Emmenés par un grand Brandon Ingram, les Pelicans ont remporté un succès crucial (118-103) face aux vice-champions en titre. La série dans laquelle personne ne les voyait réellement résister est aujourd’hui parfaitement indécise. Les Suns, toujours orphelin de Devin Booker, retrouvera son public pour tenter de reprendre l’avantage de la série, mais la dynamique penche clairement du côté des underdogs. Surtout, le match 4 a montré que les Pelicans avaient toutes les cartes en main pour, plus qu’exister dans cette série, aller au bout et l’emporter.
Ingram et Valanciunas face à une défense des Suns sans réponse
La blessure de Devin Booker allait forcément avoir un impact négatif sur l’attaque des Suns. Peut-être a-t-on aussi sous-estimé son importance dans le système défensif de Phoenix. La défaite du match 4 est avant tout une défaite défensive pour les Suns. Brandom Ingram et consorts ont fait la différence dans ce match en deuxième mi-temps, alors que les digues défensives de Phoenix ont cédé : 140 d’Offensive Rating pour NOLA, chiffre d’autant plus impressionnant qu’il est décorrélé de tout coup de chaud à trois-points (seulement 3 inscrits sur la deuxième mi-temps).
Deux équations restent pour l’instant insolubles pour les Suns : limiter le scoring de Brandon Ingram, et trouver une solution face à Jonas Valanciunas.
Ingram, léthal avec ou sans la balle
La progression de Brandon Ingram sur ces deux dernières années n’aurait pas dû laisser de doutes quant à son efficacité pour sa première campagne de post-saison. Le contexte playoffs, avec son jeu plus lent, moins espacé et ses défenses plus resserrées tend à faire briller les scoreurs capables de créer leur tir, particulièrement à mi-distance. Ingram a sûrement pu s’inspirer de son nouveau coéquipier, CJ McCollum, qui a laissé quelques souvenirs douloureux de son passage dans le Colorado lors des playoffs 2019.
La cible la plus évidente pour générer les tirs de Brandon Ingram est d’attaquer le drop de DeAndre Ayton sur pick and roll. La Nouvelle Orléans, qui est l’équipe qui prend le plus de tirs à deux points (68% de leur total de tirs) de ses playoffs, et la quatrième dans la raquette. Très classiquement, le drop doit permettre de contester ces tirs et dissuader l’accès à la raquette. Ingram en profite pour rejoindre sa position à mi-distance.
Tant Jae Crowder que Mikal Bridges peinent à refuser à Brandon Ingram l’accès à ses spots à mi-distance. Le travail défensif se fait en amont, avant la réception. Après le coup de chaud à mi-distance du début du 3ème QT, Phoenix se montre plus agressif sur Ingram, coupant les lignes de passe.
C’est là que la magie tactique des playoffs opère. L’attaque parfois stagnante des Pelicans s’adapte parfaitement et tourne à son avantage l’agressivité de Phoenix. Ingram utilise la gravité de son scoring pour jouer le back-door, parfaitement servi par son pivot, rappelant, ironie du sort, le jeu d’un certain Devin Booker.
Phoenix a tout de même montré des signes positifs. Aussi bon scoreur soit-il, Ingram est encore un playmaker perfectible. S’il a été bien muselé dans le quatrième quart-temps, c’est parce qu’il a été forcé d’aller plus loin dans ses pénétrations, et a montré les limites de sa prise de décision.
Ayton ici, confronté à un pick and roll similaire, monte presque au niveau de l’écran, dissuade le tir à mi-distance et force le drive.
Valanciunas : le poste bas n’est pas tout à fait mort
La domination au rebond des Pelicans a continué sur ce match 4. Plus généralement Valanciunas et Ayton se sont rendus, dans des registres différents, coup pour coup, mais c’est bien le Lituanien qui a remporté le duel. 9/15 aux tirs , dont 8/11 dans la raquette face à des intérieurs adverses impuissants et dominés poste-bas.
Jamais Phoenix n’aura décidé de venir, si ce n’est faire prise à deux, montrer une aide agressive face à lui. Ce choix est d’autant plus surprenant qu’il a partagé le terrain avec nombre de joueurs négligeables à trois-points (Alvarado, Marshall, Jones, Nance) et qui n’auraient pas automatiquement puni cette prise de risque.
Au-delà du scoring, Valanciunas est, en l’absence de meneur traditionnel, la tour de contrôle de NOLA. Point d’ancrage de l’attaque des Pelicans, par ses passes et ses écrans depuis le poste haut, c’est avant tout sa production que les Suns doivent essayer de limiter au maximum s’ils veulent faire respecter la hiérarchie dans la série.
Herb Jones, Trey Murphy III et Larry Nance : de la taille et de la polyvalence défensive
On attendait les Pelicans et leur tall ball en souffrance face à la capacité de Phoenix de n’aligner qu’Ayton ou McGee. Au contraire, les Pelicans sont équipés pour contrer le small ball de Phoenix grâce à la polyvalence de ses ailiers.
Les Pelicans ont débuté le match avec leur duo Jaxson Hayes-Valanciunas, puis ont alterné entre jouer petit (avec Nance en 5), et grand (Nance en 4 et Valanciunas en 5). Cette alternance est surtout permise par la multitude de grands ailiers que NOLA a réussi à accumuler : Herb Jones est le défenseur ultime, capable de museler Chris Paul ou bien de créer le chaos en défendant loin du ballon ; Trey Murphy III apporte dès sa première année sa longueur en défense ; Larry Nance Jr est depuis des années le couteau-suisse défensif le plus convoité de la ligue.
