En demi-teinte contre Minnesota, Ja Morant est en train d’exploser face aux Warriors. Dans une série qui s’est avérée très serrée dans ses 2 premières batailles, compliquer la vie du meneur des Grizzlies devrait être l’une des missions de Golden State lors des prochaines rencontres.
Maintenu à 21,5 pts/match à 33,6% au tir par Minnesota, c’est un nouveau souffle que ce dernier a trouvé dans ce début de demi-finale de conférence. Morant shoote, transforme ses tirs et ne se contente plus d’exister par la ligne des lancers francs.
Avec 40,5 pts par match, sur les deux premières rencontres, Ja a quasiment doublé sa production au scoring. Il a déjà pris et transformé plus de 3 pts que dans l’ensemble de sa série du premier tour, et ses 46,5% au tir en disent long : il respire enfin.
Dès lors qu’un joueur contribue à plus de la moitié des points de son équipe sur un match (scoring + passes décisives), il devient nécessaire, non pas de l’arrêter, mais de lui compliquer l’existence.
Pour autant, des questions subsistent. Qu’est-ce qui explique un tel rebond du meneur ? Pourquoi Memphis est à la peine en attaque malgré un Ja incandescent ? Et la série va-t-elle se décider sur la faculté des Warriors à améliorer sa défense sur Ja Morant ?
Un choix assumé
Si Ja Morant semble renaître de ses cendres, c’est aussi parce que la stratégie des hommes de Steve Kerr est aux antipodes de ce qu’a connu le meneur face à Minnesota. Là où Chris Finch et sa troupe avaient déployé une stratégie très agressive (à base de hedge) pour limiter le meneur, les Warriors laissent de l’espace à Morant et cherchent à cadenasser ses coéquipiers.
Clément vous l’expliquait dans cette vidéo, pour stopper Ja Morant, les Wolves avaient mis en place deux principes défensifs simples, mais hautement efficaces :
- Blinder la raquette pour limiter sa capacité à attaquer l’arceau efficacement (on rappelle que fait très rare, Ja Morant était le joueur qui scorait le plus dans la raquette cette saison, ce qui n’est normalement pas l’apanage des meneurs de jeu)
- L’emploi du susmentionné hedge : une couverture très agressive sur pick&roll pour empêcher le porteur de ballon de bénéficier de l’espace et de l’élan pour attaquer efficacement
- Une défense qui concentre l’attention sur le porteur de balle
L’explication est disponible à partir de 3 minutes, ici :
Si cette stratégie a été aussi efficace, c’est que Memphis possède un problème de taille : ils manquent de shooteurs fiables à 3 pts. Dans le 5 de départ, hormis Desmond Bane (qui a été un élément clé de la victoire face aux Wolves), le reste du groupe reste assez faible dans sa faculté à écarter le jeu et punir les espaces.
Ainsi, Golden State a pris le contre-pied de Minnesota en défendant autrement :
- Gêner l’activité off-ball des Grizzlies en se concentrant sur les non-porteurs de ballons
- Laisser Ja Morant attaquer ses joueurs en 1-contre-1 et et blinder, eux aussi, la raquette, en espérant que cela suffise
Là où le meneur se retrouvait face à un mur dans la série précédente, l’obligeant à trouver des solutions chez des coéquipiers ouverts ou en scorant malgré la forte présence adverse :
Il est désormais face à un océan contre les Warriors. Vous noterez que si d’un côté, tout le monde n’a d’yeux que pour Morant, face à Golden State, l’attention est portée sur ce que font ses coéquipiers :
Les situations sont diverses, mais la stratégie des Warriors est avant tout d’encourager Morant à prendre des jump shots, ou à attaquer malgré un rideau qui se formera dans la raquette au moment où il arrivera lancé. Toutefois, si on peut dire que la stratégie s’est avérée assez payante, après tout, les Warriors ont récupéré l’avantage du terrain et Ja Morant doit porter l’essentiel de l’attaque (ce qui, sur une série, peut s’avérer difficile), le fait est que Golden State doit être assez peu satisfait du résultat jusqu’ici.
Les raisons sont doubles.
