Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Dans ce 75ème épisode, braquons les projecteurs sur les Hawks d’Atlanta ou, comme ils étaient alors appelés, les Pacers de l’Indiana. Pour cela, difficile de faire plus pertinent que d’évoquer la carrière de Rik Smits, précurseur parmi les pionniers.
Il était une fois dans l’Est
Indiana, 1970
***
Pendant ce temps, entre les Pays-Bas et l’État de New York
Être drafté en second place d’une draft pleine de talents assure en général d’écrire l’histoire de la Grande Ligue. Or s’il y a bien une équipe qui ne fait pas les choses comme tout le monde, c’est celle des Pacers de l’Indiana. A l’image du joueur que vous allez avoir la chance de découvrir à travers ce Magneto, le Hollandais volant, la montagne de l’Indiana, le géant des Pacers : Rik Smits.
Faith is the spur
Rik Smits n’a pas eu le parcours typique d’une star NBA et encore moins celui d’un joueur destiné à être drafté en seconde position d’une cuvée avec plusieurs All-stars. Né le 23 août 1955à Eindhoven, aux Pays-Bas, il débuta son pèlerinage vers le monde de la balle orange dans le club local. Jeune, il était déjà trop grand, trop facile. Le jeune Rik s’envola donc vers la terre promise, l’Amérique ; il la veut et il l’aura.
Bien loin des gros programmes universitaires et des clichés de films étudiants, Rik posa ses bagages au Marist College en 1984, un collège privé catholique notamment reconnu pour la qualité de formation de ses hommes de foi et ses personnalités politiques. L’université a également sortie plusieurs sportifs de haut niveau dont, par exemple, Jason Myers et Terrence Fede en NFL, et, bien sûr, Rik Smits en NBA.
Petit programme, faibles attentes, tout à y gagner ? Nous sommes dans une ère du basketball où les intérieurs sont les rois de l’arène. La Grande Ligue s’apprêtait à entrer dans une ère dominée par des pivots légendaires, le tempo de jeu était lent, rugueux et l’arbitrage était bien plus permissif qu’aujourd’hui. Nous sommes bien loin des standards actuels du one and done ; si un joueur voulait se donner les moyens pour accéder à la NBA, il se devait de suivre un cursus complet en NCAA. Rik s’embarqua ainsi pour 4 ans de joutes au poste bas, de box out, de hook et de rebonds captés dans les airs. Il se démarqua rapidement par son profil rarissime ; même dans un sport collectif qui a connu des colosses tel que Mark Eaton ou Ralph Samson, Smits fait figure d’ovni. Là où les autres pivots dominants concentraient davantage leur jeu sur une puissance physique, une agressivité constante, une maîtrise des fondamentaux au poste bas, Rik va poser les bases de ce qui fera le succès de sa carrière en NBA : un très bon placement pour compenser son manque de latéralité et de puissance physique, une utilisation de sa longueur pour emprisonner les attaquants dans ses bras tentaculaires et un jeu offensif fait de hooks, d’évitement et d’un avantage de taille conséquent. Rik est à la fois un pivot à l’ancienne et un pivot trop moderne pour son époque. Il ne sera jamais un grand rebondeur malgré ses 2m24, encore moins un grand passeur, ne dépassant jamais la barre d’une passe décisive par match.
Toutefois, le blondinet avait du cœur, des opportunités pour se montrer et une histoire à écrire. Il connût une évolution linéaire à Marist College. Le programme universitaire venait tout juste d’intégrer la division 1 de NCAA et le monde la balle orange était bien loin d’être aussi ouvert à l’Europe qu’actuellement. Smits passa alors d’une hollande rurale à une Amérique « faite de grosses voitures où tout semble immense », selon ses propres termes.
