Après avoir disposé respectivement des Nets (4-0) et des Bulls (4-1), Celtics et Bucks se retrouvent au deuxième tour de ces playoffs 2022, pour un duel qui sent bon la poudre.
Si cette série nous fait saliver d’avance, elle sera néanmoins marquée par l’absence regrettable de Khris Middleton côté Milwaukee, dont il a été confirmé que la blessure contractée contre les Bulls le rendait indisponible pour cet affrontement, a minima. Une belle épine dans le pied des champions en titre, mais qui, à n’en pas douter, devrait remobiliser de plus fort le reste de l’effectif.
De son côté, Boston a enregistré le retour de Robert Williams sur les derniers matchs de la série face aux Nets. Si l’intérieur est resté cantonné à une vingtaine de minutes en sortie de banc afin de reprendre du rythme et d’éviter une rechute précoce, son retour ne pouvait pas mieux tomber. Désormais au complet, les Celtics entendent bien surfer sur la vague d’optimisme qui les guette, après avoir roulé sur des Brooklyn Nets apparus totalement dépassés sur la série.
Beaucoup de questionnements et d’axes intéressants sur cette série entre deux équipes qui ne cachent pas leurs ambitions de back-to-back pour les uns, et de titre pour les autres. Mais essayons de nous concentrer sur un seul d’entre eux pour cette fois, avec une question précise : la défense des Celtics, impressionnante face aux Nets et à Kevin Durant, peut-elle s’exporter sur les Bucks et Giannis Antetokounmpo ? Tentative d’analyse et éléments de réponses.
Yes, they can
Alors est-ce qu’après avoir fait déjouer Kevin Durant, la défense de Boston peut tenir le choc contre Giannis Antetokounmpo ? À première vue, la réponse est oui, et résulte d’un constat très basique : Boston a les armes pour ce faire, aussi bien individuellement que collectivement.
Individuellement, Al Horford, Grant Williams et Robert Williams sont autant de noms capables de se relayer sur Giannis, en man-to-man pour les faux-frères Williams, ou sur des phases plus courtes pour le vétéran Horford, notamment sur switch. Cerveau de la défense celte dessinée par Ime Udoka, Al Horford et ses 35 printemps ont en effet parfaitement démontré sur le premier tour être encore capable de résister sur les isolations provoquées par les switchs concédés par Boston, notamment sur Kevin Durant. Bien qu’il ne sera sûrement pas l’option n°1 sur l’ailier des Bucks, Horford peut donc tenir la baraque, et à tout le moins ne pas représenter un poids mort comme on pourrait le croire sur des joueurs plus grands, plus vifs, plus forts.
S’ils rendent quelques centimètres au grec, Grant et Robert Williams semblent beaucoup plus taillés que leur aîné pour ce job à temps plein, se montrant à la fois mobiles, réactifs, intelligents dans leurs déplacements et solides physiquement pour tenter de contenir Giannis Antetokounmpo et ses assauts, que ce soit sur ses drives ou sur un jeu plus posté, poste bas ou haut. Au-delà de l’importance respective qu’ils ont dans le système collectif celte, ils devraient être les armes privilégiées d’Udoka face au double MVP.
You can’t do a better job against Kevin Durant than Grant Williams just did here. Incredible defense pic.twitter.com/DtvPBUEmoY
— Green Machine (@Greenmachine17_) April 25, 2022
Aurons-nous droit à un duel Jayson Tatum face à Giannis Antetokounmpo, comme ce fut le cas pour le duel Tatum-Durant lors du premier tour ?
Il est vrai que l’ailier celte a montré une très grande application dans son duel face à son homologue des Nets, et fournit de très gros efforts, qu’il s’agisse pour lui de contester les prises de position de KD, ou de venir le perturber dans ses drives ou pour des prises de midranges contestés. Un travail défensif qui lui a valu une reconnaissance certaine – bien que parfois critiquable quand elle éclipsait le travail collectif défensif fourni – de la part de nombreux observateurs de la Grande Ligue.
Néanmoins, là où le style de jeu de KD pouvait sembler scier à Jayson Tatum, notamment en raison de la tendance de Durant à privilégier le midrange et globalement le tir extérieur, Giannis Antetokounmpo est lui un tout autre poison. Plus percutant, plus direct, et aussi fréquemment utilisé en tant que poseur d’écran, pas sûr de voir Tatum être autant capable de contenir les assauts répétés du grec à son encontre si un tel match-up se produit. Pas sûr du tout même qu’Udoka ait l’idée de lui assigner en direct ce match-up.
En tout état de cause, penser que la défense idéale pour contrecarrer Giannis Antetokounmpo ne réside qu’à l’assignation d’un défenseur spécifique sur sa personne serait au mieux de l’utopie, au pire, de la bêtise. Or, collectivement, Boston a également le matériel nécessaire.
On y reviendra dans notre seconde partie, mais sur le premier tour, les Celtics se sont montrés très agressifs sur Durant, usant et abusant des « stunts » – une aide très prononcée, venue de l’opposé du drive – afin de limiter ses pénétrations et de le forcer à ressortir la balle sur les autres joueurs des Nets.
