Cette saison, la conférence Est est à la fête et nous offre pléthore de séries d’envergure dès le premier tour. Au premier rang desquelles, cet affrontement entre les Philadelphia Sixers et les Toronto Raptors.
Les Sixers ont fière allure en arrivant dans cette post-saison, et si l’effectif est loin d’être sans faiblesse, il peut se targuer d’un quatuor 5 étoiles avec James Harden, Joël Embiid, Tobias Harris et Tyrese Maxey.
En face, les Raptors ont de quoi bomber le torse. Alors que beaucoup les voyaient encore dans une saison de transition, ils affichent déjà un effectif qui brille par sa profondeur et sa densité physique.
Sur ce, je vous propose un détour sur plusieurs aspects stratégiques à suivre dans cette série.
Le contrôle du P&R Harden – Embiid
Lors de leur dernier affrontement, les Raptors se sont présentés sans Fred Van Vleet et OG Anunoby. Ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas accroché la victoire. Avec leur effectif grand, long, physique et capable de faire du switch dans tous les sens, peu d’équipes souhaitaient croiser le fer des canadiens dès le premier tour.
Philadelphia écope donc de la corvée et va devoir s’appuyer sur sa paire Harden-Embiid pour créer du jeu. A vrai dire, il ne fait nul doute que ce fer de lance sera productif pour les Sixers. Néanmoins, c’est autour de cette colonne vertébrale que plus de questions subsistent. Dès lors, la question qui se pose pour les Raptors, c’est de savoir dans quelle mesure ils peuvent limiter cette connexion… Pour faire la différence ailleurs.
La clé pour eux semble d’accepter le scoring de Joël Embiid. Le camerounais s’est montré implacable toute la saison et continuera d’écraser ses opposants. D’autant que le seul pivot de formation dont dispose Toronto (Precious Achiuwa), ne fait pas réellement le poids face au monstre physique qu’est Embiid.
En revanche, empêcher James Harden d’obtenir ses points semble beaucoup plus abordable. Le barbu est toujours un playmaker de premier ordre et un shooteur qu’on ne peut laisser ouvert. Mais, de toute évidence, ses changements de vitesses ne sont, eux, plus aussi meurtriers que ce que l’on a connu. La faute à des ischios capricieux ? Il semblerait. Résultat, si l’équipe laisse de la marge à Embiid pour resserrer sur Harden, ils compliquent ses tirs et privent Philly d’une production bienvenue.
Alors, on peut se dire que la mauvaise nouvelle, c’est que demeurent Harris ou Maxey. Oui, d’une certaine manière. Reste que l’équipe peine encore à trouver les solutions pour tirer pleinement profit de son quatuor. Et donc que l’attaque est finalement assez décevante par rapport à ce qui semble envisageable.
Toronto et la bonne formule
Nick Nurse n’a pas attendu longtemps pour se faire une réputation en NBA. Dès sa première saison, il s’est montré enclin à maintes tentatives de schémas défensifs. Récompensé par un titre, on sait déjà qu’il saura proposer des adaptations constantes au cours de la série.
Lors de leur dernier match face à la formation de Pennsylvanie, les Raptors ont d’abord tenté d’utiliser leur potentiel physique pour proposer une défense basée sur de nombreuses aides. Mais l’excès de mouvement que cela générait en défense donnait toute la liberté à Harden de naviguer et d’offrir des positions à ses coéquipiers. Sans vraiment forcer son talent, le joueur n’a connu aucune difficulté en premier quart temps pour trouver des tirs ouverts pour les Sixers. Et une fois de plus, Toronto prenait l’eau en ouverture de match sous une pluie de tirs faciles.
Il va sans dire que les 15 passes décisives distribuées par Harden n’étaient pas anodines. The Beard continue de donner du grain à moudre aux siens. Sa connexion avec Tyrese Maxey est d’ailleurs cruciale dans cette série. Le jeune arrière des Sixers s’est immédiatement mué en bête du catch&finish depuis l’arrivée de James Harden. Transformant le duo attendu en trio capable de scorer de toutes les positions, il devra maintenir sa production et son agressivité pour soulager ses coéquipiers pour sa seconde campagne de Playoffs.