Loin de nous l’idée de faire offense au basketball hollandais. Néanmoins, Rik arriva aux USA avec un bagage basketballistique assez limité. La taille, certes, ne s’apprend pas, mais il y demeure tout le reste. Le géant hollandais va ainsi passer d’un entrainement par semaine à un camp d’été New Yorkais pour apprendre les bases du sport face à une réelle adversité. Smits, alors comparé à « un sac d’os géant », avait alors du mal à ne serait-ce qu’à attraper la balle et à se mouvoir sur le terrain. Il travailla avec acharnement et ne recula pas face à l’adversité et à l’intensité mises par ses adversaires. Il revint ainsi à Marist College avec un bagage un peu plus développé, mais toujours insuffisant. Il était parfaitement conscient que son recrutement par la faculté appartenait davantage à un choix exotique (et à sa taille évidemment) qu’à ce qu’il avait jusqu’alors montré de son potentiel. Bien que le staff, alors composé de Jimm Todd et Jeff Bower, sentait que le hollandais volant pouvait être une perle rare, il restait tout de même un diamant à polir. Rik va-t-il parvenir à réaliser les efforts suffisants pour intégrer la rotation du programme ? Ne risque-t-il pas de succomber aux plaisirs d’une vie étudiante débridée, loin de sa vie tranquille aux Pays-Bas ?
Jim Todd alors entraineur adjoint des Red Foxes (qui embrassera plus tard une carrière d’assistant NBA de 2004 à 2014) fit travailler inlassablement Smits pour sublimer son immense potentiel. Smits prit le défi à bras le corps. Toujours premier arrivé et dernier parti à l’entraînement, travaillant sans ménage ses fondamentaux et son apprentissage du basket, la brindille s’avéra mobile, très mobile pour sa taille mais peinait logiquement lorsqu’il fallait descendre dans les tranchées. Si Smits n’était clairement pas le futur Wilt Chamberlain, il pouvait cependant devenir la meilleure version de lui-même : un profil de jeu encore rare, incarné désormais par des joueurs comme Zach Edey à Purdue, Myles Turner et Roy Hibbert à Indiana ou encore Kristaps Porzingis.
Rik fit ainsi le grand saut en NCAA dans une fac qui avait absolument tout à y gagner. Il connut une saison timide en termes de statistiques (11,2 points (56,7 % de précision), 5,6 rebonds et 0,2 passe décisive, en 26 minutes de présence sur les parquets) mais riche en apprentissage. D’ailleurs le saviez-vous ? La première française en NCAA, Paoline Ekambi, faisait sa rentrée chez les Red Foxes la même année ! Sans le savoir, l’humble collège Marist écrivait plusieurs pages de l’histoire de ce sport : premier hollandais, première française, premières gloires ?
1984, Paoline Ekambi ou la première française à jouer en NCAA ! – Basket Retro (basket-retro.com)
Can’t stop lovin you
Les Red Foxes boucleront la première saison de l’ère Smits avec un bilan correct de 17 victoires pour 12 défaites, terminant premier de leur conférence mais échouant en demi-finale du tournoi régional (ECACM).
1984-85 Marist Red Foxes Roster and Stats | College Basketball at Sports-Reference.com
La faculté fut donc trop courte pour gagner le droit de disputer la mythique March Madness et son tournoi éliminatoire. Cette première saison universitaire de Smits ne se termina cependant qu’à la fin de l’été, puisqu’il partit rejoindre la sélection internationale hollandaise pour disputer l’EuroBasket. Il y affronta des adultes et non plus des étudiants, prenant toujours plus conscience de ses aptitudes physiques et engrangeant de la confiance à chaque instant. C’est avec la farouche motivation de goûter à la March Madness qu’il revint au Marist College une fois la compétition achevée ( terminée avec une dernière place à la fin des phases de poule )
Everybody want some !
Son année sophomore fut une belle confirmation. Bien plus fort, agressif et avec une technique qui transparaissait désormais dans tous les aspects de son jeu, notamment aux lancers francs où il frôla les 70% de réussite (rarissime pour un joueur de son poste et de son envergure), il connut une évolution exponentielle, progressant dans chaque catégorie statistique. Voyez plutôt : 29 minutes de présence, pour 17 points, 8,1 points, 0,3 passe décisive et 2,7 contres de moyenne. Il n’y a guère qu’à la passe que Smits stagna, mais pouvait en vouloir à un tel géant de ne pas voir ses coéquipiers ?
