Pour la première fois depuis 2011, aucun des deux meilleurs bilans de la conférence ouest n’a validé son strapontin pour les finales de conférence. Si les Warriors, en venant à bout de surprenants Grizzlies (4 – 2), ont réalisé un upset théorique, nombreux étaient ceux qui estimaient, en amont de la série, que la franchise de la baie était en réalité favorite. La série entre Phoenix et Dallas présentait un tableau bien différent ; les Suns, meilleure équipe de la saison régulière, étaient considérés comme les grands favoris, avant de tomber sous les coups de boutoir de Doncic, Dinwiddie et compagnie.
La finale de la conférence ouest de ce très bon cru 2022 opposera donc les Golden State Warriors aux Dallas Mavericks. L’affiche sent bon la nouveauté et l’inédit, à juste titre ; depuis 1980 et la création de la franchise texane, les deux équipes ne se sont rencontrées qu’une seule fois en playoffs, en 2007. Rappelez-vous : les Mavs, meilleur bilan de la Ligue (et Nowitzki MVP) avaient perdu pied dès le premier tour face aux Warriors de la génération We Believe, pour ce qui restera à jamais le premier upset 1 – 8 au meilleur des 7 matchs.
La configuration est cette fois-ci toute autre. Les courbes de chaque franchise paraissent d’ailleurs si inversées que cela semble clichesque. D’un côté, les Warriors viennent de terminer leur première saison aboutie depuis 2019 et la finale NBA perdue face aux Raptors. Avec un collectif vieillissant et ultra-expérimenté, Golden State est parvenue à se remettre sur les bons rails, malgré la longue blessure de Draymond Green qui a impacté les résultats des siens en milieu de saison. D’un autre, les Mavericks possèdent un roster jeune et qui ignorait globalement la sensation de passer le premier tour des playoffs. Pour les jaune et bleu, il s’agit peut-être de la dernière opportunité de rafler un titre. Pour les bleu et vert, c’est à coup sûr la première année où les finales NBA peuvent être envisagées avec sérieux.
Mélangez ce cocktail, et vous obtiendrez à n’en point douter une série attractive qui, nous l’espérons, saura tenir toutes ses promesses. Avant qu’elle ne débute, tentons d’apprécier quelles peuvent être les clés de cet affrontement.
Comment tenir Luka Doncic ?
Par @BenjaminForant
Il est fort possible que ces quelques paragraphes n’apportent aucune réponse concrète tant le slovène a semblé intouchable lors des deux premiers tours de playoffs. Alors que les Suns avaient, sur le papier et en la personne de Mikal Bridges, le matériel suffisant pour perturber Luka, la réalité du terrain a été toute autre. Le franchise player des Mavs a ébloui la ligue de sa technique, ses lectures de jeu et de son leadership déjà bien visible malgré ses 23 petites années.
En théorie donc, les Warriors seraient une équipe plus abordable que Phoenix pour le ball handler texan. Mais comment peuvent-ils limiter la casse, obligeant le supporting cast de Dallas à élever considérablement leur niveau de jeu ? Steve Kerr possède plusieurs joueurs à sa disposition.
La première solution est évidemment Draymond Green. Réputé pour être apte à défendre n’importe quel type de joueur, peu importe sa taille et son poids, le meneur d’homme des Dubs a les arguments pour tenir la dragée haute au slovène. Mais il est très peu probable qu’il soit envoyé en mission contre Luka, tant sa vision périphérique – sur l’ensemble du terrain – et son rôle de safety est important.
De surcroît, placer Green sur Doncic créerait un risque non négligeable pour les Warriors, celui de voir le meilleur défenseur du roster être rapidement en foul trouble.
Le joueur le plus utilisé par les Warriors au cours de la saison régulière pour défendre Luka Doncic était Andrew Wiggins. Si le first pick de la draft 2014 ne vaut pas Mikal Bridges sur le plan défensif, il n’en demeure pas moins un défenseur plus qu’honnête et il y a de fortes chances de le voir se coltiner le slovène. D’un point de vue purement physique, il peut considérablement gêner le Texan ; Wiggins est long, tient et possède la latéralité suffisante pour suivre le ball handler. Il peut le forcer à prendre un grand nombre de tirs compliqués et contestés.
