En voilà une série qu’elle va être bien pour qu’on la regarde. Si le français est approximatif, le message n’en n’est pas moins percutant, non ? Allez, on met les mots dans l’ordre, et on décrypte tout ça.
D’un côté, des Suns un brin bousculés par des Pelicans s’avérant plus difficiles à manœuvrer que prévu. Ils ont cependant pu enregistrer à temps le retour de l’enfant prodige, Devin Booker, pour valider le passage en demi-finale de Conférence. Après avoir été chahutés par Brandon Ingram et sa bande, il aura fallu aux Suns toute la classe et la maestria de Chris Paul, mais aussi les efforts conjugués d’Ayton, Bridges et autres pour réussir à faucher les Pels en plein vol.
De l’autre, des Mavericks qui, pour la première fois depuis l’ère Luka Doncic, ont enfin réussi à s’extirper du premier tour de playoffs – à vrai dire, ce n’était pas arrivé depuis 2011 ! Un succès convaincant contre un Jazz en bout de course, dominé de la tête et des épaules, qui aura (entre autres) permis au prodige slovène de revenir en cours de série pour se défouler un peu les jambes et les poignets. Mais même sans lui, les Mavs n’ont pas été en reste, sublimés notamment par un Jalen Brunson des grands soirs, qui a littéralement plané sur ce premier tour.
Les playoffs sont avant tout une histoire de match-ups et d’oppositions plus ou moins favorables, et face auxquelles il faut sans relâche s’adapter. Dans ce duel entre les Suns et les Mavericks, l’affiche pourrait sembler à première vue déséquilibrée. Les hommes de Monty Williams, tête de série numéro 1 à l’Ouest, ont clairement pour ambition de remonter sur la scène des Finales NBA pour cette fois-ci, y triompher. Mais les Mavericks sont-ils réellement sans armes ? Eléments de réponse !
Et ¡ viva España !
Nous l’avions évoqué dans la série face aux New Orleans Pelicans, le spain pick and roll sous toutes ses formes était une des armes principales de Phoenix :
https://www.qibasket.net/2022/04/26/match-4-les-pelicans-ont-montre-comment-conclure-lupset/
Si les Suns ont été à ce point en difficulté dans cette série, c’est parce qu’ils avaient subitement perdu leur efficacité à trois points. Les systèmes étaient bien mis en place, l’exécution était parfaite, mais très souvent à la conclusion, ça ne tombait pas dedans. Phoenix a enregistré un 21/80 à trois points, sur les matchs 3-4-5, soit 26.25% de réussite, ce qui a eu pour effet direct de retarder considérablement leur qualification.
Chez les Texans, le spain a été le casse-tête principal de la « défense » de Utah. Dallas a profité de l’apathie des lignes extérieures et de la mobilité limitée du pivot adverse pour offrir monts et merveilles à Luka Doncic.
Vous l’aurez compris, la gestion défensive du spain PnR adverse sera un élément central de cette confrontation, et le point déterminant pour connaître le nom du futur finaliste de la conférence Ouest.
Nous aurons d’un côté les séquences dessinées pour Luka, Powell et Bullock :
Et de l’autre, CP3, Booker, McGee/Ayton/Johnson (tous les autres shooters sont en place pour sanctionner à trois points.)
Ce duel de système sera avant tout un duel de génies de la balle orange. L’avantage principal du spain est d’offrir une multitude de possibilités à des joueurs aussi formidables que sont Doncic et Paul. Leur QI basket largement supérieur à la moyenne, accompagné de leur qualité de passe seront difficiles à restreindre. En revanche, la clé de la réussite sera la faculté de chacune des deux équipes à limiter les solutions qui s’offrent aux meneurs.
Sur ce point, l’avantage est à Phoenix. Face à Utah, les Mavericks n’ont rencontré aucune difficulté à mettre leurs systèmes en place. Face à la défense élite de Phoenix, Jason Kidd devra très probablement faire des ajustements, pour essayer de trouver une faille durable dans la forteresse de l’Arizona. Deandre Ayton n’est peut-être pas triple defensive player of the year, mais il est très mobile et surtout, il évolue dans une équipe cohérente défensivement. Si les Suns ne se font pas prendre de court, ils auront toujours la possibilité de contenir les attaques adverses. Ayton pourra couvrir les drives de Doncic si ce dernier passe le premier rideau ; il aura également les facultés pour mieux contenir le roll de Powell, sans être automatiquement pris de vitesse. Enfin, la présence des Mikal Bridges et autres Jae Crowder sur les lignes extérieures pourra permettre de couvrir les décalages initiés par Bullock ou Dorian Finney Smith pour se mettre en position de tir.
De l’autre côté du terrain, Dallas a évidemment ses atouts à faire valoir. Mais aux premiers abords, il semblerait que Phoenix soit mieux armé défensivement pour y répondre. Normalement, l’accès à la raquette du Jazz aurait dû être bloqué pour Doncic par Gobert, mais ce dernier étant laissé seul face à lui-même, le moindre drive de Luka mettait toute la défense à la rue. Face à la couverture extérieure de Bridges, les Mavs seront tentés de jouer le switch avec Powell pour faire sortir Ayton de la raquette. S’il y aura bel et bien mismatch dans ce genre de situations, ce ne sera pas pour autant un panier assuré pour Dallas, étant donné que Deandre (au même titre que McGee d’ailleurs) est tout à fait capable de couvrir très vite l’accès à la raquette.