Ses progrès permirent aux Red Foxes d’améliorer leur bilan et de boucler la saison avec 19 victoires pour 12 défaites. De retour dans le tournoi régional, ils vont cette fois se hisser jusqu’en finale où ils terrassèrent les Knights de Farleigh Dickinson (top seed) sur le score de 57-56 après un overtime dantesque. Rik l’a promis et Rik a tenu parole, les Red Foxes vont – enfin ! – goûter aux joies de Mars et à la célébrité pour la toute première fois de leur histoire.
Le travail en amont du programme universitaire commençait à payer et l’humble université se fit un nom dans le circuit et attira l’attention des médias, aussi bien locaux que nationaux. Son géant de pivot attirait la lumière autour de lui, tandis que Marist College se préparait à affronter Georgia Tech au premier tour. Un match s’avéra tendu et fut disputé dans une salle bouillante, et les Red Foxes n’avaient tout bonnement rien à perdre. Smits, dominant, fut toutefois éjecté dans le crunch time pour 5 fautes, ce qui cloua le cercueil des siens, qui s’inclinèrent au finish sur le score de 68 – 53.
All aboard the hype train
Rebelote la saison suivante : troisième saison universitaire et troisième confirmation. Bourreau de travail, Smits était aussi désireux de prouver la qualité du travail de formation de Marist College. Le changement d’entraîneur, qui vit partir Matt Furjanic et arriver Dave Magarity, fait naître la crainte chez ce dernier, mais aussi au sein de l’ensemble de l’institution, du départ précipité de Smits vers un autre programme. Il n’en fut rien. Plus encore, le nouveau coach transforma la culture de Marist College, dans l’optique non seulement de former des basketteurs, mais aussi des hommes besogneux.
Comme la star locale qu’il était alors, Smits travaillait ses fondamentaux le midi, son corps le matin et son basket le soir. Sans surprise, il progressa et ses coéquipiers suivirent son sillage. Désormais considéré comme une menace et ciblé par les équipes adverses, Smits joua moins (de matchs) et dut composer avec quelques blessures. Cela ne l’empêcha pas d’accroître, encore, ses statistiques, approchant du sacro-saint 20 points / 10 rebonds de moyenne (20,1 point, 8,1 rebonds, 3,9 contres, en 30,2 minutes par match). Au sein de la Marist Legion, Il eut même l’honneur d’avoir comme remplaçant un futur joueur professionnel et père du multiple DPOY francais, Rudy Bourgarel. Les géants attirent-ils les géants ? A noter que l’ailier fort titulaire n’est autre que Miroslav Pecarski qui connaitra une carrière professionnelle riche en sélection Yougoslave et en Europe.
Rik Smits sera élu « ECACM Player of the Year » et mena son équipe vers un nouveau tournoi final NCAA, face aux Panthers de Pittsburg. Ceux-ci vinrent aisément à bout de Marist College (93 – 68). Était-ce pour autant une désillusion ? Que nenni. Les red Foxes ont progressé, ce qui est de bon augure pour la dernière saison universitaire de leur franchise player hollandais. Celui-ci, surnommé The Dunking Dutchman, va-t-il continuer à progresser ?
What could possibly go wrong ?
The NCAA placed Marist College’s basketball program… – Los Angeles Times (latimes.com)
La douche froide. Une enquête de la NCAA révéla que l’organisation enfreignit des règles de recrutement en proposant des « avantages additionnelles » à plusieurs joueurs étrangers pour les pousser à signer chez les Foxes. Le couperet tomba et Marist College fut privé pendant deux ans d’invitations à la March Madness. Malgré la désillusion, Smits fit le dos rond, affrontant la nouvelle avec son flegme habituel. Il se concentra davantage sur sa prochaine arrivée dans la Grande Ligue que sur son interdiction de prendre part à la prochaine March Madness.
