La saison 2021-2022 arrive bientôt à son terme et certaines équipes se sont montrées décevantes. Parmi elles, les Atlanta Hawks. Après une deuxième partie de saison 2020-2021 très surprenante, les attentes avaient été revues à la hausse pour la saison suivante. À l’heure des comptes et alors que le Play-In ouvre ses bras à l’équipe géorgienne, intéressons-nous à quelques raisons qui peuvent expliquer que le miracle de 2021 ne s’est pas reproduit cette saison.
Une saison 2020-2021 en deux volets
Avant de plonger sur la comparaison avec la saison actuelle, revenons dans un premier temps sur la saison précédente.
Après 3 années de reconstruction sous l’ère Travis Schlenk, les Hawks avait décidé de prendre les devants à la Free Agency 2020 et d’enfin jouer la gagne. Avec un Young Core talentueux, regroupant Trae Young, John Collins, Kevin Huerter, De’Andre Hunter et Cam Reddish, le GM d’Atlanta avait décidé de compléter son effectif avec des joueurs confirmés de qualité. Entre Capela (arrivé pour une bouchée de pain 6 mois plus tôt), Gallinari et Bogdanovic, cette équipe avait tout ce qu’il fallait pour viser les Playoffs sur le papier.
Malgré tout, la greffe n’a pas pris sous les ordres de Lloyd Pierce. En dépit de l’arrivée de Nate McMillan dans le coaching staff, dont on voyait l’influence dans les systèmes de LP, l’ancien assistant des 76ers ne faisait pas l’unanimité. Entre tensions dans le vestiaire, mauvaises rotations (notamment dans les 3e QTs) et absence de coaching en fin de match, Schlenk n’a eu d’autre choix que de se séparer de l’homme à qui il avait fait confiance depuis le début de la reconstruction. (Soulignons par ailleurs que le bilan de LP n’est pas uniquement négatif et qu’il a été capable de former et faire progresser les jeunes joueurs du projet durant les 3 ans et demi au cours desquels il a été à sa tête.)
Le 1er Mars (soit le lendemain de la fin du Mois de Commémoration de l’Histoire Afro-Américain, symbolique cocasse qui avait été prise en compte par la Franchise pour retarder son limogeage), Pierce est remercié et remplacé par son assistant. Dès lors, tout change. D’un bilan de 14 victoires pour 20 défaites, les Hawks effectuent un 27-11 sur la fin de saison, sécurisant la 5e place à l’Est.
Les Playoffs 2021 d’Atlanta ont eux aussi été couronnés de succès, puisqu’ils se sont invités en Finales de Conférence après avoir corrigé New York et surpris Philly, ne s’écroulant que face aux futurs Champions NBA.
Après un tel parcours, une alchimie semblait être née et les Hawks avaient l’occasion de parier sur la continuité de leur groupe pour la première fois depuis 2015. Les critiques à l’encontre de Trae Young s’étaient muées en enthousiasme et presque tout le monde voyait Atlanta capitaliser sur cette belle fin de saison pour s’installer dans les hauteurs de l’Est.
Un Trae Young plus fort que jamais
Avant de plonger dans le vif du sujet, il est d’abord important d’écarter une piste : Trae Young signe actuellement sa meilleure saison en carrière, il n’est pas la raison du mauvais visage de son équipe.
Lors de son année 3, Trae n’avait pas été flamboyant. Entouré convenablement pour la première fois de sa carrière, le meneur d’Atlanta n’avait pas été All-Star et cela à raison : sa production, son jeu et son bilan au moment des votes, tout était décevant. Il s’est certes rattrapé en fin de saison, mais la version 2020-2021 des Hawks était avant tout un collectif qui fonctionnait.
Cette saison, la donne est différente. Trae Young réalise tout simplement sa meilleure saison en carrière. Compilant 28 points et 9.6 passes par match, il a retrouvé une production comparable à sa saison Sophomore (29.6 points et 9.3 passes) tout en ayant ses meilleurs pourcentages en carrière.