Après une courte période où ils ont tenté de défendre le Pick&Roll Harden-Embiid sans impliquer leur pivot (chargé de laisser le moins d’espace possible à Joël), l’évidence vint : mieux valait accepter le scoring du camerounais et offrir un combat plus difficile à l’arrière. En effet, dans ce type de situations, l’absence d’utilisation de l’intérieur (ici Khem Birch) forçait des aides qui libéraient les shooteurs (et permettaient à Green d’enchaîner deux 3pts assassins pour ouvrir le 3e QT).
Grâce à un grand nombre de joueurs interchangeables, longs et mobiles, les Raptors représentent un véritable challenge pour les Sixers. Et de fait, dès que Nick Nurse a lancé la phase de switch, les choses se sont compliquées pour l’adversaire. Particulièrement pour Harden, dont la production au scoring est cruciale et qui a eu toutes les peines du monde à s’ouvrir des tirs face à Achiuwa, Boucher et autres intérieurs capables de rester face à l’arrière.
Achiuwa, qui aurait dû être un mismatch pour Toronto s’avère capable d’encaisser des séquences d’isolation face à cette version de James Harden. Mais c’est également le cas d’autres joueurs des Raptors : Boucher, Barnes ou Anunoby. Cette longueur couplée à des qualités athlétiques va donc compliquer la vie de l’arrière dès lors que viendra l’heure de scorer. Et le switch, comme dans la séquence suivante, paraît donc l’option la plus prometteuse pour Toronto.
Encore une fois, James Harden n’est plus aussi rapide et explosif : et ça se voit. A partir du moment où on sait qu’associer les deux joueurs est une clé pour les Sixers, c’est un problème. Et si le pull-up ne se met plus à rentrer, alors la série pourrait vite se compliquer pour Philadelphie…
Le banc des Raptors facteur de différence ?
Peut-être est-ce réducteur de résumer ceci à une bataille des bancs. On sait que les coachs mixent les rotations pour éviter de laisser un banc affronter celui de l’adversaire, le but étant de tirer profit au maximum des qualités de ses joueurs majeurs.
Pour autant, en filigrane, nous l’avons évoqué dans la partie précédente : difficile pour les Sixers de scorer autour de son duo/trio. Particulièrement quand effectivement, les joueurs venus du banc entrent en jeu. Le banc perd généralement assez largement ses minutes depuis l’échange pour James Harden. Et cette réalité a été largement médiatisée et est bien connue des fans.
Sur les 25 derniers matchs, le banc des Sixers a le montant de minutes le plus faible de la ligue. C’est aussi le banc le moins productif au scoring (26,2pts par match).
Bonne nouvelle relative pour la bande de Doc Rivers, celui de Toronto est également parmi les moins productifs de cette fin de saison. Avec 31,2pts par match (25 derniers matchs également), le banc des Raptors a légèrement redressé la barre en fin d’exercice, lui qui est le pire de la ligue sur l’ensemble de l’année.
Pourtant, réussir à tirer profit des minutes sans certains cadres va être crucial pour les Canadiens. D’autant qu’à domicile, les lois en vigueur autour de la vaccination empêcheront Mathysse Thybulle de prendre part aux rencontres pour Philly, rognant d’autant plus la faible profondeur des visiteurs. D’un côté, Toronto manque de personnel pour prendre en charge le scoring malgré la présence de joueurs au profil défensif très intéressant. De l’autre, chez les Sixers, la rotation est très légère : manque de capacité de création sur les lignes extérieures et tendance de Doc Rivers à forcer sur les vétérans (DeAndre Jordan, Paul Millsap), quand des jeunes comme Paul Reed ou Isaiah Joe auraient pu apporter de la densité physique.
Dès lors, il va falloir observer les décisions de ces deux hommes pour voir qui tirera le mieux profit de ce vide au relais des titulaires…
Le coaching, l’arme canadienne
Finalement, si les stars sont du côté des Sixers, malgré un Pascal Siakam étincelant en fin de saison, la vraie différence pourrait se faire par les bancs.
