Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Dans ce 78ème épisode, narrons la carrière de Sidney Moncrief et de sa franchise de toujours, les Milwaukee Bucks.
Il était une fois dans l’Est
Wisconsin, 1968
Quelle belle journée a vécu la ville de Milwaukee ce 30 avril 1971. Moins de trois ans après la création de la franchise, le roster défile dans le downtown, bagues et trophées à la main.
Difficile d’imaginer une ascension si rapide lorsque l’on voit le temps que certaines équipes mettent avant d’obtenir le titre suprême. Pour les Bucks, l’explication se tient en quatre petits mots : Ferdinand Lewis Alcindor Junior.
Après une première saison de découverte, qui finit avec un bilan de 27 victoires pour 55 défaites, Milwaukee fait le premier gros coup de son histoire (avec beaucoup de chances il faut l’admettre). A l’époque, le first pick de la draft était tiré au sort entre le pire bilan des deux divisions. Pour la saison 1969, les deux cancres étaient les Suns et Milwaukee, et ce sont les daims qui gagnèrent le lancer de pièce. Et quelle belle inspiration, car l’unanime meilleur joueur universitaire n’était personne d’autre que Kareem Abdul Jabbar, encore connu sous le nom de Lew Alcindor.
Forcément, un tel joueur change le futur d’une franchise en quelques semaines.
Dès la saison rookie du joueur, et donc sophomore de la franchise, les daims atteignent les finales de conférence, avec un jeune pivot en 28,8pts-14,5 rebds. Une entrée fracassante. Mais le front-office des Bucks a faim et est loin d’être rassasié. Pour mettre toutes les chances de leur côté le plus rapidement possible, ils tradent lors de l’été 1970 Charlie Paulk et Flynn Robinson aux Royals de Cincinnati en échange… d’Oscar Robertson.
Les Bucks entament donc la troisième saison de leur histoire en tant que véritables contenders au titre. Et ça ne manquera pas. Une saison régulière bouclée en 66-16, deux gentlemans sweeps envoyés au premier et second tour, un véritable 4-0 en NBA Finals. Si Big-O a 32 ans et n’est plus à son prime, il est indispensable à la création pour permettre au pivot sophomore d’écraser la concurrence.
En 3 ans, les Bucks vont faire mieux que les Wolves ou le Magic en plus de 20 ans. Mais si ce titre apparaît comme une bénédiction, la franchise subira par la suite 50 ans de disette. Une éternité.
Car si les résultats collectifs sont encore corrects et que KAJ roule sur la concurrence, les Bucks n’arrivent plus à aller au bout. Robertson vieillit, et prend sa retraite à la fin de la saison 1974. L’été suivant, après une saison terminée sans post-season et en bilan négatif, Abdul-Jabbar quitte également le Wisconsin pour se rendre sur les belles plages californiennes.
La fin de la décennie verra la franchise voguée entre les dernières places qualificatives pour les playoffs et le fond de la conférence, jusqu’à obtenir le first pick de 1977 (qui se transformera en Kent Benson, pivot qui restera 2 ans et demi à Milwaukee).
Arrive l’année 1979. Après une saison régulière terminée en négatif, les Bucks bénéficient d’un cinquième choix de draft. En ce 25 juin, au Plaza Hotel de New York, alors que Magic Johnson vient d’être récupéré par LA avec le first pick, les daims jetèrent leur dévolu sur un certain Sidney Moncrief, jeune arrière évoluant chez les Razorbacks.
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Pendant ce temps, dans l’Arkansas
Le 21 septembre 1957, le petit Sidney naît à Little Rock. A cette époque, l’Arkansas n’est pas l’état où les droits civiques sont les mieux respectés. Le jeune Sid grandit dans un quartier ségrégué de la capitale d’Etat. Dans ce contexte difficile, il évite les crimes et la drogue grâce à la troupe de scouts à laquelle il appartient. Sidney rejoint une équipe de basket dès le Seventh Grade (équivalent de la sixième en France), avant de s’inscrire à l’High School de Little Rock pour parfaire son éducation basketballistique.