Le défi du small ball pour la défense de Dallas
Si Phoenix a eu de gros ennuis au défi physique face aux Pels, notamment avec la présence surhumaine de Valanciunas prêt à prendre tous les rebonds, cette fois, face à Dallas, Ayton pourrait bien avoir des tickets de tirs illimités, face au potentiel désert dans la raquette d’en face. Si Utah refuse catégoriquement de servir ses intérieurs quand ils sont dans une position favorable, ne comptez pas sur Phoenix pour ne pas nourrir ses pivots.
L’an passé nous parlions déjà du défi du small ball pour les Suns face aux Clippers. Phoenix s’en était bien sorti, et Ayton avait été au cœur du jeu des Suns. Face à la Nouvelle Orléans, Ayton a compilé 20.5 points, en prenant 12 tirs en moyenne, et 9.8 rebonds chaque soir. Face à Dallas, il ne serait pas étonnant de voir le nombre de tickets shoots du Bahaméen augmenter, comme ça avait pu être le cas entre les séries face à Denver, puis Los Angeles l’année dernière : de 10 à 12.5 tirs en moyenne. Les deux seuls intérieurs de métier côté Texan sont Dwight Powell et Boban…
Il serait suicidaire de la part de Kidd de tenter le pari Marjanovic. C’est donc Powell qui sera au charbon. Le plus grand des problèmes pour Dallas, c’est qu’une fois que Ayton sort, c’est McGee qui prend le relais, puis Biyombo sur quelques minutes potentiellement. Cette profondeur d’effectif dans le secteur le plus faible de Dallas risque de poser de nombreux problèmes. À commencer par les situations de foul trouble, piège dans lequel il ne faudra pas tomber, malgré la différence de taille dans la raquette.
Ici, Ayton fait face à Larry Nance Jr. Nous devrions voir ce genre de situation très souvent dans cette série, où Ayton se retrouve dans une bonne position dans la raquette après pick and roll. À titre de comparaison :
Powell : 2m08 / 109kg
Nance : 2m01 / 111kg
En d’autres termes, la gestion défensive des intérieurs adverses risque de faire perdre ses cheveux à Jason Kidd.
Le défi du small ball pour la défense de Phoenix
Si Phoenix fait le choix de la taille, de l’autre côté du terrain, Dallas pourra faire très mal, mais à une seule condition : être chirurgical à trois points. Les Mavericks vont tout faire pour espacer au maximum la défense des Suns, et forcer Ayton à sortir de la raquette. Si les Mavs ne sont pas en feu à trois points, ils ne pourront pas faire sortir les intérieurs adverses comme ils le souhaitent, et Doncic n’aura pas autant de possibilités de driver qu’il ne le faudrait.
Voici les chiffres à trois points de Dallas sur la série face à Utah. Si les Mavs veulent réussir à faire déjouer Phoenix avec leur small ball, ils devront être dans les moyennes de l’encadré jaune. Sans cela, la vie sera un long fleuve tranquille pour les joueurs de l’Arizona.
Sur le premier tour, le joueur le plus efficace à trois points avec 51.6% de réussite était Maxi Kleber. Derrière, Bullock et Finney-Smith oscillent autour des 40%. Ce sont eux qui vont devoir sanctionner sans cesse à trois points, sous peine d’être très limités offensivement.
Sur chacune de ces situations, Dallas a su profiter des espaces créés par la lenteur de Gobert pour couvrir les tirs à trois points. En étant aussi appliqué à trois points, Dallas l’emporte à tous les niveaux. Le fait d’exposer Gobert sur les trois points pousse le coach adverse à le faire sortir. Une fois que Gobert est sur le banc, l’accès à la raquette est automatiquement rendu plus simple pour des joueurs comme Brunson ou Doncic. Voilà tout l’enjeu de la réussite à trois points pour réussir le pari du small ball !
Qu’attendre de la série ?
Malgré l’existence des duels Ja/Curry, et Giannis/Tatum, c’est peut-être l’affrontement entre Chris Paul et Luka Doncic qui sera le plus intéressant à suivre. Ce sont eux qui auront les clés des systèmes et la responsabilité de bien faire jouer leurs coéquipiers.
Si Phoenix a été poussé dans ses retranchements et obligé de se remettre en question, les Mavs eux, arrivent avec le plein de confiance mais sans avoir été bousculés. C’est là encore un point en faveur de Phoenix qui s’est déjà fait surprendre.
Avec le retour en forme de Devin Booker, tout porte à croire que la logique devrait être respectée dans cet affrontement, et que Dallas ne semble pas en mesure de réaliser l’upset.
Phoenix s’est présenté aux playoffs pour tenter sa chance en Finales NBA ; les Mavs quant à eux devaient passer un tour, c’est chose faite désormais. Les Suns ont leur destin entre leurs mains.
Match-up
Phoenix Suns : 65%
Dallas Mavericks : 35%