Il réalisa donc sa meilleure saison universitaire : 27 matchs complets, pour 24 points, 8,7 rebonds et près de 4 contres / matchs (105 en tout). Cependant, il perdit également le cruel total de 80 ballons, pour 17 passes décisives. Une chose était certaine : Rik Smits ne serait pas le nouveau Arvydas Sabonis. Les Red Foxes terminèrent la saison sur un bilan moins bon de 18 victoires pour 9 défaites. L’heure était venue pour le géant de prouver que son éthique et son atypisme possèdent une place à l’échelon supérieur, en NBA.
Coup de foudre à Indiana
With the second pick of the 1988 NBA Draft, the Indiana Pacers select
Sélectioné en seconde place derrière Danny Maning, le grand Rik posa les pieds dans l’Indiana de Reggie Miller, arrivé l’année précédente après une carrière universitaire sous le soleil de UCLA. D’abord cantonné à un rôle de remplaçant derrière Steve Stipanovich, Smits fut catapulté dans le cinq majeur après une blessure – qui provoqua d’ailleurs la fin de carrière de Stipanovich. Du stress ? De l’appréhension ? Rien ne saurait altérer la motivation du Dunking Dutchman, qui découvrit la Grande Ligue et son intensité sans démériter. Des moyennes honorables de 11,7 points, 6.1 rebonds et 1.8 contres de moyenne, accompagnés d’un rarissime 72 % aux lancers francs pour ponctuer une saison qui le verra être nommé dans la All NBA Rookie Team.
Si les Pacers ne terminèrent la saison qu’avec un bilan de 28 victoires pour 54 défaites, l’avenir semblait radieux dans l’Indiana, où le jeune roster fourmillait de talents et de promesses. Si la ligue était encore dominée par les vieilles maisons que sont Detroit, Boston, Los Angeles ou New York, quelque chose se passait autour du géant hollandais.
Dans une ligue où les pivots dominants sont légion et où le basket se rapprochait plus d’une joute par équipe que d’un sport de balle, le profil de Smits détonnait par son anachronisme et sa modernité. S’il n’était clairement pas aussi agile que ses adversaires, qu’il n’était ni le plus puissant ni le plus bondissant (malgré un surnom trompeur), ses hooks, son bon placement et sa technique vont cependant lui permettre de causer de sérieux problèmes à ses adversaires, qui doivent composer avec un homme qui ne pouvait être contré et qui savait déployer ses lianes pour gêner au mieux les tirs adverses.
Smits grandit au même rythme que son équipe. Sachant que la maturation d’un intérieur demande à la fois du temps et de la patience, Indiana capitalisa sur le travail abattu lors de son parcours univers pour continuer à développer son géant. Tout au long de sa carrière et malgré un physique perpétuellement sur le déclin, Smits n’eut de cesse de progresser afin de compenser ses faiblesses athlétiques par une intelligence de jeu et une très bonne utilisation de son envergure. Il ajouta à son jeu un tir « mid range » efficace, ainsi qu’une bonne mécanique de tir, des appuis fermes et, évidemment, des bras tentaculaires. Comment faire face au géant hollandais ?
Il va progressivement devenir la seconde option et le lieutenant parfait de Reggie Miller, tandis que les Pacers s’affirmèrent de plus en plus comme l’une des places fortes d’une conférence Est relevée. Le départ de Detlef Schrempf après la saison 1992 et une énième élimination au premier fit de Smits le second naturel de Miller. Tout juste arrivé, Larry Brown vit en son pivot le parfait relais et complément du jeu basé sur le shoot de Miller. Il resserra la défense autour des deux joueurs, utilisa davantage Smits au poste bas et sur des midrange. Pourquoi utiliser un pivot en simple rollman quand il possède un panel offensif si large ?