Le choix était ainsi fait de vivre avec les tirs à 3 points potentiels des autres joueurs, plutôt que de devoir faire face aux percussions de Durant. L’autre intérêt de ce plan de jeu défensif était d’isoler KD progressivement dans une sorte de dérivé du hero ball (grosso modo, filer le ballon à la star de l’équipe et croiser les doigts à chaque attaque), le ego ball. On a ainsi vu KD tenter de nombreux midranges contestés, se frustrant petit à petit dans la série, et oubliant petit à petit ses coéquipiers.
Ce schéma défensif global a permis de démontrer toutes les qualités de l’effectif de Boston, qui, non content de pouvoir s’appuyer sur le trio vu précédemment sur Giannis, est loin d’être en reste sur les autres postes.
Pour ne citer qu’eux, Marcus Smart, Derrick White et Jaylen Brown sont tous trois des défenseurs très durs sur les lignes arrières, dans des registres différents : contestation des lignes de passes, low man sur les rotations, défenseur direct du porteur de balle (point of attack), navigations entre les écrans, etc. À eux trois, ils assurent à Udoka une base défensive des plus solides derrière le frontcourt.
Yes, they can, but…
Mais si cette défense a été louée pour son efficacité contre les Nets et contre Kevin Durant, peut-elle s’exporter face aux Bucks et Giannis Antetokounmpo ?
A première vue, la menace du grec sur les drives est toute aussi planante et dangereuse pour les Celtics. Qui plus est, face à Antetokounmpo, les défenses ont depuis longtemps pris le pari de verrouiller la raquette coûte que coûte. En 2020, le Heat de Miami s’était notamment employé à offrir à Giannis un véritable “mur” défensif face à lui, avec trois joueurs regroupés dans l’axe pour lui couper les transitions en tout-terrain ou l’accès au cercle sur jeu placé.
La tentation serait donc grande pour Boston de reprendre les mêmes ingrédients qu’au premier tour.
Giannis, un problème différent à résoudre
Néanmoins, si Kevin Durant et Giannis Antetokounmpo sont deux des plus grandes stars de la ligue, que l’on s’est longtemps amusé à les rapprocher physiquement, chacun a construit son jeu de manière propre, et ainsi, Giannis reste Giannis.
Un athlète exceptionnel certes, mais surtout un joueur de basket intelligent, et des plus travailleurs. Conscient des tendances défensives employées à son encontre, l’ailier-intérieur des Bucks s’est attaché à développer des facettes de son jeu offensif pour étoffer son arsenal, et pouvoir se payer le luxe de jouer son jeu en dépit des stratégies “regroupées” auxquelles il doit sans cesse faire face. Et si certains auraient encore des doutes à ce sujet, sachez que ce travail a permis aux Bucks d’aboutir… à un titre NBA, ni plus, ni moins.
En premier lieu, Antetokounmpo s’est astreint à développer un passing game de plus en plus létal à son niveau, et pour le rôle qui lui est donné par Mike Budenholzer depuis quelques années maintenant.
Conscient de la gravité défensive qu’il provoque une fois la balle entre ses main, que ce soit sur ses pénétrations ou sur les roll lorsqu’il est utilisé en poseur d’écran, Giannis est plus que capable de très bonnes lectures de jeu, et de trouver ses coéquipiers avec aisance et facilité, parfois dans des angles insoupçonnés pour un joueur de 2 mètres 11, 110 kilos, et 2 mètres 25 d’envergure – toujours bon de le rappeler.
L’autre facette du jeu de Giannis qui devrait rendre la tâche des Celtics plus ardue est la tendance de ce dernier à jouer en poseur d’écran, ce que ne faisait pas, ou très peu Kevin Durant.
Or, la réponse défensive à un Giannis poseur d’écran apparaît bien plus complexe qu’il n’y paraît. Un peu trop d’espace sur le roll – par exemple avec une défense en drop coverage, où le défenseur du poseur d’écran ne suit pas ce dernier pour rester dans la raquette en protection -, et c’est terminé. Antetokounmpo roule trop vite, trop bien, et lit de mieux en mieux le jeu pour choisir entre finir ou ressortir la gonfle. Laissez lui quelques foulées pour prendre de la vitesse, et vous ne pourrez que constater les dégâts de l’homme aux bras interminables. Alors, pourquoi ne pas prendre le pari inverse, et sortir agressivement sur le porteur d’écran – via une défense en hedge, où le défenseur du poseur d’écran est à la limite de la prise à deux – ? Pourquoi pas, mais c’est prendre le risque que Giannis soit trouvé sur le roll, par un décalage ou une passe directe, et se retrouve à devoir négocier un surnombre offensif. Là aussi, finito.
Reste l’option de tout miser sur les lieutenants – oui, encore -, encore plus avec l’absence de Khris Middleton côté Bucks. Bloquer le roll de Giannis coûte que coûte, et laisser libre court à Jrue Holiday de prendre ses pulls-ups derrière l’écran. Et on en vient là à un autre point différenciant Brooklyn de Milwaukee : le casting.
