Pour la première fois depuis la fin de l’époque Nowitzki et l’avènement de Luka Doncic, les Mavs évitent les Clippers et ont l’avantage du terrain au premier tour. En finissant 4e son exercice 2021-2022, son meilleur classement depuis la saison 2010-2011, l’équipe texane arrive en play-offs avec en plus une dynamique exceptionnelle, synthétisée par huit victoires sur les dix derniers matchs. Dès lors, l’optimisme règne à Dallas pour passer enfin le plafond de verre du premier tour.
De son côté, le Jazz a vécu une régulière 2021-2022 en deçà des fortes attentes générées par leur première place de NBA de l’an passé. Entre panne de rythme, tensions internes, errances coupables et dynamique en chute libre, Utah ne sauve sa saison régulière qu’avec son très bon début d’exercice et son excellente attaque (1re place de la ligue à l’offensive rating). Une 5e place aux allures de petit miracle, mais des cadres expérimentés, habitués aux joutes de play-offs et à 100 % de leurs moyens physiques.
Alors, emballé et pesé, victoire des Mavs ? Si Dallas était le léger favori, nous parlons bien au passé, puisqu’un nouveau problème est venu perturber le début de la série et rebattre toutes les cartes. Un problème slovène…
Comment jouer sans Luka Doncic ? Alternatives Brunson et Dinwiddie
À l’heure où ces lignes sont écrites, l’état de santé de Luka Doncic demeure encore incertain. Rappelons les faits et le peu que nous savons de la situation : le génie slovène s’est blessé tout seul vers la fin du 3e quart-temps, lors du dernier match de la saison, et personne ne sait quand il sera à nouveau opérationnel. La tuile. Fallait-il le faire jouer cet ultime match de la saison régulière 2021-2022 ? Oui, sans hésitation, dans la mesure où les Mavericks essayaient de gratter le 3e spot de la conférence Ouest. Fallait-il le laisser sur le terrain, alors que les Warriors menaient de vingt points dans l’autre rencontre ? Sans doute pas, mais le mal est fait.
L’IRM a bien confirmé sa blessure au mollet gauche, puis la communication des Mavs s’est volontairement montrée des plus floues. Le coup classique pour brouiller les pistes, même si l’on comprend entre les lignes qu’il n’y a pas de vrai agenda pour le retour du meneur de Dallas. Les plus optimistes évoquent une absence d’une dizaine de jours, donc un retour autour du Game 2, tandis que les plus pessimistes l’imaginent manquer toute la série contre le Jazz. À quel endroit se situe la vérité ? Probablement entre les deux, comme souvent. Ce qui est presque certain, c’est que Luka Doncic ratera au moins la première rencontre, et qu’il faudra dès lors s’ajuster du côté Mavericks pour le remplacer. Comment ?
Comment remplacer son franchise player sur qui toute l’attaque de l’équipe est construite et qui possède le 2e plus gros taux d’usage de la Ligue (36,8 %) derrière Embiid ? Difficile, mais pas impossible. Entendons-le, si remplacer le meneur slovène dans son impact et dans sa productivité est impossible, il est envisageable d’essayer de compenser une partie de son apport. La solution la plus logique serait un attelage de combo guard dans le backcourt de Dallas, avec Jalen Brunson et Spencer Dinwiddie.
Le 3 mars dernier contre Sacramento, puis contre Houston le 24 mars, les deux ont été titularisés : Luka était mis au repos par Jason Kidd, qui n’avait pas besoin de ses services face à deux des cancres de la conférence. Bilan : 2 victoires. Certes, l’opposition était à relativiser, mais Brunson et Dinwiddie ont prouvé qu’ils étaient tout à fait capables d’endosser à eux deux des responsabilités offensives, et de se répartir les rôles en l’absence de leur leader.