Le Dunking Dutchman proposa ainsi une saison complète avec 15,7 points, 6,2 rebonds et 2 contres par match. Qui a dit qu’il n’appartenait qu’au pivot de capter des rebonds ? Pour camoufler cette faiblesse, souvent inhérente aux pivots « trop » grands, Brown s’appuya sur Antonio et Dale Davis pour apporter une solution musclée dans la raquette des Pacers. Le bon et les brutes, en somme.
Indiana débarqua en playoffs avec le couteau entre les dents et s’offrit le scalp d’Orlando via un sweep autoritaire. Rik Smits domina totalement le jeune Shaquille O’Neal, en le muselant en défense et en lui faisant vivre un calvaire en attaque. Pour compléter la trilogie, il se fendit même d’un game winner légendaire :
Pourquoi s’arrêter ? Pourquoi douter ? Les Pacers affrontèrent sans complexe les Hawks de Lenny Wilkens et les terrassèrent dans une série de 6 matchs. Smits haussa son niveau de jeu en proposant deux matchs à 27 points malgré des turnovers (trop) nombreux. Indiana puisa dans son collectif et son jeu rugueux pour se hisser jusqu’en finale de conférence où ils croisèrent la route des Knicks de Pat Ewing. Un troisième tour et un second duel de géants !
Dans des styles de jeu très différents, Ewing et Smits vont se rendre coup sur coup, le géant jamaïcain bataillant face au colosse hollandais. The Beast from the East contre le Dunking Dutchman.
Smits réalisa sûrement la meilleure série de sa carrière NBA. Tout simplement trop grand et trop mobile pour un Ewing qui peinait, de surcroît, à dérouler son jeu offensif. Si le Hollandais ne parvenait pas à contrer le géant new yorkais, il le gênait parfaitement, empêchant les drives et assauts dans sa raquette et savait s’appuyer sur Antonio et Dale Davis pour distribuer les coups et capter les rebonds. Les « paysans » de l’Indiana donnèrent tout ce qu’ils ont pour battre les bourgeois New Yorkais mais craquèrent lors des deux derniers matchs. Une fin d’aventure au finish mais des promesses de gloire pour l’Indiana et son géant, qui termina sa campagne avec 16,5 points, 5,5 rebonds, 1 passe décisive et 0,6 contre de moyenne (51,6 % au tir, 84,2 aux lancers).
Nous l’avons suffisamment mentionné dans nos colonnes : réussir n’est pas confirmer, dans une ligue qui évolue sans cesse et au sein de laquelle la constance est la marque de l’excellence. Ainsi, de nombreux observateurs s’interrogèrent sur la capacité des Pacers à reproduire une nouvelle saison concluante, mais aussi sur l’endurance de Smits et de ses 224 centimètres.
Celui-ci s’apprêtait pourtant encore une fois hausser son niveau de jeu et à progresser sur tous les aspects de son jeu. La saison 1994-95 est celle de la confirmation pour le hollandais qui s’affirma comme un couteau suisse bien rare dans une ligue de spécialistes. Certes, il ne progressait plus aux contres, mais est-ce grave ? Clairement non, car cela lui permis de limiter son nombre de fautes à moins de 4 par matchs. De plus, son envergure était suffisante pour contribuer à la baisse drastique des pourcentages des impudents qui osaient pénétrer dans sa raquette. A défaut de s’améliorer à la passe et au contre, il contribua de plus en plus au scoring et au rebond : 18 points, 7,7 rebonds, 77% de réussite aux lancers francs et une réussite globale à 52% avec de nombreux tirs pris au poste bas.
Smits est efficace, propre dans son jeu et contribua encore une fois au succès collectif des Pacers. Il joua tous les matchs de la saison avec une moyenne de 30 minutes de jeu. No panik with Rik. Reggie Miller s’entendait d’ailleurs très bien avec son pivot et savait le trouver sur des positions de post up et de midrange, son jeu off ball contribuant évidemment à libérer l’espace pour l’arrière teigneux de l’Indiana. Mélangez le tout, et vous obtiendrez une nouvelle excellente saison des Pacers, qui terminèrent la joute régulière avec 52 victoires.