Le résultat est assez clair : l’impact des extérieurs de Phoenix est grandement limité sur demi-terrain, gêné par la longueur de leurs adversaires, et peinent à exploiter certains matchups pourtant favorables (Valanciunas sur Pick and Roll, CJ McCollum). Leur contribution offensive est ainsi limitée au seul tir à trois-points, ce qui conditionne la réussite de Phoenix à leur réussite extérieure. Dès lors, pas étonnant de voir les Suns s’incliner dans une soirée où ils ne tirent qu’à 25.9% à trois-points.
Tout n’est pas noir pour les Suns. Ils sont capables de générer énormément des tirs ouverts. Pour cela, Phoenix peut toutefois s’appuyer sur un secteur particulier, où ils excellent peut-être plus que n’importe quelle équipe de la ligue : le Spain Pick and Roll.
Bataille tactique autour du Spain Pick and Roll des Suns:
Les playoffs 2021 avaient déjà averti la ligue. L’équipe de Monty Williams possède un nombre important de variantes en partant du Spain pick and roll, comprendre un écran dans le dos posé sur le défenseur d’un écran porteur initial.
La magie de l’attaque des Suns de cette action est double : à la fois les mouvements avant la situation d’écran qui forcent un décalage initial dans la défense, et les lectures en fonction du choix de la défense. D’autant plus magique quand celui qui fait ces lectures s’appelle Chris Paul.
Phoenix débute son match par un Spain assez classique. C’est une constante dans leur mise en place, Ayton vient feinter un écran pour un ailier qui se trouve vers le poste haut, ici Shamet. Finalement, pas d’écran pour Shamet, c’est bien un pick and roll central entre Ayton et Payne. Shamet se place derrière Nance : c’est le spain pick and roll.
McCollum reconnait l’action, et demande à Jones de sortir sur Shamet qui gicle à trois-points, tandis qu’il prend le porteur de balle. Cette rotation, base du plan anti-Spain des Pelicans ne se fait pas : le tir de Landry Shamet est totalement ouvert.
Pour finir le premier quart-temps, les Suns reviennent à leurs fondamentaux. Cam Johnson pose le spain pick and roll sur Valanciunas qui drop. Graham reconnait l’action, et demande à Trey Murphy de sortir sur Cam Johnson. La rotation se fait tardivement, mais le tir est légèrement contesté.
Deux échecs consécutifs pour terminer le quart-temps donc. Monty Williams a compris : les Pelicans sont préparés contre le Spain, et ils ont prévu de changer en défense sur les deux extérieurs. Le début du deuxième quart-temps, avec Chris Paul à la baguette, est une merveille d’ajustement.
On retrouve le même début de système avec une feinte d’écran pour Johnson (qu’on aperçoit à peine au début du clip). Johnson se place comme s’il s’apprêtait à poser un écran sur Valanciunas. Les Suns pensent donc à un Spain PnR.
C’est finalement une variante. Johnson utilise un exit screen de Bridges dans l’aile, qui occupe Murphy. Valanciunas est à un contre deux, Chris Paul n’en demandait pas plus et trouve parfaitement McGee.
Dès l’action suivante, les Suns repartent avec le même principe. Cette fois-ci, Valanciunas vient au niveau de l’écran (blitz), Chris Paul le rejette et part à droite. Valanciunas et Graham battus, Trey Murphy (le lowman) doit venir aider. Il laisse donc CJ McCollum à un contre deux dans le corner. On retrouve le même écran (exit screen) que la situation précédente. Chris Paul fait à nouveau la bonne lecture.
Ici, les Suns exploitent parfaitement la rotation des Suns en inversant le Spain pick and roll : Graham et Jones font la rotation demandée, mais Chris Paul arrive en mouvement pour prendre l’écran de McGee. Herb Jones n’est pas capable d’aider tout de suite puisqu’il veut éviter le tir à trois-points habituel, et est donc en retard sur McGee : il suffit à Chris Paul de choisir la bonne lecture.
Les Suns ont donc largement utilisé l’arme du Spain Pick and Roll lors du match 4. Ils ont réussi de manière régulière à générer de très bons tirs, mais les Pelicans, par choix ou par mauvaises rotations, ont surtout concédé des positions ouvertes à trois-points pour des bons tireurs (Johnson, Shamet, Crowder). Inconstants dans leurs rotations, les Pelicans s’exposent à de sérieuses difficultés si ces tirs finissent par tomber.
Demander autre chose que du drop à Valanciunas sur l’ensemble d’un match relève de l’utopie. Willie Green a toutefois varié sur courtes séquences : on l’a vu blitzer, et même faire une prise à deux sur Chris Paul. Sans résultat évident, puisqu’il n’est pas assez rapide pour revenir sur le tir d’Ayton.
La gestion du spain sera capital pour les deux équipes pour le reste de la série. Pour les Suns, c’est un moyen efficace de compenser la perte sèche de l’absence de Booker. Pour les Pelicans, c’est l’occasion de confirmer leur bonne forme défensive et de conclure leur upset. La jeunesse de leurs cadres défensifs, de Herb Jones à Trey Murphy, leur fera peut-être ici défaut.