Brunson et Dinwiddie agissent ainsi main dans la main et se relaient pour monter la balle et pour le playmaking. Quand l’un, Brunson, est davantage dans la pénétration, l’autre, Dinwiddie, reste à 45° pour faire parler son adresse extérieure (40 % à 3 points depuis qu’il a atterri dans le Texas). À l’inverse, quand Dinwiddie organise les actions et distribue des passes pour ses coéquipiers, Brunson se déplace à travers les écrans, se démarque, et est capable de finir au cercle. Les deux se cherchent beaucoup sur le terrain, ce qui fonctionne et génère de la réussite offensive, avec respectivement 23 et 36 points pour le duo contre Sacramento, puis 26 et 28 points contre Houston.
https://www.youtube.com/watch?v=8L8hHPZbRf4
Pour autant, de toute évidence, cela reste beaucoup plus compliqué pour Dallas de créer de l’attaque quand Doncic n’est pas présent. En effet, le slovène parvient à écarter le jeu et garantit un nombre minimal de passes décisives par soir. Quand il n’est pas là, Brunson tente davantage de drives et endosse plus de responsabilité, mais a moins d’espaces sur le parquet, alors que Dinwiddie, pourtant capable de se créer son propre tir et dans les bons soirs de véritables coups d’éclats, peut se montrer brouillon et rappelle ainsi pourquoi il a du mal à se fixer en tant que meneur titulaire dans une franchise.
Déjà que Dallas est une médiocre équipe en ce qui concerne les passes décisives par match (25e de la Ligue), lorsque Brunson et Dinwiddie sont sur le terrain en même temps, ils ont du mal à impliquer pleinement leurs coéquipiers et choisissent bien souvent la solution individuelle. Une solution qui fonctionne, mais qui a ses limites. Sur la saison, Luka Doncic tourne en moyenne à 8,7 passes décisives par match. Alors que Brunson (4,8) + Dinwiddie, depuis qu’il est à Dallas (3,9), cela égale simplement le total du seul slovène. C’est trop peu, et cette capacité à impliquer offensivement le frontcourt sera un point clé de l’attaque des Mavs.
Si/quand Luka est présent, qui défend sur Doncic au Jazz ? Comment le gérer ?
Sauf mauvaise surprise, Luka Doncic est quand même censé revenir au cours de la série. Forcément une bonne nouvelle pour les Mavs, qui ne sont plus l’attaque complètement folle que l’on retrouvait sous Rick Carlisle en 2019-2020, mais qui restent tout de même capable d’être assez efficace pour remporter les ¾ des rencontres une fois le All-Star break passé. Dans cette optique, le fantasque et fantastique Doncic y est pour quelque chose, lui qui sait impliquer l’ensemble des joueurs présents sur le terrain et nous gratifier de passes décisives impossibles à destination de Kleber, Powell ou Finney-Smith.
https://www.youtube.com/watch?v=RiuwwjyBXy0
Si je ne vous apprends évidemment pas quel joueur génial Luka Doncic est, la véritable question devient : quelles individualités à Utah sont susceptibles de limiter sa phénoménale production ? Le Jazz a une moins bonne défense que les saisons précédentes (9e cette année au defensive rating), mais elle reste redoutable par séquences, car elle possède plusieurs armes pour gêner le slovène et l’empêcher d’exécuter son jeu si efficace. Tout d’abord, le premier rideau, pour lui casser les pieds, avec Mike Conley, qui est un défenseur correct. Ensuite, le deuxième rideau, des hommes de l’ombre qui peuvent être envoyés en mission comme Royce O’Neale, Danuel House Jr, Eric Paschall ou Rudy Gay. Là, nous sommes plutôt dans une optique de le fatiguer, d’essayer de le pousser à lâcher le ballon et de l’épuiser en vue du dernier quart.
