Ils sont bel et bien là, nos numéros 2 et 3 de conférence !
Cela faisait depuis 2019 que les Dubs n’avaient pas franchi un tour de playoffs. En 2022, l’anomalie fut réparée en 5 matchs, face à des Nuggets qui ne pouvaient pas espérer grand-chose de plus que d’éviter de trop souffrir face aux hommes de Steve Kerr.
Si le début de la série a été marqué par un Jordan Poole flamboyant, elle a surtout permis par suite à Golden State de voir Draymond Green faire le plein de confiance, livrant un duel acharné contre Nikola Jokic. Dans le même élan, les Warriors ont également enregistré le retour en pleine forme de Stephen Curry. D’abord utilisé en 6è homme de luxe, le Chef sera finalement réintroduit dans le cinq majeur pour l’ultime match de la série, portant ainsi un coup fatal à des Nuggets impuissants.
De l’autre côté, les Grizzlies sortent sûrement de la série la plus disputée de ce premier tour de playoffs.
Une victoire en 6 matchs contre les Wolves, qui s’est dessinée dans le plus grand mal pour Ja Morant et les siens. La faute à des Timberwolves accrocheurs, et à des Grizzlies trop inconstants, passés près de la correction à plusieurs reprises mais toujours capables d’énormes comebacks pour l’emporter sur le fil. Si Morant a été muselé tout le long de la série, le meneur a pu compter sur le renfort de ses coéquipiers, notamment Desmond Bane, impérial et meilleur joueur de la série.
En bref, une série pleine de rebondissements pour les uns, une leçon de basket pour les autres, et au final deux adversaires qui se connaissent bien. L’heure est venue pour ces deux équipes de se retrouver après une saison régulière qui les a vu se pérenniser au top niveau de leur conférence. Un duel Ja Morant – Stephen Curry, deux salles à l’ambiance électrique et de vieilles rancunes… les ingrédients d’une bonne recette ?
Ja Morant, côté pile
Si Ja Morant n’a clairement pas été épargné dans sa série face à la défense en hedge des Wolves, il a tout de même su adapter son jeu et impliquer ses coéquipiers, tout en restant une option offensive fiable quand les espaces le lui permettaient : 21,5 pts, 9 passes et 8,6 rebonds par match, une ligne de stats plus équilibrée qu’à l’accoutumée pour Ja, qui montre bien la capacité d’adaptation du meneur, même mis en difficulté – avec notamment un FG% de 38.
Si Morant a dû forcer plusieurs tirs et s’est parfois heurté à un véritable mur, il a surtout permis aux autres joueurs de briller et de contourner la défense agressive des Wolves, notamment Desmond Bane, Brandon Clarke, et sur la fin de la série, Tyus Jones.
En cours de replay du match 4 Memphis-Minnesota ! 📼
Morant fait preuve d’une excellente lecture sur les premières minutes du match alors que Minny a l’air de vouloir le doubler sur les picks avec Towns. Deux décalages sur Bane d’abord, et un caviar pour Clarke. pic.twitter.com/5WUtxkQnsu
— QiBasket (@QiBasket) April 24, 2022
Et si verrouiller la raquette face à Ja Morant est un enjeu de taille, ce n’est pas pour rien.
Par ses capacités balle en main, sa fluidité et ses qualités naturelles, Morant est une vraie épine dans les pieds des défenses adverses lorsqu’il parvient à pénétrer aux abords de la raquette. Sa capacité à décoller de très très loin, de finir au contact main droite ou main gauche, et de provoquer faute sur faute est un véritable poison, sur lequel Jenkins ne manquera pas de vouloir s’appuyer, fort logiquement. L’objectif pour Memphis sera d’essayer d’offrir à Morant une protection vers le cercle inexistante, ou du moins totalement surmontable. Cibler les Looney, Bjelica, voire les ailiers utilisés par les Dubs plutôt que de devoir affronter Green.
Dès qu’il parvient à le faire avec régularité, Morant retrouve son rythme naturel, et entraîne avec lui tout le reste de l’effectif de Memphis. C’est ici l’une des clés pour les Grizzlies, qui aurait pu leur coûter très cher au tour précédent sans les errements des Wolves dans les derniers quart-temps.
Face à Golden State, Morant devrait échapper à la défense en hedge proposée par les Timberwolves, ou du moins ne pas devoir l’affronter à chaque possession comme ce fut le cas au tour précédent. Golden State défend certes très bien, mais applique une stratégie de switch permanents, n’ayant pas le matériel nécessaire pour pérenniser la défense en hedge (moins d’athlètes, moins de taille).
Dans l’éventualité où les Warriors débuteront leur rencontre avec Kevon Looney au poste 5, il n’y a aucun doute sur le fait que Jenkins donnera à Morant pour consigner de le cibler en priorité, et ce qu’importe la défense choisie par les Warriors sur un pick and roll qui l’impliquerait. Qu’il s’agisse de lui faire tomber des fautes et de gratter quelques lancers, ou de l’agresser en étant lancé pour finir au cercle, Morant s’en donnera à coeur joie. Or, Kerr le sait, et pourrait tout à fait se passer des services de Looney en conséquence.
