2 matchs dans ces Playoffs et il y a déjà tant à dire sur ces Warriors. Enfin au complet, au meilleur moment, ils réalisent une véritable démonstration face aux Nuggets. Parmi les grands artisans de ce tour de force, Draymond Green, comme souvent.
Alors que sa présence défensive est un formidable atout pour son équipe, même quand il s’agit de défendre sur un pivot qui culmine 15 centimètres au-dessus de lui, c’est également tactiquement, en attaque, qu’il change tout. Quand Green joue pivot, cette version de Golden State paraît incontrôlable. Et si c’est une mauvaise nouvelle pour Denver, ça l’est aussi pour leurs futurs adversaires.
Défendre sur Nikola Jokic ? Yes, he can.
L’une des grandes discussions autour de cette série était la suivante : est-ce que Green passera beaucoup de temps face à Nikola Jokic ? Le serbe est l’alpha et l’omega de son équipe, de fait, être capable de le contrôler est capital. Néanmoins, entre une blessure au dos, un déficit de taille et une tâche particulièrement ingrate à endosser, il était difficile de voir très clair sur la propension de Steve Kerr à assigner Draymond Green à cette mission. Comme on le pressentait toutefois, oui, Green n’a pas rechigné à la tâche. Si d’autres joueurs s’y collent : Kevon Looney ou Nemanja Bjelica, il y a bel et bien une série dans la série entre Green et Jokic.
Et pour l’heure, après deux rencontres, il est nécessaire de le dire. L’ailier fort réalise un travail brillant dans sa match-up.
A ce titre, quelle meilleure illustration que le match de cette nuit pour parler du travail effectué par Draymond ? Ce travail formidable semble se résumer par plusieurs préceptes qui mis bout à bout, compliquent particulièrement la vie du MVP 2021.
Ne jamais laisser d’espace
Comme quelques autres ailiers forts qui ont réussi à gêner Jokic, Draymond Green profite de son avantage de mobilité pour rester sans cesse collé au serbe. L’objectif étant de lui laisser le moins d’espaces possibles pour opérer, se déplacer.
Ce qui rend le Serbe unique, c’est sa faculté à tout faire sur un terrain, le tout en se mouvant dans la défense adverse. Pour limiter cette force, Green s’emploie donc à ne pas le laisser respirer. Sur cette séquence, par exemple, Green joue différemment de la moyenne. Là où beaucoup d’intérieurs commenceraient cette défense en marquant un petit écart (car ils préfèrent que Jokic tire à mi-distance plutôt qu’une attaque au poste), lui reste collé tout au long de l’action.
Évidemment, si Green peut se le permettre, c’est qu’il a un footwork supérieur à la moyenne.
Et ce travail, Green le fait aux 3 niveaux. Il est donc aussi présent dans la raquette, qu’à mi-distance, qu’à 3 pts :
Mais si Draymond Green est exceptionnel, c’est parce qu’il est capable de s’impliquer dans la défense collective tout en restant parfaitement en place sur l’homme. La possession suivante est probablement la possession parfaite. Il bloque la ligne de passe et de drive de Monte Morris quand Jokic met son 1er écran et enclenche immédiatement un repli vers Jokic pour qu’il ne puisse pas attaquer.
Sur le dribble hand-off entre Jokic et Morris, il vient en aide quand le meneur tente de dépasser Gary Payton II, mais est déjà bras en l’air, dans l’espace du Serbe à la seconde où ce dernier pourrait envisager un shoot.
Toutefois, Jokic se rend compte qu’en raison de l’aide agressive de Curry, il y a une situation de 2-contre-1 côté gauche. Rivers coupe vers la raquette pour forcer Andrew Wiggins à faire un choix. Soit il ferme la raquette mais c’est un 3 ouvert pour Barton. Soit il hésite et Rivers obtient un tir dans la restricted area. Mais pas de dilemme pour Wiggins puisque Green comprend ce qui se jooue dès qu’il voit Curry et intercepte la balle avant même qu’elle parte.
Tout ceci s’est déroulé en 7 secondes.