D’un côté, un des coachs les plus inventifs de la ligue, capable d’ajustements permanents. De l’autre, un des coachs les plus décriés et qui manque souvent à sa fonction une fois en post-saison. Alors que Toronto excède les attentes, Rivers excède, tout court. Malgré le renfort d’Harden, ses rotations sont parfois terribles et dans une bataille tactique où pourrait se jouer la différence, on peut effectivement voir la présence de Nick Nurse comme une force difficile à évaluer mais un avantage notable pour les Raptors. Des schémas imaginatifs et des bonnes connexions offensives pourraient faire la différence pour clôturer les rencontres.
Lors de la dernière rencontre entre les deux équipes, les écrans de Gary Trent Jr. et Pascal Siakam ont fait la différence pour Toronto. Ces séquences permettent de profiter de la triple menace que représente chaque joueur.
Elles ont donc autant permis à Trent Jr de se libérer en fin de rencontre en restant actif sans ballon que de s’ouvrir des tirs grâce à la gravité d’un Siakam étincelant dans la rencontre (37pts, 10rbds, 12asts) :
L’an passé, les Sixers n’ont pas semblé capables de répondre à une équipe des Hawks pourtant inférieure en talent. L’absence de choix forts a marqué la série. Il en fut de même pour l’ancienne équipe du Doc il y a deux ans où, ses choix tactiques alors qu’il était encore aux Clippers, ont sans aucun doute permis aux Nuggets de revenir… pourtant menés 3-1. Bref, si la série venait à s’éterniser, il y aurait des raisons de douter pour son équipe, bien que le talent demeure de son côté.
Qu’attendre de cette série ?
Nous risquons de voir un premier tour serré entre ces deux équipes. Nous sommes dans les deux cas, sur des rosters qui dépendent d’un nombre réduit de joueurs. Alors que nous ne devrions pas voir des rotations extrêmement raccourcies (7 joueurs), certains joueurs, si appelés par leurs coachs, peuvent prétendre à être des non-facteurs voire des facteurs négatifs pour leurs équipes.
Côté Toronto, il y a moult options à l’intérieur, bien qu’aucune ne pourra vraiment limiter l’impact de Joël Embiid poste-bas. En revanche, ils vont se relayer pour proposer une défense de qualité. Le manque proviendra plutôt à la création offensive où beaucoup dépendra de Fred Van Vleet, Gary Trent Jr, Pascal Siakam et de l’inventivité du coaching staff. Si Dalano Banton a été une belle surprise pour Toronto, il reste une option très légère, alors que plusieurs joueurs ont fait office de déceptions à la mène. Et cela pourrait être préjudiciable face à une équipe qui possède également de très bons défenseurs.
Côté Sixers, il faudra éviter l’écueil une fois Embiid sur le banc. Globalement, le 5 de départ devrait gagner ses minutes sur l’ensemble de la série. La difficulté, c’est de réellement exploiter le groupe à disposition. Or, à l’orée des Playoffs, Tobias Harris n’a toujours pas trouvé sa place dans l’effectif et les minutes passées avec le banc ne suffisent pas à débloquer son jeu. Puisque Philly continue de gâcher des avances, on pourrait encore voir des scénarios catastrophes.
Bref, si les Canadiens ne font pas office de favoris, que les stars sont du côté de Rivers, la série me paraît beaucoup plus indécise que ce qui peut être annoncé. Toronto est élite défensivement et joue sans réel pivot. C’est un problème pour les extérieurs alors qu’Harden, encore gêné par ses adducteurs, est à la peine tant quand il s’agit de shooter, que dans ses déplacements. Dans le même temps, oui Embiid va dominer, mais il ne peut pas se permettre de concéder autant de pertes de balles que lors du dernier match (5). Malheureusement, on sait que c’est une facette de son jeu encore en proie à de réelles lacunes.
En somme, bien que la raison devrait pousser à voir en l’équipe qui possède un solide prétendant MVP le favori, une équipe des Raptors (si) en bonne santé me paraît avoir toutes ses chances.
Match-up
Philadelphia Sixers : 55%
Toronto Raptors : 45%