour des joutes printanières.
Pour autant, ces qualifications octroient-elles un avantage aux équipes au cours des demi-finales de conférence ?
Le constat chiffré, tout d’abord : 64,13% des équipes qui ont sweepé leurs adversaires au premier tours des playoffs ont, ensuite, remporté leur série de demi-finale.
Au second tour de playoffs, si les deux équipes qui s’affrontent ont logiquement remporté leur premier tour pour en arriver là, il n’y en a qu’une seule qui se hissera en Finale de conférence, soit 50% de chance de qualification. Dès lors, et de manière purement mathématique, le sweep octroierait ainsi 14,13% (points) de chance supplémentaire de disputer les Finales de conférence. L’influence paraît ici indéniable.
Il est cependant nécessaire de préciser ce constat. L’analyse des résultats en demi-finale de conférence met en effet un exergue un élément qui peut venir nuancer cette influence : seules les équipes bien classées à l’issue de la saison régulière (les plus fortes, donc), confirment leur sweep du premier tour par une qualification de finale de conférence :
Le constat est frappant : 100% des numéros 1 de conférence à l’issue de la saison régulière qui ont réalisé un sweep au premier tour des playoffs ont ensuite remporté leur demi-finale. Le sweep, dans ce cas, constitue un sésame automatique pour la Finale de conférence.
L’influence est toutefois difficile à quantifier, puisque le 1er de conférence affronte au second tour l’équipe classée 4è ou 5è, impliquant, de fait, un écart de niveau toujours important, en théorie. Il n’en demeure pas moins que le sweep doit influencer ce bilan immaculé, d’autant plus qu’il se retrouve presque à l’identique en ce qui concerne les 2èmes de conférence (84,6 % de victoire en demi-finale après un sweep).
Ainsi, au premier tour de playoffs, le sweep semble octroyer un véritable avantage à l’équipe qui l’a réalisé.
Néanmoins, cet avantage doit être nuancé par le déséquilibre inhérent au système des playoffs, qui fait que la meilleure équipe de sa conférence rencontre, en demi-finale, des équipes censées être moins armées. Il n’en demeure pas moins que lorsqu’elles sweepent leur adversaire au premier tour, les deux meilleures équipes de leur conférence se qualifient ensuite pour les finales de conférence 91% du temps. La loi du plus fort.
Le sweep en demi-finale de conférence
Avant toute chose, rappelons que la phase des demi-finales de conférence se rapporte à 2 réalités différentes en fonction des époques :
- Actuellement, et depuis le milieu des seventies, les demi-finales de conférence constituent le second tour des playoffs.
- Entre 1947 et 1977, elles étaient toutefois l’équivalent au premier tour pour chaque équipe (sauf exception, certaines équipes étant parfois directement qualifiées pour les Finales de conférence).
Il n’en demeure pas moins que l’on recense 50 sweeps réalisés en demi-finale de conférence (28,9 %). La moitié d’entre eux (25, donc), a été réalisée avant 1977. On constate cependant que la récurrence des “coups de balai” se fait plus rare. Par exemple, aucun sweep n’est constaté à ce stade de la compétition entre 1962 et 1965, ni entre 1986 et 1992. Ils se font, par contre, bien plus fréquent au 21è siècle, puisqu’on dénombre pas moins de 14 sweeps en demi-finale de conférence depuis l’an 2000.
Prenons ici les mêmes repères que pour l’étude du premier tour.
Tout d’abord, intéressons-nous au % de victoires en Finale de conférence parmi les équipes qui sont parvenues à sweeper leur adversaire en demi-finale : 54%. Une première constatation s’impose : le sweep réalisé au 2nd tour n’octroie aucun avantage ou presque à l’équipe qui le réalise : +4% de “chances” seulement de rallier les Finales NBA.
Peut-être est-il donc possible d’estimer – nos développement ultérieurs le confirmeront ou l’infirmeront – que plus les équipes avancent en playoffs, moins le sweep leur octroie un avantage pour la suite de la compétition.