Avec presque 46% de réussite au tir et plus de 38% de loin, il est difficile de dire qu’il “croque” encore, comme il avait pu le faire durant les saisons précédentes. Si tous ses tirs ne sont pas optimaux pour un joueur NBA moyen, il fait partie de ceux qui ont des passe-droits, puisque certains tirs compliqués sont en fait des bons tirs pour lui. On pense naturellement à ses tirs de 9m, mais il faut aussi évoquer l’évolution de son tir à mi-distance parce qu’avec 51.7% de réussite dans les zones intermédiaires il est le 5e joueur le plus efficace à cette distance (au moins 1FGM/match et 20 matchs joués). Si certains de ces tirs sont des flotteurs relativement proches du cercle, il est tout de même à 50.3% de réussite sur les long-2 avec 2.5 tentatives par match (5 à 7 m).
Avec un tel niveau de la part de leur Franchise Player comparé à sa saison précédente en demi-teinte, il est surprenant de constater que les Hawks battent de l’aile.
Un supporting cast dont la magie s’est envolée
Autour de Trae Young, on peut identifier 6 joueurs qui symbolisent la continuité avec la saison précédente : John Collins, Clint Capela, Bogdan Bogdanovic, Kevin Huerter, Danilo Gallinari et De’Andre Hunter. En dehors de John Collins et de Gallo (qui est le même joueur inconstant que l’an dernier), tous font une saison moins bonne que la précédente.
Capela a troqué son 15 points / 14 rebonds pour un 11/12 plus timide. On le voit d’ailleurs plus fréquemment bousculé au rebond, concédant des rebonds offensifs à l’équipe adverse de manière plus récurrente (s’il faut l’illustrer par une statistique : -2.7% de TRB%).
Bogi a lui aussi perdu en consistance. Par séquence la saison dernière, il montrait une défense sur l’homme très satisfaisante, alors qu’actuellement il concède ses face-à-faces. Au tir, il n’a pas réussi à être sur un nuage à l’image de sa deuxième partie de saison 2020-2021 (-7.8% de réussite de loin) alors qu’il avait été le Facteur X de cette épopée.
Huerter ne réalise pas une saison statistiquement mauvaise, mais on le retrouve limité en défense et notamment sujet à des sautes de concentrations alors qu’il était consistant et plus que correct de ce côté du terrain l’an dernier (il est passé de +0.4 Defensive Box Plus/Minus à -1.0).
Enfin, Hunter n’est plus que l’ombre de lui-même. Sa défense n’est plus aussi exceptionnelle que l’an dernier. En attaque, malgré des meilleurs pourcentages de loin, il est devenu presque incapable de poser un dribble alors qu’il avait surpris tout le monde avec son évolution offensive en début de saison 2020-2021. Notons quand même qu’à cause de sa longue blessure au ménisque du genou droit, son impact dans le miracle de 2021 est limité.
Si tous ces joueurs ont semblé régresser alors qu’aucun d’entre eux n’est réellement en train de décliner à cause de son âge, c’est qu’il y a forcément eu un changement dans l’environnement où ils évoluent.
Un changement d’état d’esprit et une saison prise à la légère
La première piste pour expliquer cette régression est celle du mental.
Dans un premier temps, le changement de coach a donné un coup de boost salvateur à une équipe qui était en perdition l’an dernier. La prise de pouvoir de McMillan a été un déclic qui a permis aux joueurs d’Atlanta, et notamment Bogdan Bogdanovic, de se sublimer. Tandis que Lloyd Pierce avait créé une atmosphère anxiogène dans le vestiaire, McMillan est arrivé comme un coach d’expérience capable de motiver ses joueurs et de les recentrer sur leur objectifs. Ce boost de moral n’a sans doute pas été étranger à la bonne fin de saison des Hawks, d’autant que la confiance s’est rapidement accumulée avec un calendrier abordable dès sa prise de fonction, commençant avec 8 victoires de suite.
Cet aspect moral pris en compte, il n’est pas absurde de penser que les Faucons étaient en surrégime l’an dernier, au moins en ce qui concerne le Supporting Cast. Ce rythme effréné a été tenu jusqu’aux Finales de Conférence, avant que l’intersaison n’y mette fin.