Ja Morant est-il pour autant une équation insoluble pour les Warriors ?
Pas vraiment, car non seulement cela ne voudra dire qu’il n’y a qu’une défense capable de stopper les meneurs dragsters à la Morant, mais surtout, les Warriors restent la troisième défense de la ligue (defensive rating de 106.6), portés par un Draymond enfin à 100% et impérial face aux Nuggets de Jokic.
Utilisé en tant que pivot sur la série, Green a pu dévoiler toute sa panoplie défensive exceptionnelle, capable de boucher tous les trous défensifs possibles et imaginables, de gêner une ligne de drive d’abord, de reprendre son joueur sur un closeout ensuite sans trop se livrer, et de revenir contester le drive, ou le tir en suivant.
Mais là où le danger principal des Nuggets favorisait ce rôle pour Green, c’est cette fois les défenseurs extérieurs des Warriors qui devraient être davantage sollicités.
Face au danger que représente Morant, les Warriors auront tout intérêt à verrouiller l’accès de la raquette, et à le forcer à prendre des midranges compliqués ou à ressortir la balle sur ses coéquipiers. Tâche ardue s’il en est, comme nous l’avons vu précédemment, et ce même pour Klay Thompson et/ou Andrew Wiggins, qui devront constamment harceler le meneur pour ne pas lui permettre de lancer ses drives. Quitte à prendre des paris, on miserait ici plutôt sur un duel Wiggins-Morant, Klay Thompson héritant lui du marquage de Desmond Bane, dans un jeu plus off-ball.
Pour éviter les pénétrations fracassantes de Morant, les Dubs, s’ils veulent s’engager dans la voie du switch, en ont les armes sur les lignes extérieures. Tout sera affaire d’application et de timing, comme souvent défensivement. Un switch trop passif, et le meneur de Memphis en profitera pour y voir une rampe de lancement vers le cercle, rarement bon signe pour les défenses. Golden State pourrait également faire appel à ses role players du banc pour tenter quelques missions défensives sur le meneur de Memphis, notamment Gary Payton Jr. Même si ce dernier est davantage précieux dans la défense collective pour couper les lignes de passes et dissuader les drives par sa capacité d’aide.
Bien que Ja Morant devrait avoir plus d’espaces pour s’exprimer en attaque, il devra toujours composer avec une défense solide, adaptée à son jeu très incisif. Que Golden State choisisse le switch ou que Kerr favorise les aides agressives de ses ailiers pour barrer l’axe du terrain – comme ont pu le faire Celtics et Heat au premier tour -, Morant ne pourra pas se contenter d’une série en demi-teinte face aux Warriors, et ce même s’il devrait à nouveau pouvoir compter sur ses lieutenants favoris, Bane en tête. ll devra retrouver le niveau qu’il a affiché en saison régulière si son équipe veut espérer l’emporter, et cela pour une raison toute simple : de l’autre côté, il sera également un danger… mais pour les siens.
Ja Morant, côté face
S’il est évidemment attendu en attaque, la plus grosse interrogation sur Morant vient de sa défense. Inutile de le rabâcher, mais Morant n’est clairement pas un bon défenseur malgré ses qualités athlétiques certaines. Cette nécessité pour Morant d’exister offensivement est ainsi d’autant plus forte que s’il pouvait être camouflé face aux Wolves qui proposaient un cinq majeur avec plusieurs non-shooteurs, face à l’artillerie longue portée des Warriors, cela ne sera plus le cas, et il y a fort à parier que les Warriors s’en donneront à cœur joie pour le cibler défensivement.
Steve Kerr et son staff ne sont pas nés de la dernière pluie, et nul doute qu’en ayant eu un œil sur la série entre Grizzlies et Wolves, ils ont vu les dégâts commis par ces derniers, qui ont cherché à attaquer en permanence Morant et à le faire défendre. Mais là où Memphis a eu de la chance au premier tour – Patrick Beverley, même incisif, restant Patrick Beverley -, ce sera une toute autre histoire face à Golden State et son trio Curry – Thompson – Poole.
Impossible pour Memphis de sortir des cartons la stratégie du “cachons Ja dans un corner“. Morant devra être impliqué, et le sera de toute manière par la force des choses et la motion offense de Golden State. Alors, comment essayer de limiter la casse pour Memphis ?
Coach Jenkins devrait sans surprise s’appuyer sur la paire Desmond Bane-Dillon Brooks pour essayer de coller aux shorts de Curry ou Thompson. Deux défenseurs agiles, besogneux, qui savent naviguer derrière les écrans dont usent et abusent les Splash Brothers pour se libérer. Si l’un d’eux connaît des problèmes de de faute, Memphis pourra également faire sortir du banc D’Anthony Melton, principalement utile pour chasser Curry derrière les écrans, et appliquer une pression tout-terrain au meneur si besoin. Reste que cette année donc, un 3è larron s’est invité à la foire en la personne de Jordan Poole.
