Vous êtes-vous déjà fait la remarque ? Les plus beaux retournements de situations semblent souvent insufflés par ceux qui les subissent. Comme si, au moment où nous faisions les choses bien, que nous construisions une situation à notre avantage, notre cerveau se mettait à nous dire que, la meilleure façon de la préserver, plutôt que de continuer à perpétuer ce qui fonctionnait, serait d’adopter un comportement différent. Un raisonnement contre-intuitif, si on y pense, mais visiblement humain.
Quand il s’agit de basketball, il semblerait que les joueurs se mettent donc à adopter un comportement visant à sauver un écart construit tout au long du match. Oubliant ainsi que le meilleur moyen de se préserver de l’adversaire serait peut être, de continuer à creuser l’écart.
C’est ainsi que les Wolves ont déjà, à plusieurs reprises, dilapidé des avances très confortables dans la cours de cette série. Toutefois, qui dit Game 5 sur un score de 2-2 en Playoffs, dit enjeu maximal. C’est là que visiblement, la peur de perdre ou de gagner, selon la manière dont vous l’interpréterez peut vous jouer des tours.
Cette nuit, Minnesota avait réussi à construire une avance plus que confortable à l’extérieur. En maîtrise, ils devaient faire face à l’entrée du 4eme quart temps à un push des Grizzlies pour recoller au score. Pourtant, en 2 actions, il semble que Minnesota impose son jeu. Vanderbilt met un contre assassin et sur l’action suivante, Karl Anthony Towns met un 3 points assassin. 92-79, il reste 9min 37 à jouer, tout semble aller pour le mieux.
C’est encore long, mais beaucoup de choses peuvent se passer. Et c’est effectivement ce qui va se produire, mais pas dans le meilleur sens du terme pour les hommes de Chris Finch :
L’erreur numéro 1 : arrêter d’exécuter
L’obligation d’un collectif qui domine devrait être de continuer à exécuter le même plan, jusqu’à ce que l’adversaire en trouve la faille. Mais comme vous l’aurez compris, il ne fut pas question de tout cela hier soir.
Entre le 2e et le 3e quart temps, les Wolves ont fait au mieux pour produire des actions de qualité pour leur joueur. Towns est la tête de proue de l’attaque en tant que finisseur principal, mais surtout, la balle circule et la majorité des tirs marqués (particulièrement dans le 3e) proviennent d’une passe. Minnesota exécute et si tout n’est pas parfait, la volonté collective prend le pas.
Arrivé dans la dernière ligne droite, la philosophie offensive va pourtant changer et l’énergie avec. Tout commence avec deux shoots de KAT. D’abord, un pull-up 3 sans la moindre mise en place en début de possession :
Et puis, 1 actions plus tard, sur un rebond offensif arraché par son équipe. Il tente un drive sans succès et décide de prendre un tir très étrange compte tenu du temps restant au chrono. Un fadeaway sur une jambe qui ressemble plus à une prière qu’à une volonté réelle de marquer. Il semble soudain que la question d’obtenir des tirs de qualité vient de foutre le camp. Et avec, l’avance des Wolves.
KAT a ouvert la voie, et puis…
Avec ces deux tirs, Towns a semble-t-il ouvert la voie pour ses coéquipiers.
En réalité, le problème est double. D’un côté, une partie de l’effectif suit le schéma suivant : quand ils tentent de mettre du mouvement vainement en début de possession, ils partent ensuite à l’assaut sur leurs individualités, plutôt que de calmer le jeu deux secondes et d’appeler une nouvelle situation de dribble hand-off ou de pick and roll. C’est par exemple le cas de D-Lo, pourtant peu enclin à forcer des possessions sur l’ensemble de la saison, de la série ou du match. Malheureusement, peu en verve, il a proposé une fin de match très tiède où l’essentiel de sa proposition semblait forcée :
Par ailleurs, Anthony Edwards voyant les difficultés de son équipe va alors vouloir se poser en sauveur, phagocytant ainsi définitivement les velléités collectives des Wolves et multipliant les shoots médiocres. Pourtant il y a bien une volonté intéressante, peut être d’ailleurs, pas suffisamment exploitée dans la série, sous-jacente à tout cela.
L’idée est simple : si Memphis est une bonne défense, l’équipe voit sa maîtrise défensive très amoindrie en la présence de Ja Morant. Sur l’ensemble de la saison, les Grizzlies encaissent 5,4pts de plus pour 100 possessions quand le meneur est sur le terrain. Il devient donc une cible de choix pour Edwards. Son premier pas le met à mal et il est plus grand, plus puissant que le meneur.