Dans un deuxième temps, si le rythme et la forme globale de l’équipe n’a pas été prolongé après l’Été, la confiance du groupe était, elle, restée très haute. Après avoir goûté aux Playoffs, les Hawks voulaient déjà en reprendre une part, sans même penser à la Régulière. Certaines déclarations alarmantes de ces joueurs ont laissé comprendre que les 82 matchs avant la post-season n’étaient qu’une formalité. Après une série de 6 défaites contre des grosses cylindrées en début de saison qui pouvaient être un déclic nécessaire, les Hawks ont répondu par une série de 7 victoires. Mais Atlanta n’a pas pu capitaliser dessus puisque le COVID a happé l’effectif sur le mois de décembre.
Ainsi, les hommes de McMillan ont mené une Régulière moyenne et comme prise au piège dans un faux-rythme d’un point de vue collectif. Depuis début 2022, Atlanta c’est 22 victoires pour 18 défaites, des résultats décevants mais pas catastrophiques. Cette espèce de statu quo, n’étant ni bon ni mauvais, a semblé murer le groupe dans une forme de mutisme où personne n’avait la hargne pour provoquer un déclic dans l’équipe, pas même McMillan.
Une approche tactique différente
Si la hargne et l’envie manquent à l’appel cette saison en Géorgie, ce n’est pas la seule chose qui a changé. En effet, Nate McMillan a changé de recette en cours de saison sans que l’on sache réellement pourquoi.
La deuxième partie de saison précédente s’est construite autour de deux piliers tactiques bien distincts : le mouvement en attaque et l’acceptation des drives en défense.
Concernant le mouvement, l’objectif était de systématiquement chercher un joueur ouvert et de garder la balle en vie. Les Hawks n’avaient pas peur d’enchaîner les passes et de chercher des décalages. La balle était partagée, notamment quand Trae sortait du terrain. On voyait aussi beaucoup plus de jeu sans ballon que cette saison, secteur dans lequel Bogi excellait. Enfin, le Pick and Roll était une arme de destruction massive avec laquelle Trae privilégiait la recherche de son Rollman, mais elle n’était pas vu comme un tout autosuffisant et elle était déclinée sous de multiples formes, faisait des Hawks 2021 une équipe avec un registre de jeu collectif plutôt créatif.
Exemple-type de système travaillé que l’on voyait de temps à autre l’an dernier, même en Saison Régulière. Ceux-ci ont totalement disparu cette saison.
En défense, les extérieurs d’Atlanta avaient pour consigne de coller leur joueur pour contester au maximum les tirs à 3 points, quitte à accepter de se laisser dépasser en cas de drive. L’objectif était d’attendre une aide dans la raquette si le joueur adverse passait l’épaule. Cette approche était terriblement efficace l’an dernier et elle était en partie la raison qui expliquait la bonne saison de Clint Capela. Cela a aussi permis à Atlanta d’être la 3e meilleure défense à 3pts de la Ligue, restreignant leurs adversaires à 34.9% de loin.
Cette formule fonctionnait bien et on l’a en partie retrouvée en début de saison, mais la greffe n’a pas pris. En attaque comme en défense, tout le supporting cast a mal démarré sa campagne 2021-2022. Si les préceptes tactiques sont restés les mêmes pendant un mois sans réel succès, McMillan a été contraint de s’adapter à cause du COVID. Lors d’un épisode de la saison où Atlanta comptait dix 10-days contracts dans son effectif, Nate a dû simplifier sa recette : fini le mouvement de balle, Trae est le maître à bord. Pareillement, en défense les joueurs se sont mis à jouer beaucoup plus en aide. Résultat, une avalanche de 3 points concédés parce que les joueurs sont en retard sur les closeouts.