Tout d’abord, s’ils peuvent vivre avec l’idée de Ja Morant, shooteur assez faible, qui prend des tirs à longue et moyenne distance, toujours est-il qu’il a sanctionné à haut volume et avec une fiabilité inattendue (39,1% à 3 pts) pour 23 tirs primés tentés sur les 2 matchs. Avec énormément d’espaces laissés, les Warriors ont adopté une philosophie défensive de “tire sur tu l’oses”. Sauf que dans un fauteuil, le meneur sur son terrain, a déjoué les pronostics :
De quoi poser les bases d’une efficacité solide quand on sait que sa spécialité… c’est l’attaque du cercle.
Car l’autre problème, c’est que dans le même temps, malgré un effort pour contester sous le panier, rien n’arrête un Ja Morant lancé. Pas même une stratégie bien huilée. La stratégie de switch des Warriors permet normalement de limiter les espaces pour l’attaquant suite à l’écran (ou la transmission de balle sur dribble hand-off). Le problème, c’est qu’il permet aussi aux Grizzlies de choisir qui mettre en face de Morant (alors même que l’essentiel des joueurs de Golden State ne peuvent tenir face à son premier pas), mais surtout, Ja a la patience pour prendre le temps d’attaquer. Puisque le concept général lui permet de se retrouver en 1-contre-1, les aides dans la raquette devraient théoriquement le ralentir. Sauf que…
Sauf que mettre des tirs compliqués en se rapprochant de l’arceau, c’est le métier de Ja. Résultat, le meneur a jusqu’ici marché sur l’eau, et si ses coéquipiers sont effectivement moins en verve qu’au tour précédent, son efficacité limite la casse et permet aux Grizzlies d’être compétitif sur les deux rencontres.
Dans les faits, il se retrouve face à des espaces qu’il n’avait pas le loisir d’exploiter face aux Timberwolves. Et ainsi, il peut manipuler ses défenseurs et profiter de sa vitesse pour trouver ses tirs.
La contrepartie néanmoins, c’est que les coéquipiers connaissent un traitement différent. Quand l’enjeu de la série précédente pour les hommes de Taylor Jenkins était de faire arriver la balle dans les mains des joueurs démarqués pendant que l’adversaire se concentrait sur Ja, celui de cette série est de leur trouver des positions ouvertes. Symbole de cette différence entre les 2 séries : Desmond Bane.
Homme providentiel de la série précédente : 23,5 pts (meilleur scoreur), 49,1% à 3 pts pour 9,2 tentatives par match, celui-ci reçoit un traitement de choc face à Golden State. Il est limité sur les 2 premiers matchs à 7 pts, 29,4% au tir, dont 22,2% à 3 pts et 4,5 tirs pris à longue distance. Les shoots sont plus durs à trouver pour l’ensemble des coéquipiers de Ja (exception faite de Jaren Jackson Jr) et plus durs à rentrer.
Les Warriors profitent d’une part d’une attaque des Grizzlies qui a tendance à être trop statique :
Et par ailleurs, font un très bon travail pour contester les mouvements adverses. Ici, par exemple, Desmond Bane, parti du corner opposé et qui n’arrive pas à se débarrasser de Stephen Curry qui coupe toutes ses trajectoires :
Dès lors, si la stratégie n’est pas réellement le fond du problème, il y a un choix à faire pour Steve Kerr et ses assistants. Soit continuer de la même manière en espérant que le jump shot de Morant, à fortiori maintenant qu’il va évoluer à l’extérieur, va enfin retrouver ses standards habituels (et donc s’enrayer). Ou, trouver des moyens pour réduire l’efficacité de Ja en resserrant l’étau autour de lui.
Le souci actuel, c’est que Stephen Curry, Klay Thompson ou Jordan Poole ne sont pas suffisamment vifs latéralement pour suivre les déplacements de ce dernier. Si les Warriors se sont relayés, toujours est-il que la solution n’est pas évidente. Andrew Wiggins, Jonathan Kuminga sont des options viables contre Morant. Mais les utiliser sur Ja Morant prive Steve Kerr de présences mobiles près du cercle.
Surtout, celui qui était amené à défendre sur lui s’est blessé dans les premières minutes du Game 2, et cela pose un réel problème.