Si une compilation ne veut pas dire grand chose, elle permet malgré tout de voir les atouts que l’ex-Wolves possède.
En plus de Wiggins, Kerr a d’autres options qu’il utilisera peut-être dans une moindre mesure. Kuminga, notamment, a un profil physique intriguant de ce coté du terrain. Otto Porter, une fois revenu de blessures ou le duo Thompson-Iggy devraient également dépanner sur Doncic, sans qu’ils soient pour autant privilégiés, n’étant plus aussi incisifs qu’auparavant. Évidemment, la blessure de GPII constitue une lourde perte, même si son apport aurait peut-être été moins important et visible que face à Ja Morant.
Collectivement maintenant, comment devraient s’organiser les Warriors?
Lors des deux premières séries, Golden State a fait le choix de laisser un défenseur unique sur la superstar adverse, limitant ainsi l’apport des autres options en ne trappant que très rarement le franchise player. Ce fut notamment le cas face à Ja Morant en prenant la décision de lui fermer le moindre accès à la raquette, quitte à le laisser shooter et en verrouillant les side-kicks comme Desmond Bane. Vont-ils adopter la même stratégie face au slovène en laissant Wiggins, Kuminga ou Thompson tenir seuls Doncic, et fermer la raquette et les différentes options ? Rien n’est moins sûr.
Le problème est que le slovène semble avoir réponse a tout. Aucun système ne semble en mesure de l’arrêter. L’élément le plus important sera la fluidité des rotations. Nous venons de le dire, le franchise player des Mavs peut tout déchiffrer, que ce soit du drop, un switch, une couverture en hedge etc... Si une micro fenêtre venait à s’ouvrir, il déclenchera immédiatement son dribble, sa passe ou son shoot.
L’objectif des Warriors sera avant tout d’empêcher Doncic de trouver les mismatchs qu’il désire face à Poole et Curry. Comme le souligne le site GoldenStateOfMind, Steve Kerr a de temps en temps utilisé un système de Hedge and Recover avec le double MVP en suiveur du poseur d’écran. Si cette défense est difficile à mettre en place, elle permet néanmoins aux arrières californiens de ne pas être exposés trop vite.
Kevon Looney ne devrait pas faire long feu dans cette série. Seul membre de la rotation des Warriors à accuser le switch all, il devrait rapidement laisser sa place au poste 5 à Draymond, repoussant ainsi les tentatives systématiques de switch sur le pivot de la part du meneur de Dallas.
Dans tous les cas, défendre Doncic ne sera pas une partie de plaisir. Le limiter sera sans aucun doute la plus grosse clé de la série côté Warriors.
L’inconstance ou la constance ?
Par @Schoepfer68
“Faites encore plus vaste”, pourriez-vous ironiquement vous dire à la lecture de cette seconde partie. Certes. Il n’en demeure pas moins qu’à notre sens, la constance constituera l’un des facteurs X de cette série.
Celle des role players, d’abord. Nous en faisions mention, l’effectif des Warriors a été amputé de l’un de ses joueurs besogneux, en la personne de Gary Payton II, victime d’un attentat aussi bête que méchant de Dillon Brooks. Dès lors, derrière le trio Stephen Curry – Klay Thompson – Draymond Green, il ne sont finalement plus beaucoup à constituer la rotation de Steve Kerr : Andrew Wiggins, Jordan Poole, Otto Porter Jr (blessé), là où Kuminga n’a vu le parquet que 11 minutes par match depuis le début de ces playoffs.
