Il y a des joueurs qui marquent des équipes sans en être les principaux visages. PJ Tucker, sur ce qui aurait dû être le crépuscule de sa carrière, est largement entré dans cette catégorie. Soldat héroïque des Houston Rockets de Mike D’antoni, il continue d’amener partout où il passe ce sens du combat, cette défense de tous les instants.
Après avoir enfin été rétribué pour son apport incontournable par un titre à Milwaukee et un salaire très attendu à Miami, il sera encore présent dans le dernier carré de la saison 2022 alors que le Heat s’apprête à croiser le fer avec les Boston Celtics.
Dans cette série, Tucker sera une fois de plus un élément déterminant quand l’attaque des Celtics s’orchestre autour d’un ailier très en verve dans ces Playoffs : Jayson Tatum. Entre des ailiers mobiles et une palanquée d’intérieurs polyvalents, les Celtics représentent un défi.
Mais surtout, il faudra s’attendre à une bataille physique, une guerre de tranchée à laquelle Boston s’est déjà préparé dans un affrontement des plus âpres avec les Bucks.
Autre fait marquant, bataille dans la bataille, PJ Tucker devrait également mener quelques joutes avec un jeune joueur, qui peut, sans l’ombre d’un doute se prétendre de son héritage : Grant Williams.
Grant Williams, un soldat indispensable
Si sa saison régulière avait déjà fait de Grant Williams un élément clé des Celtics, ces Playoffs ont fini de porter au pinacle un rôle player qui fait la différence. Opposés aux Nets puis aux Bucks, la franchise avait bien besoin de défenseurs d’élite à opposer aux monstres que sont Kevin Durant et Giannis Antetokoumpo.
Dans les 2 séries, la franchise a trouvé un joueur capable de tenir au poste face à des joueurs plus grands, de suivre les déplacements d’extérieurs connus pour leur palette offensive. Véritable couteau suisse, taillé dans le granit avec son imposant rapport de poids/mobilité, pas du genre à fuir le contact ou se plaindre auprès des arbitres, le joueur s’est imposé dans un rôle de défenseur rugueux et de stretch-4. Le genre de joueurs de devoir indispensables dans une équipe qui vise le titre NBA.
Offensivement plus complet que PJ Tucker, il a donc plutôt hérité des attributs physiques : 1m96 pour 111kgs pour le père contre 1m98 pour 107kgs pour le fils spirituel, d’un état d’esprit indéniable et dans une moindre mesure, d’un parcours.
Se recalibrer
Tucker a en effet mis longtemps à s’imposer en NBA. Drafté en 2007, il n’obtiendra un rôle en NBA que 5 plus tard. Entre temps, il passera par l’Israël (2 fois), l’Ukraine, la Grèce, l’Italie et l’Allemagne. Un long chemin avant de finalement trouver une place dans la grande ligue, chez les Phoenix Suns.
Les choses ne furent pas aussi chaotiques pour Grant Williams, mais les débuts en NBA furent un défi certain. Débarqué en 2019 dans une équipe de Boston ambitieuse, il connaît une saison rookie compliquée où le temps de jeu fut sporadique. Entre crise du Covid, beaucoup de maladresse et difficulté à trouver du temps de jeu, l’ailier fort doit prendre son mal en patience.
Les Celtics ont beaucoup drafté durant la décennie 2010. Et la franchise est parfois montrée du doigt pour les nombreux développements échoués. Williams doit faire avec cette étiquette de “nouveau projet raté” auprès du public alors que sa saison rookie est marquée par des difficultés en attaque et une maladresse évidente (25% de loin).
Pourtant, en interne, Grant commence déjà à s’imposer comme un leader vocal et poursuit un process qui a commencé avant sa draft. Comme d’autres joueurs ayant acquis ce statut de joueurs majeurs et accomplis en NCAA, néanmoins pas suffisamment dominants pour conserver le même rôle en NBA, le joueur savait dès sa draft qu’il était dans une catégorie particulière. Il était de ceux qui doivent se réinventer pour exister. Une situation minoritaire, finalement, et très souvent fatale pour des jeunes joueurs dopés à la confiance.
Considéré par son coach d’université, Rick Barnes, comme “le nouveau P.J Tucker”, qu’il avait lui-même entrainé à Texas, Williams savait vers qui regarder pour faciliter son adaptation dans la grande ligue. Prenant Tucker pour modèle, mais également Draymond Green, connu pour sa défense polyvalente et son côté fort en gueule, il s’imagine occuper une place majeure d’une équipe par sa défense et son sens du sacrifice.