Si l’on s’intéresse au classement de l’équipe qui sweepe son adversaire en demi-finale de conférence, on s’aperçoit qu’il s’agit principalement, à nouveau, des deux premiers de leur conférence :
- 74% des sweeps répertoriés ont été réalisés par le 1er ou le 2e de conférence ;
- 26 % de ces sweeps ont, en conséquence, été doublés d’un upset.
Si la typologie de l’équipe qui parvient à éliminer son adversaire sans concéder une seule défaite n’évolue guère par rapport à nos constatations du premier tour (la loi du plus fort, en somme), il y a tout de même lieu d’aller chercher le diable, caché dans les détails… :
On constate en effet que si aucune équipe classée entre la 5è et la 7è place de sa conférence n’a jamais réalisé un sweep en demi-finale de conférence, une franchise classée 8è de conférence est parvenue à réaliser cet exploit : les Knicks de Patrick Ewing, en 1999.
Les coéquipiers de Pat’ Ewing ont en effet infligé un cinglant 4-0 aux Hawks d’Atlanta (aucune rencontre terminée avec moins de 7 points d’écart). Rappelons tout de même que le classement de la saison 1998-99 est à prendre avec des pincettes, l’exercice ayant été très largement réduit par le premier lock-out qui a frappé la NBA, avec seulement 50 rencontres disputées.
En somme, hormis dans une saison au caractère exceptionnel, aucune équipe classée au-delà de la 4è place n’a sweepé son adversaire au second tour de playoffs.
L’explication est certainement à chercher, une nouvelle fois, dans le niveau d’adversité rencontré.
En demi-finale, le 4è de sa conférence affronte, en toute logique, la meilleure équipe de son côté du pays (l’affrontement classique #1 vs #4). Se qualifier constitue déjà un enjeu de taille face à l’ogre de la conférence. Alors le faire sans perdre une seule rencontre … Ca relève de l’exceptionnel.
D’ailleurs, ce n’est arrivé que deux fois dans l’histoire : les Syracuse Nationals en 1951 (à une époque au les demi-finales étaient donc le premier tour, et qui plus est quand 2 victoires suffisaient à valider un sweep) et les Cleveland Cavaliers en 2018 (4-0 face à Toronto). Et encore ! Retrouver ces Cavs-ci en 4è position constitue presque une anomalie, tant les équipes de LeBron James ont l’habitude, depuis 2007, de rouler sur la concurrence entre octobre et avril. Cette saison régulière “manquée” par Cleveland vient presque fausser notre analyse, car, une fois encore, posséder LeBron dans son roster au cours de la décennie passée constituait l’assurance – ou presque – d’aller a minima en Finales NBA.
Ainsi, à nouveau, il est possible de réaliser une corrélation entre le niveau de l’équipe, reflété par son classement en saison régulière, et la récurrence du sweep en playoffs :
On constate donc que le pourcentage de victoires chute, tout d’abord et logiquement, en même temps que l’on descend le classement de la saison régulière écoulée. S’il remonte brusquement ensuite, c’est en raison des deux anomalies dont nous avons parlé : les Knicks de 1999 et les Cavaliers de 2018.
Néanmoins, il y a lieu de constater que, même pour le second de conférence, le sweep réalisé ne lui procure absolument aucun avantage en finale de conférence (50% de victoire). Dès lors, conformément à notre constatation précédente, il y a certainement lieu de penser que plus le niveau des équipes se rapproche, moins les sweeps réalisés au tour précédent ont un véritable impact.
Le sweep en Finale de conférence
Naturellement, plus nous avançons dans les playoffs, plus le niveau a tendance à s’homogénéiser, et plus les sweeps se font rares. Si entre 1947 et 2021 on en dénombrait 92 au premier tour et 50 en demi-finale, il n’y en a eu que 24 au stade des Finales de conférence, qui mettent aux prises les deux meilleures équipes de chaque côté du pays, parvenues à se hisser à ce niveau de compétition.