L’absence de Gary Payton II, réel problème
Face aux Nuggets, Gary Payton II s’est avéré précieux pour Golden State. Pour autant, en l’absence de Jamal Murray, son absence pour la série n’aurait pas représenté un véritable problème de taille pour son équipe, dont le principal enjeu s’appelait Nikola Jokic. Ici, on a vu dans le Game 1 qu’il était véritablement le seul joueur capable de limiter les déplacements de Ja Morant.
Malheureusement, la (très) vilaine faute de Dillon Brooks va priver ce dernier du reste de la campagne de Playoffs… Et les Warriors de leur défenseur le plus adapté. En effet, une solution envisageable, si Payton était encore en course, aurait été de refuser le switch systématique quand Payton se serait trouvé face à Morant. Pré-rotations, stunt, aides agressives auraient pu permettre de compliquer la vie du meneur.
Hélas, en son absence, si certains joueurs pourraient sortir du bois, aucune solution manifeste ne s’est pour le moment présentée. Et pourtant, le différentiel qu’il présente est criant. Cette saison, selon Second Spectrum, dans les rencontres entre Memphis et les Dubs, Payton a impacté l’efficacité adverse comme personne lorsque positionné face à Ja Morant (saison régulière + Playoffs) :
Dans ces conditions, Steve Kerr va soit devoir tenter un pari (titulariser Jonathan Kuminga ?) ou continuer de relayer ses joueurs en espérant que la défense collective paye, que Ja Morant finisse enfin par être en manque de réussite à 3 pts. Aucun défenseur idoine ne risque de se présenter, et la clé de la victoire se jouera alors, non pas par une amélioration de la défense sur le meneur pour les Warriors, mais par une amélioration de leur propre attaque, qui a pris une forme assez étonnante à ce stade de la série.
Deux rencontres serrées, mais…
Les deux premières rencontres se sont jouées dans un mouchoir de poche, se décidant dans les ultimes secondes. Pourtant, malgré le festival de Ja Morant, ce n’est effectivement pas en défense que la décision pourrait se faire. Avec un 108,2 de defensive rating, Golden State propose déjà un défi compliqué à Memphis. Comme dit plus haut, la stratégie visant à isoler le meneur est payante. 108,2 correspond d’ailleurs à une défense de niveau élite cette saison, et est en outre un bien meilleur résultat que celui de de leur série précédente face aux Nuggets (112,3).
Vous l’aurez donc compris, le vrai problème vient de l’autre côté du terrain pour Golden State. Là où Curry, Thompson et Poole ont réalisé des records en d’efficacité en carrière face à la “défense” des Nuggets, ils connaissent ici une véritable panne pour débuter la série.
Memphis s’est très bien adapté à l’attaque tout en mouvement off-ball des Warriors. Ils font un travail admirable pour contester les mouvements des shooteurs adverses, là où Denver avait enfin réussi à s’adapter à partir du Game 4. Résultat, l’attaque de Golden State patine et prend une forme différente pour tenter de survivre.
Une statistique en dit assez long sur les difficultés actuelles de l’équipe : les Dubs shootent à 19% sur les 2 premiers matchs de la série. En contrepartie, ils attaquent beaucoup plus l’arceau, derrière un Stephen Curry spectaculaire dans l’exercice, et fait assez historiquement assez rare pour cette équipe, ils dominent au rebond offensif :
- 26,2% des tirs manqués captés en saison régulière
- 24,7% contre Denver
- 34,5% contre Memphis
Toutefois, cela ne suffit pas à combler le manque d’adresse des Warriors. Faisant partie des maîtres du 3pts, y compris contestés, ils doivent retrouver de l’efficacité et de l’allant en attaque pour vraiment prendre le contrôle de la série. Pour comparaison, l’offensive rating de Golden State est de 106,3 dans cette série…. contre 121,9 dans la précédente.
Passés d’un sur à un sous-régime, la clé de la série semble vraiment là pour Golden State. Quant à Ja Morant, s’il convient évidemment d’éviter un nouveau match à +40 pts sans forcer, on imagine que les Warriors peuvent vivre avec une série spectaculaire de sa part, si les Grizzlies continuent de collectivement souffrir en attaque, ne trouvant pas de solution pour attaquer (47% de leurs tirs pris à longue distance !).