Serrée, la rotation n’en demeure pas moins suffisante dans l’optique de disputer des finales de conférence. D’autant plus que jusqu’alors, les seconds couteaux des guerriers de la baie sont très bien en rythme. Pour les premières joutes printanières de sa courte carrière, Poole impressionne globalement (19,3 points, 50 % au tir, 39 % de loin). On se souvient, notamment, de son premier match en demi-finale de conférence, où ses 31 points ont contribué à la victoire arrachée sur le fil par les Warriors. Toutefois, l’arrière est également capable de beaux trou d’air, comme en atteste le game 5 face aux Grizzlies (3 points, 1 / 6 au tir, défaite) ou, même, les games 4 et 5 face aux Nuggets (11 points mais 9 passes décisives, 3 / 10 au tir, défaite, puis 8 points, 3 / 10 au tir, victoire). En somme, sauf si Curry et Thompson sont incandescents (ce qui est loin d’être improbable), la méforme de Jordan Poole prend souvent la forme de trois des quatre clous du “cercueil Warriors”.
Wiggins, quant à lui, a su se montrer très constant depuis le 16 avril dernier. S’il a lui aussi complètement manqué son 5ème match face à Memphis, l’impression visuelle qu’il dégage – confirmée par ses statistiques plutôt flatteuses – tend à démontrer que l’ailier est droit dans ses bottes. Et lorsqu’on s’apprête à se coltiner Luka Doncic au meilleur des 7 matchs, il est plutôt conseillé d’être en forme. S’il parvient à nuancer l’influence du meneur slovène tout en plantant quelques trois points, le canadien fera très certainement basculer la série en la faveur des siens. S’il prend l’eau de son côté du terrain et qu’il arrose à tout va au tir, il y a fort à parier que les Mavericks sauront prendre l’avantage.
Collectivement, on a d’ailleurs pu remarquer que l’équipe de San Francisco était capable d’immenses coups de chaud (exemple du game 3 des demi-finales, remporté 142 – 112, en tirant à 62,4 % au global et 53 % de loin) comme de passer dans les très grandes largeurs à côté d’une rencontre (exemple du game 5 des demi-finales, perdu 134 – 95, sans pour autant tirer très mal). L’inconstance globale de la franchise a été pointée du doigt par l’ensemble des observateurs. Exploités par une équipe de jeunes ours inexpérimentée, nul doute que les “soirs sans” des Warriors le seront également par Luka Doncic qui, s’il n’a que 23 ans, dispute ce genre de rencontres à enjeu depuis 7 années.
Enfin, pour terminer sur les hommes de Steve Kerr, il semble impératif qu’ils parviennent – enfin ! – à réduire le nombre de ballons perdus. Parmi les 8 équipes qui ont disputé les demi-finales de conférence, les Warriors sont ceux qui ont concédé le plus de turn over, avec 15,8 balles abandonnées à l’adversaire par soir. Lorsqu’on sait que certaines rencontres peuvent se jouer sur des détails, éviter de donner des cartouches supplémentaires à l’adversaire paraît être une stratégie pertinente pour l’emporter.
S’ils venaient à être constants à leur meilleur niveau, sans pour autant surjouer, Golden State partira alors certainement avec un avantage dans l’optique de rallier les finales NBA pour les 12ème fois sur les 4 dernières années (à tout le moins, c’est l’impression que cela donne).
Quid de la constance des Mavericks ? Ici, nous ne parlerons pas de Doncic, non seulement car le début de l’article évoque le phénomène slovène sous toutes ses coutures, mais également car s’il fallait parier notre PEL, nous miserions sur le fait qu’il réalisera – encore – une série extraordinaire. C’est donc sur le reste du roster qu’il convient de braquer nos projecteurs. Pour espérer se qualifier pour les 3ème finales NBA de l’histoire de l’institution, Dallas ne pourra pas se contenter de l’héliocentrisme Doncic. Autrement formulé, les Mavs posséderont peut-être le meilleur joueur de la série, mais la seconde tête du roster (Brunson ? Dinwiddie ? Finney-Smith ?) ne peut pas se contenter d’être le 7ème joueur de l’affrontement, derrière Curry, Thompson, Green et autres Poole ou Wiggins.