Parfois il se prend à rêver plus grand, et tourne le regard vers Kawhi Leonard, il se voit alors passer par un rôle de stretch-4 avant d’endosser le poids d’une équipe grâce son labeur et un développement complet.
Si Williams pense pouvoir s’adapter là où beaucoup ont échoué, c’est qu’il dispose d’une agilité mentale indéniable et de diverses influences. Fils de Teresa Johnson, ingénieur à la NASA et de Gilbert Williams, artiste de Jazz, il réussit aussi bien en cours, que dans l’extra-scolaire et le basketball. Côté balle orange, il possède là aussi un solide patrimoine. Le frère de sa mère a fait partie des premiers Harlem Globe Trotters, tandis que ses cousins, Salim et Damon Stoudamire se sont tous les deux fait un nom dans le milieu. Quand le premier est passé par la NBA, l’autre y a fait une solide et longue carrière.
Au lycée, Grant se définit lui-même comme un geek. Joueur d’échecs dans sa jeunesse, il entre rapidement en compétition et battra le joueur classé numéro 1 aux USA dans sa catégorie d’âge, il finira néanmoins par laisser cette passion de côté, mais participe en contrepartie à des compétitions de science et de maths. Ne reniant pas non plus les aspirations de son père, il a appris à jouer de quatre instruments et s’essaie aux langues étrangères.
Les anecdotes attestant que Grant est fait d’un autre bois sont pléthores. Poussé par sa mère à utiliser le basketball au profit d’une bourse d’étude, il reçoit des offres des plus grandes universités du pays, voire du monde. Harvard et Yale font notamment partie de celles qui lui font de l’œil. Pourtant, alors que son avenir en NBA semble flou, Grant se refuse de jouer en Ivy League, trop faible pour prétendre à la NBA et tourne le dos à de prestigieuses études au profit des Tenessee Volunteers, dont le staff basket l’a longuement suivi et a su le séduire. Sa mère ne lui parlera pas pendant plusieurs mois, mais reconnaîtra finalement le bon instinct de son fils.
Passionné de jeux vidéos, de jeux de cartes et de plateaux, il aborde donc son évolution en NBA comme une étape. Ses entretiens pre-draft et avec Shams Charania prouvent qu’avant même son entrée dans la grande ligue, il est tout à fait confiant qu’il ne peut rester le joueur de Tennessee s’il veut exister dans la grande ligue.
Fort de cette remise en question, Grant Williams va donc commencer sa transformation. Elle commencera à payer lors de sa saison sophomore. Plus adroit en année 2, sa défense est un atout indéniable malgré une saison collectivement terne des Celtics. Pourtant, avec ce statut de stretch-4, validé par ses 37% à 3 pts, il a préparé les jalons pour devenir une pièce majeure pour la saison 2021-2022.
Grant Williams, héritier prodige de PJ Tucker
Vous l’aurez compris, si la filiation avec Tucker est évidente, Grant Williams est une version surdouée de celui qui aura ouvert la voie.
Cette saison pourtant, il a montré de quel bois il était fait. A 23 ans, il a longtemps cru faire irruption dans le club des 50-40-90 en fin de saison et est devenu une pièce majeure des Celtics, où il a pris une place croissante. Il termine d’ailleurs la saison dans le 96e percentile au tir chez les ailiers (selon Cleaning de Glass). Remplaçant de luxe permettant de former un groupe d’intérieurs polyvalents avec Robert Williams, Al Horford et Daniel Theis, il a pris d’autant plus de galons avec l’absence de Rob pour l’essentiel de la post-saison jusqu’ici.
Point d’orgue de cette montée en puissance, il bat son record en carrière dans le match 7 face aux Bucks. Milwaukee tente une défense osée en poussant les role players adverse à prendre beaucoup de tirs importants, focalisant leur défense sur les stars.
Williams répondra plus que présent, scorant 27pts à 7-18 à 3 points. Si c’est bien évidemment sa défense qui fut le plus grand artisan de son succès, et ce tout au long de la campagne, passer 2 fois la barre des 20pts en demi-finale de conférence fut le type de contribution qui ont permis aux Celtics de faire la différence face à des Bucks à la peine offensivement entre l’étau proposé par Boston et l’absence de Khris Middleton.
Maintenant, il faut regarder de l’avant. Miami se trouve sur la route de l’intérieur et sur cette route, l’homme qu’on lui a érigé en modèle et autour de qui il a construit sa jeune carrière.
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Sources :