Des mains actives
La possession précédente spoile un peu cette partie. Mais il est important de le noter. Si Green a autant frustré Jokic, c’est qu’en plus de l’asphyxier, d’être omniprésent, il compense son manque de taille par des mains très actives. Jokic, lui-même connu pour ça, semble particulièrement embêté par les bonnes mains de Draymond.
En effet, si un défenseur moyen fait ça, le risque de faire beaucoup de fautes est présent. Pas pour Draymond. Là encore, à la clé, une opportunité de transition pour son équipe, si efficace dans le registre.
Vous pouvez voir les bras toujours en l’air, les mains qui cherchent à gêner la vision du Serbe et enfin, les mains prêtes à intercepter avant que Jokic ait le temps de tenter son hook-shot. Moment où Green est trop petit pour contester efficacement.
Une présence… physique
Comme la plupart des défenseurs de haut niveau, Green cherche à être le plus physique possible. Si il est moins lourd que Jokic, sa densité physique fait qu’il a amplement la puissance nécessaire pour encaisser les contacts. Tout au long des matchs, le joueur a donc cherché à se mettre sur la route du pivot et à lui faire sentir sa présence. Le talent demeure de concéder peu de fautes (là ou Kevon Looney, qui s’en était bien sorti au match 1, a pris ses 2 premières fautes en 1min30 au Game 2).
Résultat, beaucoup de frustration pour les Nuggets tout au long de la rencontre, et un Jokic qui se fait expulser après une réclamation juste avant le garbage time.
Rester collectif envers et contre tout
Enfin, c’est un point non négociable, Draymond ne fait pas l’erreur de se tromper d’objectif. Être assigné à la défense d’un joueur calibre MVP est une lutte en soi. Et certains joueurs auraient tôt fait de faire passer cette série dans la série au premier plan de leur priorité. Si Green est précieux en défense, c’est avant tout pour sa vision de jeu, en bon aiguilleur de l’équipe. Pourtant, malgré cette mission, le joueur reste concentré sur l’objectif réel : compliquer la vie de tous les Nuggets.
Exemple, avec cette séquence du Game 1. Le Warrior ne se laisse pas abuser. Il pressent que Jokic ne va pas l’agresser et avant même que ce dernier ait lâché la balle, il a déjà décroché pour venir en aide sur la coupe d’un Aaron Gordon… qui vit décidément un début de série compliquée pour Denver.
Draymond pivot, le retour du rouleau compresseur des Golden State Warriors ?
Nous l’avions dit durant les previews (écrite & vidéo), le gros problème pour les Nuggets serait néanmoins de ne pas prendre l’eau si les Dubs étaient au complet. Et comme on pouvait s’y attendre, les séquences impliquant la lineup Stephen Curry, Jordan Poole, Klay Thompson, Andrew Wiggins (ou Otto Porter Jr) et Draymond Green en pivot sont très (très) compliquées à défendre.
Tout d’abord parce qu’il y a trop de mobilité, de mouvement off-ball et que cela pose des dilemmes impossibles pour une défense (surtout aussi friable). Mais aussi car cela demande à Jokic de défendre énormément de déplacements qui forment une succession de choix dont aucun ne semble enviable.
Dans le Game 1, le match était bien parti pour Denver défensivement. Le travail pour rester face aux joueurs adverses était convenable, Jokic gérait bien son agressivité en défense pour ne pas trop s’exposer à des drives. Plusieurs soucis se sont néanmoins posés comme les jalons de problématiques difficilement solubles.
Jokic sur Green, la galère ?
L’avantage pour Denver, quand Green est à longue distance, c’est que l’intérieur n’a jamais été un sniper à longue distance. Jokic qui défend sur Green peut donc assez aisément faire l’impasse sur ce dernier et l’attendre dans la raquette. Le soucis, c’est que quand Curry, Klay ou Poole sont impliqués dans des actions de Pick & Roll ou de Dribble Hand-off (comme dans l’action suivante), impossible pour le Joker de ne pas venir en aide à ses extérieurs
Sur cette séquence, par exemple, Jokic est obligé de couper la route de Curry, ce qui ouvre une énorme ligne de drive à Draymond. La rotation de Jeff Green arrive trop tard. Dunk facile.