Moncrief est un prospect qui monte localement. Sollicité par l’université étatique, les Razorbacks d’Arkansas, il n’hésitera pas et les rejoindra pour poursuivre son cursus scolaire. A cette époque, le campus perd de sa lumière d’antan, et est éclipsé par d’autres facultés dans tout le pays. Entouré de Ron Brewer et Marvin Delph sur le terrain et encadré par le mythique Eddie Sutton, Moncrief va permettre à son programme de revenir sur le devant de la scène.
Dès 1976, malgré son statut de freshman, le guard va peser fortement sur les résultats de son équipe. plus de 12,5 pts, 7,5 rebds et 2 passes d’un point de vue statistique, et un impact défensif digne des plus grands compétiteurs. Les résultats sont corrects, mais la March Madness n’est pas encore accessible.
Dès l’année suivante, Arkansas passe un step. Sidney et ses 15 points par match atteignent pour la première fois depuis 1958 la March Madness, bien aidé par les quasi 20 pts de Delph et les 17 de Brewer. Un exploit pour les Razorbacks. Malheureusement, la belle aventure s’arrêtera dès le first round, stoppé par les Demons Deacons de Wake Forest.
En 1978, Arkansas est l’un des contenders pour le titre suprême. Sutton en est à sa cinquième saison, les Triplets, surnom donné aux inséparables sont en année junior et domine plus que jamais leur sujet. Résultat ? Un seed 2 pour débuter le tournoi de cloture de saison, faisant d’eux une tête de série à abattre. Et ils ne décevront pas. Weber State, UCLA, Cal State Fullerton, toutes les équipes y passent. Pour la première fois de son histoire, les Razorbacks atteignent le Final Four. Le premier d’une longue série.
Malheureusement, Jacks Givens et Rick Robey ménèront Kentucky à la victoire et réduiront en cendres les espoirs de titre.
Pour sa dernière saison à l’université, le joueur originaire de Little Rock continue sa progression. Cette fois-ci, c’est plus de 20pts par match que Sidney collera chaque soir. Il sera élu joueur de l’année en SWC, l’une des conférences les plus musclés du pays avec 22 points, quasi 10 rebonds, 2,7 passes et 1,5 interception. Mais aux portes du Final Four, les sangliers butteront sur Indiana State, mené par un certain… Larry Bird.
Après 4 ans à la fac, Sidney Moncrief et consorts ont remodelé l’image du campus. Après le passage des Triplets, les Razorbacks resteront comme une place forte du basket universitaire tout au long des 80’s, avant de remporter enfin un titre en 1994.
De son côté, Sidney Moncrief décide de s’inscrire à la draft. Son profil est recherché : défense plus qu’élite, verticalité, post-up, shoot extérieur, le guard semble tout avoir. Projeté haut dans la draft, le jeune joueur va être obligé de quitter pour la première fois son Arkansas natale.
Coup de foudre à Milwaukee
Nous sommes le 25 juin 1979, en plein coeur du Plaza Hotel de New York. Alors que le first pick de cette 33è cuvée d’universitaire ne fait aucun doute, tant Magic Johnson semble au dessus du lot, les places suivantes sont plutôt réservées aux intérieurs. Seule exception : le jeune arrière des Razorbacks, Sidney Moncrief.
Alors que la soirée avance, les premiers choix s’enchaînent toutes les cinq minutes. Magic, David Greenwood, Bill Cartwright et Greg Kelser sont les heureux élus. Arrive donc le pick 5, détenu par le front-office de Milwaukee. Si la base arrière était bien fournie la saison passée, avec notamment la présence de Marques Johnson ( 25,6 points par match, meilleur scoreur), Brian Winters (19,8 points, 2ème meilleur scoreur), et Junior Bridgemann (15,5 pts, 3ème meilleur scoreur), ils n’hésitent pas à ajouter l’arrière de l’Arkansas à cet effectif.
Malgré cette haute sélection, le rookie est loin d’être l’une des options principales lors de sa première saison. Les trois joueurs expérimentés cités précédemment restent les plus utilisés de l’effectif (entre 28 et 35 minutes de temps de jeu), et Quick Buckner se retrouve également devant lui dans la rotation.