Pourquoi ? Parce que c’est à cet instant qu’entre en jeu l’arme ultime du Jazz pour non plus gêner Luka Doncic, mais bien tenter de court-circuiter son génie : Rudy Gobert. On dit beaucoup que le Français a du mal face aux petits guards, qui le poussent ainsi à sortir de la raquette et le prennent de vitesse. Nous nous rappelons tous des difficultés qu’il a pu avoir par le passé en play-offs face à Harden, Murray ou Curry notamment. Doncic, malgré toutes les qualités qu’il dispose, n’est ni petit ni vif : c’est un meneur de grande taille qui mise plutôt sur sa vision du jeu élite et son incroyable sens du basket que sur ses qualités physiques et sa vitesse. D’autant plus qu’il est de notoriété publique que le slovène, en dépit de son savoir-faire en matière de clutch, a tendance à s’essouffler au fil de la partie : il score et distribue davantage en première mi-temps qu’en seconde, et il est souvent cramé dans le dernier quart-temps, à force d’endosser à lui seul toutes les responsabilités de son équipe.
C’est à ce moment-là que Rudy Gobert entre en jeu. Si le match est suffisamment serré jusque là, si le Jazz arrive à amener les Mavs dans un money time au couteau, attention pour Dallas ! C’est ce qui s’est passé le 26 février dernier, lors de l’affrontement entre le Jazz et Dallas. Dans une fin de match serrée, Rudy Gobert s’est mis en mission défensive sur Luka Doncic et l’a éteint. Ou si j’étais moins taquin, je dirais qu’il l’a grandement limité dans son impact habituel, avec du harcèlement, une mobilité surprenante, du combat homme à homme et en tenant le slovène sur ses appuis. Si la matchup semblait défavorable pour le tricolore, dans les faits, il n’en est rien. À Luka de s’ajuster en cas de fin de match tendue, car Gobert ne le lâchera pas : placement, lecture et compréhension du jeu, verticalité et mobilité, le pivot français a les atouts pour embêter le slovène sur séquences et lui rappeler qu’un mismatch est avant tout un concept théorique sur le papier, qui peut voler en éclats une fois sur le terrain.
https://www.youtube.com/watch?v=JrEpjtXILy8
Éviter l’aigle bicéphale californien est une bénédiction pour Doncic, qui n’a pas à se farcir l’infernale doublette extérieure Paul George et Kawhi Leonard pendant toute une série, mais se retrouver en bugne à bugne avec l’un des meilleurs défenseurs intérieurs de la Ligue et triple défenseur de l’année, ce n’est pas un cadeau non plus. Le pivot du Jazz n’est pas toujours apprécié à sa juste valeur, mais il est pétri de qualités défensives et ce n’est pas un intérieur lent, peu mobile et maladroit, comme Ivica Zubac par exemple, sur lequel Doncic aura à coup sûr l’avantage. À Rudy Gobert de faire mentir ses détracteurs sur la plus grande scène possible.
Assistera-t-on au réveil du grand Donovan Mitchell ?
Donovan Mitchell réalise une saison régulière de bonne facture. Si, je vous le promets. 26 points et 5 passes décisives par rencontre, cela rentre dans ma définition d’une saison réussie sur le plan individuel. Pour autant, un bon exercice ne signifie sémantiquement parlant ni une excellente saison individuelle, ni même une réussite collective. Autrement dit : avec son talent, Donovan Mitchell aurait quand même pu faire bien mieux au cours de la saison régulière.
D’autant qu’il y a les statistiques brutes, très honorables, mais qu’il convient de replacer dans leur contexte, et de se rappeler qu’elles ont été réalisées dans un collectif assez moyen. Ce même collectif que Mitchell a du mal à sublimer. En parallèle, nous avons tous remarqué ces dernières semaines que l’arrière star du Jazz éprouvait des difficultés à terminer ses rencontres. La statistique est sortie un peu partout : lors des derniers quart-temps, il a shooté à 29/96 dont 8/40 de loin depuis le All-Star break. Indigent pour un talent comme lui.