Renforcée par l’arrivée de Mark Jackson à la mène, la franchise visait un retour en finale de conférence. Pour ce faire, les Hawks furent balayés en 3 matchs (18 points, 10 rebonds de moyenne pour Smits). En demi-finale, l’heure était aux retrouvailles face aux Knicks. Face à New York, Smits fut au four mais aussi au moulin : 34 points et 7 rebonds au game 1 (remporté + 2), 25 et 11 au game 4 (remporté + 14) et une moyenne globale de 22,6 points, 6,5 rebonds, 1,5 passe décisive et 1 contre sur l’ensemble des 7 matchs (60% au tir, 80 % aux lancers). Surtout, Indiana ne craqua pas, pour s’imposer 97 – 95 dans un match 7 étouffant. Smits eut le scalp d’Ewing, ce qui n’était pas rien au milieu des nineties. Le (re)voilà en finale de conférence, pour se coltiner Shaquille O’Neal.
Celui-ci n’était plus le bleu inexpérimenté des années précédentes. Il était déjà le Shaq, qui venait de piétiner les Bulls d’un Michael Jordan portant le numéro 45. Dès lors, Smits n’eut que sa taille à opposer au futur Big cactus. Efficace en attaque (18 points, 56% de réussite), il fut broyé sous son cercle par son imposant vis-à-vis. Indiana tomba en 7 matchs et le Magic alla se faire sweeper en finale NBA part les Rockets, ce que nous vous avons narré il y a peu.
Les deux saisons suivantes furent statistiquement bonnes, mais marquèrent un tournant dans la carrière de Smits. Jusqu’alors rarement gêné par son physique, le Hollandais rata près de 40 rencontres en deux années. Si son prime semble derrière lui (alors qu’il n’avait que 29 ans), les Pacers terminèrent en 1996 une nouvelle saison à 52 victoires. Mieux, seuls Miller & co parvinrent à vaincre les Bulls de Jordan à deux reprises cette année-là, alors que Chicago ne perdit qu’à 10 reprises en 82 rencontres.
Néanmoins, Reggie Miller se blessa au pire des moments, pour faire un retour héroïque lors du game 5 décisif du premier tour, disputé face aux Hawks. Ses 29 points n’empêchèrent pas Atlanta de rallier les demi-finales de conférence. Smits sembla à des années-lumière de son prime athlétique, déclinant à vue d’œil au cours de cette série.
Le cimetière des éléphants
Indiana ne se qualifia même pas en playoffs en 1997, terminant l’exercice régulier avec un bilan négatif pour la première fois depuis 1989. Le déclin de Smits semblait alors inexorable, bien que tout relatif pour celui qui regarde ses statistiques : 17 points, 48,6 % de réussite au tir. Il ne disputa que 52 rencontres, ce qui explique en partie la faiblesse globale des Pacers. Était-ce le début de la fin ?
Sur le banc, Larry Brown céda sa place à l’enfant du pays, Larry Bird. Celui-ci fit revenir les Pacers au premier plan, en parvenant à intégrer à merveille Chris Mullin dans un effectif moins dépendant de Reggie Miller et Rik Smits. L’arrière, All-star et All-NBAer, réalisa d’ailleurs un exercice plein. Le pivot ? Si ses statistiques continuèrent de baisser (16,9 points, 6,7 rebonds, 28 minutes de jeu), il prit part au match des étoiles pour la première et unique fois de sa carrière, comme sa tête de premier de classe sur la photo ci-dessous le démontre.