Mais le jeune joueur de 22 ans saisit toutes les opportunités qu’on lui tend, et performe régulièrement malgré les 20 petites minutes de temps de jeu qu’on lui accorde. Il dépassera notamment la barre symbolique des 20 points à trois reprises, dont un record à 23 lors d’une défaite face aux Suns. Il agrémentera malgré tout ce bon match de 11 rebonds, de quoi nourrir d’espoirs le front office quant à ses qualités lorsque ce dernier a un temps de jeu convenable (42 minutes ce soir là).
Après avoir beaucoup goûté au banc au début de saison, il gagne petit à petit ses minutes, et termine la saison de bien belle manière : quasiment 13 points, plus de 6,5 rebonds et 3,7 passes par soir en un peu moins de 25 minutes (sur les 7 derniers matchs de saison régulière). Sur la totalité de la saison, ce seront 8,5 points de moyenne, 4,4 rebonds, 1,7 passes et quasiment une interception que le joueur accumulera. Un vrai All Around Player.
Première saison donc, et premiers playoffs pour lui. Après une saison d’absence, durant laquelle Moncrief fût drafté, les Bucks retrouvent les joutes printanières. Ayant fini 1er de sa conférence, Milwaukee accède directement aux demi-finales de conférence, qui se jouent au meilleur des 7 matchs. Et pour cette série, ce sont les Seattle Supersonics qui croiseront le fer avec les daims (les Bucks jouent à l’Ouest encore à cette époque).
Les 7 matchs seront nécessaires pour départager les deux équipes. Et ce seront les coéquipiers de Gus Williams, Jack Sikma et consorts qui s’en sortiront. Le rookie fera son travail : 12 points, 4,5 rebonds et plus d’1,5 passes, ainsi qu’une défense de fer. Il scorera même 18 points pour son premier match de post-season. Si la défaite est cruelle, Sidney Moncrief s’installe step by step dans les petits papiers de Don Nelson.
Une carrière qui décolle
Malgré une post-season 1980 décevante, les Bucks conservent la majeure partie de l’effectif, mais chamboulent les minutes attribuées à chaque joueur. Les grands gagnants de ces décisions sont Moncrief et Bucker. Le grand perdant est quant à lui Brian Winters.
Le sophomore jouera 30 minutes par soir lors de l’exercice 1980-1981, soit le deuxième temps de jeu de l’effectif. Évidemment, les statistiques grossissent en conséquence. 14pts, 5 rebonds, 3 passes, une interception, 0,5 contre. Une progression pleine et complète. Il commence à accumuler les cartons (16 rencontres à plus de 20 points dont une pointe à 27 en novembre 1980 face aux Knicks). Et surtout, son équipe gagne. Beaucoup. A la fin de la saison régulière, les Bucks sont deuxième de l’Est avec un bilan de 60 victoires pour 22 défaites, premier de leur division et possède un All Star dans leurs rangs en la personne de Marques Johnson. Sidney Moncrief, lui, fait gagner. Ni plus ni moins. Lorsqu’il performe, les daims sont imbattables, en atteste le 100% de victoires lorsqu’il dépasse la barre des 20 points inscrits. Même constat lorsqu’il prend plus de 10 rebonds ou qu’il distribue 6 passes ou plus. Son match le plus complet de l’exercice est sûrement celui du 11 décembre 1980, encore face aux Knicks, qu’il soldera avec un 20-9-8 digne d’un joueur étoilé.
Seconde saison donc, et seconde qualification en playoffs. Cette fois-ci, ce sont les Sixers de la superstar Erving qui se présentent face aux cervidés. Mais les années passent et se ressemblent. Une nouvelle fois, les deux franchises iront au bout des sept matchs. Une nouvelle fois, les Bucks s’inclineront, et cette fois-ci, d’un tout petit point. La déception est une nouvelle fois immense. Mais ils le sentent, ils sont sur la bonne voie. D’autant plus quand le jeune sophomore impressionne encore et encore : 20 points lors du game 5, meilleur scoreur de son équipe et 19 points, 9 rebonds et 4 passes lors du match décisif. Le jeunot n’a pas peur, et peu importe la pression, continue son chantier. De bonne augure pour sa troisième saison, qui sera celle de l’explosion.
De rotation importante à fort potentiel en année sophomore, Sidney Moncrief deviendra l’élément central de cette franchise des Bucks. Comme les deux années précédentes, l’effectif est construit autour de Marques Johnson, Buckner, Winters ou encore Lanier. Mais le leader de ce roster, c’est maintenant Sir Sid.