Le problème est double, il faut bien le comprendre. Tout d’abord, alors que les Nuggets ont perdu leurs deux meilleures options de pull-up (Jamal Murray & Michael Porter Jr), les Warriors ont ajouté Jordan Poole à Stephen Curry et Klay Thompson. Cela créé deux menaces de poids. Or, il faut bien comprendre que posséder des joueurs capables de pull-up à 3pts change complètement la vie d’une attaque dans l’ère moderne. Radicalement en fait.
D’une part, car il est impossible pour les extérieurs de passer sous un écran, sous peine d’être sanctionnés, ni d’être trop laxistes pour les intérieurs. Il faut donc s’exposer pour soulager les défenseurs extérieurs. D’autre part, il faut rappeler que lorsque l’intérieur (Jokic, voire pire, Cousins) vient s’impliquer dans la défense du porteur de balle, Draymond Green est beaucoup plus rapide qu’un pivot classique. Il peut donc rapidement rouler vers le cercle ou se décaler en attendant une coupe potentielle.
Pour ne rien arranger, Draymond est un excellent passeur, très bon dans sa prise de décision. Ce qui en fait un attaquant très dangereux dans une bonne attaque, et ce alors que c’est un piètre scoreur. Dès lors, la défense est face à une boîte de Pandore… et tout peut se passer. Pour se rendre compte que de la distance à couvrir pour la défense :
Ici, Jokic hésite un poil trop longtemps à monter sur Poole pour éviter qu’il attaque vers le cercle. Sanction immédiate.
Pindowns et attaquants hyperactifs, choix cornéliens
Avec Green en pivot, cela veut dire que les 4 joueurs autour sont des shooteurs (cela me semble particulièrement intenable avec Otto Porter Jr à la place de Wiggins), mais également que 5 joueurs sont capables de vous attaquer par des drives.
Dès lors, toutes les actions de type Pindown (lorsqu’un joueur pose un écran pour un coéquipier loin du ballon), posent un autre problème de choix. Le réflexe logique pour un joueur qui défend Draymond Green est, comme on l’a dit, de faire l’impasse sur lui quand il est au large. Ce choix est d’autant plus simple si un autre joueur qui ne représente pas une menace de loin est se trouve sur le terrain (au hasard, Kevon Looney).
Mais quand ce n’est pas le cas, comment gérer une action où Green pose un écran loin du ballon ?
Cela donne ce type de possessions, dont les solutions ne sont pas claires. Surtout avec Draymond donc les écrans flirtent très souvent avec l’illégalité (écran en mouvement, tendance à retenir ses adversaires). Sur l’action ci-dessous, Jokic pourrait tenter de contester, mais il s’expose alors à un Thompson lancé. Le problème est évidemment encore plus certain quand Poole ou Curry, plus explosifs, sont impliqués sur ce genre d’actions. D’autant que s’il se fait attaquer, cela signifie qu’il y a un chemin ouvert pour Green (s’il cut) ou un mismatch (si Monte Morris se retrouve sur lui).
Créativité et vitesse de jeu
Finalement, ce groupe qui ne s’était encore jamais retrouvé au complet s’accorde très bien. Si Curry a encore des minutes restreintes, les automatismes du trio Curry-Thompson-Green sont intacts, tandis que les nouveaux se sont adaptés à cet environnement de créatifs offensifs. Puisque cette line-up défend bien, elle peut d’une part d’accélérer le jeu. D’autre part, elle peut faire parler son sens de la passe et du collectif pour le plaisir des yeux. Quand Draymond Green est pivot, tout va donc plus vite. Les jambes…
… Mais aussi la balle.
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Les Denver Nuggets viennent d’encaisser deux défaites à l’extérieur. Ce qui a de quoi inquiéter néanmoins, c’est qu’ils n’ont jamais vraiment pu batailler au-delà d’un ou deux quarts temps. Les 70 points en 20 minutes des Warriors la nuit dernière furent une véritable démonstration.
Dans ce basket à l’état pur proposé par les hommes de Steve Kerr, Draymond Green réaffirme une fois de plus tout son génie dans ce type d’environnements. Capable de marquer le match par sa défense, évidemment, mais aussi de fluidifier une attaque qui n’avait déjà pas besoin de ça pour être menaçante.