Il n’en demeure pas moins que revoilà les Pacers en playoffs. Les hommes de Bird ne firent pas dans la dentelle face aux Cavaliers et aux Knicks et retrouvèrent les Bulls en finale de conférence. Dans des salles pleines et une ambiance extraordinaire, les deux équipes se rendirent coup pour coup. Si Chicago avait évidemment l’avantage du talent, Indiana s’appuya sur un esprit collectif, une rage de vaincre et un Reggie Miller dominant. Smits posa de réelles difficultés à la défense rouge, qui ne possédait pas d’intérieurs capables de le contenir. Sa seule présence interdit à Chicago d’user de son small ball favoris. L’espace d’une série, Smits redevint the Dunking Dutchman, quand bien même ce sont les Bulls qui se faufilèrent en finale NBA en 7 matchs.
Avec seulement 49 rencontres au compteur la saison suivante, sa régression se poursuivit tout de même. S’il donne tout ce qui lui reste, son corps lui hurlait « stop » et fit de lui un role player. Aligné surtout en attaque, où sa taille et sa technique suffisaient encore, il coula en playoffs face aux Knicks et leur athlétisme.
L’exercice 1999-00 fut le dernier de sa carrière. Il joua toute la saison en tant que titulaire, avec un niveau de jeu honnête (12 points, 5 rebonds). Le dos en vrac, et pieds en morceaux, Rik tint bon. Indiana triompha des Bucks au premier tour, puis des 76ers d’Iverson au second, pour vaincre les Knicks en finale de conférence. Sur l’ensemble des 16 rencontres disputées au sein de la conférence Est, Smits tourna à 11,5 points, 3,5 rebonds, 1 passe décisive et 1 contre en 21,5 minutes de jeu (51% au tir, 85,5 % aux lancers). Il retrouva Shaquille O’Neal et les Lakers en finale NBA. Il fut alors totalement impuissant face au meilleur joueur de la planète, qui sortait d’un exercice fantastique.
La place au box-office des Pacers
C’est sur cette défaite en finale NBA que le Hollandais plus si volant annonça sa retraite, après une carrière longue de 12 années au cours desquelles son leadership, son professionnalisme et son amour de l’Indiana ont fait de lui une légende de la franchise. Les chiffres ne démentent pas ce constat :
Que retenir de lui ? Un jeu atypique, assurément, mais pourtant précurseur. Plusieurs légendes, comme Hakeem Olajuwon et Shaquille O’Neal parlent de lui avec respect. Ce dernier estima même que Smits était celui qui l’a le mieux défendu au cours de sa carrière. Retenons également un mulet étrange, une réussite presque inédite pour un européen à l’époque et un hook élégant.
Dans la vie, il y a deux catégories de personnes. Celles qui déménagent les pianos et celles qui en jouent. Assurément, Rik Smits se classait dans la seconde catégorie. Place de Rik Smits :
Toutes les statistiques le montrent, Rik a marqué d’une trace indélébile l’histoire des Pacers. Peu de joueurs ont la chance de faire partie d’une des meilleures équipes de l’histoire de leur franchise,encore moins d’y faire tout une carrière.
Si l’apport statistique est là, ce ne sont pas tant ses hooks léchés et ses lancers francs qui ont façonné son importance dans l’Indiana. Smits n’a jamais quitté Indianapolis, là où beaucoup d’anciens joueurs cèdent aux vices de la luxure en fin de carrière ; Rik est resté tel qu’il a toujours été, un colosse au grand cœur, engagé pour sa communauté et disponible en dehors du terrain.
Il appartient au panthéon des Pacers au côté de son leader de toujours Reggie Miller, imaginer la carrière de l’un sans l’autre semble impossible. Il a été un des piliers de la culture des Pacers et l’incarne encore au quotidien, le géant aux pieds d’argile a bel et bien laissé une trace ineffaçable dans l’histoire de sa franchise.
Jamais les statistiques d’une Superstar ou encore moins le statut que cela implique, il a pourtant toujours été déterminant dans les moments importants de sa franchise. Pas le plus communicatif, pas le plus expressif mais très souvent le plus appliqué dans l’effort. Sa carrière résume parfaitement l’image qu’il a laissé en NBA. Un géant oublié par la grande ligue mais éternel aux yeux des fans de l’Indiana.