La série face à Phoenix a effectivement démontré que s’il devait se lancer dans un spectacle solitaire, Doncic ne peut mener son équipe à la victoire. Pour que Dallas l’emporte, le supporting cast doit se montrer au niveau de l’enjeu. Pas comme lors du game 5 (perdu 110 – 80), au cours duquel les insomniaques ou fanatiques ont assisté à une bouillie de basketball (38 % au tir, 25 % de loin, 9 passes décisives sur l’ensemble de la rencontre !). La clé de la série, côté Dallas, semble se trouver ici ; si les role players sont investis, les texans regarderont les californiens droit dans les yeux. Après tout, l’équipe semble habitée par une confiance maximale et vient de faire la nique au meilleur bilan de la saison. Maxi Kleber convertit 50 % de ses tentatives primées, Bertans, Finney-Smith, Dinwiddie et Bullock ont la mire particulièrement bien réglée tandis que Brunson, plus maladroit, brille par ses pénétrations (70 % de réussite au cercle), sa vista et son handle.
La précision dans le tir à trois-points constituera à coup sûr un aspect primordial de la série, pour les deux séries. Cependant, là où Golden State possède dans l’exercice deux shooters all-time, les Mavericks doivent composer avec leur armée de role players. Sur l’ensemble des 13 premières rencontres, ces derniers se sont montrés au niveau, notamment lors des matchs qui comptaient. Spencer Dinwiddie symbolise tout cela, lui qui a tiré à 5 / 7 de loin (et tout court d’ailleurs, il n’a dégainé qu’à trois-points) lors du match 6 des demi-finales, puis 11 / 15 (dont 5 / 7 à de loin) lors du game 7 décisif.
Si la constance dont nous parlions “côté Warriors” renvoyait au fait de jouer à son meilleur niveau, il semblerait que cela ne suffise peut-être pas aux Mavericks pour se qualifier. En l’espèce, la constance est celle de la surchauffe qui frappe actuellement plusieurs membres du roster. Dinwiddie, Brunson, Finney-Smith, Kleber et même Ntilikina semblent aujourd’hui montrer des choses qu’ils n’avaient jamais fait sur une période aussi longue. S’ils venaient à poursuivre en ce sens, en entournant leur chef d’orchestre à grand coup de trois-points assassins et de défense héroïque, alors Dallas se mettra à rêver. Très fort.
Mais aussi
- La défense off-ball des Mavs sur le trio d’arrière adepte des traversées d’écrans. Quid de l’utilisation de Frank Ntilikina, comme l’a bien souligné @GuillaumeBInfos dans ce petit thread ?
- Quel rythme va s’imposer dans cette série entre l’une des équipes les plus rapides (Warriors, 4/16 au classement de la PACE en PO) et l’une des plus lentes (Mavs, 14/16 à ce même classement, dernière de régulière) ?
Qu’attendre de la série ?
De prime abord, nous pourrions penser à un festival offensif. Il faut dire qu’avec Curry, Doncic, Thompson, Brunson et compagnie, les artificiers seront de sortie. Ce serait pourtant oublier qu’à l’issue de la saison régulière, Golden State possédait le meilleur defensive rating de la Ligue (ex aequo avec Boston), tandis que Dallas se classait 6ème. Les deux équipes dominaient d’ailleurs la ligue, en compagnie des Celtics et du Heat (cela ne s’invente pas) lorsqu’il s’agissait de limiter le pourcentage de réussite de l’adversaire derrière la ligne primée (33,9 %). Or, lorsqu’on sait que les Warriors dégainent en moyenne 40 fois à trois-points par rencontre, contre 39 pour les Mavericks, l’importance de la défense au large sera cruciale. Une défaillance dans le domaine pourrait donc très vite mener au blowout.
On remarque d’ailleurs que 5 des 11 rencontres disputées par Golden State dans ces playoffs 2022 se sont achevées avec un écart d’au moins 14 points (contre 5 sur 13 pour Dallas). La probabilité d’être les témoins (non ?) privilégiés de plusieurs corrections en règle existe donc réellement.
Il est cependant particulièrement malaisé de se prononcer. À notre sens, la série sera aussi longue qu’indécise, chacune des deux équipes pouvant prétendre à faire valoir ses arguments dans l’optique de rallier les finales NBA. Avec prudence, nous donnons un micro-avantage aux Warriors, sans que celui-ci ne soit décisif, signe de l’embarras de vos rédacteurs.
La tendance :
Golden State Warriors : 55 %
Dallas Mavericks : 45 %