Pour Memphis, le principal problème concernant Jordan Poole est que ce dernier a appris à se construire en tant que joueur NBA en regardant Stephen Curry et Klay Thompson s’entraîner, et en ayant Steve Kerr en tant que coach. Capable de pull-up à 7, 8, 9 ou 10 mètres, mais également capable de bonnes lectures balle en main sur pick and roll ou en attaquant l’espace, Poole peut être un véritable poison.
Certes, après un début de série tonitruant face à Denver, Poole s’est un peu calmé, et on pourrait toujours prendre le pari qu’il ne devrait pas atteindre des standards aussi élevés. Mais le problème avec le feu, c’est qu’il faut s’assurer qu’il soit complètement éteint. Or, Steve Kerr et son staff savent exactement comment faire pour relancer la machine, ou pour s’assurer qu’elle continue à arroser l’adversaire en toute confiance, qu’il s’agisse de Curry, Thompson ou Poole.
Golden State Warriors | Set for Jordan Poole
Great action from Coach Kerr and executed to perfection to get Jordan Poole a 3 pointer.#XsOs pic.twitter.com/oeAUIxTYdr
— Marc Hart (@CoachMarcHart) April 23, 2022
Mais plutôt que de contourner le problème, il faut parfois savoir attraper le taureau par les cornes. Memphis a beau proposer un cinq majeur avec une grande envergure pour couvrir un maximum de terrain et de profils différents, arrivé au second tour des playoffs, il n’y a plus de facilité ou d’échappatoire : choisir un des trois poisons et faire le dos rond, voilà ce qui attend probablement Ja Morant en défense. L’envoyer sur Curry est bien trop dangereux, Klay est trop grand, reste donc le troisième larron, Poole.
Moins athlète que les deux précédents, moins passeur que Curry, et moins shooter que Klay, il apparaît comme l’option la moins dangereuse sur laquelle Ja peut se placer. Il a le coffre pour suivre Poole derrière les écrans, la puissance pour tenir au contact et la vision de jeu pour couper ses lignes de passe. Le basket de haut niveau tend de plus en plus vers l’isolation en fin de match, il serait étonnant de voir Curry ou Klay ne pas prendre un tir de la gagne ou les possessions chaudes pour le laisser à Poole. C’est un pari risqué mais un pari que Memphis doit prendre. Incombe donc à Ja de ne pas s’empaler sur les écrans, de trouver le bon ratio entre économie d’énergie et efficience. Poole n’est pas le plus rapide ou le plus vif des arrières de Golden State, cela ne rend pas la tâche plus simple pour autant.
De nombreuses stars ont du passer par ce genre d’épreuves pour avancer, Doncic a récemment prouvé qu’il savait produire des efforts pour soutenir son équipe, VanVleet s’est complètement réinventé lors du parcours historique des Raptors en 2019, le moment est peut être venu pour Ja Morant d’ajouter une nouvelle corde à son arc.
Les autres éléments de la série qu’on surveillera avec attention :
- L’apport de Brandon Clarke, véritable moteur des Grizzlies sur le premier tour
- Jordan Poole – Desmond Bane : pourront-ils continuer sur leur lancée ?
- L’impact du rebond offensif pour Memphis, face à une raquette bien moins dense physiquement
- L’apport offensif d’Andrew Wiggins, assez discret sur le premier tour face à Denver avec l’éclosion de Poole (cadeau),
- La limitation des pertes de balle de Golden State, cruciale pour éviter à Memphis de nombreuses transitions
- Et bien d’autres encore !
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Un duel de meneurs de haut calibre, une animosité constante entre deux équipes qui adorent se détester, deux approches opposées du basket et deux des meilleurs coachs de la ligue qui se rendent coup pour coup. Ce second tour de playoffs est porteur de nombreuses promesses et de spectacle. Memphis a certes l’avantage du terrain, mais Golden State compense largement avec sa grande expérience et la qualité de jeu de ses stars.
Enfin à 100% et toujours en quête d’un titre en plus, l’armée de Stephen Curry fait de nouveau face à la meute de Ja Morant. Les Grizzlies, en passant un tour, ont déjà dépassé leurs objectifs tant individuels que collectifs en dépit de leur statut de n°2 de conférence. Est-ce une raison pour se laisser cueillir par les guerriers de la Baie ? Clairement pas. Memphis se complaît dans ce rôle d’outsider, d’équipe qui dérange et raffole de ce statut d’underdog. Jouer décomplexé est une des clés de la victoire pour Memphis là, où de l’autre côté Golden State doit réaliser une performance maîtrisée pour asseoir son statut de prétendant au trône.
La fougue contre l’expérience, la taille contre la rapidité, E40 contre Three Six Mafia. Que demander de plus ?
Allez, pour le sport, petite tendance maison sur la série :
Memphis Grizzlies : 40%
Golden State Warriors : 60%