Le problème, c’est que pendant plus de 2 mois, les Hawks ont joué un jeu contre-nature. La formule qui leur a permis de déplacer des montagnes l’an dernier a été abandonnée en cours de route. Néanmoins, on trouve encore certaines traces de cette approche actuellement, notamment quand Trae n’est pas sur le terrain. Mais dès que leur Franchise Player foule le parquet, le Supporting Cast a tendance à se mettre en retrait, peut-être par peur d’être moins efficace que s’ils lui laissaient la balle. Défensivement, les joueurs n’ont plus la même envie et la comparaison avec le niveau défensif de la saison dernière fait très mal.
La Trae-dépendance actuelle est contre-productive. La saison dernière, le génie créatif de Trae était sublimé par une approche collective qui proposait des solutions, des décalages et des initiatives personnelles. Cette saison, Trae n’est plus la pièce maîtresse d’un système mais le système dans sa globalité, comme durant ses deux premières saisons NBA. La conséquence est frustrante : en dépit d’une version de TY deux crans plus fortes qu’en 2021, les résultats collectifs ne sont pas à la hauteur.
Vers les Playoffs une nouvelle fois ?
Malgré ce portrait peu reluisant du jeu d’Atlanta, ceux-ci sont encore en lice pour décrocher un ticket pour les Playoffs via le Play-In Tournament. En l’état, les Hawks sont loin de présenter un visage laissant penser qu’ils pourraient récidiver leur exploit durant cette post-season. On ne peut pas prévoir ce qu’il se passerait s’ils y allaient, mais les rater pourrait paradoxalement être une excellente nouvelle.
Cette saison 2021-2022 a été un long chemin de croix pour les Hawks, subissant aussi bien la mauvaise approche tactique que leur manque d’envie en Saison Régulière. Rater le graal qu’ils attendent depuis un an pourrait être un déclic pour Trae Young et ses jeunes coéquipiers. Après avoir goûté aux Playoffs, ils s’y voyaient tellement qu’ils ont fait preuve de suffisance, et nul doute qu’un tel échec serait une véritable leçon pour eux.
Quoiqu’il en soit, le projet géorgien est encore loin d’être abouti et l’effectif compte encore de nombreuses lacunes, notamment à la création. Là où l’approche collective et le surrégime du Supporting Cast avait permis de faire illusion l’an dernier, il est maintenant évident que Trae a besoin d’un joueur capable de créer ses propres points à côté de lui. Si Trae Young est un système en soi, il manque encore cette folie capable de rendre les Hawks imprévisibles en proposant une alternative à la Trae-dépendance. Ce rôle, Bogdanovic tente de l’endosser, mais le costume est trop grand pour lui. Lorsque l’on regarde les statistiques sur isolation, il est le seul à inscrire plus d’un point par possession (1.12PPP) mais ses fréquences sont faibles (8.2%) pour un joueur qui doit être une deuxième option offensive balle en main, d’autant que la majorité de ces ISO sont le résultat d’une mismatch. On est donc loin d’un scoreur qui pourrait être une deuxième option autonome.
Même si on peut se rendre facilement compte de la nécessité de cette deuxième option, la jurisprudence 2021 pourrait laisser penser qu’il n’est pas forcément obligatoire. En vérité, le seul réel problème qu’il y aurait à rater les Playoffs serait peut-être de ne pas avoir la certitude absolue que Trae ne pas être l’Alpha et l’Oméga d’une équipe. Le cas échéant, Travis Schlenk pourrait être moins décomplexé cet Été s’il avait l’opportunité d’aller chercher un joueur calibre All-Star, et donc manquer l’opportunité de passer un nouveau cap. Travis Schlenk est un GM qui a pris énormément de bonnes décisions mais qui a peut-être trop eu tendance à pécher par prudence, en témoigne ses aveux sur l’intersaison 2019, durant laquelle il n’avait pas prévu l’explosion de Trae Young, ou la réticence qu’il a eu à se séparer de Lloyd Pierce.
La recherche de cette deuxième option devrait être l’arc majeur de cette intersaison 2022 du côté de la Géorgie et son acquisition pourrait permettre d’éviter autant de déconvenues en Saison Régulière à l’avenir. Espérons pour Atlanta qu’ils ne ratent pas le coche.