Toujours aussi féroce défensivement, le droitier devient maintenant une véritable terreur de l’autre côté du terrain. Dès les premières minutes de la saison sur le terrain, le pick 5 de la draft 79 annonce la couleur : une nouvelle bête est là pour se confronter aux meilleurs joueurs de sa conférence. 22 points, 6 rebonds, 7 passes, 2 interceptions, tout cela en 28 minutes pour la première rencontre de la saison face aux Pistons. Moncrief est en confiance, son entraîneur lui a donné les clés de l’équipe, reléguant Marques Johnson au rang de lieutenant, et il s’en donne à cœur joie.
2ème rencontre de régulière? 29 points – 12 passes dans une victoire face aux C’s de Bird. 4ème rencontre? 20 points, 10 passes, 6 interceptions et 5 rebonds dans une nouvelle victoire face aux San Diego Chargers. Les performances à ce niveau s’accumuleront soir après soir, et les passages à vide se feront de plus en plus rares.
Certains soirs, il atteint même le niveau des plus grands. Notamment le 1er décembre 1981, lors d’une victoire à Cleveland, où il nous gratifiera d’un magnifique 39pts – 6 passes. Son début de saison est tonitruant, et son équipe enchaîne les victoires. Si bien que le guard décroche sa première étoile de All-Star. Il faut dire qu’au moment du All-Star Break, il tourne en 20pts, plus de 6,5rebs, plus de 5 passes et quasiment 2 interceptions. Tout cela avec un bilan de 29-13. Il sera accompagné par Bob Lanier, et les Bucks retrouveront deux étoilés, rappelant les bonnes heures du duo Big-O/ KAJ.
Les matchs se suivent et se ressemblent. Points, défense, passes, rebonds, victoire. Cette recette durera jusqu’à la fin de saison, permettant aux Bucks de finir une nouvelle fois deuxième de conférence, premier de division et a Sidney de briguer des nominations de fin de saison : sélection dans la All NBA Second Team et la All Défensive Second Team. Deux premières consécrations qui en appelleront bien d’autres.
Mais à ce stade, les Bucks sont encore considérés comme une équipe de régulière. Et ce n’est pas cette année que ça changera. Nouvelle série d’introduction face aux Sixers et nouvelle défaite, cette fois-ci en six matchs. Le néo-étoilé passera en partie à côté de son duel : il finira trois rencontres sur six sous les 11 points. Inhabituel au vue de sa saison.
Mais Moncrief a passé une marche, que dis-je, un étage. Il a changé de dimension et est prêt à entamer un nouveau segment de sa carrière.
Attention, barbelé
Jusqu’en 1982, la NBA décerne seulement trois trophées à la fin de chaque saison : Le ROY, le COY et le MVP. Mais dès l’exercice 82-83, deux autres awards entrent en jeu. Le meilleur défenseur et le meilleur sixième homme de l’année, seront eux aussi récompensés. Le MIP sera quand à lui introduit en 1986.
Le DPOY est un trophée qui deviendra par la suite souvent réservé aux forwards. Mais dans les années 80, de nombreux extérieurs comptent parmi les meilleurs défenseurs de la ligue, et notre cher Sidney Moncrief en fait partie.
Après trois saisons à se qualifier en post-season sans passer un tour, les Bucks sont ambitieux. L’effectif reste semblable, et Sidney prend de plus en plus de place. Pour notre guard, début de saison est synonyme de carton. Dès la troisième rencontre de l’exercice, il colle 37pts-12rebds aux Kings (de Kansas City à l’époque). Il remet le couvert lors de la 11e rencontre de la saison avec un petit 22pts-10asts, qui sera son seul double-double incluant des passes de l’année.