C’est donc une opportunité de choix dans la chasse au mismatch. Cela créé au mieux des paniers ouverts si la défense ne réagit pas, au pire des décalages pour ses coéquipiers. Seulement, le joueur va en tirer profit de la pire des manières. Exemple ici, où, D-Lo lui obtient le switch. Plutôt que de profiter de ses avantages physiques, l’arrière (1m93, 102kgs), va préférer prendre un pull-up à 3pts sur le frêle (et mauvais défenseur) Morant :
Autre action, qui elle, montre peut-être un manque de maturité. Ici aussi, ANT se retrouve en isolation face à Ja Morant. Cette fois, il décide de l’attaquer. En ce faisant, il provoque une réaction collective en chaine de Memphis, puisque tout d’abord Brandon Clarke vient en aide, mais Dillon Brooks et Tyus Jones décrochent également des joueurs extérieurs.
Edwards fait un pump-fake et élimine Morant qui mord à la feinte, mais alors qu’il voit Clarke se jeter à son tour, il prend un tir plutôt que de tenter de ressortir vers ses coéquipiers. Il y avait pourtant énormément d’espaces à exploiter avec très certainement un tir ouvert à 3pts à obtenir.
Ce florilège n’étant pas exhaustif pour l’ensemble de l’effectif, il faut bien comprendre que ce type de tirs, qui sont parfois rentrés, ont ainsi constitué le moneytime de Minnesota. D-Lo, Beverley, Edwards et KAT ont tour à tour livré la mauvaise version d’eux-mêmes. Entre difficulté de créer sur demi-terrain et visiblement panique de fin de matchs, les occasions ratées ont été assez nombreuses finalement.
Et c’est dommage, parce que…
Et c’est dommage, parce que les Wolves ont des armes offensives. Et un coach ingénieux. C’est ainsi qu’à deux reprises, des actions qu’il aura dessinées auront permis d’obtenir des tirs ouverts. Premier exemple à la sortie de Beverley (fouled out). Chris Finch renvoie Jordan McLaughlin sur le terrain. Ce dernier appelle un système. Le début de l’action est un dribble hand-off avec D-Lo. Immédiatement un espace se créé et l’équipe fait circuler la balle très rapidement, c’est un panier pour Towns transparent depuis quelques minutes. Tout est bon dans l’action. La passe de Towns, D-Lo qui fixe le défenseur pour s’ouvrir la possibilité de ressortir, la réaction de McLaughlin qui décale directement vers Towns ouvert.
1min30 plus tard, sur une action décisive pour égaliser, Finch dessine un Hammer en sortie de temps mort. Exécution parfaite et superbe tir d’Edwards. Les Wolves peuvent encore croire à la victoire.
https://youtu.be/KJNg–KbNH0
Règle numéro 2 : manquer d’intensité et de concentration
On dit souvent que les Playoffs peuvent se transformer en guerre de possessions. Quand deux équipes sont de niveaux assez proches, obtenir quelques ballons supplémentaires permet de remporter la victoire, même si l’adversaire défend ou attaque avec plus d’efficacité que vous. On savait que la question du rebond serait une véritable problématique pour Minnesota. Et hier soir fut une démonstration de ce différentiel. D’un côté, les Wolves qui ont arraché 6 rebonds offensifs, de l’autre les Grizzlies qui en ont pris 18.
Véritable concrétisation de cette différence, le 4e quart temps fut un florilège pour Memphis. Même si Minnesota a décuplé son intensité prenant 4 de ses 6 rebonds offensifs dans la dernière ligne droite, les Grizzlies, qui doivent beaucoup à un Brandon Clarke survolté, en ont gobé le double sur la période. Dommage parce que la défense était au rendez-vous pour Minnesota.
Règle numéro 3 : rater sa défense sur l’action décisive
A la fin, il faut bien un gagnant. Et pour parachever une chute aussi cruelle que brutale, il faut parfois une dernière erreur pour marquer le coup. Donner un goût amer, laisser tourner une vilaine sensation de conditionnel dans les têtes. C’est ce que les Wolves garderont sûrement s’ils venaient à perdre cette série contre des Grizzlies qui semblent finalement, bel et bien à leur portée. Cette dernière vient d’un excès d’envie d’Edwards. Un pari bien trop risqué qui a permis à Morant de s’offrir assez d’espace pour tenter un tir compliqué, certes, mais qui été bien autre si Edwards était resté face à lui.
Tenter l’interception a été l’erreur de trop pour des Wolves qui gâchent une seconde fois une avance suffisamment conséquente pour ne pas laisser de regrets.