La première chose qui frappe dans l’analyse, c’est que parmi ces 24 occurrences, les différentes dynasties qui ont un jour peuplé la NBA se font particulièrement présentes : nous retrouvons ainsi les Minneapolis Lakers de George Mikan (1949, 1950), les Boston Celtics de Bill Russell (1957) et de Larry Bird (1986), les Los Angeles Lakers de Jerry West et Elgin Baylor (certes pas dynastiques, mais extrêmement forts et constants : 1968, 1970), ceux de Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar (1982, 1987) et de Shaquille O’Neal et Kobe Bryant (2001), les Chicago Bulls de Michael Jordan (1991, 1996), les San Antonio Spurs de Tim Duncan (1999, 2013) et les Golden State Warriors de Stephen Curry (2017, 2019).
Au total, 62,5 % des sweeps recensés en Finale de conférence ont été l’œuvre d’une équipe dynastique. La loi du plus fort, on vous en a parlé ?
Le reste ? Si l’on excepte les Warriors de 1947 et les Bullets de 1948, toutes les équipes possédaient soit un MVP, soit un joueur de calibre MVP capable d’emmener l’équipe au titre. C’est le cas des Nationals de 1954 (Dolph Schayes), des Hawks de 1957 (Bob Pettit), des Bucks de 1974 (Kareem Abdul-Jabbar), des Blazers de 1977 (Bill Walton), du Jazz de 1998 (Karl Malone, John Stockton), des Nets de 2003 (Jason Kidd) et des Cavaliers de 2015 (LeBron James).
En somme, réaliser un sweep en Finale de conférence n’a jamais été, historiquement, l’œuvre du hasard ou de la chance : cela a absolument toujours été celle d’une équipe bâtie pour remporter le titre NBA, ou presque.
Ce constat explique que, plus souvent qu’auparavant et malgré nos conclusions précédentes, la franchise qui parvient à sweeper son adversaire en Finale de conférence parvient, ensuite, à soulever le Larry O’Brien Trophy : c’est d’ailleurs le cas 58,33% du temps (14 fois sur 24).
Mais à nouveau, en approfondissant davantage, on constate que le sweep en Finale de conférence sont quasi-exclusivement l’oeuvre des franchises les mieux classées après les 82 matchs de saison régulière, pour ne pas dire, une fois n’est pas coutume, les 1ers et 2èmes de conférence. Sur les 24 sweeps répertorités en Finales de conférence, 23 appartiennet à un 1er ou 2nd de conférence : seuls les Trailblazers de 1977, 3è, échappent à la règle.
Gardons notre même logique : pour ces équipes qui ont sweepé leur adversaire en Finales de conférence, quel impact pour les Finales NBA ?
Sans surprise, il paraît à nouveau à nuancer. Si le sweep semble profiter au premier de conférence (69,2% de victoire ensuite), il n’a aucun impact pour les seconds (40%). En ce qui concerne le troisième de conférence, il s’avère que les Blazers ont remporté le titre NBA 1977, mais que cet unique exemple ne nous offre aucune piste pertinente de réflexion.
Conclusion
Il ressort de cette étude qu’à notre sens, le sweep n’octroie en réalité aucun avantage réel à l’équipe qui le réalise pour la suite des playoffs, sauf, peut-être, s’il est réalisé au premier tour.
En effet, si ces équipes sweepeuses parviennent à s’imposer au tour suivant, les chiffres sont tronqués par la part de victoire très importante de l’équipe première de conférence : 39% de victoires au global, et 68,21% si on tient compte des deux meilleures équipes de chaque conférence.
Or, il n’y a rien d’anormal à voir l’équipe #1 remporter des séries de playoffs, qu’elle ait ou non sweepé son adversaire au tour précédent. Ainsi, c’est davantage le déséquilibre de niveau qui explique la qualification de la meilleure équipe au tour suivant, et non le fait qu’elle ait réalisé un sweep auparavant. Cela explique pourquoi, si l’on excepte les dynasties, les sweeps se font de plus en plus rares au fur et à mesure de l’avancement de la campagne de playoffs (92 au premier tour, 50 en demi-finale, 24 en finale de conférence et 7 en finale NBA).
Par conséquent, si le sweep offre indubitablement un surplus de confiance à l’équipe qui le réalise, le surcroît de repos n’a en revanche jamais permis de réaliser un exploit. Le sweep n’agit donc pas comme un bonus substantiel, mais bel et bien comme un avantage insuffisant pour renverser la série suivante. En somme : soyez forts.