A cette époque, prendre 20 points du Sid sur la tête était le tarif minimal. sur les 76 rencontres disputées cette saison, il inscrivit ce total 47 fois. Une nouvelle fois convié au ASG, il reprendra d’autant plus bel après l’évènement. Sur les 32 matchs joués, il tournera à 23,8 points de moyenne, et claquera quelques cartons, dont ses deux plus hauts totaux de son début de carrière :
- 24 février 1983 : 42 points, 8 passes et 8 rebonds dans une victoire face à Houston
- 9 mars 1983 : 39 points, 4 rebonds, 3 passes, 4 interceptions dans une victoire à Atlanta
La ligne statistique affichée par le Buck à la fin de la régulière sera la meilleure de toute sa carrière : 22,5pts, près de 6rebds, 4 passes, 1,5 interceptions et cette énorme défense, toujours impossible à chiffrer. Et les nominations pleuvent : All NBA First Team, All NBA Defensive Team, et surtout, le premier DPOY de l’histoire. Un exercice plein, qui mérite concrétisation en PO.
Face aux Celtics au premier tour, la série tourne à la démonstration. Sweep en bonne et due forme, et un 23-6,5-4 de moyenne pour le meilleur défenseur de NBA. Mais en finale de conférence, les vieux démons refont surface. Les Sixers, encore eux, giflent les Bucks en cinq matchs et filent vers le titre. Le numéro 4 de l’équipe du Wisconsin est complètement cadenassé, limité à 15 points de moyenne.
Même si l’élimination a toujours un goût amer pour ce compétiteur, les daims ont passé le cap psychologique de l’élimination immédiate dès qu’un pied est posé en post-season. Ils reviennent donc plus ambitieux que jamais en 1983-1984.
Après plusieurs années d’évoquer, vous connaissez la chanson avec Sidney Moncrief. Dès que le lancement officiel de la saison, le DPOY en titre lâche les chevaux. Et ça n’a pas manqué cette fois-ci encore. Sur les vingt premiers matchs, il tourne à plus de 25 points de moyenne, avec toujours les mêmes ingrédients en supplément : les 7 rebonds, quasi 5 passes, les 2 interceptions et le demi-contre. Des standards de quasi MVP. Dans une défaite à Denver, il inscrira même 43 points.
Comme chaque année en régulière, les résultats suivent. Une nouvelle étoile arrive donc, la troisième consécutive. Avec Isiah Thomas, il est le guard le plus en vogue de la conférence Est.
Si le scoring est moins important en post-ASG (seulement 19pts par match), les victoires d’enchainent, et un 13-2 est passé à l’ensemble de la ligue à cheval entre février et mars 84. Les 10 et 12 février, il réalisera coup sur coup son premier triple double en carrière (27-10-10) et un magnifique 38-12asts-8rebds. Moncrief baisse le pied, mais n’est pas carbonisé.
Si cette baisse de régime en deuxième partie de saison l’empêche de réellement être dans la course au MVP (il finit la saison en 21pts -6,7 rebds-4,5 asts), il réalise quasiment le même triplé de nominations que la saison passée : All NBA Second Team, All First NBA Defensive Team et DPOY. Le trophée existe à peine, et Sid en fait son jardin privée. A l’heure actuelle, il est encore le seul guard a avoir remporté à deux reprises le trophée. Un monstre All Time.
Pour la première fois de l’histoire, la post-season se joue dans le format que nous connaissons encore aujourd’hui. Exit les qualifiés directement pour les demi-finales de conférence, retour aux first round pour toutes les équipes. Seule différence : le BO5 et non le BO7 pour la première série.
Pour les Bucks, deuxième de conférence, cela passe par un duel face aux Hawks de Do’ Wilkins. Pas simple pour rentrer dans ces playoffs. Les faucons pousseront les daims dans leurs derniers retranchements, en forcant un game 5 de tous les dangers. Heureusement, ce dernier sera un beau blow-out, et Sidney y contribuera grandement : 20 points, 10 rebonds, 8 passes, 2 interceptions, à 70% au tir.
Au tour suivant, les Nets de Buck Williams et Micheal Ray Richardson surprennent d’entrée de jeu les hommes de Don Nelson en leur infligeant une courte défaite. Le compétiteur qu’est le double DPOY n’est pas du genre à se laisser faire, et claque deux masterclass lors des games 2 et 3 :
- game 2 : 28 points – 8 rebonds et la victoire
- game 3 : 27 points – 3 rebonds – 4 passes – 3 interceptions et la victoire
Les Bucks reprennent donc le contrôle, et ne lâcheront plus la tête de la série. Ils la plieront en six matchs.