Milwaukee, c’est pas Gijon, c’est pas Valladolid, c’est pas Brooklyn
Si les Celtics décident de conserver leur approche défensive, cela leur permettrait d’en récupérer potentiellement le même bénéfice, à savoir envoyer les responsabilités sur les lieutenants du franchise player des Bucks. Si l’on est parti de l’exemple de la défense du pick and roll avec Giannis en poseur d’écran, la réflexion vaut également pour le schéma défensif global. La tentation est grande, notamment en l’absence de Middleton.
Et c’est précisément là que l’absence de l’arrière devra se faire le moins ressentir possible pour les Bucks, ici que l’absence d’une seconde option offensive de haut calibre devra être masquée par l’apport des autres lieutenants du général Antetokounmpo, que sont Jrue Holiday, Brook Lopez et autres Grayson Allen, Bobby Portis, Pat Connaughton ou Wes Matthews. Là où le supporting cast des Nets de KD souffrait de certaines carences, celui des Bucks de Giannis semble incontestablement plus fourni et plus à même d’apporter une réponse à cette défense agressive.
Si la capacité à rentrer des tirs ouverts entrera évidemment en compte, il en sera également de l’importance d’attaquer les closeouts avec intelligence et agressivité. Cette capacité d’agression semble être l’un des facteurs-clés de ce début de playoffs, rendue nécessaire par les schémas de défense agressifs de certaines équipes, dont Boston.
Avec des défenses concentrées sur le fait de boucher l’axe du terrain et d’empêcher l’attaquant star de finir au cercle, lorsque le décalage est fait, deux choix logiques s’ouvrent pour le réceptionneur du ballon : tirer, ou attaquer le closeout.
Or, attaquer efficacement un closeout peut être la clé du verrou défensif ainsi posé, permettant notamment de faire rentrer la défense dans des rotations “provoquées” par l’attaque, différentes des rotations “voulues” ou acceptées par la défense. Ici, c’est l’attaquant qui crée la brèche, qui provoque les rotations défensives. Or, une attaque qui dicte le tempo, c’est une défense qui souffre. Couplée à un jeu sans ballon efficace et un bon spacing, l’attaque reprend ainsi le pas sur la défense, et profite des failles créées.
Encore faut-il savoir intelligemment attaquer les closeouts adverses, sans forcément vouloir finir au panier, mais pour aller chercher à nouveau derrière un kick-out permettant un tir plus tranquille. Et les Bucks semblent ici avoir les armes nécessaires, de Jrue Holiday à Brook Lopez en passant par Grayson Allen ou encore Pat Connaughton. Tous semblent capables de venir remettre un surplus de pression au cercle pour permettre de nouveaux décalages… Et de meilleurs tirs.
(cf également la vidéo précédente du drive de Giannis, qui ressort pour Lopez, qui à son tour attaque le closeout de LaVine pour redécaler Jrue Holiday, totalement libre 3pts)
Finissons d’ailleurs brièvement avec le tir, seconde solution évoquée plus haut pour le joueur qui hériterait d’un ballon décalé par Giannis. En la matière, les Bucks disposent a priori du matériel nécessaire pour sanctionner avec régularité, et ce même en l’absence de Middleton (5è équipe de la ligue cette saison en % de réussite à 3pts). Nul doute que les Wes Matthews, Brook Lopez, Bobby Portis, Grayson Allen et autres Jrue Holiday seront sollicités, et devront répondre présents. Tout dépendra surtout de quel type de tirs ils bénéficieront. Toutes les vidéos des Bucks disséminées dans cet article se terminent à ce titre avec des 3pts assez dégagés pour les tireurs, évidemment plus propices à faire ficelle. Forcer les rotations, agresser la défense, encore et toujours.
Au-delà de la défense de Boston, on aura aussi un oeil attentif :
- A l’apport offensif global de Jrue Holiday
- Aux minutes sans Giannis des Bucks, que les Celtics devront impérativement remportées,
- A la défense de Milwaukee, notamment sur Jayson Tatum (Jrue Holiday ?)
- Aux shooteurs des Celtics, qui devront profiter des 3pts autorisés par les Bucks, priorisant la défense du cercle
- Et bien d’autres encore !
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Milwaukee semble ainsi avoir plus d’armes et de possibilités que Brooklyn pour faire face à la défense agressive de Boston. De quoi faire davantage réfléchir Ime Udoka à la bonne stratégie à employer ? Pas de doute que le coach celte bosse déjà sur le sujet depuis de longs moments, et que son homologue Budenholzer chez les Bucks est tout aussi prêt à plonger à bras le corps dans cette bataille tactique qui nous fait saliver d’avance.
Vous l’aurez compris, celle-ci risque d’être passionnante.
Difficile de pronostiquer quoi que ce soit dans la série donc, des plans de jeu au résultat final. Ime Udoka et Mike Budenholzer devraient se rendre coup pour coup, aussi bien offensivement que défensivement, et nous on prendra tranquillement le popcorn pour en profiter. Mais bon, puisqu’il faut bien se mouiller, voici la tendance !
Boston Celtics : 40%
Milwaukee Bucks : 60%