Maintenant que c’est posé, rappelons aussi et surtout que Donovan Mitchell est un homme de play-offs. Ses deux dernières campagnes à respectivement 36 (sur un tour) et 32 (sur deux tours) points de moyenne reviennent avec force dans un coin de nos têtes. Des cartons individuels certes, mais qui peuvent permettre de sortir son équipe de l’embarras. Il a tout à fait les compétences pour retrouver son meilleur niveau et montrer qu’il est le meilleur élément offensif de cette série, Luka ou non. Mieux encore, il le doit. Pour évacuer les doutes le concernant (est-il réellement un numéro 1 dans une équipe qui joue le titre ? Peut-il jouer et cohabiter avec Rudy Gobert ?), alors que le Jazz semble à une nouvelle désillusion près d’exploser ce groupe, il doit faire une grande série.
La défense des Mavs est de très bonne facture cette année, mais il s’agit plutôt d’un effort collectif que de l’œuvre d’un seul homme. Dit de façon moins polie : il n’y a théoriquement personne qui puisse arrêter un Donovan Mitchell à son meilleur niveau. Dinwiddie, Doncic et Brunson sont des défenseurs honnêtes, mais n’ont rien d’élite, tandis que les Bullock, Kleber ou même Finney-Smith, sans doute le meilleur d’entre eux, pourraient manquer de vivacité face au lutin du Jazz. Dès lors, Mitchell disposera d’une grande partie des clés de l’attaque de Utah et par extension de cette série : son talent individuel arrivera-t-il à prendre le pas sur le collectif des Mavs ? S’il est bien défendu, aura-t-il la lucidité de réaliser des décalages dans le bon tempo à destination de Conley, Gobert, O’Neale ou Bogdanović ? Ou bien est-ce qu’il s’entêtera dans des tirs compliqués et son numéro de soliste ?
Que Mitchell fasse du Superman sera l’une des premières conditions d’une série victorieuse du Jazz, car Utah aura besoin de son agressivité au scoring, mais il lui faudra impliquer davantage Rudy Gobert offensivement. Sans manquer de respect à Dwight Powell, Maxi Kleber ou à Boban Marjanovic, ils ne sont pas des intérieurs que l’on pourrait qualifier de dominant. Gobert ne dispose pas d’une quantité incroyable de moves offensifs dans sa boîte à outils, mais il est un excellent rebondeur, sait poser des écrans offensifs, libérer de l’espace pour ses coéquipiers, puis a de bonnes mains pour servir autour de lui et une finition létale au cercle.
Un pivot en 15 points et 15 rebonds de moyenne se doit d’être davantage servi et mieux utilisé dans une série où il peut dominer sous les cercles. Si Conley, Clarkson et surtout Mitchell le comprennent, la défense des Mavs aura bien du mal à l’empêcher de scorer et de gober des rebonds.
Qu’attendre de cette série ?
Le facteur X de cette série est forcément la présence ou non de Luka Doncic. Le moment de son retour est attendu, car potentiellement décisif pour le dénouement de cette série. En attendant, l’attaque du Jazz offre quand même plus de garanties théoriques que celle des Mavs, ce qui place ainsi la franchise de l’Utah en légère favorite.
Des deux côtés, l’alternance offensive et la rigueur défensive seront scrutées. Brunson et Dinwiddie sauront-ils impliquer tous leurs coéquipiers et ainsi faire circuler la balle au mieux ? Le Jazz aura-t-il un plan B si leur avalanche de bombes derrière l’arc ne tombe pas dedans ou les leaders offensifs s’entêteront-ils dans un plan A qui ne fonctionne pas ? Finney-Smith peut-il tenir le duel sur Mitchell ? Combien de possessions Gobert pourra mettre à mal Luka Doncic ?
Cette série est incertaine de son premier match à son issue, mais le Jazz semble offrir un poil plus de certitudes, car leur effectif est au complet et, quoi qu’on en pense, ils se connaissent par cœur. Ce serait ainsi la voie de la raison. La magie, en revanche, est du côté des Texans. Plus précisément, elle est entre les mains d’un certain Luka Doncic.
Match up
Utah Jazz : 60 %
Dallas Mavericks : 40 %
Merci pour l article,
le fan des mavs que je suis n’es pas forcément d accord sur tout mais j ai eu plaisir a le lire.
Bonne continuation