Dernière étape avant les NBA Finals, et non des moindre. Face à eux, le monstre au trèfle. Bird, McHale, Maxwell, Parrish et consorts. Pour un défenseur du talent de Moncrief, c’est un défi comme on en a que très peu dans sa carrière. Malheureusement, la différence de niveau est trop élevé. Il suffira de 5 rencontres à Boston pour écraser Milwaukee, qui sera jamais vraiment dans le coup. Sid réalisera quelques belles performances, dont un 22 points, 6 rebonds, 6 passes, 4 interceptions et 3 contres dans le game 3, sans succès. Larry l’oiseau sera impérial sur la série, et si Moncrief est l’une des stars de cette ligue, le 33 vert se classe dans une autre catégorie.
Si proche et si loin en même temps. Les deux saisons qui viennent de s’écouler ont offert de vraies possibilités, sans pour autant que les Bucks réussissent à les convertir.
Les deux exercices suivants seront dans le même état d’esprit : un Moncrief All Star, (montant à cinq son nombre d’étoiles), un podium au sein de la conférence Est et une élimination face à Philly en 1985 (en demi-finales de conférence) et face aux C’s en 1986 (en finale de conférences). Pendant cette dernière saison, il commence à accumuler les petites blessures au genou, ratant notamment quelques rencontres importantes de post-season.
L’ère du Moncrief dominateur prend fin dans le Wisconsin, sans qu’une occurrence en NBA Finals ait eu lieu. De quoi engendrer une forte frustration, même si l’adversité était all-time.
La fin d’une ère
Nous sommes au début de la saison 1986 – 1987 et Sidney Moncrief a 29 ans. En NBA depuis 7 saisons, l’arrière est à bout physiquement. Ses genoux lui font souffrir le martyr. Il ne jouera que 39 rencontres cette année, pour une baisse conséquente en terme de minutes (35 minutes par soir en 85/86 pour 26 en 86/87) qui se répercutera sur ses statistiques (moins de 12 points, 3 passes et 3 rebonds). Le duo Terry Cummings – Ricky Pierce est le nouveau go-to-guy des Bucks, et Moncrief n’est plus qu’un joueur de rotation. Les daims restent une équipe solide, mais pas calibrée pour aller au bout. Face aux Celtics, ce sera une nouvelle élimination en demi-finales de conférence.
Les deux années suivantes suivront le moule de celle-ci. Un Moncrief titulaire, mais relégué au rang de 3è voir 4è option, en baisse de régime, et une élimination au premier round des PO (ou en demi-finale de conférence).
Nous sommes à la fin des 80’s et Sid annonce sa (première) retraite, usé par les blessures à répétition qui entache ses saisons. Il reviendra pour l’exercice 90-91 aux Hawks, pour une quinzaine de minutes par soir et 5 petits points. La série de playoffs perdue face aux Pistons sera ses derniers pas sur un parquet NBA.
Premier DPOY de l’histoire, Sidney Moncrief aura marqué la ligue de son empreinte. S’il n’a jamais réussi à rejoindre les Finales NBA, il restera l’une de ses légendes déchues, au statut de star sous-estimée.
La place au box office des Bucks
« J’ai toujours dit que Michael Jordan était le meilleur ‘two-way player’ que j’ai vu. Sidney Moncrief est derrière lui. C’était un athlète de classe mondiale, qui pouvait dunker sur des pivots comme Robert Parish. Il a été notre meilleur rebondeur plusieurs saisons et il bossait son tir extérieur. Donc son style serait encore bien adapté au jeu actuel. Il vaudrait 40 millions de dollars par saison. » Par ces mots, Marques Johnson, ancien coéquipier du Sid, résume ce que pense les anciens adversaires de Moncrief.
Considéré comme l’un des meilleurs Bucks of All Time, au même titre que Giannis, KAJ ou Big O, il aura marqué les 80’s de son impact, sa défense sur l’homme et sa polyvalence offensive. Avec 695 rencontres jouées sous le maillot de Milwaukee, il est rapidement monté au panthéon statistique de la franchise.
Si les blessures ont ruiné une carrière qui était promise à durer, Sidney peut être fier de son passage en NBA. Il restera, jusqu’à la fin des temps, le premier défenseur de l’année. Faites attention en vous promenant dans le Wisconsin, les daims peuvent être (vraiment) féroces.